Marqué par une adolescence martiniquaise et algérienne, Edwy Plenel a embrassé le trotskisme dans les rangs de la Ligue communiste révolutionnaire sans jamais s’en éloigner. Jouant sur les amitiés et les réseaux issus de la IVe Internationale, mais proche aussi de François Hollande (avec lequel il a signé un livre d’entretiens) ou de Dominique de Villepin, il conçoit la presse comme une arme politique de destruction massive au profit d’intérêts pas toujours clairement compréhensibles. Lui-même déclare : « L’antisémitisme, c’était le point central de la Ligue […] Les préoccupations de la Ligue font émerger des goys yiddischisés. » Pour son ami Nicolas Domenach, il « porte la Shoah sur le dos »… Sans doute investi d’une mission mémorielle, Edwy Plenel est récemment parti en croisade, via son site Mediapart, contre Réconciliation nationale, le parti créé par Alain Soral et Dieudonné. Il vient de signer Pour les musulmans, où se profile en réalité en arrière-plan, bien plus que la question de l’Islam, le grand retour des années trente et les « heures les plus sombres de notre histoire ».
« Le trotskisme comme expérience et comme héritage fait à jamais partie de mon identité, non pas comme un programme ou un projet, mais comme un état d’esprit, une vieille critique faite de décalage et d’acuités, de défaites et de fidélités. »
Edwy Plenel, Secrets de Jeunesse, Stock 2001
« Le métissage, ce n’est pas une fusion, l’addition d’un et d’un, la rencontre entre deux identités dans l’illusion de leurs puretés originelles, encore moins un croisement d’espèces et de genres où la biologie aura sa part. Non, le métissage, c’est une politique. Et, plus précisément, une politique de résistance. »
Edwy Plenel, La Découverte du Monde, Stock, 2002
« Il jouit dans notre petit groupe d’un crédit très étrange […] Je me surprends à m’enquérir de ce que “Edwy” pense de ceci, de ce qu’il dit de cela. »
Bernard-Henri Lévy, Le Lys et la Cendre, Grasset, 1996
« Il faudra tout de même qu’on sache qui est vraiment ce monsieur Plenel. […] Il parlera moins haut quand on saura qu’il travaille pour une puissance étrangère. »
François Mitterrand, cité par Pierre Péan et Philippe Cohen, La Face cachée du Monde, Mille et Une Nuits, 2003
Les influences d’Edwy Plenel
Edwy Plenel est le 31 août 1952 à Nantes (Loire-Atlantique). À sa naissance, ses parents le déclarent sous le prénom d’Hervé Plenel, car l’État civil, à l’époque, n’acceptait que les prénoms du calendrier, or Edwy est un prénom païen. Ses parents ne souhaiteront pas qu’il soit baptisé dans la religion catholique. Par sa mère, Michèle Bertreux, décédée le 16 mars 1992, il est issu d’une famille protestante de la bourgeoisie bretonne (ce qui est rare) où son grand-père était un des dirigeants des ABC, les importants Ateliers et chantiers de Bretagne.
Mais c’est bien plutôt du côté de son père, Alain Plenel, né le 4 août 1922 à Lannion (Bretagne) et décédé le 18 novembre 2013 à Lausanne (Suisse), qu’il faut chercher les principales influences du jeune Edwy. Formé chez les frères eudistes (catholiques très réactionnaires) avant Vatican II à Rennes, Alain Plenel est reçu agrégé d’histoire en 1946. Plutôt mendésiste politiquement, il suit une carrière de haut fonctionnaire dans l’Éducation nationale, devenant, dès 1955, vice-recteur de l’académie Antilles-Guyane. Il jouit sur l’île de Martinique d’« un statut de quasi-gouverneur, avec résidence et chauffeur », étant « sans doute le plus gros employeur des Antilles » (Pierre Péan et Philippe Cohen, La Face cachée du Monde). Mais en décembre 1959, quand des affrontements embrasent l’île, Alain Plenel se découvre, à 37 ans, une passion anticolonialiste. Il prend fait et cause pour les émeutiers, s’engage au Mouvement patriotique martiniquais et siège au comité directeur de Libertés démocratiques aux Antilles, à la Guyane et à la Réunion.
Rappelé à Paris en janvier 1960, il sera rétrogradé par arrêté du général De Gaulle pour activités antifrançaises avec interdiction de sortie de métropole de 1963 à décembre 1965. « Le gaullisme policier dans ce qu’il avait de plus abominable », expliquera Edwy Plenel (Libération du 7 octobre 1997). Il sera toutefois recasé comme directeur des moyens audiovisuels de l’Institut pédagogique national, puis comme professeur à Clermont-Ferrand.
En 1965, la famille s’installe dans la nouvelle Algérie indépendante. 1965 est une année charnière pour l’Algérie, avec le renversement de Ben Bella et le putsch du colonel Houari Boumediene. Alain Plenel tient à l’époque des discours enflammés sur la lutte pour l’indépendance de la Martinique. Devenu conseiller pédagogique au Centre pédagogique de l’Office culturel à Alger, il « a joué un certain rôle dans l’Algérie bouillonnante des débuts de la révolution nationaliste […] Ses dirigeants souhaitaient aider les mouvements révolutionnaires de part le monde. Alger, devenue plaque tournante du tiers-mondisme, attira en particulier celui qui allait devenir l’idole d’Edwy Plenel : Che Guevara » (La Face cachée du Monde).
En Algérie, Edwy Plenel a intégré un mouvement de scouts protestants (unionistes) et a été inscrit au lycée français Victor Hugo où en mars 1969, il a animé une grève et a publié un journal militant, Le Tigre de papier (1968-1969). Entre temps, son père, Alain Plenel, a été réintégré, à la faveur de l’après-Mai 68, dans l’administration française par l’intermédiaire de Stéphane Hessel, qui avait créé pour lui un poste d’adjoint au conseiller culturel de l’ambassade de France en Algérie. Edwy Plenel ne rentrera en France qu’en 1970, à jamais marqué par ses périodes martiniquaise et algérienne. Après l’arrivée de François Mitterrand à la présidence de la République, Alain Plenel bénéficiera d’une reconstitution intégrale de carrière (1982).
À Paris, Edwy Plenel entre à l’Institut d’études politiques (IEP). Il n’en sera jamais diplômé car a déjà commencé pour lui une période d’au moins dix ans pendant laquelle il se consacrera prioritairement au combat politique dans les rangs de la IVe Internationale, ayant rejoint, dès son retour en métropole en 1970, la Ligue communiste (LC), où il adoptera le pseudonyme de Joseph Krasny. « Krasny » signifie « rouge » en russe, ce qui représente pour lui à la fois « une histoire, une couleur, les bolcheviks, le drapeau, 1917, l’éternité » (Secrets de jeunesse, 2001).
Quand est prononcée la dissolution de la Ligue communiste en 1973, Plenel est responsable de la cellule du Quartier latin. On le retrouve ensuite au Front communiste révolutionnaire puis à la Ligue communiste révolutionnaire, véritables reconstitutions de ligues dissoutes. Ainsi, toujours en 1973, il participe, afin de protester contre l’interdiction d’un meeting de la LCR au Palais des sports, à l’occupation du bureau du président du Conseil de Paris, la gaulliste Nicole de Hauteclocque. À cette époque, Edwy Plenel tenta vainement d’engager une carrière littéraire en envoyant des poèmes à l’éditeur Jean-Jacques Pauvert, qui lui répondra sèchement « crier n’est pas écrire ».
Ses attaches avec Alger le feront rapidement rejoindre le secteur « international » de la Ligue, en particulier pour le secteur « arabe » et ses premiers articles portent d’ailleurs sur la question coloniale, qu’il s’agisse de l’Algérie ou des Antilles. Il part d’ailleurs à l’été 1974 en Martinique collaborer techniquement au Groupe Révolution socialiste. Un amour qui dure toujours : Edwy Plenel participait encore à une conférence de ce parti indépendantiste martiniquais trotskiste (membre de la IVe Internationale) en octobre 2012.
Devenu le jeune protégé d’Alain Krivine, Jeannette Habel et Daniel Bensaïd, « son mentor » (Libération, 7 octobre 1997), il grimpe rapidement les échelons de l’organisation trotskiste, dont il sera membre du comité central et permanent salarié de 1974 à 1978 (cf. Louis-Marie Enoc et Xavier Cheneseau, Les Taupes rouges, 2002) en tant que responsable du secteur des collèges et de l’enseignement technique. À ce titre, il dirige à partir de 1976 le secteur éducation-jeunesse de l’organe de la LCR, Rouge, où il écrit :
« Pour nous, au contraire, il ne s’agit pas de réformer l’école, de l’améliorer, de la démocratiser, car, tout simplement, c’est un objectif utopique, irréalisable : l’école est par essence, par nature, par origine un appareil de sélection sociale, de diffusion de l’idéologie bourgeoise. Cette école-là, elle n’est pas amendable, il faudra la détruire. » (Rouge hebdomadaire, 29 mars 1974)
C’est chose faite…
Ayant obtenu sa carte de presse, il adhère à l’Association de la presse d’information sur la jeunesse (APIJ), alors très influente dans les lycées. Il en sera élu président en février 1981, avec comme secrétaire général Pierre Tartakowsky, alors journaliste à La Vie ouvrière et aujourd’hui président de la Ligue des Droits de l’Homme et comme vice-président, l’ineffable Nicolas Domenach (aujourd’hui punching-ball d’Éric Zemmour). Il achève sa formation de propagandiste trotskiste à Barricades, le mensuel des Jeunesses communistes révolutionnaire, qu’il dirige à partir de 1978. Il poursuit son action révolutionnaire dans l’armée : les délégués du congrès des JCR lui envoient un message de solidarité (Barricades n°9) quand il est condamné à 60 jours d’arrêt pendant son service militaire, où il milite pour la gratuité des transports.
C’est en 1979 qu’il date personnellement son éloignement de la Ligue, mais comme le démontreront aisément Pierre Péan et Philippe Cohen, qui évoquent l’existence d’une section clandestine de membres de la Ligue, ce détachement ne s’opéra jamais réellement. Encore dans les années 1980 et 1990, il donnait des entretiens à Rouge (qui se gardait bien de rappeler qu’il y avait travaillé… malgré les protestations de transparence d’Edwy Plenel). Plus tard, il enverra régulièrement des messages de soutien aux universités d’été de la Ligue, intervenant même en juillet 1985 à un stage de jeunes trotskistes, ou participant comme orateur à l’université d’été en 1999 ou en 2011 à celle du NPA. Il sera également membre de la Société pour résister à l’air du temps (SPRAT), un club pré-« bobo » constitué en 1992 autour de Daniel Bensaïd et où l’on retrouve également Jean-François Vilar, Thierry Joncquet, Didier Daeninckx, Élisabeth Lévy, etc. Dans le milieu de l’édition, il a dirigé, avec Bertrand Legendre, entre 1986 et 1995 la collection « Au vif du sujet » chez Gallimard et, à partir de 1991, la collection « Au vif à partir » chez Stock. Dans les deux cas, il a principalement édité des journalistes et des auteurs d’extrême gauche comme Anne Tristan, Gilles Perrault, Daniel Bensaïd, Edgar Morin, etc.
- L’agenda de Rouge du 14 janvier 1993 : Edwy Plenel n’a jamais véritablement rompu avec la Ligue. En 2011, il participait encore à l’Université d’été du NPA.
En 1975, Edwy Plenel a fait la connaissance d’une jeune cadre influente de la Ligue, Nicole Lapierre, « porteuse de ses ambitions, un véritable coach qui l’aidera bientôt à gravir une à une toutes les marches du podium » (La Face cachée du Monde). Ils ne se sont plus quittés depuis lors.
Née le 17 novembre 1947 à Paris, Nicole Lapierre s’est racontée à la journaliste Michèle Manceaux dans Histoire d’un adjectif (Stock, 2003) :
« Je m’appelais Nicole Lipszejn. J’ai été Nicole Lipszejn jusqu’à douze ou treize ans, dans une famille de la bourgeoisie juive, aisée, plutôt assimilée, où l’on ne se disait pas juif mais israélite (parfois, en privé, mes parents, en parlant d’un coreligionnaire, lâchaient “c’est un yid”). Puis mon père a décidé de changer de nom et je suis devenue Nicole Lapierre […] Mon père est né en Pologne, dans une famille plutôt bourgeoise où l’on ne parlait pas yiddish, langue populaire, mais polonais. Il est venu faire ses études de médecine en France [NDA : où il sera médecin généraliste puis radiologue dans le IXe arrondissement] dans les années 20, parce que là-bas, c’était impossible pour un juif. Ma mère [NDA : née Strygg, cf. L’Arche, mai 1989], elle, est née en France, mais elle avait appris un peu de yiddish avec sa grand-mère venue de Varsovie et qui ne connaissait pas d’autres langues. Ma sœur et moi, nous ne parlions ni polonais ni yiddish. Ce qui nous faisait juives, c’était l’ombre portée de la Shoah […] Curieusement, peu après qu’il est devenu Lapierre, mon père est devenu un “juif de Kippour” : il allait à la synagogue uniquement pour Kippour et jeûnait ce jour là, en hommage-disait il à ses parents. Ma mère, une mécréante militante, ironisait : “Ton père est devenu ’froum !’” (“pieux”, en yiddish). Elle se moquait de lui et de cette piété tardive. Une ou deux fois, par curiosité, je l’ai accompagné à la synagogue de la rue de la Victoire. C’est à peu près tout en termes de transmission effective […] À la fin des années 60, j’étais à la faculté de Nanterre. À la veille de 68, je militais à la JCR (Jeunesse communiste révolutionnaire). Dans ce mouvement trotskiste résolument internationaliste et dans cette figure de Trotski persécuté, peut-être que moi et d’autres réinvestissions un peu de notre judéité. Évidemment, il n’y avait pas que des juifs parmi nous. Mais il y en avait beaucoup, d’ailleurs on ironisait sur leur nombre au bureau politique de la JCR. [ …] C’est seulement dans le reflux des années 70 que j’ai commencé à me soucier du peu de consistance de ma judéité […] Ma quête identitaire a donc pris la forme d’une enquête universitaire. »
Entrée à l’université de Nanterre en 1966, elle y a soutenu en 1969 une maîtrise de sociologie sur « La théorie léniniste de l’organisation sous la direction » d’« Henri Lefebvre » et y était présente la nuit du 22 mars 1968, lorsque fut proclamé le Mouvement du 22 mars par Daniel Cohn-Bendit et Alain Geismar.
Fonctionnaire depuis 1977, Nicole Lapierre est chercheuse au Centre d’étude des communications de masse (EHESS-CNRS), où ses thèmes de recherche sont « la mémoire de la Shoah à travers les générations », ou encore « socio-anthropologie de la mémoire ». Ce centre de recherche est dirigé par Edgar Morin (né David Nahum) avec qui elle codirige, depuis 1990, la revue Communications. Elle dirige également la collection « Un ordre d’idées » aux éditions Stock (depuis 2001), où elle a publié deux de ses ouvrages : Pensons ailleurs (2004) et Causes communes. Des Juifs et des Noirs (2011). Spécialiste des études yiddish, Nicole Lapierre a également traduit avec Abraham (dit Aby) Wieviorka, Le Livre retrouvé de Simaha Guterman (2001) et a signé, entre autres, Le Silence de la mémoire. À la recherche des juifs de Plock (1989). À la vue de sa page de présentation sur le site du CNRS, on comprend immédiatement que l’épouse d’Edwy Plenel planche sur une réponse communautaire au phénomène Dieudonné. En effet, les sujets traités sont les suivant : « Débat et controverses sur la mémoire victimaire » ou encore « convergences et conflits entre mémoire juive et mémoire noire »…
Dans la communauté juive, l’épouse d’Edwy Plenel est reconnue comme spécialiste du changement de nom. À ce titre elle donnait une conférence sur le sujet en février 2008 pour Akadem, le média du Fond social juif unifié.
Nicolas Domenach, qui passa les vacances de l’été 1980 avec les Plenel, a raconté l’influence de Nicole Lapierre sur son compagnon :
« On avait un fonctionnement en miroir. Moi j’étais avec Michèle Fitoussi, lui avec Nicole Lapierre, deux goys avec des femmes juives d’expérience. On portait la Shoah sur notre dos. Il disait qu’il était juif par sa femme. Il était fasciné par ses récits sur sa famille juive polonaise. Et elle le maternait tout en lui permettant […] de mûrir enfin. » (La Face cachée du Monde)
Passages (juillet 1988) cite d’ailleurs ce mot incroyable de Plenel quant à son imprégnation du judaïsme :
« L’antisémitisme, c’était le point central de la Ligue […] Les préoccupations de la Ligue font émerger des goys yiddischisés. »
Étrange Ligue dont Plenel définit par ailleurs l’idéologie comme « internationaliste, entre mondialisme politique et cosmopolitisme culturel » par opposition aux cultures d’organisation « fortement nationales ancrées dans des traditions propres à certains secteurs du monde ouvrier français » des deux autres grandes chapelles trotskistes, l’OCI et LO (cf. Secrets de jeunesse). Daniel Bensaïd fera le constat implacable :
« J’ai vraiment sous-estimé à quel point l’engagement d’Edwy Plenel se situait en dehors des références du monde ouvrier. » (La Face cachée du Monde)
Récemment, dans une interview à Technikart (octobre 2010) Plenel se déclarait « très attaché à l’Ancien Testament »…
Comme Manuel Valls, Edwy Plenel se sent « juif par sa femme ». À l’instar du Premier ministre, il participe régulièrement à des événements qui mêlent institution communautaire, responsables politiques et journalistes :
- Le Monde, 3 décembre 1983
- Le Monde, 19 juin 1986
- Le Monde, 13 novembre 1986
- 18 juin 1992
En 1997, Edwy Plenel et Nicole Lapierre céderont à l’institution bourgeoise, naguère vilipendée, du mariage, qui sera célébrée le 28 juin à Pézenas par un conseiller municipal de la ville, un certain Paul Alliès. Cet ex « ligueux » lui aussi s’est embourgeoisé : professeur de droit à l’université de Montpellier, il est également conseiller régional PS de Languedoc-Roussillon. Comme tant d’autres « bobos » arrivés, Plenel a acheté une maison et des vignes dans la région de ce « vieux pote des temps trotskistes » (Libération, 7 octobre 1997). Pour le moment, le précieux breuvage n’est pas vendu chez les cavistes… En ce début d’été 1997, le témoin de mariage d’Edwy Plenel n’est autre que Jean-Marie Colombani…
En 1988, la revue communautaire Passages indiquait que Plenel « insiste pour que sa fille reçoive un message juif ». Eve Plenel, en 2014, est devenue une personnalité incontournable de la communauté gay et lesbienne parisienne. Passée par le lycée Henri IV, elle a été trésorière d’Act Up à partir de 2004 (au grand dam de Didier Lestrade) et dirige aujourd’hui ARCAT-SIDA (fondé dans les années 1980 par Pierre Bergé, Christophe Girard, etc.), après avoir travaillé pour le Comité médical pour les exilés (COMEDE). Eve Plenel signe également des articles pour le pur-player de la communauté gay, Yagg.
Un chasseur de scoops prêt à tout
Le 14 mars 1980, Edwy Plenel faisait paraître son dernier article de journaliste dans Rouge. Un mois et demi plus tard, le 1er mai, 1980, il entrait au Monde. Le début d’une période qui allait durer 25 ans pendant laquelle il fut délégué CGT (1985), se présentant au nom de ce syndicat à la Commission de la carte d’identité des journalistes, avant de s’en éloigner. Mais surtout, il accédera au grade suprême de directeur de la rédaction du « quotidien de référence » entre 1996 et 2004, devenant ainsi le journaliste le plus influent de France.
Plenel entre donc comme pigiste au Monde de l’éducation et au Monde-dimanche. Il devient en septembre 1982 journaliste au service des informations générales, plus spécialement chargé des affaires de police et des services secrets. Il y officiera jusqu’en 1994. Bénéficiant d’un impressionnant réseau relationnel (essentiellement en raison de ses activités politiques passées), en particulier au ministère de l’Intérieur, de la Justice et à Matignon, il s’est imposé très rapidement comme un des premiers « chasseurs de scoops », accumulant, semaine après semaine, des enquêtes qui auraient demandé à tout autre journaliste des mois, voire des années de travail (les Irlandais de Vincennes, Pechiney, Chaumet, Carrefour du développement, etc.). Il travaille en liaison avec ses collègues Alain Rollat, Bertrand Legendre et surtout Georges Marion, alors pigiste au Canard enchaîné.
Marion et Plenel entraînent la démission du ministre de la Défense Charles Hernu en septembre 1985, après la révélation de la fameuse « troisième équipe » d’agents français dans le cadre de l’affaire Greenpeace (sabotage du Rainbow Warrior par la DGSE). Pourtant dans un premier temps, Edwy Plenel, mal informé, s’était fourvoyé dans une piste impliquant l’extrême droite néo-calédonienne (Le Monde du 13 août 1985) :
« Là aussi les profils sont connus : les trois membres en fuite de l’équipage évoluent dans les milieux mercenaires français… Mais ils ont aussi des sensibilités politiques relevant de l’extrême droite activiste, qui n’exclut donc pas, dans ce cas précis, une opération mêlant idéologie à l’intérêt financier. »
Malgré ce cafouillage, cet épisode marque la véritable irruption médiatique de Plenel. Pour cette enquête, il recevra le premier prix de la fondation Mumm, créée par le groupe de champagne Mumm, alors présidé en France par le milliardaire Alain de Gunzburg, gendre du propriétaire de Mumm (via le trust mondial de l’alcool Seagram) Edgar Bronfman, également président du Congrès juif mondial. Vingt ans après, Plenel conseillera Dan Franck pour le scénario du téléfilm Le Rainbow Warrior (2006).
Dés 1985, Dominique Jamet écrivait (Le Quotidien de Paris, 31 octobre) :
« C’est en tout cas ce qu’assurent certains selon qui […] Plenel se contente de rencontrer chaque semaine dans un bistrot de la rue des Saussaies, deux journalistes recyclés dans la police, au plus haut niveau, là où elle touche au cœur même de l’Etat. »
Même son de cloche du libertaire Serge Quadruppani dans L’Antiterrorisme en France :
« Edwy Plenel reconnaît volontiers que pour les faits divers, et singulièrement en matière de terrorisme, la principale source d’information, c’est la police […] Le journaliste manifeste une belle confiance dans les “policiers républicains’’. En particulier ceux des Renseignements généraux. »
Jean-Paul Cruse, ex-responsable de La Cause du peuple et ex-délégué CGT de Libération, en sait quelque chose, ayant dressé un portrait au vitriol de Plenel dans L’Idiot International (25 septembre 1991) :
« Fossoyeur du métier de journaliste […] qui a corrompu, dans l’esprit du pouvoir éclairé, le concept même d’une investigation indépendante, en produisant régulièrement dans les colonnes de ce qui fut autrefois un journal, les confidences choisies du ministre de la police. »
Plenel sera soupçonné par certains d’avoir été le « petit télégraphiste du ministre de l’Intérieur » d’alors (Pierre Joxe), voire son bras séculier dans l’exécution politique de Charles Hernu. Les deux hommes accumulent les amabilités et s’apprécient : Joxe considère Plenel comme « un très bon journaliste d’investigation » (À propos de la France, Itinéraires 1, 1998) et Plenel décrit Joxe, dans les colonnes du Monde (20 août 1984), comme le « garant de la déontologie policière ».
En plus du premier flic de France, Plenel s’est lié avec Bernard Deleplace, le patron alors incontesté du principal syndicat de police, la FASP, dont il fut le « nègre » pour la rédaction du livre Une vie de flic (1987), allant jusqu’à rédiger ses communiqués, notamment celui consécutif à la mort de Malik Oussékine en décembre 1986. Plenel devait d’ailleurs reconnaître dix ans plus tard dans Libération (7 octobre 1997) :
« Je confesse que nous avons eu des combats communs, mais, à l’époque, la droite entretenait un climat de guerre civile sur la sécurité et l’immigration. La police était un enjeu. »
C’est en lien direct avec le directeur de la Direction de la surveillance du territoire (DST) Yves Bonnet (1982-1985) que Plenel a réalisé une série d’articles sur la fameuse affaire Farewell. Articles publiés en mars et avril 1985, lesquels mettaient en péril la diplomatie subtile que François Mitterrand souhaitait établir avec l’URSS. C’est à ce moment que la tristement célèbre « cellule de l’Élysée », dirigée par le futur préfet Prouteau, commença à s’intéresser de très près à Plenel (avec pour nom de code « Benêt »), écoutant systématiquement en 1985-1986 son téléphone et celui de sa compagne. Plenel sera donc partie civile dans le procès des « écoutes de l’Élysée ». Il en tirera plusieurs livres : La Part d’ombre (Stock, 1992), Un temps de chien (Stock, 1994), Les Mots volés (Stock, 1997).
Le « chasseur de scoops » du « journal de référence », disposait également de solides contacts dans l’entourage du Premier ministre Laurent Fabius, où l’on comptait nombre d’anciens de la LCR : Henri Weber, Jacques Tarnero, Martine Storti, Lionel Zinzou, mais surtout Jean-Paul Besset, ancien de Rouge devenu chargé de la communication du Premier ministre (nous y reviendrons), ce qui expliquerait, en partie, que Laurent Fabius fût préservé des remous causés par l’affaire du Rainbow Warrior. Les écoutes téléphoniques d’Edwy Plenel, reproduites dans Guerres secrètes à l’Élysée (Paul Barril, 1996), montrent l’ampleur des connivences entre Edwy Plenel et l’entourage de Laurent Fabius, Plenel téléphonant par exemple à l’épouse d’alors de Fabius, Françoise Castro, pour s’assurer que le portrait de lui qu’il allait publier dans Le Monde convenait au Premier ministre.
Il semble que François Mitterrand visait Plenel et ses « scoops » lorsqu’il déclarait dans Mitterrand, portrait total (Carrère, 1986) :
« Il ne faut pas croire qu’il y avait […] des fins limiers […] Non, ils attendaient à leur bureau où on venait leur apporter des informations. »
Le Monde (25 décembre 1986) démentira vivement cette version. François Mitterrand expliquera plus tard :
« Plenel ? Il ne m’a pas lâché pendant dix ans et j’ai fini par penser qu’il travaillait lui aussi pour les Américains. » (cité par Pierre Favier, La décennie Mitterrand, Le Seuil, tome IV, 1999)
Cette intime conviction, François Mitterrand en avait également fait part à Roland Dumas :
Ce qui a fait du président de la République un adversaire politique, Edwy Plenel l’a détaillé dans Rouge (26 novembre 1992) :
« Mitterrand a tout fait pour s’opposer au procès de Bousquet, qu’il connaît depuis 1942. Il maintient son attitude sur Pétain, une attitude, je le pense maintenant profondément, qui marque un choix politique conscient. Comme la réhabilitation des généraux de l’OAS, c’est une attitude de jeu très assumé avec l’extrême droite. Mitterrand éprouve une sorte de compassion pour cette famille politique-là et son échec […] Il a cette compassion parce que c’est son histoire, pas au sens où ce serait un homme d’extrême droite masqué, mais culturellement, intimement. »
Plenel fut envoyé en Amérique du Sud à l’été 1991 avec le titre de grand reporter du Monde. Dans l’édition datée du 27 août 1991, il signe l’article « Un scandale à Panama ». C’est un raté mémorable : à partir de lettres datées de 1987 à en-tête de l’ambassade de France au Panama, il accuse le Parti socialiste d’avoir touché, notamment pour la campagne présidentielle de 1988, de l’argent du dirigeant panaméen, le général Noriega (c’est-à-dire, en résumé, l’argent de la drogue). Dans les heures qui suivent la parution de l’article, le PS dément formellement les informations de Plenel. Le 5 septembre suivant, Le Monde exprimait son « regret » auprès « des lecteurs et des divers intéressés » d’avoir publié des « informations non-vérifiées ». En effet, les lettres qui ont servi de source se sont avérées être des faux finalement très grossiers : « J’ai oublié que j’étais journaliste, je me croyais romancier », expliquera piteusement l’intéressé (Libération, 7 octobre 1997). Ce qui ne l’a pas empêché cependant, l’année même du scoop bidon, de présenter ses reportages au Prix Albert-Londres.
L’apogée
« Notre journal s’appelle Le Monde, pas La Nation. »
Edwy Plenel, Livres Hebdo du 4 octobre 2002
« Mais pourquoi donc Vichy et la guerre d’Algérie sont-ils devenus des dossiers “toujours à instruire” pour Le Monde ? »
La Face cachée du Monde
En 1994, le quotidien du soir vit un bouleversement interne. En lieu et place de la SARL qu’il était jusque-là, Le Monde passe du statut de journal à celui de groupe de presse en devenant une société anonyme (SA). L’influent Alain Minc, éminence grise de la droite comme Jacques Attali l’est à la gauche, préside le conseil de surveillance de la société éditrice du journal ainsi que la puissante Société des lecteurs du Monde. Jean-Marie Colombani, rédacteur en chef, est élu directeur de la publication du journal en mars 1994, d’abord par la société des rédacteurs puis par les actionnaires du journal. Juste après l’élection de Colombani, qu’il a largement aidé, favorisé et soutenu, Edwy Plenel devient rédacteur en chef du Monde (mars 1994), puis directeur adjoint de la direction (octobre 1994). Après la sortie de la nouvelle formule du Monde en 1995, Edwy Plenel accède finalement au grade suprême, celui de directeur de la rédaction, le 1er février 1996. Cet épisode a été fort bien raconté dans Le Nouvel Observateur (9 février 1996) :
« “Plenel a servit de caution de gauche à Colombani qui, en retour, lui a apporté un manteau de respectabilité”, dit un ancien. […] Plenel sait y faire dans les assemblées générales. Il a ainsi mené la guérilla contre Jacques Lesourne jusqu’à ce que Colombani, alors n°2, donne le signal du putsch en se ralliant à la rédaction, en grève pour obtenir des hausses de salaire. Nouvelle mobilisation de ses partisans : Plenel et Savigneau au conseil d’administration, Anne Chaussebourg à la société des rédacteurs, Alain Rollat au Syndicat du Livre, etc. Inespéré, Lesourne lâche prise très vite. Et Colombani apparaît comme le recours […] En fait, le directeur a noué une double alliance : Edwy Plenel d’un côté, Alain Minc de l’autre. L’envers et l’endroit, en toute ambiguïté »
C’est-à-dire, les deux faces d’une même pièce…
En 1994, la veuve d’Hubert Beuve-Méry, Geneviève Beuve-Méry, et son fils Jean-Jacques avaient voté contre l’élection de Jean-Marie Colombani à la tête du journal. Jean-Jacques Beuve-Méry dénonça la trahison des idéaux de son père dans un texte que Le Monde fut contraint de publier le 18 février 1995 :
« Deux Monde différents, l’ancien qui portait la marque de son fondateur jusque dans ses statuts, et le nouveau, qui l’a effacé. »
Le trio Minc-Colombani-Plenel a, dès son arrivée au pouvoir, cherché à assurer l’indépendance financière du Monde « par la mise sous dépendance d’autres journaux naturellement prospères » par un système de « tiroirs caisses ». Après avoir essuyé les refus de L’Express et de La Dépêche du Midi, en dépit de nombreuses manœuvres et tentatives d’intimidation, Le Monde prend le contrôle du Midi libre et 30 % des Publications de la Vie catholique. À chaque nouvelle extension des périmètres du Monde, Edwy Plenel gagnera des responsabilités supplémentaires, à la fois au niveau de la holding et au niveau des différentes publications du groupe Le Monde, au Monde 2 comme à Courrier international, pour finalement cumuler les titres de directeur général adjoint du Monde SA, membre du comité exécutif et du comité de direction, directeur général délégué des rédactions du groupe à partir de 2002, vice-président du conseil de surveillance de Courrier international et directeur de la rédaction du supplément hebdomadaire Le Monde 2.
- De g. à d. : Alain Minc, Jean-Marie Colombani et Edwy Plenel le 6 mars 2003
Un événement révélateur, bien que périphérique, se déroula au printemps 2002. Edwy Plenel est directeur de la rédaction du Monde depuis plus de six ans. Comme c’est l’habitude au sein de la rédaction du service politique du Monde, un scrutin interne est organisé en vue de la présidentielle à venir. Le résultat est sans appel : Olivier Besancenot, le jeune poulain d’Alain Krivine, arrive en tête. Un traitement objectif de l’information dans le « quotidien de référence » est donc assuré.
Dès 1980, le même Alain Krivine avait compris « tout l’intérêt, pour son organisation des relations de proximité avec les journalistes […] Ils lui sont bien plus utiles là où ils sont, dans les journaux qui peuvent être amenés à “relayer” les campagnes de la Ligue, que dans des cellules de l’“Orga” […] Ici commence aussi sans doute la plus importante opération d’“entrisme” de l’ histoire du trotskisme français, conduite au sein d’une des institutions de France les plus influentes » (La Face cachée du Monde). En effet, comme le résumera Christophe Nick dans Les Trotskistes (Fayard 2002), « l’élite intellectuelle n’abandonne pas la LCR. Simplement, elle n’est plus à son service exclusif. La dynamique du collectif sert à d’autres projets, extérieurs, professionnels, qui vont donner naissance à une mouvance, un courant informel baptisé “trotskisme culturel” par son principal inspirateur, Edwy Plenel. » Et de poursuivre : « Un à un, les anciens de Rouge entrent au sein de la rédaction du Monde. Après Georges Marion, Jean-Paul Besset, Marc Couty, Michel Samson, Daniel Psenny, Paul Benkimoun… Au total, plus d’une trentaine. D’anciens lambertistes comme Laurent Mauduit et Sylvain Cypel les ont rejoints, ainsi que des “pablistes” comme Bruno Caussé ou Catherine Simon. »
Marianne (10 février 2003) écrira :
« Pour avoir droit aux colonnes du Monde, quand on publie un livre politique, il est une recette infaillible : avoir été, être ou aspirer à devenir trotskiste. »
Si l’on élargit à toutes les chapelles de l’extrême gauche, on peut citer Denis Pingaud, Dominique Pouchin, Bertrand Audusse, Bernard Guetta (ex-LCR, demi-frère du DJ David Guetta), Jérôme Oudin (également venu de Barricades dirigé alors par Plenel et avec lequel il avait monté la collection « Au vif du sujet » chez Gallimard), Serge Bolloch, Sylvia Zappi (fondatrice de la FIDL dans les années 80), Rémi Barroux (qui avant de rentrer au Monde était rédacteur en chef du mensuel Ras l’front !) ou encore Gabriel Xavier Culioli, ancien de la LCR qui avait envisagé de monter une section de la IVe Internationale en Corse, considéré comme un territoire administré colonialement par la France, et qui deviendra, selon Cohen et Péan, l’homme lige du tandem Colombani-Plenel en Corse (dix papiers « stratégiques » publiés dans Le Monde entre 1996 et 2001) et appliquera les directives définies pour faire du Monde le pivot des négociations sur l’île.
On détaillera le parcours de Jean-Paul Besset : né en 1946, il adhère à la Ligue communiste en 1968, puis collabore à Rouge avant d’adhérer au PS en 1984 et de travailler jusqu’en 1986 auprès de Jean-Gabriel Fredet, directeur de la communication du Premier ministre Laurent Fabius. C’est lui qui aurait fourni en avant-première le fameux « rapport Tricot » sur l’affaire du Rainbow Warrior (qui n’était pourtant disponible qu’en un seul exemplaire réservé au Premier ministre). En 1998, après être passé par Libération et Politis, il est entré au Monde comme Georges Marion des années avant lui. Ce dernier, né Simon Baruch, fils d’un ancien dirigeant du Komintern, fut membre du comité central de la Ligue et collaborateur de Rouge, avant d’entrer dans les années 1980 au Canard enchaîné. Proche ami de Françoise Castro, l’épouse de Laurent Fabius, il fut véritablement la partie immergée de l’iceberg des scoops d’Edwy, qui favorisa largement son embauche au Monde. Correspondant du quotidien à Alger en 1990, il en sera expulsé deux ans plus tard par le nouveau gouvernement. Par la suite, il sera son correspondant en Israël. Dans la même veine, Sylvain Cypel, né en 1947, diplômé de sciences politiques de l’université de Jérusalem, ex-lambertiste se définissant comme « juif et homosexuel » (L’Événement du jeudi, 12 mars 1998), deviendra rédacteur en chef de la section internationale du Monde.
En 2001, pour expliquer qu’il ne renie rien de ses engagements de jeunesse, Edwy Plenel signe Secrets de jeunesse. L’ouvrage est dédié à son père spirituel, le théoricien trotskiste Daniel Bensaïd. « À l’arrivée, on découvre comment et pourquoi Plenel s’est confectionné un système de convictions et de certitudes qui laisse peu de place au dialogue et au débat », commentera Jean-François Kahn dans Marianne (1er octobre 2001). Comme pour consacrer la conquête de l’hégémonie culturelle par une génération de cadres de l’extrême gauche, le directeur de la rédaction du « journal de référence » figure, aux côtés de Daniel Cohn-Bendit, André Glucksmann, Daniel Bensaïd ou encore Bernard Guetta, dans le film À mort la mort, présenté au festival de Cannes en 1999, réalisé par l’ancien responsable du service d’ordre de la Ligue (devenu un néo-conservateur américano-sioniste) Romain Goupil.
Au même moment, Edwy Plenel s’est associé à Bernard-Henri Lévy pour la campagne médiatique qui doit accompagner l’agression de la Serbie par les troupes de l’OTAN. Lévy et Plenel entretiennent de bonnes relations. Dès 1996, dans Le Lys et la Cendre (Grasset), Bernard-Henri Lévy avait adoubé Edwy Plenel comme un penseur qui compte :
« Il jouit dans notre petit groupe d’un crédit très étrange […] Moi-même qui ne le connais pas et ne l’ai jamais rencontré, je me surprends à m’enquérir de ce que “Edwy” pense de ceci, de ce qu’il dit de cela. »
Une récompense à un bon élève qui, deux ans plus tôt, en une du Monde, avait fait une critique dithyrambique du livre de BHL, La Pureté dangereuse.
Le 8 avril 1999, le plan « Fer à cheval », un programme de « nettoyage ethnique » de la population albanaise du Kosovo censé avoir été élaboré par le gouvernement Milosevic, fait la une du Monde. Principal argument de l’intervention otannienne, ce plan s’avérera être un faux destiné à sous-tendre une campagne d’intoxication de l’opinion publique. Le 13 mai, dans les colonnes du Monde, Régis Debray fait part de ses doutes quant à l’existence d’une purification ethnique au Kosovo dans sa Lettre d’un voyageur au président de la République. Dans les heures qui suivent, Bernard-Henri Lévy rédige un texte qui s’étale le lendemain en première page du Monde, titré d’un lapidaire « Adieu, Régis Debray ! » Le mois suivant, le directeur de la rédaction du Monde publie L’Épreuve (Stock), un livre à charge contre Régis Debray. Lynché, ce dernier se voit qualifier de « rouge-brun » ou encore de « national-communiste », une antienne déjà chantée en 1993 par Edwy Plenel qui avait monté, avec Didier Daenickx, le pseudo-scandale des « rouges-bruns » (cf. Les Maîtres censeurs, Élisabeth Lévy, 2002). Bernard-Henri Lévy, reconnaissant, qualifiera L’Épreuve de Plenel de « contribution à l’Histoire » (Le Figaro, 21 juin 1999). Deux semaine plus tôt Plenel déclarait sur LCI (12 juin 1999) :
« Est-ce que la situation dans laquelle nous sommes ne donne pas des gages de réussite à cette alliance d’un libéralisme économique et d’un libéralisme politique, à la fois du dynamisme des entrepreneurs et de la liberté des individus au nom de laquelle, d’une certaine manière, nous nous sommes battus au Kosovo ? »
Une sortie qui annonce le fameux « Nous sommes tous américains » de Colombani, qui donnera le « la » du traitement médiatique des suites du 11 septembre 2001.
À son apogée, Plenel ne recule devant rien. Le 29 octobre 1999, il téléphone au ministre de l’Éducation nationale Claude Allègre :
« Edwy Plenel m’a appelé un jour au téléphone pour me dire, sur un ton menaçant, qui si Jospin ne nommait pas Patrice Bergougnoux directeur de la police nationale, ce serait coûteux pour lui. »
La police, toujours la police… Police de la pensée également puisqu’à cette époque Le Monde exerce un magistère sur le débat public et le petit milieu parisien de l’édition, avec pour armes le silence ou la reductio ad hitlerum systématique. Daniel Carton, dans « Bien entendu c’est off ». Ce que les journalistes politiques ne racontent jamais (2003), a parfaitement résumé cette situation dominante :
« Vous pouvez attenter à l’honneur du chef de l’État, vous ne pouvez pas attenter à l’honneur du Monde […] Attaquez vous au Monde et les nuages noirs du bannissement s’accumuleront au dessus de votre tête. »
La chute
Pourtant, à l’automne 2002, les nuages noirs commencent à s’accumuler au-dessus du Monde. Un bruit court dans Paris : Pierre Péan et Philippe Cohen (également passé par la LCR et Le Monde) sont sur le point de sortir un brûlot qui mettrait gravement en cause le « quotidien de référence » et ses dirigeants, la troïka Minc-Plenel-Colombani.
Valeurs actuelles (7 février 2003) retrace la mise en place de la riposte :
« La contre-attaque est déjà en place et tout le monde à son poste sur le pont […] pour tenter de débusquer au plus tôt, et réduire au silence “en mettant la pression au maximum”, les éditeurs indépendants candidats au suicide médiatique qui seraient prêts à publier les deux bougres. »
Une version étayée par Sophie Coignard dans Vendetta française :
« Le feuilleton qui précède et suit la publication du livre évoque en effet une version parisienne et pédante de la fameuse série télévisée Les Sopranos, qui décrit de manière parodique la vie quotidienne de la mafia. Dans le clan dominant, les trois premiers rôles sont tenus par Alain Minc, essayiste et confident des patrons, par ailleurs président du conseil de surveillance du Monde, Jean-Marie Colombani, président du directoire, et Edwy Plenel, directeur des rédactions. Un trio qui sait se faire respecter et n’aime pas la critique […] Dès qu’ils apprennent l’existence de ce projet, les membres du trio prennent peur. Pendant l’année 2002, ils vont déjeuner beaucoup plus que de coutume avec des éditeurs. Rien que de plus normal, après tout, vu leur fonction. Mais le sujet Péan revient toujours au moment du café : est-ce que par hasard il vous aurait approché ? Non, mais vous en avez entendu parler ? Évidemment, publier un tel livre serait considéré comme un geste profondément inamical… [ …] L’entreprise de dissuasion s’adresse aussi à l’auteur lui-même. Des messages sont passés à certaines de ses connaissances. Leur teneur ? Très simple : on va tout sortir sur lui. Pour rendre la menace plus crédible, on lui fait savoir subtilement la qu’une “task force” (c’est paraît-il son nom de code) s’est réunie fin novembre 2002. Outre le trio de tête du journal, elle se composerait de Josyane Savigneau, la patronne du Monde des livres, Philippe Sollers, qui dispose de son rond-de-serviette au même Monde des livres, et Bernard-Henri Lévy, qui “donne” de temps à autre ses carnets de voyage au quotidien. Thème de réflexion : comment discréditer Péan ? Réponse hallucinante trouvée par certains : il a écrit un livre sur Bethléem, il a des sympathies pro-palestiniennes, donc il est antisémite […] Après coup, l’éditorialiste du Libération Pierre Marcelle remarquera tout de même dans un billet intitulé “La Question juive” les étranges messages lancés par les hiérarques du Monde au fil de leur contre-attaque : “Il y eut d’abord [Le Monde du 26 février], au cœur d’un article évoquant des ’attaques croisées des extrêmes’, un encadré suggérant la proximité des auteurs de La Face cachée du Monde avec une publication que des citations identifiaient comme antisémite ; il y eut, récurrente, une phrase prêtée par eux aux auteurs mais qui n’était pas d’eux, où il était singulièrement question de ’goys’ et de ’femme juive d’expérience’ ; il y eut Alain Minc évoquant le 5 mars sur RTL ’un brûlot à la Gringoire’ ; il y eut dans l’éditorial de Jean-Marie Colombani du 7 mars cette comparaison entre Le Monde et Léon Blum […] il y eut, le 6 mars [sur France 2], Edwy Plenel invoquant dans le père d’Alain Minc ’un juif polonais de la MOI’.” Édifiante énumération qui montre que l’équation “Péan=antisémite” n’a pas été suggérée seulement dans un but de dissuasion, mais aussi pour discréditer un ouvrage qui déplaisait. »
Le livre, une compilation de deux manuscrits, un de Pierre Péan, un de Philippe Cohen, est finalement publié, avec la complicité de Claude Durand, aux éditions Mille et Une Nuits, une filiale de Fayard dirigée par Sandrine Palussière, l’épouse de Philippe Cohen (cf. Le Point du 7 mars 2003). Imprimé en Espagne pour éviter les fuites, les bonnes feuilles de La Face cachée du Monde, publiées dans L’Express le 20 février 2003, font l’effet d’une bombe.
Jean-François Kahn avertit :
« Si Le Monde se referme, se blinde dans la certitude de n’être que la victime d’un complot fasciste, alors il risque de vaciller sur ses bases. »
Il ne sera pas entendu et l’éditorial du Monde du 26 février 2003 annonce la couleur :
« La haine est la plus triste des passions. Une haine qui, hélas, habite le livre qui nous est consacré. »
Comme pour battre le rappel, Alain Bauer, hiérarque socialiste et Grand Maître du Grand Orient de France, soutiendra la troïka dans une tribune publiée en une le 1er mars 2003.
Marc Tessier, alors président de France Télévisions, donne des consignes pour empêcher Péan et Cohen d’êtres reçus par les chaînes publiques (Stratégie, 21 février 2003) et France 2 organise, le 6 mars 2003, un numéro spécial de Campus, où Edwy Plenel, Jean-Marie Colombani et Alain Minc font bloc : « Alain Minc est devenu un ami, et je suis fier d’être son ami », explique alors Plenel. « C’est dans son bureau [de Sarkozy] de la place Beauvau – il était alors ministre de l’Intérieur – que les trois dirigeants du quotidien auraient préparé l’émission Campus de Guillaume Durand. Selon une source très proche du dossier, Sarkozy aurait, en effet, entraîné Jean-Marie Colombani, Edwy Plenel et Alain Minc en imaginant toutes les questions vachardes auxquelles ils pouvaient être exposés », expliquera Marianne (11 mars 2003), ce qu’Edwy Plenel niera la semaine suivante, parlant de « petit fait vrai déformé jusqu’au délire ».
Quoi qu’il en soit, le mal est fait. Véritable best-seller, le livre s’arrache et plus de 200 000 exemplaires seront vendus. L’enquête, très documentée, s’attaque notamment à la gestion interne du Monde et à la gestion financière opaque d’un quotidien toujours prompt à donner des leçons de transparence. Edwy Plenel y est mis en cause pour ses méthodes :
« C’est un bosseur, présent dès les aurores au journal. Cet homme flamboyant sème l’inquiétude et la peur. Portant sa passion en écharpe, il offre à tous le spectacle impressionnant de ses engouements et de ses haines. S’il déteste quelqu’un, l’existence de la personne qu’il a prise pour cible risque fort de devenir un enfer. Plenel n’hésite pas à humilier publiquement, à monter des coups dans le dos de ses ennemis qu’il peut même, le cas échéant, agresser ouvertement […] Le journaliste plénéien est un combattant qui, au nom de l’urgence et de la nécessité, abandonne ses scrupules sur les moyens à utiliser pour fouailler les plaies… Ivre de mots, il en oublie les actes qu’il se voit contraint de commettre pour les justifier […] C’est bien cette conception du journalisme, qui se situe quelque part entre celle du procureur soviétique Vichinsky et du conventionnel Marat, entre justice procédurale et tribunal populaire, entre filature policière et dénonciation publique, que Plenel, une fois parvenu à la tête de la rédaction du Monde, a imposé […] Lorsqu’un projet est présenté dans une réunion, personne ne s’exprime plus avant Edwy Plenel. Les gens ont peur. Il y a au Monde, toutes les caractéristiques de fonctionnement d’une institution totalitaire. »
Plenel arguera de son professionnalisme au Monde et tentera de se justifier par ses divergences avec Jean-Marie Colombani et Alain Minc, les « vrais dirigeants » selon lui. Mais la boîte de Pandore est ouverte et les langues se délient. Alain Rollat, un de ses anciens proches, avec qui il avait signé L’Effet Le Pen (1984) et La République menacée. Dix ans d’effet Le Pen (1992), confirmera avoir agi avec Edwy Plenel, via la section syndicale SNJ-CGT et de la Société des rédacteurs, afin de favoriser la prise de pouvoir de Jean-Marie Colombani, pour qu’Edwy Plenel soit nommé directeur de la rédaction. Rollat balance :
« Plenel est expert en dialectique. Mis en accusation, il accuse à son tour. Mais il porte sa riposte sur le terrain où il est le plus à l’aise, celui de la réflexion affective, pas sur le terrain où il est attaqué, celui des faits objectifs. Sa réaction est celle de l’homme politique confronté à un travail journalistique gênant. Son premier réflexe consiste à essayer de discréditer l’auteur de l’écrit. » (Marianne, 10 mars 2003)
Daniel Schneidermann, remercié du Monde en octobre 2003 suite au scandale provoqué par le livre, parlera de « clan sicilien offensé » et résumera :
« La “troïka”, la veille encore si redoutée, devint du jour au lendemain un trio de punching-balls, de pantins ridiculisés par les Guignols de Canal+, et déculottés par les caricaturistes de Charlie Hebdo. » (Le Cauchemar médiatique, Denoël, 2003)
Sur le tard, même Minc reconnaîtra :
« Le succès faisait passer une méthode de management dictatoriale. » (Le Nouvel Observateur, 28 mars 2013)
Malgré les menaces et les actions engagées en diffamation, le procès contre La Face cachée du Monde n’aura finalement pas lieu. Un protocole d’accord sera signé en juin 2004 dans le cadre d’une médiation judiciaire proposée par le Tribunal de grand instance de Paris : Fayard renonce à toute nouvelle édition et publication de l’enquête, et Le Monde renonce aux actions pour diffamation. Menaçant, Bernard-Henri Lévy écrit qu’il n’aimerait « pas être à la place des auteurs le jour où ils tenteront de refaire le coup en vous vendant, sur le même ton, leur prochaine “face cachée” » (Le Point, 10 juin 2004). Ce jour-là, BHL savoure une victoire à la Pyrrhus car comme l’écrira Laurent Hubberson, dans son Enquête sur Edwy Plenel (Le Cherche midi, 2008), les trois patrons du journal « ne se remettront pas du “Péan et Cohen”. L’un après l’autre, la crise va les atteindre, le livre va rattraper le “trio infernal” et ils vont devoir quitter Le Monde dans la douleur. »
Plenel annonce donc le 29 novembre 2004 sa démission de la direction de la rédaction du Monde… sans pour autant le quitter car, en janvier 2005, le groupe doit être réorganisé avec une holding dirigeant trois pôles (Le Monde, Le Midi libre et les magazines). En cette fin d’année 2004, Plenel exige de Colombani, futur PDG de la holding, qu’il le nomme directeur de la publication du Monde pour éviter une élection incertaine par la société des rédacteurs. Colombani semble accepter avant de finalement refuser. Alors « judicieusement répartis dans la salle, selon les bonnes vieilles méthodes trotskistes » (Libération, 30 novembre 2004) quatre « bébés Plenel » (Marianne du 4 décembre 2004), Franck Nouchi, Hervé Gattegno, François Bonnet et Laurent Mauduit, lancent le procès de la gestion Colombani devant la société des rédacteurs, qui les accueillent froidement. Plenel est alors mis sur la touche par son ancien allié Jean-Marie Colombani, avec le titre ronflant de directeur des relations éditoriales extérieures (c’est-à-dire la rédaction d’éditoriaux dans Le Monde 2) avant d’être finalement définitivement licencié le 31 octobre 2005 par « son ami » Alain Minc, qui s’inquiétait de l’érosion continuelle des ventes et des pertes financières importantes qui en découlaient.
Déchu, Edwy Plenel entame alors sa traversée du désert. Il conserve néanmoins son émission hebdomadaire qu’il a animée (1995-2007) sur la chaîne de Bouygues LCI, une chronique hebdomadaire de service public sur France Culture (depuis janvier 2005), des chroniques sur France Ô (accointances martiniquaises obligent) et des chroniques au quotidien belge Le Soir (depuis novembre 2005). En octobre 2006, par décret du président de la République, ce non-diplômé a été nommé professeur associé à l’université de Montpellier. La nomination s’est faite par l’entremise de Dominique de Villepin (cf. Le Point, 19 octobre 2006), auquel Plenel s’est lié au moins depuis 2001. Cette université de Montpellier où son ami Paul Alliès, celui qui l’a marié, enseigne le droit et a justement créé un master 2 professionnel « métier du journalisme ». En 2002, Stéphane Alliès, le fils de Paul, avait effectué son stage à la rédaction du Monde. Depuis août 2008, Edwy Plenel est également professeur associé à l’Académie du journalisme et des médias (créée par le sociologue Vincent Kaufmann) de l’université de Neuchâtel (Suisse).
Un an après son éviction du Monde, Edwy Plenel tente de rebondir à la direction de Libération car le départ de Serge July est entériné. Le projet de reprise de Plenel est appuyé en interne par la Société civile des personnels de Libération (SCPL) et à l’extérieur, par Dominique de Villepin, qui garanti l’appui de « financiers amis » (La Lettre de l’Expansion, 4 décembre 2006), Matignon voulant faire du quotidien une machine de guerre anti-sarkozyste. Finalement, Édouard de Rothschild met son veto et c’est Laurent Joffrin qui emporte la mise. Au printemps 2007, après la tentative d’OPA sur Libération, Jean-François Kahn propose à Plenel d’intégrer Marianne. Malgré le soutien de Joseph Macé-Scaron et François Bonnet, directeurs adjoints de la rédaction, une levée de boucliers entraîne rapidement l’abandon du projet (d’autant que Philippe Cohen en est salarié).
Mediapart, un pure player indépendant ?
« Le journal sans papier ni frontière. »
Slogan de Mediapart
« Jamais les services de l’État ne s’aventureront à contrôler le site. Mediapart est intouchable. »
L’Express, 23 octobre 2013
Le 16 mars 2008, Edwy Plenel lance Mediapart avec trois anciens militants d’extrême gauche du Monde : Laurent Mauduit, François Bonnet et Gérard Desportes (parti en 2010). Très vite, Mediapart reçoit le soutien de Ségolène Royal qui se distingue en envoyant un mail aux militants de son association Désirs d’avenir, pour les inviter à s’abonner au pure player naissant :
« Toutes les initiatives audacieuses qui tentent de changer la situation de la concentration de la presse méritent d’être soutenues » (Rue89, 14 décembre 2007)
Il faut dire que Benoît Thieulin, qui gère l’interface du site, est l’ancien responsable Internet de la campagne présidentielle de Ségolène Royal en 2007. Une implication en lien direct avec la genèse même du nom « Mediapart » :
« La conseillère spéciale de Ségolène, Sophie Bouchet-Petersen, avait toujours l’expression “démo-part” à la bouche. Lorsque, plus tard, j’ai travaillé avec mon agence sur le journal en ligne, j’ai intitulé naturellement mon dossier “Media-Part” explique Benoît Thieulin. » (L’Express du 23 octobre 2013)
Précisons au passage que Plenel a servi de plume à la candidate socialiste pendant la campagne présidentielle de 2007 (cf. Libération du 11 février 2007) et a participé au meeting de Ségolène Royal au Gymnase Japy à Paris le 12 mars 2007. Par ailleurs, très liée à la conseillère spéciale de la présidente de la région Poitou-Charentes, l’ex-LCR Sophie Bouchet-Petersen, Nicole Lapierre a activement soutenu la candidature de Ségolène Royal en 2007.
Benoît Thieulin a été recommandé par Godefroy Beauvallet, qui travaille également pour Mediapart. Ce dernier, polytechnicien (1994), ancien associate banker à la BERD, a été conseiller pour le numérique du ministre de la Fonction publique et de la réforme de l’État Michel Sapin en 2000. Il est arrivé dans ce nouveau média par l’un des piliers de Mediapart, le mathématicien Michel Broué. Entré chez les lambertistes en 1970 grâce à Lionel Jospin, c’est lui qui a largement contribué à poser les les bases de l’entreprise, la société éditrice de Mediapart, déposée en SAS (Société par actions simplifiées). La directrice générale de Mediapart, Marie-Hélène Smiéjan, est l’épouse de Jean-Marie Smiéjan, un ami d’enfance de Michel Broué. Le même Michel Broué qui dirige, avec Muriel Mesguich, la Société des amis de Mediapart, un groupement d’actionnaires, où l’on retrouve pêle-mêle Xavier Niel (Free), Maurice Lévy (Publicis), Stéphane Hessel, Paul Alliès, Luc Dardenne, Stéphane Fouks, Sarah Moon, Agnès B, Nicolas Bordas, Laurent Chemla (qui a véritablement mis le site sur pied), Jean-Louis Bouchard (société Ecofinance), etc.
Au lancement du site, Christian Ciganer, le frère de Cécilia Attias (ex-Sarközy) a également mis la main à la poche, ainsi que Thierry Wilhelm (Doxa), ancien actionnaire de Politis et qui soutient également le mensuel d’Élisabeth Lévy, Causeur. Si le lancement est difficile, Mediapart sera renforcé, via Martine Orange, par Odyssée Venture, un fond d’investissement destiné aux redevables de l’ISF qui injecte un million d’euros en échange de plus de 22 % de capital.
- Pour expliquer ce qu’est un média indépendant, Edwy Plenel planche en loge
Pour le volet juridique, Mediapart a fait appel aux services de Lysias, le cabinet de Me Jean-Pierre Mignard, l’un des deux plus proches amis de François Hollande, avec Jean-Pierre Jouyet. Edwy Plenel prépare actuellement pour le Seuil un ouvrage intitulé François Hollande : qu’a-t-il fait de nos espoirs ?, François Hollande, qu’il connaît depuis trente ans et avec lequel il avait signé, en 2006 chez Stock, un livre d’entretiens, Devoir de vérité…
Le fondateur de Mediapart sait se montrer intraitable avec les journalistes qui sortent de vrais scandales politico-financiers. Denis Robert en a fait les frais. Cinq ans avant que la justice ne donne finalement raison à Robert, Edwy Plenel avait décrit son travail de la manière suivante : « Cette enquête Canada Dry, qui avait l’allure d’une investigation mais en aucun cas sa consistance, appliquait à la finance mondiale une variante des théories du complot » tout en expliquant que publier cette enquête était « paradoxalement dépolitiser et démobiliser » (Le Soir, 20 octobre 2006). Comme son nom figure sur les fameux listings de Clearstream, Plenel sera partie civile au procès, déclarant, le 29 septembre 2009, à la barre :
« Je me suis toujours méfié professionnellement du monde du renseignement et de ses fantasmes. »
Ce n’est qu’en juin 2010, que le site va véritablement décoller en publiant les conversations de la plus grosse fortune de France, Liliane Bettencourt, enregistrée à son insu par son majordome. Fort des « affaires » qui ont entraîné la chute de Jérôme Cahuzac ou d’Aquilino Morelle, soit les rares personnalités de l’entourage de François Hollande qui n’étaient pas issues du sérail, le site atteint aujourd’hui les 100 000 abonnés payants, l’unique succès de la presse payante en ligne. Il faut dire que les scoops se succèdent pratiquement chaque semaine. On comprend que Mediapart ait autant d’abonnés quand on voit la fiabilité des prévisions d’Edwy Plenel : trois jours avant la nomination de Manuel Valls comme Premier ministre, il assurait au micro de BFM TV :
« Il n’y aura pas de Manuel Valls, c’est impossible ! »
Cet article a été écrit en exclusivité pour Égalité & Réconciliation par la revue Faits & Documents d’Emmanuel Ratier.
Visiter le site de la revue : faitsetdocuments.com.