«Extraordinaire coïncidence» ? L’infirmière en chef de l’armée britannique a secouru les Skripal
Plus de 10 mois après l’empoisonnement de Sergueï Skripal et sa fille à Salisbury, des médias britanniques révèlent l’identité des tous premiers intervenants : une infirmière militaire (très) expérimentée, et sa fille de 16 ans qui passaient par là.
L’affaire Skripal se révèle toujours plus rocambolesque. Selon la presse britannique, les premiers secours fournis à l’ex-agent double Sergueï Skripal et sa fille Ioulia, le 4 mars 2018, ont été apportés par une infirmière… militaire. Et plus précisément, par Alison McCourt, colonel et infirmière en chef de l’armée britannique, et sa fille de 16 ans, Abigail.
Ce 20 janvier, le quotidien britannique The Guardian rapporte ainsi qu’Abigail McCourt, 16 ans, aurait été la première à apercevoir l’ex-agent russe et sa fille gisant sur un banc. C’est en tout cas le point d’entrée que le journal choisit de mettre en avant, pour préciser toutefois dans la foulée : «[Abigail] alerte sa mère, Alison [McCourt], qui est un colonel et infirmière en chef [de l’armée britannique]».
«C’était l’anniversaire de mon frère et nous étions dehors pour le fêter. Et comme on rentrait à la maison, je les ai aperçus sur le banc», témoigne la jeune fille de 16 ans, interviewée le 19 janvier par la radio Spire FM, basée à Salisbury. «Je l’ai signalé à ma mère parce que je pensais qu’il [Sergueï Skripal] était victime d’une crise cardiaque», explique-t-elle encore. Elle aurait alors assisté sa mère à donner les premiers soins.
D’après Spire FM, si cet aspect de l’épisode de l’empoisonnement de Sergueï et Ioulia Skripal n’est médiatisé que dix mois après les faits, c’est parce qu’Alison McCourt aurait décidé de présenter sa fille au titre de «héros local», une distinction attribuée par la radio, que l’adolescente vient de recevoir. Abigail aurait ainsi été la première à mettre les Skripal en position latérale de sécurité ce 4 mars 2018. Toujours selon Spire FM, la mère et la fille McCourt auraient préféré rester discrètes durant les développements internationaux de l’affaire, qui a notamment causé une grave crise diplomatique entre la Russie et plusieurs pays occidentaux. Londres avait en effet immédiatement accusé le gouvernement russe d’être lié à l’empoisonnement, ce que ce dernier a toujours nié. Moscou a en outre offert, dès le début de la crise diplomatique, son aide dans l’enquête, aide que Londres a refusée.
Durant sa carrière, Alison McCourt a été déployée dans divers terrains de guerre comme l’Irak, le Kosovo ou la Bosnie. Plus récemment, elle s’est rendue au Sierra Leone dans le cadre de la lutte contre Ebola.
Hasard ou «extraordinaire coïncidence» ?
Moscou a réagi à ces dernières révélations hautes en couleur. L’ambassade de Russie à Londres, citée par l’agence de presse TASS, a ainsi commenté : «Si cela est vrai, permettez-nous d’exprimer notre sincère admiration et gratitude à Abigail pour avoir sauvé la vie de nos deux compatriotes. En même temps, nous devons dire que ces témoignages, comme bien d’autres liés à l’affaire de Salisbury […] sont invérifiables.»
Et la diplomatie russe de faire part de son étonnement : «De plus, le fait qu’Abigail était présente sur la scène du crime avec sa mère, Alison McCourt, qui se trouve être colonel et infirmière en chef de l’armée britannique, ajoute aux innombrables coïncidences extraordinaires liées à l’empoisonnement des Skripal. Qui plus est, l’on peut se demander pourquoi cette information […] n’est rendue publique que 10 mois après l’incident.»
La présence au bon endroit et au bon moment d’une infirmière expérimentée de l’armée britannique est-elle pour autant une curieuse coïncidence ? Oui et non. Non, si l’on considère que le centre de recherche militaire de pointe sur les armes chimiques de Porton Down n’est situé qu’à une dizaine de kilomètres de Salisbury, dans le sud-ouest de l’Angleterre. Ce qui, de fait, augmente les chances statistiques de croiser une infirmière-colonel dans les rues de Salisbury.
Pour autant, ce nouveau détail sur le déroulé de ce dimanche du 4 mars 2018 ne permet pas plus d’éclaircir certaines questions. Parmi celles-ci, l’extrême toxicité de l’agent chimique présumé – de type novitchok – utilisé lors de l’empoisonnement. Un produit de classe militaire aurait ainsi été susceptible de causer la mort chez les intervenants.
En mai 2018, l’équipe médicale qui avait pris en charge Sergueï et Ioulia Skripal faisait ainsi part de son étonnement. Dans une interview accordée à la BBC le 29 mai 2018, une infirmière racontait l’arrivée des deux Russes à l’hôpital de Salisbury. «On nous a juste dit que deux patients étaient aux urgences, dans un état était critique et qu’ils seraient transférés dans notre service», témoignait l’infirmière de garde, Sarah Clark. «Aucune précaution n’avait été prise pour nous protéger», se rappelait-elle encore. Et de souligner qu’étant donnée la toxicité supposée du produit, le personnel médical aurait été lui-même menacé. Sans parler des Skripal eux-mêmes, qui ont finalement survécu.
Alexandre Keller