Jean-Dominique Michel:«Nous sommes en train de dériver vers un totalitarisme qui ne dit pas son nom»

Depuis son premier entretien avec L’Impertinent il y a trois mois, Jean-Dominique Michel est devenu un acteur incontournable de cette pandémie, dans un jeu médiatique qui le porte tant au pinacle qu’au pilori. «Sulfureux personnage» pour les uns, voix de la raison pour les autres, ses analyses ne laissent pas indifférents et sont loin de rejoindre le consensus dont nos gouvernements sont coutumiers depuis le début de la crise. Dans cette seconde interview, l’anthropologue genevois tire un bilan de ces trois derniers mois, sous le feu des algarades propres à la lumière.

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Amèle Debey pour L’Impertinent: Pourquoi cette seconde interview? Pensez-vous que votre position n’est pas suffisamment audible dans les médias?

Jean-Dominique Michel: Il y a trois mois, certaines questions se posaient dont on ne pouvait pas connaître les réponses. Dès lors que le premier entretien avait suscité de l’intérêt auprès du public, je me suis dit que cela pourrait être intéressant de faire le point. D’autant plus que rien ne se passe comme on l’aurait pensé. Alors que l’épidémie est finie chez nous selon les critères prévalant en la matière, que le virus est beaucoup moins virulent, que l’immunité de groupe est en train de se construire, on avait envie de croire qu’après avoir déconfiné, on était bons. Mais ce n’est pas tout à fait ce qu’on observe.

Votre analyse a-t-elle évolué au fil des mois?

Ce qui m’a tenu à cœur très vite c’était de resituer l’épidémie dans ses proportions réelles, de dire qu’il s’agissait d’une épidémie d’un ordre de grandeur habituel, comme ce qu’on voit d’année en année, avec une dangerosité très faible pour l’immense majorité des gens. Cela a été extrêmement contesté, mais aujourd’hui tout le confirme. La létalité est même encore inférieure à ce que j’avais suggéré à l’époque. Aujourd’hui, on sait qu’il n’y aura pas de surmortalité à la fin de l’année, on a pu voir que l’âge médian des décès et l’espérance de vie sont alignés dans tous les pays européens, donc on est vraiment dans un phénomène épidémique naturel. J’ai questionné, lors de notre premier entretien, cette espèce de surréaction collective telle qu’elle s’est déroulée.

La seule différence aura existé au niveau clinique, dans cette vague de pneumopathies extrêmement virulente qui a eu lieu, qu’on n’avait pas l’habitude de voir, il est vrai, sous cette forme, avec les viroses hivernales comme la grippe. Mais sinon, on est vraiment restés dans les clous de ce qu’on connait. Et cette analyse-là n’a pas varié puisque les données l’ont confirmée.

Vous pensez donc toujours que la contagion et la létalité de la Covid sont similaires à la grippe saisonnière?

Ce n’est pas que je le pense, c’est aujourd’hui établi. Même le CDC (Center for Disease Control and Prevention, ndlr) le dit. Ces grands cénacles scientifiques, où les choses se disent à mesure qu’on les découvre, se sont ralliés à ce que j’avais affirmé d’emblée en m’appuyant sur les travaux des meilleurs épidémiologistes qui tenaient déjà ce discours. A nouveau: je n’ai pas la prétention d’avoir inventé ou découvert quoi que ce soit, juste d’être allé chercher les bonnes informations au bon endroit et de les avoir fait connaître.

L’ombre du reconfinement plane un peu partout. Doit-on s’attendre à une deuxième vague?

Les médias font un boucan de tous les diables en évoquant une «nouvelle vague» qui n’existe pour l’instant simplement pas! Comme il n’y a pratiquement plus de malades ni de décès, on se rabat sur les «tests positifs» qui peuvent d’ailleurs identifier des gens ayant eu le virus mais sans plus de virémie. Et comme on teste beaucoup plus, on trouve plus de positifs mais sans aucune incidence pathologique, ce qui est rassurant. On continue à faire peur comme on peut, mais d’une manière dont il devient évident qu’elle est exagérée et même un peu ridicule.

(Re)lisez le premier entretien de L’Impertinent avec Jean-Dominique Michel

Quelle légitimité avez-vous à vous exprimer sur ce sujet et à revendiquer un statut d’anthropologue?

Je n’ai pas de doctorat et n’ai pas fait carrière dans un milieu académique, mais ce n’est évidemment pas nécessaire pour exercer en tant que sociologue ou anthropologue. Quand j’ai fait mes études, le fondateur du département d’anthropologie à l’université de Montréal n’avait pas de doctorat non plus! On était à une époque très différente de la nôtre, tout ce système hyper-normatif dans lequel la légitimité dépend d’un cursus extrêmement resserré n’existait pas sous cette forme.

Il reste que c’est la formation académique que j’ai suivie, que c’est la discipline que je pratique et l’activité professionnelle que j’exerce depuis plus de 25 ans. Mes sujets de recherches m’ont valu de publier de nombreux articles en santé publique et d’être invité à présenter mes travaux dans huit universités et sept hautes écoles en santé. Donc les critiques que j’ai reçues à ce niveau-là m’étonnent. Elles relèvent de l’ordre du dénigrement: ne pouvant m’attaquer sur le fond, on essaie de trouver ce que l’on peut, mais ça ne tient pas la route hors du fantasme de quelques quérulents.

J’ai en toute franchise été un peu surpris, à 55 ans, d’entendre que je n’aurais en fait pas eu la vie que j’ai eue, ni exercé la profession que j’ai exercée! Soyons sérieux: si soudainement, alors que je suis honorablement connu sur la place depuis 25 ans, on vient questionner mon «personnage» et mon passé, cela doit peut-être avoir un lien avec le fait que mes analyses dérangent.

Que pensez-vous de l’article virulent d’Arrêt sur image à votre propos?

Il y a au moins un point sur lequel je suis d’accord avec lui: il me définit comme un «toutologue» et c’est précisément la définition de ce qu’est un anthropologue. Quelqu’un qui réfléchit les réalités humaines, les modes d’organisation, les comportements, les croyances, la manière dont ça s’articule dans une société. La critique est par contre remarquable d’ignorance quant à ce qu’est l’anthropologie. Elle était notamment basée sur le fait que la RTS m’a invité à m’exprimer sur plein de sujets différents entre 1999 et 2016, mais c’est justement le propre d’un anthropologue d’apporter des éclairages sur des phénomènes de société, c’est le fond de mon métier.

Comment expliquez-vous cet acharnement?

Il est resté limité à quelques personnes manifestement malveillantes. Les perspectives que j’ai proposées ont suscité un réel intérêt du grand public ainsi que l’appréciation d’une soixantaine de professeurs des universités. Je suis convaincu qu’un des enjeux importants de la crise dans laquelle nous sommes, c’est le fait que nombre d’experts reconnus comme tels se sont énormément trompés. Même des spécialistes hyper pointus dans leur domaine ont dit des bêtises monumentales ce qui, pour moi, est probablement la conséquence de cette hyperspécialisation: dans un garage, il y a désormais le rétroviseurologue, le banquetteologue, le carburateurologue, etc… et personne ne semble plus avoir de vision d’ensemble.

Le propre de l’anthropologue c’est d’être un super-généraliste. On s’intéresse à plein de choses et on croise les savoirs pour essayer d’avoir une vue d’ensemble. Les contestations sur ma légitimité, en dehors de l’aspect un peu tactique de tirer sur une des rares voix dissonantes en Suisse, peut tenir au fait que j’ai été un des premiers à dire des choses qu’on réalise aujourd’hui, alors que nombre d’experts «officiels» disaient âneries sur âneries.

Parmi les différents griefs, on trouve également votre future participation au Samadhi Project, dans une table ronde sur la conscience, ainsi que l’écriture d’un livre sur le chamanisme. Vos accointances pour l’ésotérisme ne vous décrédibilisent-elles pas?

Tout ceci est bête à pleurer. Le livre que certains me reprochent d’avoir écrit (mais qu’ils n’ont manifestement pas lu) porte un regard rationnel sur des pratiques de santé qui ne sont pas scientifiques, mais qui peuvent générer une utilité pour les gens en fonction de ces deux principes fondamentaux que sont l’efficacité symbolique – comment les narrations et les rituels de soin sont agissants par l’imaginaire qu’ils mobilisent, et l’effet placebo – un des grands et beaux mystères de la médecine. Dans mon droit de réponse, que Le Temps traîne des pieds pour publier, j’ai joint une critique de la RTS de l’époque qui expliquait: «Enfin un livre solide sur lequel on peut se poser rationnellement, de manière détendue et intelligente, quand on parle de médecines alternatives». Jeter l’anathème parce que quelqu’un dont c’est le métier étudie un sujet particulier, sachant de surcroît qu’en anthropologie l’observation participante est la méthodologie de recherche, c’est vraiment le degré zéro de la critique!

Les gens extérieurs au domaine ont de la peine à appréhender le fait que, par définition, un anthropologue est un agnostique. Dès lors qu’on est dans un tout petit peu de compétence épistémologique, on sait que tout savoir résulte d’une construction dépendant de la personne qui le produit ainsi que du moment et des lignes de force imaginaires, symboliques et cognitives de la société. On sait qu’il n’y a pas une narration du réel qui aurait une validité absolue ou définitive.

Dans un de vos récents articles, vous vous plaignez du fait d’avoir été black-listé par les médias suisses, comment l’expliquez-vous? Vous n’allez tout de même pas nous dire qu’ils sont tous à la botte des pharmas?

Ils ont annoncé eux-mêmes m’avoir black-listé et ça m’a évidemment intéressé. Je crois qu’il y a plusieurs phénomènes qui jouent. L’accointance avec les pharmas, je la vois corroborée par une autre observation que je fais: quand John Ioannidis (que j’aime bien citer parce que c’est le meilleur épidémiologiste au monde à mon avis) disait en 2005 que l’essentiel de ce qui est publié dans la littérature scientifique médicale est faux, c’était un constat nécessaire. Avant que quelque chose puisse acquérir un degré de fiabilité suffisant, on sait qu’il faut un grand nombre d’études souvent contradictoires dans leurs résultats. C’est en progressant, en étudiant la méthodologie, les conditions d’expérimentation et de publication, la reproductibilité, qu’à un moment donné on voit apparaître quelque chose de solide.

«J’avais cru que la presse avait pour mission d’informer la population, pas de l’influencer en montant en épingle des faits douteux»

Autour de l’hydroxychloroquine, on a eu depuis le début un ensemble d’études qui suggéraient un effet possible, et d’autres qui concluaient qu’elle n’en avait pas. Et ce que je vois, c’est que les trois grands groupes de médias en Suisse, Tamedia, Ringier et la RTS, ont systématiquement mis en avant les études qui semblaient démontrer qu’il n’y avait pas d’effet, même quand elles étaient scandaleusement bidouillées. Et que toutes les autres, qui concluaient l’inverse, ont été passées sous silence même quand elles étaient de qualité. Comme celle publiée récemment par le centre Henry Ford de Detroit concluant à une baisse de mortalité de 50% en cas de prescription précoce d’HQ. En avons-nous entendu parler? La somme de données probantes plaide aujourd’hui solidement pour l’efficacité de ce traitement, mais les médecins et le public sont convaincus du contraire suite à cette sélection.

Le Remdesivir du laboratoire Gilead, approuvé à la hâte par Swissmedic et l’Agence européenne du médicament a, dans le même temps, bénéficié de passe-droits et d’une mise sur le marché accélérée malgré l’absence de résultats probants et une toxicité manifeste. Ainsi bien sûr que d’articles complaisants dans la presse. Tout ceci pose question!

J’ai interrogé directement le CEO de Ringier, qui ne m’a pas répondu, mais cela me paraît une évidence que le Pr Didier Raoult a lui aussi été black-listé. J’avais cru que la presse avait pour mission d’informer la population, pas de l’influencer en montant en épingle des faits douteux et en occultant des faits solides. Il faut croire que j’étais naïf!

Comment expliquez-vous cela?

Je suis convaincu que Ringier et Tamedia sont en loyauté d’intention avec les intérêts dominants tels qu’ils existent dans notre société. Pour la RTS, c’est un peu plus compliqué. Eux sont surtout allés demander leur avis aux gens du CHUV et des HUG, abondamment financés par les pharmas et qui n’ont pas besoin de le révéler, contrairement à la France. Il s’agit d’un phénomène complexe, car ça ne veut pas dire que les universitaires ou les professeurs concernés sont malhonnêtes – eux n’ont sincèrement pas l’impression de l’être – mais on a des volées d’études qui montrent que, du médecin généraliste qui prescrit des médicaments jusqu’au grand professeur d’université, quand il y a un financement par les pharmas, les choses sont biaisées. Inévitablement. Je pense aussi que la RTS sait qu’elle a des limites à ne pas franchir, comme d’aller enquêter de manière trop pointue sur les pharmas. Qui sont quand même le principal pouvoir économique de la Suisse, avec les banques.

Le second point c’est qu’en Suisse, on aime vivre dans cette belle image d’Épinal selon laquelle les autorités sont forcément toujours intègres et respectables, qu’elles s’occupent «en bon père de famille» du bien public, qu’il n’y a jamais en aucune manière anguille sous roche. On veut bien que les scandales sortent, mais 30 ou 40 ans plus tard comme avec Crypto. Cette espèce de prohibition du débat d’idées et de stérilisation de l’intelligence dans laquelle les médias se sont engagés me semble démocratiquement et intellectuellement problématique.

Peut-être y êtes-vous allé un peu fort également, non?

C’est possible, mais j’avais deux motivations: une certaine loyauté envers la réalité des choses, et une intention salutogénétique. C’est-à-dire qu’on est en train de voir maintenant, de multiples manières, que les conséquences des décisions qu’on a prises vont être extrêmement lourdes à court, moyen et long termes. On n’a pas du tout réussi à faire la pesée d’intérêts entre ce que les mesures permettaient d’obtenir ou de protéger et les conséquences qu’elles allaient avoir. Et pour pouvoir vivre cette situation très difficile tout en préservant sa santé (c’est cela la salutogenèse), il est essentiel de pouvoir penser les choses de manière suffisamment juste et complexe. Et donc avoir accès à des informations qui tiennent la route. L’espèce de narration hyper simplifiée et donc fausse à beaucoup d’égards que les médias ont défendue, ne jouant pas leur rôle de contre-pouvoir mais défendant le consensus de l’Etat, m’a fait me dire qu’il y avait urgence à apporter des perspectives complémentaires. Afin qu’on soit en mesure de penser cette complexité des choses, et avec bien sûr le risque de déranger ou de prendre des coups au passage.

Par exemple, quand Daniel Koch a déclaré qu’on avait fermé les écoles non pas pour des raisons sanitaires mais pour provoquer un choc psychologique dans la population, certains ont hurlé au scandale. Je me suis pour ma part dit que c’était génial, qu’enfin on disait quelque chose de vrai. Il n’y a qu’à partir du vrai qu’on peut penser utilement les choses.

N’est-ce pas contradictoire: vous dites qu’il n’y a pas de vérité, mais vous semblez tout de même persuadé la détenir?

Il n’y a pas de vérité absolue et je me méfie de ce qu’on nous présente comme une vérité alors que c’est construit sur des bases tendancieuses ou défaillantes. Après, il y a une adéquation au réel dans les propositions qu’on peut avancer: face au bacille de la peste, on peut donner un antibiotique ou promener une statue en procession dans la ville. Les deux sont des systèmes de croyance, aussi respectables l’un que l’autre, la procession aura même une forme indéniable d’efficacité symbolique, il n’en reste pas moins une adéquation au réel qui doit nous conduire à privilégier le traitement médical!

Pouvez-vous entendre qu’on vous trouve prétentieux et arrogant dans votre manière d’exposer les choses? N’avez-vous pas rejoint Raoult sur le ring du combat d’égos?

On ne plaît jamais à tout le monde et dès qu’on prend le risque de prendre la parole, on s’expose à des critiques. Ce que je sais c’est que ma qualité de vie a pris un coup depuis quelques mois. Les aspects négatifs de cette visibilité sont tout aussi réels en termes de stress, d’attaques, de fatigue d’avoir autant travaillé en plus de mon activité professionnelle régulière… franchement, si je pouvais revenir en arrière, j’hésiterais. A cela près que je ne me suis pas engagé pour une raison d’égo, mais dans une réelle intention de résistance et considérant à l’époque (comme encore aujourd’hui) que je n’avais pas le choix vis-à-vis de ma propre conscience. Et puis les gens qui me connaissent savent que j’ai plutôt tendance à douter de moi-même, à apprécier la contradiction, à écouter avec attention les gens qui ont des idées différentes des miennes, à chercher à reconnaître mes erreurs et que, lorsque j’énonce quelque chose, il y a une réelle réflexion et beaucoup de travail derrière.

Y a-t-il des affirmations dont vous doutez désormais?

Je crois que j’ai été très transparent par rapport à ça: ce n’est pas mon domaine de spécialité, je ne suis pas un expert des maladies infectieuses. Par contre, j’ai la compétence d’aller chercher dans la recherche, de trier ce qui est bancal de ce qui tient bien la route, ce que ni les journalistes ni les autorités ne savent faire. Je me suis adressé aux meilleures sources qui n’avaient par ailleurs pas de voix dans les médias ni auprès des autorités. J’y ai entendu des analyses contraires à l’idéologie dominante, mais qui avaient l’air bien plus sensées. J’ai donc assumé le rôle de relais.

Que pensez-vous de l’utilité des masques?

J’ai reçu beaucoup de messages de spécialistes, de virologues en particulier, qui disent ne pas être convaincus du tout de leur utilité. En même temps on ne peut pas exclure que ça puisse en avoir une: les pays qui les ont beaucoup utilisés s’en sont plutôt sortis mieux que les autres. Mais je trouve un peu bizarre qu’on les impose à tout le monde maintenant qu’on en a, mais qu’on en a plus besoin, car l’épidémie est d’après tous les critères usuels en pleine extinction. Peut-être qu’il faut écouler les stocks, peut-être qu’il faut aussi gesticuler pour montrer aux gens qu’on est dans le principe de précaution. Je ne suis pas convaincu ni sûr que ce soit sain de baigner dans sa propre haleine et son propre CO2. Il semble même que l’effet sur le taux d’oxygène sanguin ne soit pas bon. Sans parler de la coercition faite aux personnes, en particulier aux travailleurs à qui l’on impose cela à journée longue.

Ni des conséquences sociales…

Un ensemble de soignants, pédopsychiatres, infirmières, virologues interviewés dans une vidéo belge disent quelque chose de très juste: on a tout réduit à la biologie. Les relations, les affects, les liens avec les autres, le sens que l’on donne à sa vie, tout cela est hyper déterminant de la santé, au moins autant que la biologie. Mais on s’est concentrés uniquement sur la biologie, on a complètement effacé le reste, on n’a pas pensé aux impacts du reste en créant des réalités qui ne peuvent être qu’hyper traumatiques. C’est une de mes critiques du confinement. On n’a pas du tout pensé aux impacts de déshumanisation que cela allait avoir à tellement d’endroits.

Peut-être parce que la peur de la mort supplante absolument tout le reste?

Oui, mais alors là c’était complètement disproportionné. Avec une privation d’un ensemble de besoins existentiels, relationnels, psychologiques et sociaux dont on sait déjà que cela va avoir des conséquences graves sur la durée. Et c’est une critique des autorités et de leur difficulté chronique à penser les choses de manière complexe, mais pourquoi? En grande partie parce qu’ils font toujours appel au même type d’experts qui sont formés et formatés de la même manière et qui ne voient pas en dehors de leur champ de vision. Il aurait fallu réunir des compétences beaucoup plus larges. Les autorités étaient tellement dans leur panique sanitaire qu’elles s’en sont totalement remises aux médecins. Or, ce n’est pas juste aux médecins de dire comment il faut organiser une réponse sociétale à une épidémie! Ou en tout cas pas sans le concours de nombreux autres ordres de compétences et de savoir.

Le masque est aujourd’hui obligatoire dans les transports publics et les magasins. En France, ils sont bientôt imposés dans tous les espaces clos… selon vous, jusqu’où ira-t-on?

L’histoire nous enseigne que, quand des droits d’exception sont adoptés pour faire face à des menaces quelles qu’elles soient – terroristes, sanitaires – dès lors que les conditions ne sont plus réunies, ces droits perdurent. Les lois qui ont succédé au 11 septembre sont toujours actives. Et c’est ma crainte. Il y a une forme de dérive totalitaire qui est en train de se mettre en œuvre, y compris dans notre pays! Que le Conseil fédéral ait cherché à obtenir du Parlement la possibilité de garder des pleins pouvoirs jusqu’en 2022, y compris en pouvant imposer une obligation vaccinale, constitue une transgression majeure de notre système de droit comme de notre système politique. C’est de l’éthique au sens le plus intense du terme, ça concerne même l’habeas corpus! C’est revenir à l’époque où le Seigneur avait le droit de disposer des corps des gens. On est dans ce genre de dérive aujourd’hui, avec la pointe redoutable que, puisque c’est pour la santé, refuser revient à risquer de mettre en danger la vie des autres! Je suis extrêmement inquiet. C’est une des raisons pour lesquelles je me suis tellement bougé: on est en train de dériver vers un totalitarisme qui ne dit pas son nom.

Soyons extrêmement concrets: mis à part les bénéfices financiers indéniables, quel serait l’intérêt de forcer tout le monde à se faire vacciner?

Il y a deux hypothèses: la première c’est l’emballement d’une logique. Nos dirigeants sont convaincus que ce qu’il faut faire c’est vacciner les gens. Avec évidemment certains intérêts économiques derrière, parce que vacciner huit milliards de personnes ça permet quand même à l’industrie de faire des bénéfices juteux au passage. Et puis, il y a des thèses beaucoup plus inquiétantes – qui ne sont pas mes convictions mais que je ne m’interdis certainement pas d’écouter – qui soulignent que les autorités européennes viennent d’autoriser la présence d’OGM dans le vaccin. Qu’il s’agit d’un projet de vaccin à ARN, un type nouveau que l’on n’a encore jamais expérimenté sur l’être humain. Avec de possibles signatures nanoparticulaires permettant à une autorité extérieure de savoir si on l’a reçu ou pas. Avec un passeport vaccinal déjà prêt qui permettrait d’être autorisé à se déplacer ou non. Donc un contrôle total sur la population qui serait alors captive d’un système de surveillance totalitaire.

Tout ceci pour un coronavirus sans danger exceptionnel (par rapport aux épidémies dont nous avons l’habitude) et qui semble déjà perdre de sa virulence, comme il est normal pour les virus qui envahissent une nouvelle espèce.

Vous avez conscience qu’on bascule là dans les théories complotistes?

Les faits sont là, ce sont les conclusions face auxquelles il faut rester prudent. Mais l’Union européenne vient bel et bien d’autoriser le recours aux OGM dans ce vaccin, les micropuces existent, ainsi que la technologie des nano-particules permettant de savoir à l’insu d’une personne si elle été vaccinée ou non. J’entends aussi que les autorités, en Suisse comme à travers le monde, ne jurent que par un futur vaccin alors que trouver un vaccin efficace contre cette sorte de coronavirus est un concept hautement spéculatif, pour lequel on semble être déjà prêt à se dispenser des étapes de sécurité habituellement nécessaires.

«La situation que nous vivons avec le coronavirus est en fait apocalyptique, dans le sens littéral… »

Je n’en tire pas de conclusion particulière autre que je trouve qu’il y a quelque chose de préoccupant là-dedans. Après, se dire qu’il y a un agenda caché pour asservir toute la population, je n’en suis de loin pas encore là. Mais il y a des distorsions de prérogatives: comment se fait-il qu’un type comme Bill Gates, qui est informaticien, se retrouve au centre de tout l’échiquier comme celui qui finance le plus les institutions de santé dans les pays et à travers le monde? Il y a quelque chose d’anormal dans cette situation. Je ne lui attribue pas d’intention malveillantes, mais je trouve cela louche qu’il se retrouve dans cette position, à dicter le jeu, à avoir ses entrées à l’Élysée comme au Palais fédéral ou à la Maison-Blanche, à être le principal financeur de l’OMS, à subventionner des médias ou encore une agence d’état comme Swissmedic.

La situation que nous vivons avec le coronavirus est en fait apocalyptique, dans le sens littéral – et non pas mystique – de «dévoilement»: quand les choses sont dévoilées dans leur réalité. Là on est dans une espèce de dévoilement à large échelle de la manière dont la gouvernance des pays a vrillé, dont les intérêts privés tendent à l’emporter sur le bien commun, avec à l’arrière-plan (du fait des groupes qui ont le vrai pouvoir, comme les GAFAM) une forme de délire transhumaniste qui est en train de prendre le pouvoir sur les systèmes sociétaux d’une manière où il semble que rien ne puisse plus résister à cela.

Les conflits d’intérêt, notamment au sein de la Task Force Covid-19, ne sont-ils pas inévitables?

Oui, ils le sont depuis qu’on a rendu obligatoire aux universitaires d’aller chercher de l’argent auprès d’industriels pour pouvoir conduire leurs recherches. Ça a été un choix fait à un moment donné, qui avait à l’époque indigné des professeurs de l’EPFL, inquiets qu’on adultère la recherche. On vit depuis dans une fiction d’indépendance académique alors qu’il s’agit d’une impossibilité. Dès lors qu’une institution ou un programme dépendent des dizaines voire des centaines de millions donnés par des bailleurs de fonds privés chaque année, c’est une évidence que la recherche s’abstiendra d’aller dans des directions risquant de les contrarier. La confusion régnante entre liens et conflits d’intérêts a été patente en France récemment: nombre de membres des comités d’experts chargés de conseiller le gouvernement ont omis de signaler leurs liens d’intérêts ou de se désister sur des décisions impliquant leurs bailleurs!

Quant à notre gouvernement, il est bon de rappeler la phrase étonnante de Ruth Dreifuss dans Le Matin Dimanche il y a quelques années: «Lorsque j’étais en charge du Département de l’intérieur et donc de la santé, je devais signer d’une main tandis que l’autre était attachée dans mon dos.» Alain Berset est-il dans la même situation? La question semble quelque peu superflue…

© Le Matin Dimanche

D’un côté, on a ceux qui ont encore peur de prendre les transports, et de l’autre ceux qui font des Covid Party. Où est le juste milieu?

Un conflit, soit un hiatus entre la réalité et l’intention, se vit toujours soit en rébellion («je m’en fiche et je vais à la Covid-Party») soit en soumission («je reste terré chez moi autant que possible et porte le masque même en conduisant seul ma voiture»). Pour moi, cela s’accompagne d’un autre motif d’inquiétude aujourd’hui: nous avons perdu l’insouciance d’une manière terrible au cours des trois dernières décennies et plus encore avec le virus. Il y a quelque chose qui a été endommagé dans la confiance à être de plein droit et avec l’entier de soi-même dans l’espace social. J’ai l’impression d’un traumatisme généralisé, profond, beaucoup plus costaud qu’on l’imagine.

N’y a-t-il pas néanmoins quelque chose de positif à retirer de cette crise?

Une amie psychiatre m’a dit qu’elle avait le sentiment que le confinement avait été beaucoup plus facile pour les gens que le déconfinement. Parce que le premier est cohérent: il y a un danger dehors, il s’agit dès lors de se planquer chez soi, on a retrouvé du temps, on a pu réfléchir, reprendre des hobbies, on n’avait plus besoin d’aller bosser comme avant, il y avait quelque chose d’assez cocooning. Le déconfinement est plus compliqué car beaucoup moins clair: est-ce qu’il y a encore du danger? Où? Comment? Qu’est-ce que je peux faire ou pas? Suis-je dangereux pour l’autre et l’autre est-il dangereux pour moi? Il peut aussi y avoir l’envie de ne pas forcément retourner à sa vie d’avant, à cette espèce de course pleine de stress qui est devenue un peu la norme. Tout cela pose effectivement beaucoup de questions. Espérons que la réflexion sera judicieuse. Mais j’ai l’impression qu’on a rendu les gens déboussolés et même un peu fous.

J’ai un ami qui est professeur de neuro-marketing, cette branche qui étudie comment les messages publicitaires impactent le cerveau à notre su ou à notre insu. Il n’en revenait pas de l’impact de trois mois de matraquage sur l’amygdale, ce centre neurobiologique de la vigilance au cœur du cerveau émotionnel. De jour en jour, le traitement médiatique a créé une sur-stimulation de l’amygdale, ce qui a pour conséquence de faire disjoncter les connexions avec le cortex, obérant la capacité de penser. Je le vois dans l’hystérisation de beaucoup de positions, avec une forme de polarisation extrême et la perte de capacité à réfléchir et à avoir envie de discuter constructivement et calmement des choses… Donc une perte de compétence dialogique et réflexive.

Avez-vous des regrets aujourd’hui?

Les paroles d’une chanson que j’aime bien disent: «Quand on ne reste pas dans son trou de la vie à la mort/On prend des rides et puis des coups, aussi des remords». «La vie est cafouilleuse» proposait quant à lui le psychanalyste Jacques Lacan. Si c’était à refaire, je sais que je prendrais à nouveau position et sans doute à peu près de la même manière puisqu’au fond nous sommes profondément déterminés par qui nous sommes, la vie que nous avons eue, les rencontres que nous avons faites, et surtout par les valeurs qui nous animent. Ce qui ne m’empêche pas d’être conscient d’avoir été parfois maladroit, sans doute aussi excessif, ou imprudent.

Mais je suis heureux de tous ces messages reçus de personnes, de tous milieux et de tous métiers (y compris d’intellectuels et d’universitaires) qui m’ont remercié d’avoir osé dire une parole qui s’opposait à la psychose que nous étions en train de créer dangereusement, là où il s’agissait simplement d’être prudents, responsables et vigilants. Je crois qu’il y eu un emballement nocif – qui n’est d’ailleurs pas terminé – qui exige que nous osions penser et, parfois, nous opposer. Et si je me retourne sur les propos que j’ai tenus depuis début mars, je peux me donner quittance d’avoir plutôt bien vu les choses dans leur ensemble. Il n’y a pas de secret: si aujourd’hui je suis parvenu à être solide dans mes analyses, c’est aussi le fruit paradoxal de m’être souvent trompé! Ça reste la seule manière d’appendre. Et avoir la confirmation à un moment donné d’avoir un peu appris en cours de route et de pouvoir le partager avec les autres en faisant œuvre utile est au fond une agréable consolation au fait de vieillir.

via Jean-Dominique Michel:«Nous sommes en train de dériver vers un totalitarisme qui ne dit pas son nom»

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