Fiches S, mandats d’arrêt : ces individus déjà repérés qui sont passés à l’acte

Ils étaient connus de la justice, faisaient l’objet d’une fiche S ou d’un mandat d’arrêt international. Le Figaro fait le point sur ces individus qui étaient connus des services antiterroristes mais qui sont parvenus à déjouer leur vigilance.

Les mois passent et la liste des individus déjà repérés mais qui ont réussi à déjouer la vigilance des services antiterroristes s’allonge. Samedi 12 mai, un homme de nationalité française, né en Tchétchénie, fiché S, a agressé au couteau cinq passants peu avant 21 heures, dans le quartier parisien Opéra-Quatre Septembre. L’une des victimes, un passant de 29 ans, est décédé des suites de ses blessures. Le groupe État islamique, qui a frappé plusieurs fois la France depuis 2015, a rapidement revendiqué l’attaque dans la soirée.

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Avant l’auteur de cet attentat, d’autres individus ayant commis des attentats ou projeté de le faire étaient aussi dans le collimateur des services de renseignements.

• Mohamed Merah, l’assassin de Toulouse et Montauban

L’auteur des tueries de mars 2012 à Toulouse et Montauban était connu des services de police. Dès octobre 2006, ce petit délinquant faisait l’objet d’une fiche de «mise en attention» des ex-renseignements généraux. Ce qui ne l’a pas empêché de se rendre au Moyen-Orient et en Afghanistan à plusieurs reprises. Notamment en 2011, où il a passé deux semaines au Pakistan. Le 11 mars 2012, le jeune homme de 23 ans, qui s’était autoradicalisé selon le procureur de la République François Molins, tue un premier militaire puis deux autres le 15. Son équipée sanglante se termine le 19 mars dans une école juive toulousaine. Il y assassine un adulte et trois enfants.

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• Mehdi Nemmouche, le tueur présumé de Bruxelles

Mehdi Nemmouche, le tueur présumé de l'attaque du musée juif de Bruxelles.

Soupçonné d’être l’auteur de l’attentat du Musée juif de Bruxelles, qui a fait quatre morts le 24 mai 2014, Mehdi Nemmouche avait été fiché par la direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) à son retour en Europe en mars 2014. Avant cela, ce délinquant multirécidiviste – condamné à sept reprises entre 2004 et 2009 – avait séjourné un an en Syrie, où il aurait rejoint les rangs d’organisations terroristes djihadistes.

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• Les frères Kouachi

Magistrats, policiers, spécialistes du terrorisme… Ils étaient nombreux à connaître Chérif et Saïd Kouachi avant le massacre de Charlie Hebdo. Surtout, ces derniers étaient depuis longtemps dans les radars des services de renseignements. Dès 2005, Chérif Kouachi avait été arrêté alors qu’il s’apprêtait à rejoindre la Syrie via une filière de djihadistes. Il sera d’ailleurs condamné à trois ans de prison dont 18 mois avec sursis. Entre 2010 et 2013, ce qu’on appelait encore la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) avait aussi collecté de nombreuses données sur les deux terroristes en puissance. Les autorités américaines avaient d’ailleurs alerté la France sur la présence de l’aîné, Saïd, dans un camp d’entraînement d’al-Qaida au Yémen en 2011. Comme le relate Le Monde, des écoutes téléphoniques et une surveillance physique avaient été mises en place. Mais en 2014, le suivi des deux hommes s’était arrêté au motif qu’il n’avait pas permis de «détecter d’éléments relatifs à la préparation d’une action violente» ni «de matérialiser des éléments permettant l’ouverture d’une enquête judiciaire». Le dossier avait alors été transmis à un échelon inférieur

• Amedy Coulibaly

L’auteur de la tuerie de l’HyperCacher était aussi fiché à l’antiterrorisme. Ce délinquant multirécidiviste avait été incarcéré en 2010 avec Djamel Beghal – un djihadiste aujourd’hui basé en Syrie – pour son implication dans une tentative d’évasion du terroriste islamiste Smaïn Aït Ali Belkacem. Pour ces faits, il sera condamné à 5 ans de prison ferme en décembre 2013. À sa sortie, il sera contrôlé plusieurs fois par la police, sans éveiller les soupçons. Le 8 janvier 2015, au lendemain de l’attentat à Charlie Hebdo, Amedy Coulibaly tue une policière de 26 ans à Montrouge, au sud de Paris. Le jour suivant, il commet une prise d’otages dans une supérette cacher située porte de Vincennes à Paris, en se revendiquant de l’État islamique et assassine quatre personnes de confession juive.

Sid Ahmed Ghlam, auteur présumé de l'attentat échoué de Villejuif.

• Sid Ahmed Ghlam, l’homme qui voulait frapper une église à Villejuif

Cet étudiant algérien de 24 ans est soupçonné d’avoir fomenté un attentat contre une église de Villejuif et d’avoir tué une jeune femme dans sa voiture l’année dernière. Arrêté fortuitement le 19 avril 2015 avant qu’il ne passe à l’acte, Sid Ahmed Ghlam a dans la foulée été mis en examen puis incarcéré à la prison de Fresnes. Avant cela, le suspect avait attiré l’attention des services de renseignements. Parti en Turquie au mois de février 2014, il avait été placé en garde à vue à son retour. Faute d’éléments suffisants, aucune information judiciaire n’avait été ouverte mais le jeune homme s’était retrouvé fiché S pour «velléité de départ en Syrie». Quelques semaines plus tard, son frère avait signalé aux autorités que son aîné se radicalisait. Alertée, la police avait procédé à son audition et à un suivi téléphonique. Probablement menées en 2014 et 2015, ces écoutes n’avaient alors révélé aucun élément compromettant.

• Yassin Salhi, l’homme qui a décapité son patron

Le chauffeur livreur de 35 ans qui a décapité son patron à Saint-Quentin-Fallavier (Isère) était en lien avec la mouvance salafiste et connu des services de renseignement. Il n’avait jamais fait parler de lui pour des faits délictueux mais avait été fiché S, de 2006 à 2008, en raison de sa radicalisation. Plus tard, entre 2011 et 2014, les services de renseignements l’avaient repéré pour ses liens avec la mouvance salafiste. L’homme avait fait l’objet de plusieurs notes, notamment sur ses fréquentations, la teneur de ses conversations et son changement de comportement. Une surveillance qui n’empêchera pas l’homme d’attaquer un site gazier avant d’assassiner son patron le 26 juin 2015. Il s’est suicidé six mois plus tard en prison.

• Ayoub El Khazzani, «le tireur du Thalys»

Ayoub El Khazzani avait prévu un attentat à bord du Thalys reliant Amsterdam à Paris en août 2015.

On l’avait surnommé le «tireur du Thalys». Vivant en Espagne, Ayoub El Khazzani était lui aussi dans le viseur des services de renseignements. Dès février 2014, il avait fait l’objet d’une fiche S, de niveau 3 (sur 16). Sauf qu’il n’a jamais été signalé sur le sol français. Trois mois plus tard, sa fiche «sonne» à Berlin alors qu’il prend un vol pour la Turquie. Les services de renseignements français préviennent leurs homologues espagnols et apprennent que le jeune homme ne vit plus en Espagne mais en Belgique, depuis 2014. Le 21 août 2015, en fin de journée, l’homme équipé d’une kalachnikov monte dans le train Amsterdam-Paris pour tuer des passagers à bord. C’est un incroyable concours de circonstance qui a permis à deux militaires américains de neutraliser le terroriste présumé, qui a été depuis mis en examen et écroué.

• Les trois kamikazes du Bataclan

Les trois terroristes qui ont causé la mort de 90 personnes dans la salle de concert parisienne le 13 novembre 2015 étaient également connus des services de renseignement. Ismaël Omar Mostefaï avait été condamné huit fois pour des faits de droit commun sans jamais être incarcéré. Ce Français de 29 ans, résidant à Chartres, avait effectué un séjour en Syrie entre 2013 et 2014 et faisait l’objet d’une fiche S depuis 2010.

De même, Samy Amimour était recherché par les autorités françaises. Après un projet de départ avorté pour le Yémen, ce chauffeur de la RATP – qui avait démissionné en 2012 – avait été mis en examen la même année pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. En 2013, il avait violé son contrôle judiciaire et était parti en Syrie. Un mandat d’arrêt international avait alors été lancé par les services français.

Identifié trois semaines après les attentats, Foued Mohamed-Aggad , faisait l’objet d’une fiche S pour radicalisation et d’une notice bleue d’Interpol. C’est-à-dire une demande d’information sur la localisation, l’identité, l’origine ou les activités de personnes pouvant présenter un intérêt pour une enquête. En décembre 2013, le jeune homme de 23 ans originaire du quartier sensible de La Meinau à Strasbourg était parti en Syrie avec son frère et un groupe d’amis. La plupart d’entre eux étaient rentrés en France et avaient été interpellés en mai 2014, mais lui était resté sur place. Jusqu’à ce qu’il rentre clandestinement en France. Il est probablement parvenu à déjouer les services de surveillance en voyageant avec de faux papiers.

Larossi Abballa a assassiné un couple de policiers à Magnanville en juin dernier.

Larossi Abballa, le tueur de Magnanville

Lui aussi est «sorti des radars». Arrêté en 2011, condamné en 2013 pour son passé de djihadiste, Larossi Abballa avait, à sa sortie de prison, fait l’objet d’un suivi. Jusqu’à la fin 2015, le jeune homme de 25 ans avait été astreint à un certain nombre d’obligations et notamment des convocations de la part du service pénitentiaire d’insertion et probation. Plus récemment, il était surveillé de près par les autorités. Il avait été mis sur écoute dans le cadre d’un autre dossier antiterroriste, une procédure ouverte en février dernier sur une filière djihadiste. Il faisait l’objet d’une fiche S mais «ne semblait pas présenter de menace concrète et suffisante», selon les services de renseignements cités par Le Parisien . Le 13 juin au soir, le jeune homme a assassiné au nom de Daech un couple de policiers à Magnanville, dans les Yvelines.

• Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean, les auteurs de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray

Abdel Malik Petitjean

Le 26 juillet 2016, deux terroristes pénètrent dans l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray, dans l’ouest de la France, et égorgent le père Jacques Hamel, avant d’être abattus par la police. L’assassinat est revendiqué par l’EI. Adel Kermiche, l’un des deux terroristes identifiés, était connu des services antiterroristes. Ce Français de 19 ans avait déjà été inculpé pour avoir tenté à deux reprises, en 2015, de se rendre en Syrie. Il avait par la suite été assigné à résidence avec un bracelet électronique après une dizaine de mois en prison. Son complice Abdel Malik Petitjean, un Savoyard de 19 ans, avait pour sa part réussi à échapper aux radars antiterroristes pendant six semaines avant de passer à l’action. Il avait été détecté en Turquie dès le 10 juin par les services locaux et était revenu en France sans déclencher la moindre alerte puisque les services français n’avaient pas été avertis à temps par leurs homologues turcs. À la réception de ce précieux signalement, les policiers français avaient aussitôt diffusé une fiche S et versé Abdel Malik Nabil Petitjean au fichier SIS Schengen dans l’espoir de l’intercepter à son retour sur le sol national. Mais il était trop tard.

» Adel Kermiche, un ado perturbé devenu terroriste

• Karim Cheurfi, tueur de policier

Le 20 avril 2017, un homme abat un policier sur les Champs-Élysées à Paris. Karim Cheurfi, 39 ans, était visé depuis mars 2017 par une enquête antiterroriste, sans être fiché S, pour avoir manifesté son intention de tuer des policiers. Dans le cadre de cette enquête, il avait été arrêté le 23 février, avant d’être remis en liberté par la justice faute de preuves suffisantes. Il avait été condamné en 2005 à quinze ans de réclusion pour tentatives d’homicide volontaire sur un policier, un élève gardien de la paix, et sur le frère de celui-ci, dans la région parisienne.
» Karim Cheurfi, multi-condamné dès 2001

• Adam D., le deuxième assaillant des Champs Elysées

L’homme qui a foncé en juin 2017 sur un fourgon de la gendarmerie près des Champs-Élysées était, était lui aussi connu des services de renseignements. Né en France, Adam D., 31 ans, était fiché S depuis septembre 2015, en raison de son appartenance à la «mouvance islamiste radicale». Plus surprenant, l’assaillant qui transportait un important arsenal de guerre lors de son attaque bénéficiait d’un permis de détention d’armes et en avait plusieurs, dont trois carabines et deux fusils de chasse. Il était assigné à résidence dans le cadre de l’état d’urgence et s’était déjà rendu en Turquie à trois reprises entre mars et août 2016. Sa famille est connue pour faire partie de la mouvance «salafiste».

● Redouane Lakdim, auteur des attentats de Carcassonne et Trèbes

L’homme était fiché S depuis l’été 2014. Âgé de 25 ans, il a été abattu par les gendarmes du GIGN le 23 mars, et était également suivi par les services de renseignements depuis 2016. Suivi «qui n’a permis de mettre en évidence aucun signe précurseur d’un éventuel passage à l’acte terroriste», a précisé le procureur de la République François Molins. Ce passage à l’acte non détecté a relancé le débat sur l’utilité des fiches S émises par les services de renseignements et plus largement la surveillance des profils inquiétants. Signe de l’embarras du gouvernement, le président Emmanuel Macron a dès le lendemain demandé la convocation des responsables de services impliqués dans le suivi des personnes radicalisées pour montrer que l’État était actif sur la question. Pas de quoi éteindre les critiques venant de la droite et de l’extrême droite.

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