Face au couillonavirus, il faut raison garder

Cet article aurait fort bien pu s’intituler « la froideur des chiffres ». L’époque étant aux manipulations émotionnelles, j’ai pensé qu’il était de salubrité publique de présenter sous une forme graphique et aussi lisible que possible quelques données incontestables, à produire à tous les covidistes plus ou moins modérés qui sont prêts à appeler la police (ou à la faire eux-mêmes) dès qu’ils voient l’amorce d’une narine émerger d’un masque. À tous ceux qui arrêtent de vivre à force d’avoir peur de mourir. Et bien sûr, à nos gouvernants qui prennent pour notre bien des mesures qui font passer la Corée du Nord pour le pays de la douceur de vivre.

 

 

Les données, c’est bien mais ça se manipule, ça s’interprète en fonction du message que l’on veut faire passer. On l’a vu avec les chiffres des morts de la COVID-19, bien plus souvent des morts avec la COVID-19, puisque même l’administration américaine des Centers for Disease Control reconnaît très officiellement que pour seulement 6 % des morts « classifiés COVID-19 » aucune autre cause n’était indiquée. Cela fait quand même 94 % des morts estampillés COVID-19 aux USA qui avaient d’autres raisons de mourir.

Grâce aux efforts pédagogiques de médecins et chercheurs intègres, tout le monde a également compris aujourd’hui que l’envolée « exponentielle » de l’épidémie depuis la fin de l’été n’était qu’une envolée de « cas positifs », pas de malades, et que parmi ces cas beaucoup n’ont absolument aucune signification clinique, les tests étant à la fois imparfaitement spécifiques (il leur arrive de réagir à autre chose que ce à quoi ils devraient) et trop sensibles (poussée au maximum, la technique est capable de détecter des traces ne présentant plus aucun danger).

Oui, mais quand même, meugleront les covidés, on a connu une hécatombe en mars et avril, et il ne faudrait pas que ça recommence par la faute de dangereux laxistes prêts à sacrifier leur prochain pour le plaisir éphémère d’aller mater des matchs de foot entre potes au bar en éclusant des bières. Ah bon, une hécatombe d’ampleur inconnue en temps de paix, en êtes-vous sûrs ? La France n’a donc jamais connu de pareille crise sanitaire dans son histoire récente (depuis la Deuxième Guerre mondiale, pour faire simple) ? Vérifions-le, pour voir.

Afin de s’affranchir au maximum des manipulations possibles, voire des aléas des classifications, toujours imparfaites et éventuellement changeantes au cours du temps et des modes, intéressons-nous seulement au nombre total des décès en France, que par chance nous pouvons consulter sur le site de l’INSEE. Car après tout, si une crise sanitaire est aussi inédite qu’on le prétend, au point qu’un croque-mort officiel se soit senti obligé de venir nous informer quotidiennement des monceaux de cadavres qui encombrent les morgues, cela doit se voir dans la mortalité générale d’une population.

L’INSEE propose des séries chronologiques annuelles ou mensuelles, concernant la France métropolitaine ou étendue à l’outre-mer. Seule la France métropolitaine est concernée par les séries les plus longues, remontant jusqu’en janvier 1946 et se terminant – au moment où je rédige l’article – en août 2020. On peut même tracer soi-même des courbes à l’aide de l’outil interactif disponible ; attention toutefois à bien les interpréter : l’échelle des ordonnées est automatique et ne fait pas apparaître le zéro, ce qui tend à rendre visuellement les fluctuations de mortalité plus importantes qu’elles ne sont. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de télécharger les données afin de tracer moi-même des courbes.

Commençons par un graphe de la mortalité mensuelle pour ces quatre dernières années :

 

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Décès mensuels en France métropolitaine de 2016 à août 2020

 

La crise sanitaire de la COVID-19 est nettement visible, en mars et avril 2020… mais sa mortalité n’apparaît pas vraiment incommensurable avec celle de l’hiver 2016-2017, qui avait connu une sévère épidémie de grippe. Et pour être précis, la mortalité en avril 2020 (pic de l’épidémie) est même inférieure à celle de janvier 2017 ! Voilà une devinette à placer dans les conversations entre collègues : « À ton avis, est-ce qu’on a eu plus de morts par mois en France (toutes causes confondues) au maximum de l’épidémie de grippe pendant l’hiver 2016-2017 ou au maximum de l’épidémie de COVID-19 ? » Vous pouvez parier quelque chose, et me reverser 10 % de commission.

Continuons à dézoomer pour reculer jusqu’au début de notre siècle :

 

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Décès mensuels en France métropolitaine de 2000 à août 2020

 

La succession plus ou moins régulière des pics se poursuit, la mortalité étant toujours plus élevée en hiver… à l’exception de l’année 2003 où une canicule a raboté la pyramide des âges comme lors de notre crise sanitaire récente, avec cette fois un pic en août. Les hivers 1999-2000 et 2008-2009 (ainsi que 2014-2015, avec un pic moins haut mais plus large) ont bien vu une surmortalité assez forte mais ni l’hiver 2016-2017 ni la pandémie covidienne ne sont battus.

Pour voir des choses plus intéressantes, il faut dézoomer encore. Reculons carrément jusqu’au début de la série, soit le mois de janvier 1946 :

 

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Décès mensuels en France métropolitaine de janvier 1946 à août 2020

 

Là, cela commence à devenir intéressant ! On constate en effet que jusqu’aux années 1970, la mortalité hivernale pouvait avoir des sautes d’humeur parfois violentes. En prenant pour bases de comparaison les mois de mars et avril 2020 (61 500 et 65 700 morts, respectivement, soit un peu plus de 2 000 par jour en moyenne), j’ai noté sur le graphe tous les mois qui dépassaient 61 500, d’abord sur fond jaune clair comme mars 2020, puis jaune foncé si le chiffre dépassait celui d’avril 2020, puis rose si les 70 000 morts étaient dépassés (avec la célèbre « grippe de Hong Kong » apparue en 1968 et ragaillardie en 1969), et enfin rouge pour le mois de janvier 1949, avec 87 961 morts soit un tiers de plus qu’en avril 2020…

Il apparaît donc clairement que rien ne permet, dans une approche rationnelle, de faire paniquer une population, de l’assigner à résidence ou de la museler (mesures de toute façon sans base scientifique dans une optique sanitaire) en raison des dangers que ferait courir le nouveau virus. La France en a vu d’autres, et ne s’est pas arrêtée de travailler, de bouger ou de vivre pour autant.

Mais, soyons un peu plus rigoureux… est-il bien raisonnable de comparer des chiffres bruts de mortalité sur 75 ans dans un pays qui, dans l’intervalle, a vu sa population sensiblement augmenter ? Eh bien… non. Pour que la comparaison ait tout son sens, il faut au minimum raisonner à population constante, un peu comme lorsqu’on raisonne « en dollars constants » pour parler de l’évolution du prix du baril de pétrole. Qu’à cela ne tienne : consultons les chiffres de la population française (métropolitaine, puisque notre série ne concerne pas l’outre-mer) et corrigeons les chiffres bruts de mortalité en les ramenant à la population de 2020 [1]. On obtient alors une nouvelle courbe nettement plus spectaculaire, sachant qu’en 1946 il n’y avait que 42 millions d’habitants en France métropolitaine contre 65 millions aujourd’hui, soit 55 % de plus :

 

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Décès mensuels en France métropolitaine de janvier 1946 à août 2020, en chiffres bruts (courbe rose) et ramenés à la population de 2020 (courbe violette). Les valeurs supérieures à 100 000 pour la courbe violette ont été indiquées (la grippe de Hong Kong en 1969, à 98 500, y est presque).

 

Finalement, on se sent tout petits… En janvier 1949, relativement à la population de l’époque la mortalité était plus du double de ce qu’elle a été en avril 2020 ! Alors, coronavirus ou couillonavirus (ou connarovirus) ? À vous de voir, mais des chiffres sont des chiffres, et ceux-là sont plutôt robustes !

PS : Une dernière précision avant de vous laisser. Pour être tout à fait rigoureux, il faudrait sans doute aussi tenir compte de la variation de la structure de la population de 1946 à 2020 (la pyramide des âges évolue), et aussi de l’âge auquel les morts surviennent, car la réduction d’espérance de vie n’est pas la même quand la personne qui décède a 20 ans ou 90 ans. Mais là, c’est vraiment du tripotage d’hyménoptères, et vu que la population française vieillit, et que l’âge moyen des morts avec le c*******virus est de 81 ans – et l’âge médian de 84 ans – ça ne risque pas de mettre en l’air ce qui précède.

François Roby

 

 

Notes

[1] Pour ce faire, une interpolation par un polynôme d’ordre 3 a été réalisée pour estimer les chiffres des années manquantes, mais c’est un détail technique sans importance.

Source : Face au couillonavirus, il faut raison garder – Egalite et Réconciliation

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