[Affaire Skripal] Des chimistes iraniens identifient des agents de guerre chimique soviétiques

Un article intéressant de 2017 sur le Novitchok, depuis un portail centré sur la spectrométrie.

Source : Spectroscopy Now, Ryan De Vooght-Johnson, 01-01-2017

Publié : 1er janvier 2017

Auteur : Ryan De Vooght-Johnson

Canaux : Informatique de laboratoire / Chimiométrie & Informatique

La détection des armes chimiques nécessite de bonnes données analytiques.

Les armes chimiques et leurs précurseurs ont été interdits par la Convention sur les armes chimiques, qui a été signée et ratifiée par presque tous les pays du monde. Toutefois, l’utilisation illégale d’armes chimiques, que ce soit par des organismes d’État ou des organisations terroristes, demeure une menace. Des armes chimiques ont été utilisées par les forces irakiennes dans les années 1980 contre les forces iraniennes et les civils kurdes. Certaines armes chimiques, comme le chlore gazeux, auraient été utilisées ces dernières années dans la guerre civile syrienne.

Les bases de données actuelles comprennent les spectres de masse des agents de guerre chimique les plus courants, mais il reste encore du travail à faire sur les agents plus rares. Les agents dénommés « Novichok » sont une série d’agents neurotoxiques hautement toxiques développés en Union soviétique dans les années 1970 et 1980. La littérature sur leurs propriétés spectrales est rare.

La détection d’armes chimiques peut impliquer des échantillons dans lesquels elles sont présentes à des niveaux extrêmement bas. La spectrométrie de masse est généralement utilisée pour l’identification, typiquement GC/MS ou LC/MS. Même avec ces techniques, l’identification peut être difficile dans des situations où l’ion moléculaire est faible ou des composés isomères peuvent être présents. Il est important de reconnaître les voies de fragmentation typiques afin d’identifier de manière fiable les composés.

GC/MS et LC-MS/MS utilisés pour la détection de l’agent « Novichok ».

Les chercheurs iraniens ont synthétisé cinq agents « Novichok », ainsi que quatre analogues deutérés. Il s’agissait tous de composés O-alkyl N-[bis(diméthylamino)méthylidène]-P-méthylphosphonamidate (c’est-à-dire des molécules dont le groupe phosphore est un agent neurotoxique typique couplé à la N,N,N,N’N’-tétraméthylguanidine). Le groupe O-alkyle était varié, les dérivés méthoxy, éthoxy, isopropoxy, phénoxy et 2,6-diméthylphénoxy étant préparés. Les synthèses ont été réalisées à une micro-échelle afin de minimiser l’exposition.

Les agents neurotoxiques synthétisés ont été examinés par CG/SM, à l’aide d’une rampe de CG à 40-280°C, d’une source d’ionisation électronique (EI) et d’un détecteur sélectif de masse (MSD). Les composés ont tous montré un ion moléculaire de bon à modéré. Les autres ions principaux ont été identifiés à l’aide des spectres de masse des analogues deutérés. La fragmentation était le plus souvent comme on pouvait s’y attendre ; par exemple, pour l’analogue méthoxy, le pic de base impliquait la perte d’un groupe diméthylamino et du groupe phosphore-méthyle. Pour le composé phénoxy, le pic de base était celui de la perte d’un groupe diméthylamino ; les auteurs proposent une réaction intramoléculaire impliquant une attaque à partir de la position ortho du groupe phénoxy sur le carbone central’guanidine’, conduisant à la perte du groupe diméthylamino et à la formation d’un complexe sigma stable. Le spectre du dérivé 2,6-diméthylphénoxy, où le pic correspondant est beaucoup plus faible, probablement parce que les positions ortho sont bloquées par les groupes méthyle. Un réarrangement distinctif de type McLafferty, avec perte d’un alcène du groupe alcoxy, a été observé avec des dérivés où cela était possible, comme l’éthoxy et l’isopropoxy, mais pas dans les dérivés méthoxy et phénoxy, où un tel réarrangement ne pouvait pas se produire.

Les composés ont été examinés par LC-MS/MS, à l’aide d’une source d’ionisation par électrospray (ESI) et d’un spectromètre de masse tandem quadripolaire. La CLHP a utilisé un système de gradient acétonitrile aqueux, avec 20 mM d’acide formique. En général, les spectres ESI étaient similaires aux spectres EI. La perte facile d’un groupe diméthylamino avec le dérivé phénoxy a de nouveau été notée.

Nouveaux ajouts à la base de données sur les armes chimiques

Les auteurs ont réussi à synthétiser et à obtenir des données spectrales de masse détaillées sur une série d’agents neurotoxiques inhabituels. Les données ont été ajoutées à la base de données analytique centrale de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). Il est important que ces bases de données soient aussi complètes que possible afin que les armes chimiques inhabituelles puissent être détectées sans ambiguïté. La tâche de débarrasser le monde de toutes les armes chimiques exige beaucoup de travail minutieux, mais l’objectif ultime est certainement quelque chose que nous devrions tous approuver.

Source : Spectroscopy Now, Ryan De Vooght-Johnson, 01-01-2017

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.


En fait, cet article relate les informations de cet article scientifique publié dans une revue à comité de lecture (en pdf).

L’article indique les principes généraux de fabrication. L’objectif était donc de réaliser une microsynthèse à des fins de recherche.

Ces scientifiques ont produit environ 0,4 mmol de produit, soit quelques dizaines de milligrammes.

La dose mortelle de Novitchok est de moins d’un milligramme

Tout ceci confirme de nouveau que la production de ce produit est à la portée de beaucoup de pays et structures…

 

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