Des études le démontrent : à Mossoul, les forces de la Coalition ont tué plus de civils que l’État islamique

Par Anne Gulland, correspondante en sécurité sanitaire mondiale.

15 mai 2018

Plus de personnes ont été tuées durant la bataille de neuf mois pour libérer la ville irakienne de Mossoul que pendant les 3 ans d’occupation par l’État islamique de l’Irak et du Levant (ISIL), affirme une étude.

La bataille de l’année dernière pour chasser l’EI de Mossoul a laissé d’énormes pans de la ville en ruines et déplacé jusqu’à un million de personnes.

Une coalition dirigée par les États-Unis a bombardé des cibles clés dans ce que Michael Fallon, qui était alors secrétaire à la défense du Royaume-Uni, a qualifié de « frappes aériennes ciblées » lorsque la ville a finalement été libérée en juillet dernier.

La RAF [Royal Air Force] a atteint plus de 750 cibles pendant la campagne de libération de la ville, deuxième après les États-Unis, selon le ministère de la Défense.

Mais une enquête menée auprès d’environ 1 200 ménages de la ville montre que les taux de mortalité parmi les civils ont augmenté de près de 13 fois pendant la bataille de libération de Mossoul.

L’étude, publiée dans la revue PLOS Medicine, a montré que 505 civils sont morts de ce que les chercheurs ont appelé la violence volontaire. La principale cause de décès violents au cours de la période étudiée ont été les frappes aériennes, qui ont causé 201 décès de civils, suivis par 172 décès dus à des explosions.

L’enquête a révélé qu’il y a eu sept décapitations, une méthode d’exécution privilégiée par l’EI.

Une quinzaine de personnes sont mortes des suites de blessures par balle, avec des chiffres plus élevés dans l’ouest de la ville – ce qui correspondrait à des rapports faisant état de tireurs d’élite, selon l’étude.

Les auteurs du document ont déclaré qu’il était impossible d’extrapoler le nombre total de civils tués pendant l’occupation et la libération à partir de leur étude parce que l’ouest de la ville était plus fortement bombardé que l’est.

« Cela rendrait plus incertaines les estimations plus générales de la mortalité à Mossoul », a signalé l’étude.

Les entretiens – menés par quatre médecins irakiens – ont eu lieu après que de nombreux civils ont fui la ville, ce qui ajoute à l’incertitude quant aux chiffres, selon l’étude.

Toutefois, Gilbert Burnham, auteur principal de l’étude et codirecteur du Center for Refugee and Disaster Response de l’Université Johns Hopkins, a déclaré que la recherche a montré que le ciblage des djihadistes par voie aérienne n’était pas aussi précis que les forces de la coalition le prétendaient.

« Les armes explosives à grande vitesse ont une très grande portée et l’utilisation de ces armes dans des zones urbaines très compactes constitue un risque majeur. Vous pouvez cibler des tireurs d’élite ou un groupe de combattants [EI], mais s’ils sont entourés d’un grand nombre de civils, vous pouvez vous attendre à des pertes importantes », a-t-il dit.

Il a ajouté : « Il y a toujours des dommages collatéraux et cela est reconnu dans la Convention de Genève et dans la guerre. Mais plus les armes deviennent puissantes, plus l’étendue des dommages collatéraux potentiels est grande. Cela soulève toute une question de proportionnalité ».

Le général de division Rupert Jones, commandant adjoint de la Combined Joint Taskforce pour libérer la ville, a appelé la bataille « le combat urbain le plus dur qui a probablement été mené depuis la Seconde Guerre mondiale ».

On a conseillé aux civils de rester chez eux, bien que près d’un million d’entre eux aient fui la ville pendant la bataille.

Un rapport sur le bilan de la libération des civils par l’organisation de défense des droits humains Amnesty International a mis en lumière les violations commises par l’EI, y compris l’utilisation de milliers de civils comme boucliers humains.

Il a déclaré que le groupe « a tué sommairement des centaines – sinon des milliers – d’hommes, de femmes et d’enfants alors qu’ils tentaient de fuir et pendu leur corps dans des lieux publics ».

« La plupart des civils meurent dans les sous-sols et le simple fait que vous ne pouvez pas les voir ne signifie pas que nous ne leur faisons aucun mal. »

Chris Woods, directeur d’Airwars

Les civils se sont également vu refuser l’accès aux soins médicaux et à la nourriture et leur seule option était de s’échapper à travers les lignes de front des combats, selon le rapport.

Mais l’étude met également en lumière le nombre de civils qui sont morts lors de frappes aériennes dirigées par la coalition. Elle a enquêté sur 45 attaques à Mossoul Ouest qui, selon elle, ont tué au moins 426 civils.

Chris Woods, directeur d’Airwars, un groupe de recherche indépendant qui surveille les pertes infligées par la coalition et les forces russes en Syrie et en Irak, a déclaré « qu’un nombre important de civils ont été tués » par l’EI à Mossoul.

Mais il a ajouté que les frappes aériennes ont également coûté la vie à de nombreuses personnes.

« La Grande-Bretagne bombarde l’Irak et la Syrie depuis quatre ans et a concédé un décès sur 1 600 frappes aériennes. C’est de la guerre de science-fiction.

« La plupart des civils meurent dans les sous-sols et le simple fait que vous ne pouvez pas les voir ne signifie pas que nous ne leur faisons pas de mal », a-t-il dit.

Une déclaration de la Combined Joint Taskforce, la coalition qui a dirigé les frappes aériennes, a déclaré qu’elle cherchait à minimiser les risques pour les non-combattants.

« La coalition cherche toujours à utiliser des armes proportionnelles à la cible pour minimiser les dommages collatéraux et les risques pour les civils. Nous sommes allés jusqu’à annuler des missions en cours quand il y avait un niveau de risque inacceptable de pertes civiles.

« La coalition a fait et continue de faire tout ce qui est en son pouvoir pour limiter les dommages aux non-combattants et à l’infrastructure civile. »

Source : The Telegraph, Anne Gulland, 15-05-2018

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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