Paradis fiscaux : quatre pays de l’Union européenne méritent d’être sur liste noire, selon Oxfam

Alors que la Commission européenne doit dévoiler sa liste noire des paradis fiscaux le 5 décembre, l’ONG prend Bruxelles de court et énumère ce mardi les 35 pays, hors-Union européenne, qui mériteraient d’y figurer.

Après les « SwissLeaks », les « LuxLeaks » et les « Panama Papers »… les révélations récentes des « Paradise Papers » – sur les pratiques d’optimisation (parfois de fraude) fiscale des grandes entreprises et fortunes de ce monde – exercent une pression supplémentaire sur les décideurs politiques. A ce titre, la Commission européenne, désireuse de frapper « au portefeuilles » les fraudeurs, doit dévoiler le 5 décembre sa liste noire des paradis fiscaux.

L’ONG Oxfam, à la pointe sur cette question, prend Bruxelles de court en désignant ce mardi « les pays qui devraient figurer sur une liste se voulant objective, efficace et crédible », assène-t-elle dans un communiqué.

A partir de trois critères – à savoir la transparence, la fiscalité « équitable » (dont le taux d’impôt sur les sociétés n’est pas nul par exemple) et la participation aux forums internationaux sur la fiscalité -, l’organisation a recensé 35 pays* qui méritent, selon elle, d’être identifiés publiquement comme paradis fiscaux. Sa liste noire inclut la douzaine de pays déjà dans le viseur de Bruxelles, comme l’avait révélé Le Monde début novembre. Elle comprend notamment des territoires sous tutelle du Royaume-Uni, à l’instar de l’île de Man, des îles Caïmans et des Bermudes.

Irlande, Luxembourg, Malte et Pays-Bas

Oxfam a également fait figurer plusieurs pays du continent européen, mais qui ne sont pas membres de l’Union européenne. Il s’agit, entre autres, de la Suisse (dont la révision de sa fiscalité est au point mort) et des anciennes nations yougoslaves : la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie, la Macédoine et la Serbie.

L’ONG s’est gardée d’intégrer des Etats de l’UE, car Bruxelles a d’ores-et-déjà assuré qu‘aucun des 28 ne sera inscrit sur liste noire. Oxfam estime pourtant que quatre d’entre eux méritent d’être considérés comme des paradis fiscaux.

On retrouve alors l’Irlande, au milieu du bras de fer entre Apple et la Commission européenne. Le Luxembourg, déjà éclaboussé par les révélations des « LuxLeaks ». L’île de Malte, déjà au cœur des « Malta Files » puis des « Paradise Papers », tout comme les Pays-Bas, dont le système de double domiciliation permet à des grands groupes de s’affranchir de l’impôt en Europe et dans leur pays d’origine.

Oxfam critique d’ailleurs ce choix de Bruxelles de ne pas cibler les acteurs présents à l’intérieur de ses frontières :

« Cette approche nuit considérablement à la crédibilité du processus, car plusieurs États membres comme l’Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas figurent parmi les paradis fiscaux les plus puissants au monde. »

| Lire aussi Paradise Papers : les Pays-Bas, une place forte de l’évasion fiscale

Quid des sanctions ?

Établir une liste noire est une chose, mais pour garantir l’efficacité du dispositif, encore faut-il prévoir des sanctions. Jusqu’à présent, la Commission européenne s’est contentée d’une liste non-publique d’une cinquantaine de pays identifiés comme « suspects » en matière de transparence fiscale. L’objectif était d’entrer en contact avec les Etats concernés pour les inciter à modifier leur législation et de sanctionner ceux qui s’y refusaient.

Les « Paradise Papers » forcent Bruxelles à agir plus rapidement, d’où la publication prochaine de cette liste noire. Pour l’instant, le cadre des sanctions n’a pas été dévoilé. Plusieurs pistes sont à l’étude, « comme une privation des fonds européens pour les pays ciblés, ou des sanctions pour les entreprises qui transfèrent des sommes vers un pays désigné comme paradis fiscal par la liste noire« , selon Europe 1.

Le ministre français de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a pour sa part proposé sur France 2 que les « États qui n’apportent pas les informations nécessaires pour lutter contre l’évasion fiscale n’aient plus accès aux financements des grands organismes internationaux comme le FMI ou la Banque mondiale ».

Pour d’autres, le fait de figurer sur une liste noire publique est déjà une sanction en soit, car cela ternit l’image du pays vis-à-vis de ses partenaires internationaux.

350 milliards d’euros par an

Les « Paradise Papers » ont permis d’affiner le montant estimé de l’évasion fiscale. D’après les calculs de l’économiste français Gabriel Zucman, professeur à l’université de Berkley (Californie) et auteur des rares travaux sur les paradis fiscaux, 350 milliards d’euros échappent chaque année aux administrations fiscales. Ces pertes se chiffrent à 120 milliards d’euros pour l’Union européenne et 20 milliards pour la France.

Oxfam rappelle que ces scandales fiscaux ne nuisent pas seulement aux pays européens. « On estime que les pays en développement perdent environ 100 milliards de dollars par anà cause de l’évasion fiscale des entreprises », souligne l’organisation. « Un tiers de ce montant suffirait à lui seul pour financer les soins de santé essentiels qui permettraient d’éviter la mort de huit millions de personnes. »

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*Albanie, Guam Niué, Ancienne république yougoslave de Macédoine, Hong Kong, Oman, Anguilla, Îles Caïmans, Palaos, Antigua-et-Barbuda, Îles Cook, Serbie, Aruba, Îles Féroé, Singapour, Bahamas, Îles Marshall, Suisse, Bahreïn, Île Maurice, Taiwan Bermudes, Îles Vierges Britanniques, Trinité-et-Tobago, Bosnie Herzégovine, Îles Vierges des États-Unis, Vanuatu, Curaçao, Jersey, Émirats arabes unis, Monténégro, Gibraltar, Nauru, Groenland et Nouvelle Calédonie.

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