Gouvernement: Le passé encombrant de certains ministres censés être «irréprochables»

  • Le gouvernement a été nommé le 17 mai avec l’objectif d’avoir une équipe « exemplaire ».
  • Le passé de plusieurs ministres pose néanmoins question.

Le nouveau gouvernement, annoncé avec 24h de retard, a été passé au peigne fin par les services fiscaux ainsi que par des magistrats spécialisés. Cela afin que les nominations ne puissent souffrir d’aucune contestation. Mais certains faits connus concernant certains ministres, s’ils ne sont pas forcément constitutifs de fautes pénalement répréhensibles, posent problème.

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Edouard Philippe et le « blâme » de la HATVP

En 2014, celui qui est alors député-maire Les Républicains du Havre reçoit un « blâme » de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Cette instance voulue par François Hollande après l’affaire Cahuzac pour – notamment – contrôler le patrimoine des élus requiert que chaque député dévoile la valeur de ses biens immobiliers. Dans cette case, le désormais locataire de Matignon inscrit : « Aucune idée. » Une boutade ? Qui apparaît aujourd’hui gênante pour celui qui n’avait pas voté en tant que député les lois sur la transparence. Sans conséquence judiciaire, ce rappel à l’ordre de la HATVP ne concerne qu’une vingtaine de parlementaires ces dernières années.

Plus étonnant, le député, ancien lobbyiste pour le mastodonte du nucléaire Areva, a inscrit dans sa déclaration d’intérêts dans l’emplacement « rémunération » ceci :

« Je ne suis pas certain de comprendre la question. Vous voulez connaître mon taux horaire au jour de l’élection ? Ma rémunération mensuelle moyenne ? Annuelle ? »

Une attitude quelque peu maladroite pour celui qui est chargé de porter, aux côtés du ministre de la Justice François Bayrou, la réforme législative de moralisation de la vie publique qui figure au programme d’Emmanuel Macron.

Agnès Buzyn, des possibles conflits d’intérêts ? 

A 54 ans, elle est l’un des visages inconnus du gouvernement et fait partie de la « société civile » qu’Emmanuel Macron disait vouloir mettre en avant dans son gouvernement. Lors de sa nomination en mars 2016 à la tête de la Haute autorité de santé (HAS), Mediapart reprochait à Agnès Buzyn sa proximité avec les laboratoires pharmaceutiques. « L’industrie pharmaceutique joue son rôle, et je n’ai jamais crié avec les loups sur cette industrie. Il faut expliquer que vouloir des experts sans aucun lien avec l’industrie pharmaceutique pose la question de la compétence des experts », aurait-elle déclaré lors d’une réunion du Nile, un cabinet de lobbying. Des propos tenus, notamment devant la commission des affaires sociales du Sénat où elle expliquait que « l’obligation de déclarer tout lien d’intérêts avec les laboratoires » était devenue trop « handicapante » pour certains chercheurs. Des positions qui avaient alors choqué Irène Frachon, la médecin lanceuse d’alerte dans l’affaire du Médiator.

Par ailleurs, de 2009 à 2011, alors qu’elle venait d’être nommée membre du conseil d’administration puis vice-présidente de l’Institut national du cancer, elle n’avait pas voulu renoncer à participer aux réunions du board de deux grands laboratoires pharmaceutiques : Novartis et Bristol-Myers Squibb.

Enfin, Agnès Buzyn est mariée à Yves Lévy, le directeur général de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), sur lequel son ministère est censé exercer une tutelle. Une situation   qui a poussé son cabinet à réagir ce jeudi en indiquant au Monde : « Mme Buzyn ne traitera pas les sujets en lien avec l’Inserm grâce à la mise en place d’un « système de déport » ». C’est-à-dire que la tutelle de l’Inserm ne serait plus exercée par le ministère de la Santé. Une solution déjà utilisée pour d’anciens ministres afin d’éviter de possibles conflits d’intérêts.

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Bruno Le Maire, une affaire Fillon avant l’heure ?

En 2013, Mediapart révèle que sa femme Pauline, artiste-peintre, a perçu durant plusieurs années une rémunération comme collaboratrice à plein temps de l’Assemblée. Rien d’illégal, mais difficile, à l’instar de Penelope Fillon, d’établir la réalité du travail effectué. Car la mère des quatre enfants de Bruno Le Maire n’a jamais été présentée par son mari comme son assistante parlementaire. Des contrats à son nom ont été signés par Bruno Le Maire, qui a démissionné de la fonction publique par souci d’exemplarité, et par son suppléant Guy Lefrand lorsqu’il est devenu ministre de François Fillon, pour une période de 2007 à 2013. L’un des anciens membres de l’équipe du suppléant en question reconnaît « n’avoir jamais eu vent d’un tel contrat », selon des propos rapportés par Mediapart. Pour seule réponse, « Bruno le renouveau » avait écrit dans un mail un lacunaire : « J’assume totalement. » Dans une interview pour Paris Match, celle qui était censée être assistante parlementaire depuis trois ans ne le mentionnait à aucun moment. Pour justifier la fin de leur collaboration, le couple avait finalement déclaré  sur Europe 1 en octobre 2016  : « Nous nous sommes aperçus, l’un comme l’autre, que ce n’était pas une bonne solution, parce que la politique, ça n’est pas son truc. »

A l’inverse de François Fillon, aucune procédure judiciaire ne sera engagée. Le parquet national financier n’a été créé qu’en 2013.

Muriel Pénicaud et le déplacement à Las Vegas

Celle qui succède à Myriam El Khomri au ministère du Travail a été mandatée en 2014 par François Hollande pour orchestrer la fusion entre Ubifrance, l’organisme en charge du soutien à l’export et l’Agence française pour les investissements internationaux. A partir de janvier 2015, Muriel Pénicaud devient directrice générale de Business France, l’agence nationale au service de l’internationalisation de l’économie française ainsi créée. Une structure au cœur de la polémique du déplacement à Las Vegas d’Emmanuel Macron début 2016, alors ministre de l’Economie. Aucun appel d’offres n’avait été lancé pour l’organisation de l’événement dont il est le principal invité. Près de 381.000 euros avait été versés à l’agence de communication Havas par Business France, agence sous tutelle de Bercy. Un manquement au code des marchés publics sur lequel l’Inspection générale des finances a enquêté en décembre 2016. Pour les inspecteurs, dont le rapport avait été dévoilé par Le Canard enchaîné, « la commande de la prestation Havas est susceptible de relever du délit de favoritisme ». Si un accord transactionnel a finalement été conclu entre le groupe de communication et l’établissement public [91.000 euros ont été reversés par Havas], une enquête préliminaire du parquet de Paris a été ouverte en mars 2017. Sollicité par Mediapart, l’entourage d’Emmanuel Macron avait dit ne pas être « surpris » par l’ouverture d’une enquête.

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