Affaire Benalla: l’Elysée a fait relayer un montage trompeur à partir d’images obtenues illégalement

Le conseiller spécial d’Emmanuel Macron, Ismaël Emelien, est au coeur de l’affaire Benalla. Ici, au Palais de l’Elysée le 17 janvier 2018 (image d’illustration).

 

Le chargé de communication de l’Elysée Ismaël Emelien a diffusé un montage vidéo trompeur, qui tentait de faire passer le manifestant violenté par Alexandre Benalla pour un individu violent, à partir d’images policières obtenues illégalement.

Si la majorité présidentielle a pu dénoncer une instrumentalisation médiatique derrière l’affaire Benalla, de nouveaux éléments révélés par une enquête du Monde, publiée le 29 mars, semblent prouver que si instrumentalisation il y a eu, celle-ci serait tout au contraire le fait de l’Elysée. Le proche conseiller d’Emmanuel Macron à l’Elysée – de mai 2017 à mars 2019 – Ismaël Emelien, a bel et bien utilisé des images du 1er mai, place de la Contrescarpe, récupérées illégalement auprès de la préfecture, montrant notamment un jeune couple lancer des projectiles sur les policiers, quelques instants avant l’intervention d’Alexandre Benalla.

Un montage vidéo, avec des images d’une autre scène, montrant cette fois-ci un autre homme, poursuivant un policier avec une chaise, a été ensuite réalisé. L’objectif présumé ? Permettre de minimiser les actes d’Alexandre Benalla et de discréditer les victimes. Ismaël Emelien a ensuite transféré la vidéo à Pierre Le Texier, responsable du pôle e-influence d’En Marche, pour faire diffuser et propager ce montage.

Lorsque le quotidien révèle le 18 juillet 2018 que le conseiller d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla, est impliqué dans des violences sur la place de la Contrescarpe le 1er mai 2018, «un vent de panique saisit l’Elysée», écrit Le Monde. Menée par le chef d’orchestre de l’Elysée Ismaël Emelien, chargé de la communication de crise, la contre-offensive est lancée : annoncer qu’Alexandre Benalla a reçu une première sanction au mois de mai 2018 et déclarer que celui-ci ne faisait que «réagir en réponse à des violences». Le 19 juillet, Ismaël Emelien veut lancer la bataille médiatique par les réseaux sociaux en récupérant les fameuses vidéos. Il demande à Pierre Le Texier d’utiliser des comptes anonymes pour amorcer cette bataille.

C’est Alexandre Benalla lui-même qui fournira ces images, obtenues illégalement auprès de la préfecture. Toujours d’après Le Monde, à la police, Ismaël Emelien assurera qu’il «ignorait leur provenance et donc leur caractère illégal».

Ismaël Emelien va également transmettre à Pierre Le Texier des images mélangeant les événements du 1er mai, place de la Contrescarpe et une du même jour, visiblement plus tard dans la, journée, montrant un homme poursuivre un policier, chaise à la main. Le but étant de créer la confusion en assimilant un et même manifestant agressif qui aurait conduit Alexandre Benalla à agir. Evidemment, l’homme qui a été victime des agissements d’Alexandre Benalla le 1er mai n’est pas le même en réalité que «l’homme à la chaise» de la deuxième vidéo.

«C’était un individu violent sciemment venu place de la Contrescarpe pour casser du flic»

Sur les réseaux, Pierre Le Texier choisit d’ajouter une légende afin de discréditer le manifestant interpellé sèchement par Alexandre Benalla et d’excuser le comportement de celui-ci : «OK, même si ce n’était pas à #Alexandre Benalla de le faire, ne faisons pas passer cet étudiant pour un garçon bien sous tout rapport. C’était un individu violent qui était sciemment venu place de la contre-escarpe pour casser du flic.» Le 19 juillet 2018, le compte anonyme «@frenchpolitic» met en ligne ce montage. Le journaliste Samuel Laurent affirme même que l’Elysée a ensuite adressé l’adresse du compte à des journalistes.

Pierre Le Texier utilise ensuite un autre compte anonyme, dans la journée du 19 juillet, pour diffuser le montage. Quelques heures plus tard, Ismaël Emelien demandera à Pierre Le Texier de supprimer le premier tweet avec les légendes…

Alors qu’Ismaël Emelien pensait faire sa promotion de son livre sur le progressisme en toute quiétude, il a été interrogé par C à vous sur France 5, le 28 mars à ce sujet. Visiblement agacé, il a tout d’abord justifié l’utilisation de comptes anonymes, pour propager des vidéos, en affirmant que, sur Twitter, c’était «un peu la règle». Sur la question de la propagation d’un montage vidéo  trompeur, puisque mettant à la suite l’une de l’autre deux vidéos qui n’avaient de commune que la date, Ismaël Emelien a répondu qu’il ne savait pas si celle-ci était… mensongère. «Pour moi, elle ne l’était pas», a-t-il justifié, en complétant qu’il n’avait rien à ajouter.

Ironie du sort : le 18 janvier dernier, lors d’une visite surprise à Souillac devant des maires pour le second épisode du grand débat national, le président de la République lui-même dénonçait l’anonymat sur Internet et appelait à des mesures devant permettre sa disparition progressive. Il estimait alors qu’il s’agissait d’un «processus où on sait distinguer le vrai du faux et où on doit savoir d’où les gens parlent et pourquoi ils disent les choses»…

Lire aussi : Sénat et affaire Benalla : la Macronie fait bloc, Philippe et Ferrand boycottent la chambre haute

 

via Affaire Benalla: l’Elysée a fait relayer un montage trompeur à partir d’images obtenues illégalement — RT en français

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire