Covid: une partie de la surmortalité de cet automne reste inexpliquée en France et en Espagne

La surmortalité enregistrée en France et en Espagne en septembre et octobre s’avère un peu supérieure à celle attribuée au Covid. Cela s’expliquerait notamment par les retards de soins et de prévention hors-Covid.

En septembre et octobre, le nombre d e décès enregistrés en France et en Espagne s’est avéré supérieur à celui des décès attribués au Covid-19. Ainsi, durant la deuxième quinzaine d’octobre, au moment où la seconde vague de Covid-19 accélérait, l’Insee a enregistré en France une surmortalité, toutes causes confondues, de 341 décès par jour (21 % de plus que sur la même période de 2019-2018), alors que Santé publique France n’enregistrait «que» 260 décès Covid.

Durant la première quinzaine d’octobre, la surmortalité de 115 décès par jour s’avérait aussi supérieure d’un tiers aux 78 attribués officiellement au Covid. Même tendance, quoique avec des flux plus faibles, en septembre avec une surmortalité générale de 110 décès par jour, dont 44 dus au Covid. Sur ces deux mois, un tiers des certificats de décès surnuméraires ne mentionnaient pas le Covid-19. Le même phénomène a été observé en Italie et en Espagne. Si cette proportion de décès supplémentaires hors Covid reste limitée, plusieurs hypothèses d’explications sont avancées.

Manque de données

Sylvie Le Minez, à l’Insee constate « une nette surmortalité depuis septembre mais nous manquons encore de données médicales pour y distinguer la part du Covid 19 directement et celle d’autres causes ». Une s ous-évaluation du Covid, durant ces deux mois est envisageable, mais paraît peu vraisemblable en France, où le nombre de décès Covid correspondait presque intégralement à la surmortalité au printemps.

Il semble plus plausible que la déprogrammation des soins hors Covid et du non recours observé en médecine libérale en mars et avril ait eu un impact avec retard. « Il y a eu des reports d’opérations médicales, et un moindre dépistage de troubles cardiaques ou de cancers », rappelle Jean-Marie Robine, de l’Institut national des études démographiques. L’Institut Gustave Rousset estime que la carence de dépistage pendant cette période pourrait induire une hausse du nombre de cancers de 2% à 5% sur cinq ans. Les professionnels de santé ont mis e garde depuis cet été sur le risque de voir des patients consulter trop tard, présentant alors des formes plus graves.

De même, l’Espagne a déploré selon l’Institut national des statistiques 22 % de décès de plus entre septembre et novembre que sur la même période de 2018 ou 2019, dont deux tiers environ sont attribués officiellement au Covid. Les épidémiologistes appellent à la prudence mais émettent des hypothèses sur le tiers restant. « Une bonne part de ces décès (…) a un lien plus ou moins direct avec la pandémie, entre l’impossibilité pour les patients d’avoir accès à leurs médecins traitants, la baisse de la qualité de l’attention, le manque de détection précoce ou les retards de diagnostics », estime Fernando Rodríguez-Artelejo, professeur spécialiste en santé publique à l’université Autonoma de Madrid.

Une «mortalité Covid secondaire»

« On peut supposer qu’il s’agit d’une mortalité Covid secondaire, due la surcharge du système sanitaire devenu monothématique », commente aussi Javier Segura del Pozo, specialiste en prévention et santé publique auprès de la mairie de Madrid. Ce qui semble confirmé par le fait que, à l’inverse, en Allemagne où les services médicaux n’ont pas été débordés au printemps et où le non recours aux soins a été plus faible, cette « surmortalité mystère » de l’automne n’existe pas. Selon les données de l’Office fédéral de la statistique (Destatis), le surcroît de décès observé depuis le printemps dernier, avec notamment une hausse de 6% en septembre, suit quasi strictement l’évolution du nombre de victimes du coronavirus.

Autre cause plausible, mais impossible à vérifier à ce stade : les dégâts sociaux et psychiques dus au confinement pourraient commencer à avoir un impact sanitaire. Le gouvernement français a alerté ces dernières semaines sur le mal-être de beaucoup de Français, les invitant à consulter. Plus prospectif, Javier Segura del Pozo dit s’attendre à voir apparaître «des morts collatérales, liées à l’anxiété, à l’automédication, à la solitude des personnes âgées, à la dépression, à l’isolement voire à la précarité sociale».

Yves Bourdillon, avec Cécile Thibaud à Madrid et Ninon Renaud à Berlin

Source : Covid: une partie de la surmortalité de cet automne reste inexpliquée en France et en Espagne | Les Echos

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