Catalogne : quelques rappels et informations pour comprendre la situation

I. La Catalogne

Je vous renvoie simplement vers l’article Wikipédia sur la Catalogne (ou ici) et vers celui sur son histoire (ou ici ou ).

En résumé, la Catalogne est l’une des 17 “communautés autonomes” qui constituent l’Espagne.

Elle est donc dotée d’un Parlement et d’un gouvernement. Cette région du nord-est de l’Espagne compte 7,5 millions d’habitants, soit environ 16 % de la population espagnole. Elle représente 20 % du PIB espagnol – elle est donc environ 20 % plus riche que la moyenne (ce qui n’est pas négligeable, mais n’est pas énorme non plus).

Province romaine conquise par les Wisigoths (Ve siècle) puis par les Arabes (732), ce qui deviendra la Catalogne est repris par Charlemagne qui en fait une marche de son empire. La région est rattachée par mariage à la Provence (1113) puis à la couronne d’Aragon (1137), sous laquelle la Catalogne jouit d’une réelle autonomie, œuvrant à la conquête des Baléares, de Valence, de la Sicile et de la Sardaigne. On considère généralement que l’Espagne nait en 1479, quand les rois catholiques Ferdinand et Isabelle scellent l’union entre les couronnes de Castille et d’Aragon, dont dépendait la Catalogne.

Elle dispose d’un gouvernement catalan, la Generalitat, instauré une première fois en 1932. Supprimé sous Franco, il est rétabli en 1979 après 40 ans de dictature.

En 2006, la Catalogne fait approuver par son Parlement un nouveau statut d’autonomie : l’Estatut d’Autonomia de Catalunya. Il précise le texte initial, très généraliste, au profit d’un statut détaillé de 223 articles qui détaille l’organisation des compétences. Il laisse essentiellement au gouvernement central les domaines de la Défense, de la Diplomatie et de la fiscalité.. Ce texte a été en partie censuré (14 articles) en 2010 par le Tribunal Constitutionnel, qui a entre autres retoqué l’inscription du concept de « nation catalane » ou la définition du catalan comme langue ayant un caractère préférentiel sur l’espagnol (mais tout en acceptant son caractère obligatoire dans l’enseignement).

Au sein de la population catalane, la réaction est alors vive et massive, et se développe un sentiment de trahison. Le 10 juillet 2010, avec le slogan “Nous sommes une Nation, nous décidons nous-même“, un million de personnes défilent à Barcelone (près d’un habitant sur sept de la région) pour protester. C’est la première d’une série de manifestations en faveur du « droit à décider » des Catalans.

Un scrutin est organisé en novembre 2014. La fermeté menaçante de Madrid et du Tribunal constitutionnel contraignent le gouvernement à lui retirer le nom de « référendum » pour celui de « consultation ». 80 % des votants s’y prononcent pour l’indépendance. Triomphe apparent, brocardé par l’autre camp : un peu plus de 2 millions de Catalans sur près de six millions d’électeurs potentiels se sont déplacés pour un scrutin douteux, sans effet décisif.

II. La Catalogne indépendante ?

Rappelons tout d’abord que l’Indépendance de la République catalane a été proclamée 4 fois au cours des siècles, mais l’expérience a tourné court à chaque fois, comme raconté dans ce billet :

  • 1641 : Établissement de la république et intégration au royaume de France
  • 1873 : Proclamation par les Députations catalanes
  • 1931 : Proclamation de la république et transformation en Généralité
  • 1934 : Révolution d’Octobre, abolition de l’État par l’armée

La Catalogne est dirigée politiquement par les indépendantistes depuis 2015. Ils ont obtenu la majorité des sièges mais pas la majorité absolue des voix (47,8%). Cependant, les partis clairement unionistes ne représentent que 39,5% des suffrages.

Intéressons-nous dès lors à la situation en 2017 en vue du référendum.

La Generalitat des Catalunya commande régulièrement des sondages ; le dernier a été effectué en juin 2017, sur 1 500 Catalans. Les résultats sont les suivants ; à al question : “Souhaitez-vous que la Catalogne soit un État indépendant ?”, de 41 à 44 % des Catalans répondent oui :

contre 48-49 % qui répondent Non.

Mais les choses sont plus complexes. À la question “Souhaitez-vous un référendum sur l’indépendance ?” : 48 % répondent “Oui, même contre la volonté du gouvernement espagnol”, 23 % répondent “Oui, mais seulement avec l’accord du gouvernement espagnol”, et 23 % répondent “Non”.

Mais quand on regarde ce que voteraient les participants à un tel référendum, on arrive à une écrasante victoire du Oui par 62 % contre 38 % (en juin 2017) :

Voici les scores par parti (Indépendantistes unis, Centre droit, Socialistes, Gauche, Droite et Indépendantistes d’extrême-gauche)

Voici les raisons de ceux qui votent Oui :

Pour les 6 premières : Plus d’autonomie (26 %), Amélioration de la situation / meilleure gestion (23 %), être un pays (20 %), votre contre l’Espagne (10 %), sentiment d’incompréhension (8 %) et sentiment identitaire (8 %).

L’écart entre ces chiffres est étonnant, mais s’explique bien grâce à ce tableau croisant le vote au referendum et le désir d’État indépendant :

On note donc chez les 741 personnes indiquant ne pas souhaiter que la Catalogne devienne un État indépendant, 254 indiquant qu’elles s’abstiendraient ou voteraient blanc au référendum – face à seulement 23 catalans sur 616 qui voudraient un État indépendant.

Ceci explique donc la large victoire du oui dans les sondages sur le référendum – les opposants de principe à l’indépendance étant en fait peu préoccupés/inquietés par l’Indépendance du pays.

Mi-septembre, 60 % des Catalans déclarent vouloir aller voter, 60 % pour le Oui et 31 % pour le Non (soit 66 % contre 34 % en exprimés) :

Fin-septembre, 63 % des Catalans déclarent vouloir aller voter, 83 % des Catalans souhaitant pouvoir voter tranquillement lors d’un referendum :

 

Une enquête d’ara.cat indique mi-septembre que 60 % des Catalans iraient voter – en progression :

Que sur l’ensemble du collège électoral, le Oui l’emporte 44 % contre 38 % (54%/46% en exprimés), en progression

Mais sur les seules personnes sûres d’aller voter, le Oui l’emporte 70 % contre 14 % (83 %/17 % en exprimés)

70 % des Catalans sont d’accord avec la tenue d’un referendum :

52 % souhaitant qu’il soit tenu même sans l’accord du gouvernement :

Enfin, le quotidien indépendantiste écossais The National a financé une large enquête auprès de 3 300 Catalans en septembre 2017 (donc robuste), suivant 2 scénarios. Dans le premier, correspondant à la réalité, où le gouvernement espagnol et les principaux partis espagnols appellent à boycotter le référendum, on a ceci : 62 % de participation

 

 

et 83 % pour le Oui :

Dans un scénario où le référendum se tiendrait avec l’accord du gouvernement, on aurait 77 % de participation :

et le Oui obtiendrait 66 % contre 32 % pour le Non :

En conclusion, il semble clair qu’un vote sur l’Indépendance en Catalogne se traduise actuellement par une nette victoire du Oui.

via » Catalogne : quelques rappels et informations pour comprendre la situation

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