Skripal : Moscou dénonce les accusations «farfelues» de Washington et ses sanctions «draconniennes»
Accusée par Washington, plusieurs mois après les faits, d’être responsable de l’empoisonnement des Skripal, la Russie souligne une nouvelle fois l’absence de preuves et appelle à l’ouverture d’une enquête transparente.
Le ministère des Affaires étrangères russe, par la voix de sa porte-parole Maria Zakharova, a annoncé ce 9 août que des mesures de rétorsion aux sanctions américaines allaient être prises. Plus tôt dans la journée, l’ambassade russe aux Etats-Unis avait vivement réagi aux accusations portées par Washington contre Moscou dans l’affaire Skripal, cet ex-agent double russe empoisonné à Salisbury avec sa fille à Salisbury au Royaume-Uni, ainsi qu’aux nouveaux volets de sanctions économiques qui les ont accompagnées.
La diplomatie russe estime que les accusations portées contre le gouvernement russe sont «farfelues» et rappelle, comme Moscou l’a déjà fait à maintes reprises, que ces accusations ne sont étayées par «aucun fait ni aucune preuve». L’ambassade dénonce par conséquent les sanctions «draconiennes» qui ont été prises par Washington en mesure de rétorsion, et appelle à l’ouverture d’une enquête transparente sur cette affaire.
Alors qu’elle était sortie du cycle médiatique depuis quelques semaines, l’affaire Skripal connaît un nouveau rebondissement aux Etats-Unis le 8 août. «Nous avons toujours dit très clairement que nous étions d’accord avec la conclusion qu’il s’agissait de l’agent Novitchok et que le coupable était en fin de compte la Fédération de Russie», a déclaré un haut responsable du département d’Etat devant la presse ce jour-là. Quelques minutes plus tôt, la porte-parole du département d’Etat, Heather Nauert, expliquait succinctement dans un communiqué que les Etats-Unis avaient «déterminé le 6 août […] que le gouvernement russe avait utilisé des armes chimiques ou biologiques en violation des lois internationales». Une accusation qui s’accompagnait d’un nouveau volet de sanctions économiques contre Moscou, et qui intervient cinq mois après le début de l’affaire, sans nouveaux éléments pour venir l’étayer.
Le «contexte» qui accuse Moscou
En tout état de cause, et comme en témoigne son annonce, Washington ne s’embarrasse pas d’éléments concrets pour arriver à ses conclusions. Une position calquée sur celle de Londres, et qui a été peut-être le mieux définie par la représentante permanente du Royaume-Uni à l’ONU Karen Pierce. Devant le Conseil de sécurité de l’ONU, dès le mois d’avril, cette dernière expliquait à ses collègues que c’était «le contexte plus large qui [avait] poussé le Royaume-Uni à juger qu’il n’y avait pas d’autre explication plausible que la responsabilité de la Russie dans les événements de Salisbury».
Et les certitudes de Londres ne se sont jamais érodées, en dépit de l’absence de preuves. Pour le ministre britannique des Affaires étrangère de l’époque, Boris Johnson, l’origine du russe de la substance utilisée ne faisait aucun doute, puisqu’elle lui avait été confirmée par la laboratoire militaire britannique de Porton Down. Une déclaration surprenante car Gary Aitkenhead, le directeur général du laboratoire de Porton Down, avait de fait savoir à la chaîne britannique Sky News que ses scientifiques étaient incapables de relier les échantillons de la substance utilisée pour attaquer Sergueï et Ioulia Skripal, à la Russie…
Quelques semaines plus tard, le président de la République tchèque Milos Zeman avait par ailleurs déclaré que son pays avait développé un agent innervant de type «novitchok» en petite quantité, alors qu’une enquête journalistique publiée outre-Rhin dévoilait que les services extérieurs allemands avaient eu eux-aussi accès au cours des années 1990 au fameux poison. Et, piégé par un canular, le directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), avait soutenu que «n’importe quel pays» avait pu produire l’agent innervant utilisé dans l’attaque de Salisbury.
Le feuilleton des accusations britanniques continue
Mais les accusations britanniques ont repris de la vigueur dès le début du mois de juillet, lorsque Charlie Rowley, 45 ans, et sa compagne Dawn Sturgess ont été retrouvés inconscients le 30 juin dans une habitation de Muggleton Road, à Amesbury, tout près de Salisbury.
La police antiterroriste britannique a assuré avoir trouvé de l’agent innervant de type «Novitchok» en bouteille près d’eux, et déclaré qu’il était à l’origine de l’empoisonnement du couple qui a coûté la vie à Dawn Sturgess.
Une occasion en or pour le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Boris Johnson, qui a rapidement jugé que la Russie était également responsable de cette affaire. «La simple réalité est que la Russie a commis une attaque sur le sol britannique, celle-ci a causé la mort d’une citoyenne britannique», a-t-il affirmé, sans étayer son accusation.
La Russie a toujours nié son implication dans ces affaires, le président russe Vladimir Poutine qualifiant le 17 juillet ces accusations d’«infondées» demandant, comme dans l’affaire Skripal, à voir quelles «preuves documentées» venaient les étayer. Mais quelle que soit l’issue de ces manœuvres, les accusations britanniques ont déjà porté préjudice à la Russie. Se contentant des présomptions britanniques, une vingtaine de pays ont décidé fin mars d’expulser plus de 100 diplomates russes.