États-Unis : le retour de la Guerre de Sécession

« Avant la guerre civile, il est colonel dans l’armée et considéré comme l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur de sa génération, avec une réputation d’“homme de marbre”, d’une distinction parfaite et d’une maîtrise de soi impressionnante ; à telle enseigne qu’Abraham Lincoln veut au début de la guerre lui confier la tête de l’armée. »

À la faveur du déboulonnage de la statue du général Lee, le héros des combattants confédérés, après les événements de Charlottesville (un mort dans une contre-manifestation d’extrême gauche dans un pays aux 9 000 homocides par balles annuels), les médias sont revenus, histoire de creuser un peu le sujet, sur la guerre civile américaine de 1861-1865.

 

 

Les spécialistes, après des décennies de légende, sont désormais d’accord pour dire qu’il ne s’agissait pas d’une guerre contre l’esclavage, puisque la bataille pour les droits civiques des Noirs américains a duré encore un siècle après ! Et le problème racial n’est toujours pas résolu outre-Atlantique. Le Figaro, qui essaye de ne pas perdre le contact avec l’armée des internautes, colle à l’histoire presque alternative, celle qui n’est pas enseignée dans les livres d’école et dans les médias alignés sur les légendes de gauche.
Le spécialiste de cette partie de l’histoire américaine est interrogé par Eugénie Bastié le 18 août 2017. Vincent Bernard a entre autres publié une biographie du général Robert E. Lee. Voici ses mises au point.

 

Sur l’abolitionnisme

« Soyons clairs : il n’était pas abolitionniste comme le prétendent certains “néo-confédérés”. Il a toujours vécu avec des esclaves (on dit “serviteurs” dans son milieu) et n’a aucun problème pour exiger d’eux de travailler (“faire leur devoir”), voire les “punir” dans certains cas. Mais il est issu d’une tradition conservatrice modérée – ironiquement comme Lincoln, avant la fondation du parti républicain – considérant l’esclavage comme un “mal moral et politique” dont la fin finirait bien par arriver mais ne devant pas être précipitée de crainte de déclencher des guerres “raciales” (Saint Domingue ou la révolte sanglante de Nat Turner en 1831 sont de puissants repoussoirs dans le Sud). »

 

« Dans une partie de la population, on se souvient encore fièrement d’un ancêtre qui s’est battu dans l’armée de Lee, dans la cavalerie de Stuart ; qui a été blessé à la bataille d’Antietam, tué à Gettysburg, ou dans la Wilderness. Le nom du général Sherman, qui a ravagé la Georgie et les Carolines, y est encore fréquemment exécré. »

Sur la mémoire de cette guerre fratricide

« Il faut comprendre qu’il s’agit là-bas d’un événement d’ampleur unique, le seul conflit sur le territoire américain à cette échelle, dépassant de loin l’ampleur de la guerre d’indépendance ou celle de 1812 : 30 millions d’habitants, 3 millions de combattants, quatre années de guerre, des régions entières ravagées, plus de 700 000 morts, dont un tiers des hommes blancs du Sud en âge de porter les armes, une économie ruinée et une organisation sociale complètement et durablement bouleversée. C’est aux États-Unis, et dans le Sud “profond” en particulier, ce qui se rapproche le plus de l’expérience européenne de la Première Guerre mondiale. »

Sur l’affranchissement des esclaves

« Beaucoup ont compris que l’institution doit et va mourir d’une façon ou d’une autre mais dans le contexte de l’époque la question est : que faire de quatre millions d’affranchis ? Au Nord, où les Noirs sont très peu nombreux (moins de 1%) et la main-d’œuvre européenne immigrée abonde, la question est largement théorique. Au Sud, où les Afro-américains représentent selon les régions alors entre le quart et plus de la moitié de la population, elle déclenche les pires craintes racistes. »

Pour Vincent Bernard, la fracture Nord/Sud aux États-Unis, même si elle semble effacée dans un pays qui est passé de 30 à 330 millions d’habitants en un siècle, montre à l’occasion de la confrontation de Charlottesville qu’elle peut resurgir. Mais dans un contexte complètement différent avec des lignes de failles obliques, principalement sociales : 60% des Américains sont pour le maintien des statues confédérées, 30% pour leur retrait, mais deux tiers des Afro-américains (14% de la population) se déclarent « offensés » par ces monuments.

Comme dans l’affaire OJ Simpson, il n’est pas question de coupure Nord-Sud sur la question de l’esclavage, mais d’accession à l’americain way of life et au respect pour tous. Cependant, le respect au pays de l’Oncle Sam et de l’Oncle Tom se mesure en dollars…
Si tous les Noirs ne sont pas pauvres aux USA, et loin de là, ils concentrent une bonne partie des problèmes sociaux et éducatifs. Déboulonner la statue de Lee ne changera rien, ou ne fera que réveiller de vieilles tensions. Chez nous, on débaptise les noms de rue d’écrivains (Jacques Chardonne) qui n’ont trop résisté pendant la Seconde Guerre mondiale ou qui ont carrément été germanophiles. Cette chasse aux sorcières prouve une chose : la faiblesse du système démocratique, qui a besoin d’ennemis fantômes pour se légitimer.

La chasse actuelle aux « fascistes » ou aux « nazis » de la part des gauchistes soi-disant antiracistes ressemble aux derniers soubresauts d’une idéologie perdue, et perdante. Alain de Benoist a beau écrire que si l’idéologie de gauche s’est effondrée, l’idéologie de droite n’en a pas gagné pour autant ; cependant, même critiquée, décriée, laminée, la première reste à la manœuvre. Et derrière les quelques fous furieux arborant des insignes nazis à Charlottesville – un spectacle de clowns qui sert la cause adverse –, c’est évidemment le populiste et populaire Trump qui est visé par les médias à la solde du pouvoir profond. Il est loin le problème noir !

Dans ce contexte tendu, l’ambassade suisse à Washington a cru bon de justifier la présence d’un portrait de Lee dans ses meubles :

« L’ambassade est consciente que la guerre civile américaine est un thème particulièrement sensible, les récents événements l’ont encore démontré. Mais la présence des tableaux des généraux William Sherman et Robert Lee à l’ambassade ne représente pas un point de vue politique et ne reflète pas non plus une interprétation suisse de l’histoire des États-Unis ou de ses protagonistes »

via États-Unis : le retour de la Guerre de Sécession – Egalite et Réconciliation

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