Baisse du QI, troubles de la mémoire, autisme : comment la pollution affecte notre cerveau

Si le lien entre pollution et maladies respiratoires et cardiovasculaires est aujourd’hui largement reconnu, de plus en plus d’études attestent aussi de ses effets sur le cerveau.

Drogue, alcool, stress, manque de sommeil… Voilà les principaux ennemis des neurones identifiés par les Français, selon un sondage BVA réalisé à l’occasion de la Semaine du cerveau, qui se terminera dimanche. Si près de la moitié des personnes interrogées (45%) se dit inquiète pour la santé de son cerveau, peu connaissent l’effet de la pollution sur cet organe. Pourtant, de plus en plus d’études tendent à prouver que certains polluants seraient en partie responsables d’une baisse du quotient intellectuel, des troubles de la mémoire, voire de l’autisme.

De quelle pollution parle-t-on ? Plomb, cadmium, mercure… Le cerveau est d’abord altéré par les métaux présents dans l’air, dans les sols, dans l’eau des rivières. Mais la pollution de l’air existe aussi à l’intérieur des locaux, dans les écoles notamment. Des milliers de produits chimiques sont ainsi capables d’interférer avec notre système endocrinien. C’est le cas des retardateurs de flammes, des imperméabilisants dans les vêtements, des emballages plastiques ou encore des pesticides, comme le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane). Interdit depuis les années 1970, cet insecticide agit encore sur notre organisme.

Entendu sur Europe 1
Une insuffisance en hormones thyroïdiennes peut par exemple entraîner un crétinisme
Sakina Mhaouty Kodja, chercheuse en neurosciences

Baisse du quotient intellectuel. « Les hormones thyroïdiennes sont très importantes pour le développement cérébral. Une insuffisance en hormones thyroïdiennes peut par exemple entraîner un crétinisme et donc une diminution des capacités cognitives », explique sur Europe 1 Sakina Mhaouty Kodja, chercheuse en neurosciences à l’université Pierre et Marie Curie. C’est également la conclusion de Barbara Demeneix. Dans Le Cerveau endommagé, publié en 2016, et Cocktail toxique, comment les perturbateurs endocriniens empoisonnent notre cerveau, sorti en octobre dernier, la biologiste soutient que les expositions toujours plus nombreuses à des métaux lourds et à des substances chimiques de synthèse compromettent les capacités intellectuelles des générations futures. « Des études ont montré qu’un manque ou un excès d’hormones thyroïdiennes chez la mère peut être associé à une baisse de QI chez l’enfant. Mais aussi altérer la formation et la structure du cerveau de celui-ci, avec une production diminuée de matière grise », expliquait-elle dans une interview au site « Ça m’intéresse » en 2017.

« Une fuite chimique des cerveaux ». « En effet, nous sommes plus lents en dépit des nouvelles technologies et nous avons perdu 14­ points de QI en 100 ans ! En Finlande, qui possède l’un des meilleurs systèmes éducatifs au monde, le QI a baissé de 2 ­points en 10 ans », notait-elle alors. Philippe Grandjean, professeur de médecine environnementale à l’université de Harvard et du Danemark-Sud va lui jusqu’à évoquer une « fuite chimique des cerveaux ». Le plomb, par exemple, encore présent dans les peintures, est particulièrement pointé du doigt. Selon plusieurs études, chaque tranche de 10 microgrammes de plomb par litre de sang correspondrait ainsi à une perte d’un point de QI.

Les enfants en première ligne. L’Unicef, dans un rapport intitulé « Danger in the air » et rendu public en décembre dernier, pointe aussi l’impact de la pollution sur les fonctions cérébrales “comme la mémoire et le QI verbal et non-verbal, des résultats d’examens, des notes plus faibles parmi les écoliers, ainsi que d’autres problèmes neurologiques”. Les plus vulnérables sont en effet les enfants, à cause de leur cerveau en développement.

Dès la vie in utero. La pollution a même des conséquences dès la vie in utero. Les fœtus exposés à des niveaux élevés de phtalates, des substances chimiques présentes dans de nombreux produits de grande consommation, ont un quotient intellectuel en moyenne plus bas que les autres, révélait fin 2014 une étude publiée dans la revue Plos One. Des chercheurs, après avoir mesuré les taux de deux phtalates présents dans les urines de 328 New-Yorkaises enceintes, avaient constaté qu’à 7 ans, leurs enfants avaient un QI d’environ 7 points inférieur à celui des enfants exposés à des doses moindres.

En France, des chercheurs de l’Inserm se sont eux rendu compte que les enfants qui présentaient les plus forts taux de pyréthrinoïdes, une famille d’insecticides utilisés en agriculture ou dans les produits anti-poux et anti-moustiques, avaient plus de difficultés que les autres dans la compréhension verbale et la mémoire de travail.

De plus en plus de troubles autistiques. Les indices s’accumulent aussi quant à l’implication des polluants dans la montée en puissance de l’autisme, maladie non transmissible dont la fréquence augmente le plus rapidement au monde. Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, un enfant sur 68 était victime de troubles autistiques en 2016, soit 30% de plus qu’en 2012 (un enfant sur 88) et vingt à trente fois plus que dans les années 1970. « Une étude prospective menée en Californie entre 1997 et 2008 a par exemple montré que la probabilité d’avoir un enfant autiste augmentait à mesure que le lieu de résidence des femmes enceintes était proche des champs traités au chlorpyriphos, un insecticide organophosphoré qui interfère avec le système thyroïdien. Aujourd’hui, il n’est plus possible de nier les effets de l’environnement sur ces troubles », notait à ce propos Barbara Demeinex dans une interview au journal Le Monde, en novembre dernier.

La pollution de l’air liée à Parkinson et Alzheimer. Dans le même ordre d’idées, une vaste étude menée par une équipe de chercheurs de Harvard et publiée en janvier 2016 dans la revue Environmental Health Perspectives souligne que la pollution de l’air aggrave les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Les chercheurs de l’université de Boston ont analysé les données de 9,8 millions d’assurés au système américain Medicare, dans cinquante villes du nord-est des États-Unis entre 1999 et 2010. Ils sont parvenus à cette conclusion : chaque hausse de 1 microgramme par mètre cube d’air de la concentration aérienne en particules fines PM 2,5 se caractérise par une élévation de 8% du risque d’être hospitalisé dans l’année pour une démence ou une maladie de Parkinson, et de 15 % pour une maladie d’Alzheimer. « Cette étude confirme que la pollution de l’air est l’un des problèmes de santé publique les plus importants », a même estimé dans la foulée le Dr Maria Neira, directrice du département Santé publique et environnement à l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

D’autres polluants s’attaquent à notre matière grise. C’est le cas des substances chimiques dont certaines peuvent être très toxiques pour le cerveau. En 2009, l’Inserm a reconnu que « l’exposition aux pesticides double le risque de maladie de Parkinson chez les agriculteurs ». Celle-ci a ainsi été inscrite en 2012 sur la liste des maladies professionnelles.

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