“Rien ne justifie de recommander le vaccin Gardasil contre les papillomavirus”
Une institution indépendante de l’industrie pharmaceutique a récemment blanchi les vaccins recommandés pour prévenir le cancer du col de l’utérus, controversés depuis dix ans. Des voix qui contestent solidement l’efficacité de cette vaccination mettent aujourd’hui leurs données à la disposition du public et des médias.
Les vaccins contre les infections au papillomavirus (HPV) sont sûrs et efficaces pour prévenir le cancer du col de l’utérus. Gardasil, Cervarix, et le récent Gardasil 9 ont été lavés de tous soupçons par Cochrane, ce réseau international de chercheurs et de professionnels, mondialement réputé pour l’excellence de ses travaux et ses analyses indépendantes de l’industrie pharmaceutique. Publiée fin mai 2018, sa revue de la littérature scientifique sur les vaccins anti-HPV conclut que le rapport bénéfice-risque reste favorable. Les auteurs se disent « préoccupés par les affirmations injustifiées d’effets nocifs, qui ne sont fondées sur aucune preuve biologique et épidémiologique et peuvent nuire à la confiance du public ». Emanant d’une institution reconnue pour fournir le plus haut niveau de preuve sur une thérapeutique, ces conclusions favorables assoient la légitimité de la vaccination anti-HPV pourtant contestée depuis dix ans à l’international par des chercheurs, des médecins, et des journalistes d’investigation. Abusivement promu comme « vaccin contre le cancer du col de l’utérus » lors de sa mise sur le marché en 2006, Gardasil est critiqué tant sur son autorisation accélérée et le dispositif marketing qui l’a soutenu que sur son efficacité et ses effets indésirables.
La communauté médicale déplore l’impact des “fake news” et des campagnes anti-vaccinales
Le « label Cochrane » aujourd’hui posé, les médecins espèrent convaincre les jeunes Françaises de participer à la vaccination (recommandée de 11 à 14 ans, avant le début de l’activité sexuelle qui expose au virus) alors qu’à peine 20% d’entre elles s’y soumettent. Ce faible taux, qui fait de la France une exception parmi ses voisins européens, consterne la communauté médicale et scientifique qui y voit l’impact délétère des « fake news » et campagnes anti-vaccinales, dans la presse et sur les réseaux sociaux. Pour Agnès Buzyn, les 1100 décès annuels (dix fois moins que le cancer du sein) sont de trop pour cette maladie « 100% évitable ». Un drame français au regard de l’Australie qui, avec une couverture vaccinale de 80% pour les filles et de 75% pour les garçons, annonçait l’année dernière, à grand bruit, la quasi-disparition du cancer du col de l’utérus dans moins de vingt ans.
Eradiquer les papillomavirus à risque et faire du cancer du col de l’utérus une maladie rare, c’est le vœu de la politique de prévention impulsée par le gouvernement. Sachant que les virus HPV peuvent être à l’origine de cancers de la gorge et de l’anus, on préconise l’extension de la vaccination aux garçons (La Ligue du cancer depuis novembre dernier), on envisage l’obligation vaccinale (une proposition de loi en juin 2018). Transmissibles par contact sexuel, les papillomavirus qui contaminent huit personnes sur dix sont la plupart du temps éliminés par l’organisme. Mais dans la grande famille des HPV (150 types), au moins 15 sont à risque de développer, chez certaines personnes, une lésion précancéreuse pouvant évoluer lentement en cancer. Les vaccins de première génération (Gardasil, Cervarix) seraient efficaces à 70%, en ciblant les papillomavirus responsables de 70% des cancers (HPV 16 et 18). Voire à 90% (Gardasil 9) en neutralisant les HPV (cinq supplémentaires) responsables de 90% des cancers.
Les meilleures données disponibles indiquent que la vaccination n’aura pas l’effet attendu
« Nous nous inscrivons en faux contre ce raisonnement : même si le vaccin est extrêmement efficace sur les HPV 16 et 18, cela ne suffit pas pour conclure qu’il empêchera 70% des nouveaux cas de cancer du col », déclare Catherine Riva, une journaliste indépendante suisse qui enquête depuis dix ans sur les vaccins anti-HPV. Avec plusieurs médecins et chercheurs (en Suisse et au Canada), elle conteste solidement l’efficacité du vaccin. « Les meilleures données disponibles indiquent que la vaccination n’aura pas l’effet attendu. Les résultats des essais cliniques révèlent qu’il n’y a pas de différence d’efficacité statistiquement significative entre les filles vaccinées non porteuses des HPV ciblés par le vaccin et celles du groupe placebo. Les filles vaccinées ne font plus de lésions précancéreuses associées aux HPV 16 et 18, mais elles en font toujours autant! »
Catherine Riva explique : « Quand on met hors circuit les HPV 16 et 18, d’autres peuvent venir prendre la place laissée libre. Pour une femme qui développe une lésion, que cette dernière ne soit pas due au HPV 18 mais au HPV 56 ne change rien : la lésion est là. Si l’on veut être certain qu’il y aura moins de cas de lésions précancéreuses avec la vaccination, il faut donc connaître l’efficacité du vaccin sur le taux global de ces lésions. Or, quand on regarde les chiffres d’efficacité globale de Gardasil, on constate que les filles vaccinées ont développé pratiquement autant de lésions que les filles du groupe placebo, alors que l’extraordinaire efficacité sur les HPV 16 et 18 aurait dû se solder par une baisse d’au moins 65% dans le groupe vacciné. Autrement dit, Gardasil a échoué à démontrer qu’il pouvait réduire le taux global de lésions précancéreuses dans les proportions attendues, en dépit de son indiscutable efficacité sur les HPV 16 et 18. Manifestement, il se passe quelque chose, on ne sait pas quoi, mais ça ne marche pas comme prévu. » Ces affirmations, l’enquêtrice les fonde sur des données d’efficacité non publiées par le fabricant du Gardasil (Merck). C’est via la FDA (Food and Drug Administration), au terme d’une demande de type Freedom of Information Act, qu’elle les a obtenues en 2011.
Les résultats les plus importants n’ont jamais été publiés
« On imagine sans mal que pour les investigateurs et pour Merck, ces très mauvais résultats issus des essais randomisés contrôlés étaient une catastrophe », reprend l’enquêtrice qui, toujours sur la base de ces documents, révèle une manipulation : « Neuf mois avant l’homologation du vaccin, on a procédé à une substitution. Une analyse prévue dès le départ par le protocole, celle qui précisément ne livrait pas les résultats d’efficacité souhaités, a été remplacée par une analyse portant sur un sous-groupe de participantes, négatives à 14 HPV. L’efficacité était alors bien meilleure (42,6%) mais ce résultat n’est pas fiable : il a été obtenu après-coup, sans doute pour améliorer les scores des essais. Il aurait pu au mieux être utilisé pour générer une nouvelle hypothèse à tester dans le cadre de nouveaux essais randomisés, mais de tels essais n’ont jamais été conduits. Remarquons que malgré ces tours de passe-passe, avec ce résultat, on n’a toujours pas les 70% d’efficacité promise… »
En moins de 24 heures, le monde entier disait qu’il fallait vacciner, maintenant qu’on avait la preuve ultime
Dans le bal mondial des recommandations de santé publique où les Etats-Unis mènent la danse, la journaliste déplore le manque de cohérence et de prudence qui a caractérisé les décisions des autorités de régulation et des autorités de santé publique depuis 2006. Quand, en mai 2018, tombe l’avis favorable de Cochrane, dont certaines revues systématiques consacrées à d’autres sujets ont constitué des « références majeures » pour cette enquêtrice santé, c’est la claque. « Nos pires craintes se sont vérifiées », explique-t-elle. Dès que Cochrane a démarré sa revue sur ces vaccins, il y a six ans, Catherine Riva, et d’autres chercheurs, ont identifié des failles éthiques et méthodologiques graves : conflits d’intérêts des auteurs de la revue Cochrane avec les fabricants des vaccins anti-HPV, insuffisances méthodologiques dans le protocole prévu, communication de résultats favorables dans les congrès, bien avant que l’analyse soit terminée et publiée… Mais surtout, Catherine Riva et ses collègues ont alerté les auteurs de la revue Cochrane sur les fameuses données d’efficacité non publiées par le laboratoire. Une « limitation essentielle » dont ils connaissaient l’existence depuis 2014 mais dont ils n’ont pas tenu compte. « Ca n’a pas manqué! Quand la revue a été publiée, le monde entier, en moins de vingt-quatre heures, disait que les vaccins anti-HPV étaient utiles et qu’il fallait vacciner maintenant qu’on en avait la preuve ultime. »
En France, la vaccination des garçons bientôt expérimentée
En France, le lancement du dépistage organisé du col de l’utérus, attendu depuis longtemps par les professionnels, est programmé. Agnès Buzyn, qui considère la vaccination anti-HPV comme « l’acte emblématique de la prévention », a saisi la Haute autorité de santé pour connaître son avis sur la vaccination des garçons contre le papillomavirus, « pratiquée dans tous les pays anglo-saxons ». Lors de l’examen du budget de la Sécurité sociale, le 16 octobre dernier, les sénateurs ont adopté l’expérimentation de la couverture vaccinale pour les jeunes filles et les garçons dans les régions Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes. Le débat s’est agité lorsque la sénatrice Martine Cohen (PCF), considérant que l’article ouvrait la voie à l’obligation vaccinale, a souhaité relayer les doutes pointés par certaines études sur les risques liés aux adjuvants aluminiques. « Il n’y a aucune maladie auto-immune après la vaccination contre le papillomavirus, en dehors du Guillain-Barré, qui est connu et figure dans le RCP », a répondu la Ministre, exaspérée par ces « mauvais débats ». « Obscurantisme anti-vaccinal, a répliqué le sénateur Amiel (LREM). Bien entendu il y a un risque à faire un vaccin, mais il est infiniment moins important que celui qui existe si vous ne le faites pas ».
Les discussions sur les effets indésirables n’auraient pas lieu si les autorités de régulation avaient bien fait leur travail
« Il circule beaucoup d’affirmations sans fondements dans les cercles anti-vaccinalistes, mais malheureusement aussi du côté des pro-vaccins », estime Catherine Riva. « Contrairement à ce que ces derniers affirment, on manque de données fiables sur la sécurité des vaccins anti-HPV. Chaque fois que des chercheurs diligents, qui n’ont rien d’anti-vaccinaliste, se demandent si telle maladie ou tel syndrome pourrait être lié à l’un de ces vaccins, le chœur des furies se déchaîne et les cloue au pilori au nom du prétendu danger que leurs questions feraient courir à la couverture vaccinale. Brandir la couverture vaccinale comme un objectif sacré pour justifier la censure, c’est grotesque, intenable d’un point de vue scientifique, et choquant : ces vaccins sont administrés à une population jeune, a priori en parfaite santé, pour empêcher la survenue d’une maladie qu’on prévient par ailleurs déjà avec le frottis de dépistage. Dans ces conditions, la question de savoir si ces produits sont sûrs est tout à fait cruciale et il n’y a rien d’obscurantiste à la poser », ajoute-t-elle, considérant que « toutes ces discussions sur les effets indésirables n’auraient pas lieu si les autorités de régulation avaient fait correctement leur travail, en mettant tout en œuvre pour connaître le véritable rapport bénéfice-risque des vaccins anti-HPV avant d’autoriser leur commercialisation ».
Quant aux projections très optimistes de l’Australie, pionnière de la vaccination anti-HPV dans les collèges, Catherine Riva en doute fort. Parmi les études « les moins affectées par des biais », elle cite celles qui montrent une baisse de l’incidence des lésions précancéreuses d’environ 42% chez les jeunes filles vaccinées. « Mais les auteurs de ces études, dont certains ont déclaré des conflits d’intérêt avec le laboratoire qui commercialise Gardasil en Océanie, ont refusé de nous transmettre les données sur lesquelles ils s’étaient basés. On ne peut donc pas vérifier si ces résultats ont été obtenus de manière correcte », explique-t-elle, avant de conclure : « De notre point de vue, il est fort improbable qu’un vaccin qui échoue à démontrer une efficacité dans les conditions idéales et hyperstandardisées des essais randomisés contrôlés réussisse à montrer une réelle effectivité dans la vraie vie, où rien n’est idéal ni standardisé. Si tel était le cas, ce serait une exception extraordinaire dans le paysage pharmaceutique, où en général, les excellents résultats obtenus lors des essais cliniques menés pour l’homologation ne se reproduisent presque jamais dans les mêmes proportions, une fois le produit sur le marché. »
Dénonçant une « fuite en avant » dans la conduite des politiques de santé publique, l’enquêtrice ne mâche pas ses mots. « L’hystérie qui a entouré le lancement et l’implémentation de cette vaccination fait perdre tout sens des réalités. Il n’y avait aucune raison d’homologuer Gardasil de façon accélérée et, à ce jour, aucun élément scientifique solide ne justifie de recommander massivement la vaccination anti-HPV, ni d’en faire supporter les coûts aux systèmes de santé. » Quant à l’obligation vaccinale, elle l’estime « totalement indéfendable ». �
Pour les fabricants de ces vaccins, le blanc-seing de Cochrane est du pain bénit
L’indépendance critique de l’évaluation des soins, dont Cochrane est l’emblème dans le monde depuis vingt-cinq ans, est-elle aujourd’hui menacée? En septembre dernier, Peter Gøtzsche, membre fondateur et figure tutélaire de l’organisation, a été expulsé du conseil de gouvernance. Une première ! Dénonçant l’emprise de l’industrie pharmaceutique sur la constitution du savoir médical, le médecin danois a mis le feu aux poudres en publiant, avec deux autres chercheurs, une critique virulente de la synthèse Cochrane sur les vaccins anti-HPV, notamment sur la question des effets indésirables. « Quand on est face à un problème aussi important de conflits d’intérêts des auteurs et de choix méthodologiques incompatibles avec les standards Cochrane, on doit se poser la question de savoir à qui cela profite. En l’état des connaissances scientifiques disponibles, cela ne peut pas être à la population. Pour les fabricants, en revanche, le blanc-seing de Cochrane est du pain bénit », estime Catherine Riva qui précise que le système est complexe : beaucoup d’instances, « y compris des acteurs publics (centres universitaires de recherche, initiateurs de campagnes de santé publique…) », se nourrissent aussi dans cet écosystème généré par l’industrie pharmaceutique.
Ces données doivent être à la disposition des chercheurs et du public
Avec ses collègues (Dr Jean-Pierre Spinosa, gynécologue, et Serena Tinari, journaliste d’investigation), Catherine Riva considère que Cochrane devrait rétracter cette revue et tout reprendre depuis le début. Mais l’organisation est restée sourde aux doléances qu’ils lui ont adressées suite à la publication de la revue. Son refus d’entrer en matière est la goutte de trop qui les amène aujourd’hui à tout rendre public. Le 10 décembre, leur analyse critique de la revue Cochrane sur les vaccins anti-HPV était dévoilée sur « BMJ-EBM », une publication du prestigieux « British Medical Journal ». L’ensemble des données et des tableaux à l’appui de leurs conclusions ainsi que leurs six ans de correspondance avec Cochrane sont désormais en accès libre sur la plateforme open source Zenodo.org.�
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Si la Cochrane n’a pas correctement évalué la qualité des essais cliniques qui ont permis d’homologuer les vaccins anti-HPV, il en va des pratiques des médecins dans le monde et donc de la santé des patients. « Ces éléments doivent être à la disposition des chercheurs et du public pour permettre une réflexion et un débat sur la façon dont ces vaccins sont arrivés sur le marché et sur ce que va faire Cochrane », explique la journaliste. Ce n’est pas à nous de décider de ce qui va se passer, mais on ne pourra plus dire que l’on ne savait pas ».
La chronologie de l’enquête depuis 2008, ainsi que les liens vers les publications et l’ensemble des données, sont disponibles sur la page dédiée à la vaccination anti-HPV du site Re-Check.
via “Rien ne justifie de recommander le vaccin Gardasil contre les papillomavirus”