Castoriadis : l’actualité d’une pensée radicale – Nonfiction.fr le portail des livres et des idées

Cette superbe édition des écrits politiques de Castoriadis pose la question de l’actualité, voire de l’urgence, d’une pensée à la fois radicale et réaliste.

Avec ces deux volumes, les éditions du Sandre achèvent la publication des Ecrits politiques de Cornelius Castoriadis. C’est là un travail tout à fait remarquable dans lequel peu d’éditeurs sont aujourd’hui disposés à s’engager. L’ensemble comprend 8 volumes, superbement imprimés et reliés, et près de 5 000 pages de textes s’échelonnant sur près d’un demi-siècle, de l’après-guerre au milieu des années 1990.

Certes, l’essentiel de ce que le lecteur y trouvera avait déjà été publié par le passé. C’est le cas, en particulier, de la plupart des textes de la revue Socialisme ou Barbarie, publiés en volumes de poche dans les années 1970 par Christian Bourgois. Depuis longtemps épuisés, ils sont ici repris intégralement selon un ordre essentiellement chronologique. S’y ajoutent de nombreux inédits issus des archives de l’auteur, aujourd’hui déposées à l’IMEC   . On y trouve encore, sous l’intitulé « L’impérialisme et la guerre », certains des textes les plus anciens, consacrés à la situation géopolitique internationale de l’après-guerre, marquée par le début de la Guerre froide entre les deux superpuissances du moment et par la perspective, redoutée, d’une imminente troisième guerre mondiale. Enfin, le volume 7, rassemble, sous le titre Ecologie et politique, un ensemble de textes jusqu’ici éparpillés qui, ainsi rapprochés, révèlent l’importance que Castoriadis accordait, dès le milieu des années 1970, à l’écologie. Il y résume de manière saisissante la situation dramatique de nos sociétés au plan écologique. Toutefois, les textes les plus pertinents à cet égard, sans traiter directement des enjeux de l’écologie, les éclairent substantiellement par le biais de la question de la technique et de la science dans la société capitaliste.

Ces analyses et ces conceptions, Castoriadis les a fixées au cours des années 1950 et 1960. A partir des années 1980, Castoriadis formule un nouveau diagnostic, qui ne remet pas tant en cause le précédent qu’il ne prend en compte les évolutions de la société après l’essoufflement des mouvements des années 1960. C’est un portrait assez sombre qu’il trace alors de la situation. On peut le résumer ainsi : la crise de nos sociétés tend à leur décomposition, elle manifeste un « délabrement de l’Occident ». Selon Castoriadis, en effet, les sociétés occidentales ont accentué, pendant cette période, leur tendance à la privatisation, notion plus appropriée, selon lui, que celle d’individualisme. Les individus sont devenus, fait-il valoir, profondément apathiques et dépolitisés et se replient presque entièrement sur leur sphère privée, affairés dans la consommation ou cultivant leurs hobbies. Au plan culturel, pris en un sens large, l’époque se caractérise par « la montée de l’insignifiance », la créativité étant en panne dans tous les domaines. Enfin, si certaines institutions autrefois centrales, telles la religion et la famille, sont profondément désinvesties, rien ne vient pour autant prendre leur place. Ainsi, c’est à une véritable éclipse du projet d’autonomie auquel on assiste. A ce jugement tranché sur l’état de nos sociétés fait pendant une nouvelle analyse de la Russie. Selon Castoriadis, le caractère stalinien du système s’est, à partir du règne de Brejnev, effacé et lui a succédé un régime d’un nouveau type. Animé par un rapport cynique à l’idéologie officielle à laquelle il ne croit plus et ayant investi la force brute pour elle-même, le pouvoir russe a mis sur pied une redoutable puissance militaire qui fait, sur ce plan, jeu égal avec les Etats-Unis   et par les séminaires qu’il tînt à l’EHESS de 1980 à 1996. Castoriadis : l’actualité d’une pensée radicale – Nonfiction.fr le portail des livres et des idées

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