Apologie de l’esclavage et pub pour les mafieux par France Cul

Une activité mêlant les deux grands tabous que sont le sexe et l’argent ne peut laisser indifférent. Tout le monde a une image d’Épinal en tête, si ce n’est un avis bien tranché sur la question. Notamment lorsqu’on est une femme, difficile de ne pas s’entendre soi-même penser « moi, je ne pourrais pas me prostituer ». « Tant mieux, ça nous ferait de la concurrence ! » répondent, amusées, Mylène et Anaïs.

Le travail du sexe est un travail
Le travail du sexe est un travail Crédits : AFP

Episode 1 : « Je ne serais peut-être pas travailleuse du sexe si je n’avais pas à travailler. Mais aujourd’hui, ça me pose moins de problème que d’être employée de bureau ou femme de ménage. »

« Bien sûr que tout le monde ne peut pas se prostituer et ce n’est pas ce qu’on demande. On voudrait juste être entendues au-delà de ces a priori, comme de vraies personnes, qui travaillent pour gagner leur vie ». Anaïs nous accueille devant son ordinateur où elle gère ses annonces d’escort, Mylène nous ouvre la porte de son studio où elle reçoit ses clients. L’une travaille par le biais d’internet, l’autre jauge les clients en quelques secondes dans la rue. Toutes les deux sont travailleuses du sexe. Car c’est bien d’un statut de travailleuse dont elles se revendiquent. Quelles sont les spécificités de cette activité? En quoi peut-elle revêtir de multiples facettes? Comment peut-on la distinguer de l’exploitation ? Sans victimisation ni mythification de leur activité, Mylène et Anaïs ouvrent des pistes de réponses en nous donnant à entendre leur quotidien de travailleuses du sexe indépendantes.

« Ce n’est pas parce qu’on fait des prestations sexuelles qu’on doit se résigner à accepter des agressions. On dicte les règles et le client les accepte. Le type qui ne respecte pas les règles n’est pas un client, c’est un agresseur. celui qui va dans une boulangerie pour braquer la boulangère, c’est pas un client, c’est un braqueur. »

Manifestation du 17 décembre 2014
Manifestation du 17 décembre 2014 Crédits : AFP

Épisode 2 : « Je suis indépendante, mais avec cette nouvelle loi, je perds ma clientèle. Je vais devoir me tourner vers des réseaux qui peuvent fournir des clients. »

Ce quotidien bien rodé est aujourd’hui menacé. Depuis la nouvelle loi sur la pénalisation des clients adoptée le 6 avril 2016, Mylène et Anaïs voient leur clientèle se raréfier, leur situation se précariser. Elles doivent faire des choix difficiles, accepter des clients qu’elles ne « sentent » pas et des pratiques qu’elles refusaient, envisager même d’aller travailler à l’étranger. Ce n’est qu’un nouveau cap qui est franchi, le contexte législatif français rendant déjà très difficile leurs conditions de travail et leur place dans la société. « Désolée, je ne peux pas vous payer le café, vous pourriez être accusée de proxénétisme ! » plaisante Anaïs lors de notre première rencontre. Une plaisanterie basée sur une réalité législative : est considérée comme proxénète toute personne profitant des revenus de la prostitution ou en favorisant l’activité, même sans violence ni exploitation. Les prostituées ne peuvent ainsi légalement pas s’entre-aider, louer un appartement à plusieurs, embaucher pour assurer leur protection. Anaïs et Mylène racontent concrètement comment le cadre législatif, dont l’objectif affiché est de les protéger, les met en réalité face à plus de dangers et favorise paradoxalement les réseaux de proxénétisme, en les empêchant de s’auto-organiser.

 

via Libres travailleuses du sexe

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