1000 emplois supprimés par General Electric : l’histoire d’un piège américain et d’une trahison française

Source : Le Figaro Vox, Jean-Charles Hourcade,

Alors que General Electric annonçait ce 27 mai la suppression de 1000 emplois, Jean-Charles Hourcade revient sur l’affaire Alstom depuis son origine.


Jean-Charles Hourcade est ingénieur, polytechnicien, ancien Directeur Général Adjoint du groupe Thomson, ancien Directeur Général de France Brevets. Il est responsable Industrie de République Souveraine.


48 heures à peine après les élections européennes, l’américain General Electric (GE) a annoncé la suppression de plus d’un millier d’emplois sur son site de Belfort. Les syndicats, réunis le 28 mai en présence d’Hugh Bailey, nommé Directeur Général de GE France le 22 avril, dénoncent une “bombe sociale”. Quand on sait que le même Hugh Bailey était précédemment le conseiller pour les affaires industrielles d’Emmanuel Macron à l’époque où il était ministre de l’Économie et avait piloté la vente à GE de la branche énergie d’Alstom (chaudières et turbines de génération électrique), il est urgent de revenir sur la genèse de ce nouveau coup dur et d’en tirer tous les enseignements pour préparer au mieux la riposte.

En septembre 2015, c’est à l’issue d’un véritable thriller politico-industriel que GE prenait le contrôle de la division Energie d’Alstom, signant ainsi l’un des pires revers stratégiques qu’ait connu la France en 150 ans d’histoire industrielle. Seul le naufrage d’Alcatel, qui fut le leader mondial de l’industrie des télécommunications jusque dans les années 2000, et sa prise de contrôle par le finlandais Nokia, peuvent fournir l’image d’une telle Bérézina.

Aujourd’hui ce sont donc plus de 1000 postes qui sont menacés.

L’histoire s’inscrit dans le temps long. Jusqu’en 1998, les activités d’Alstom, Energie et Ferroviaire, faisaient partie du plus puissant conglomérat industriel français, la CGE (Compagnie Générale d’Electricité, rebaptisée en 1991 Alcatel-Alstom). La CGE était un leader mondial dans les Télécoms, les câbles, l’ingénierie électrique, l’énergie, le ferroviaire, le nucléaire, les chantiers navals… L’organisation sous forme de conglomérat, similaire à celle de General Electric aux USA, de Siemens en Allemagne, d’Hitachi et Mitsubishi au Japon, ou de Samsung et Hyundai en Corée, construisait une position de force industrielle et financière globale bénéficiant à chaque composante.

En 1998, son PDG Serge Tchuruk, qui venait d’être parachuté de Total et qui s’illustra en vantant le concept d’ “industrie sans usines”, décida de recentrer Alcatel Alstom sur les télécoms, et de vendre en Bourse la majorité du capital d’Alstom. Au moment de la séparation, Alcatel exigea d’Alstom un dividende exceptionnel de 5 milliards d’euros, laissant derrière lui un groupe financièrement exsangue, avec de gros problèmes techniques et juridiques liés au rachat des turbines à gaz d’ABB. La conséquence ne se fit pas attendre. Dès 2003, Alstom était en faillite.

Les banques privées françaises lui retirèrent tout soutien. Nicolas Sarkozy, à l’époque ministre des Finances, sauva in extremis Alstom de la faillite et l’État entra au capital en lui apportant 2,8 milliards d’euros. Dès 2006, l’État revendait sa participation au groupe Bouygues avec une plus-value de 1,26 milliard, et abandonnait Alstom dans les griffes d’un actionnaire opportuniste. Alstom, sous-capitalisé, resta fragilisé dans la compétition contre GE et Siemens.

Macron ira jusqu’à défendre GE durant l’enquête de la direction de la concurrence de la Commission européenne, et GE put acquérir le pôle Energie d’Alstom avec les mains entièrement libres !

L’attaque frontale allait venir des USA. Le 14 avril 2013, Frédéric Pierucci, directeur de la division chaudières d’Alstom, est arrêté lors de son arrivée à New-York pour une sombre affaire de corruption en Indonésie. Dans un livre choc, Le Piège américain, il explique que la vente d’Alstom à GE fut le résultat d’une action coordonnée du DoJ (Ministère américain de la Justice) et de GE. La stratégie utilisée était classique: utilisant ses revendications d’extraterritorialité, la justice américaine menace un groupe étranger d’une amende monumentale (jusqu’à plusieurs milliards de dollars) pour corruption, détournement d’embargo ou tout autre argument géopolitique, et menace ses dirigeants de prison. Contre la promesse d’une amende réduite et de l’oubli des poursuites judiciaires pour le PDG et les cadres dirigeants, le prix à payer est la cession à la multinationale américaine concernée des activités stratégiques convoitées, dans le cas présent les turbines d’Alstom. En termes simples, c’est du racket.

La suite conforte l’analyse de Pierucci. Patrick Kron, PDG d’Alstom, directement menacé à titre personnel, estima […]

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