La tentative d’AMLO de transformer le Mexique

Source : Consortium News, Rick Sterling, 01-01-2020

Jeremy Corbyn a perdu les élections britanniques mais le leader progressiste mexicain Andres Manuel Lopez Obrador, est au pouvoir depuis un an. Il réalise les projets décrits dans son livre de 2018 « New Hope for Mexico », écrit Rick Sterling.

Avec 129 millions d’habitants, le Mexique est le 10e pays le plus peuplé au monde. C’est le plus peuplé de tous les pays hispanophones et il fait deux fois la superficie du Royaume-Uni.

Le Mexique traverse une période de profonds changements. Le président Andrés Manuel López Obrador (AMLO) et le parti Morena [le Mouvement de régénération nationale est un parti politique mexicain issu du mouvement social. Il a été créé en 2011 en tant qu’association civile à l’initiative d’Andrés Manuel López Obrador, NdT] sont en train de tracer une voie radicalement nouvelle pour le pays.

De 2000 à 2005, Lopez Obrador a été à la tête du gouvernement de la ville de Mexico. Il a quitté son poste avec un taux de satisfaction de 84 %, selon une étude, après avoir tenu 80 % de ses promesses de campagne. En 2006, il s’est présenté à la présidence en tant que candidat du PRD (Parti de la révolution démocratique). L’élection a été extrêmement controversée, 49 % de la population estimant qu’elle était truquée au détriment de Lopez Obrador. Felipe Calderón a été déclaré vainqueur.

En 2012, AMLO s’est à nouveau présenté aux élections présidentielles. De nouveau, des « irrégularités » généralisées ont été constatées et Enrique Peña Nieto fut proclamé vainqueur. Après les élections, AMLO a fondé un nouveau parti appelé Movimiento de Regeneración Nacional (MORENA).

Finalement, aux élections de 2018, AMLO a battu de manière décisive les autres candidats et son parti, MORENA, a obtenu la majorité à la Chambre des députés et au Sénat. Il est entré en fonction le 1er décembre 2018.

Un nouvel espoir pour le Mexique

López Obrador a analysé les problèmes du Mexique et ses solutions dans le livre de 2018 « Un nouvel espoir pour le Mexique ». Il décrit comment la corruption et la politique néolibérale ont conduit à « une inégalité endémique, une pauvreté effroyable, de la colère, du ressentiment, de la haine et de la violence ».

Selon AMLO, « Au Mexique, la classe dirigeante est une véritable bande de pillards… la malhonnêteté stupéfiante de la période néolibérale (de 1983 à nos jours) est sans précédent ». Il nomme les fonctionnaires et les oligarques qui ont profité de la privatisation des services publics. Il décrit comment les changements mis en œuvre sous la présidence de Carlos Salinas ont même supprimé le droit des enfants à une éducation gratuite.

López Obrador explique : « La première chose que nous devons faire est de démocratiser l’État et de le transformer en un moteur de croissance politique, économique et sociale. Nous devons nous débarrasser du mythe selon lequel le développement exige un acquiescement aveugle aux forces du marché… Le Mexique ne se développera pas si nos institutions publiques restent au service des élites riches ».

AMLO décrit le déclin de l’infrastructure industrielle du Mexique pendant la période néolibérale. Les banques ont été renflouées alors que « la technocratie néolibérale a conduit à la discrimination en matière d’embauche, et toujours au détriment des syndicats. Il y a eu des vagues massives de licenciements ».

AMLO décrit des programmes ambitieux : construire des sources d’énergie renouvelable et des raffineries pour rendre le pays autosuffisant sur le plan énergétique ; construire un couloir de navigation pour le transport des conteneurs entre les océans Atlantique et Pacifique ; garantir les prix des récoltes pour permettre l’autosuffisance alimentaire ; développer le tourisme dans les régions des Caraïbes, des Mayas et des Olmèques ; planter de grandes étendues de forêts et d’arbres fruitiers ; en accordant des prêts à des centaines de milliers de petits agriculteurs ; en proposant des formations et des stages aux jeunes.

Selon lui, le développement est possible en réduisant les dépenses inutiles : « En réduisant les achats de navires, d’avions et d’hélicoptères… [nous] vendrons ceux utilisés par les hauts fonctionnaires, y compris le président ; nous ne garderons que ceux qui sont utilisés pour les urgences médicales, la sécurité et la sûreté publique… La première priorité doit être de servir les pauvres. Ce n’est que par la création d’une société juste que nous parviendrons à revitaliser le Mexique ».

Il oppose ses objectifs pour le Mexique à ceux des États-Unis, où l’administration Trump a augmenté les dépenses militaires tout en réduisant les dépenses pour le logement, les transports et l’éducation.

López Obrador estime que les politiques économiques néolibérales ont été particulièrement néfastes dans les villages et les zones rurales du Mexique. En raison de ces politiques, les petits agriculteurs ont perdu leurs moyens de subsistance et les importations de nourriture ont augmenté de façon spectaculaire. Il écrit : « L’abandon de nos zones rurales a fait payer un lourd tribut à la production, a augmenté les migrations et a favorisé l’effondrement social et la violence ».

Andrés López Obrador déclare : « La crise de sécurité publique et de violence à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui est le produit d’une guerre contre la drogue mal conçue qui repose uniquement sur des moyens coercitifs. La crise sécuritaire qui sévit au Mexique est le résultat d’une confluence de facteurs : la pauvreté, l’injustice et l’exclusion, aggravées par l’inefficacité des autorités et la corruption au sein de la police et du système judiciaire ».

Il propose de lutter contre la corruption dans la police et la justice, d’utiliser l’armée et la marine pour protéger la sécurité publique, de développer et d’utiliser une Garde nationale, et de modifier les lois concernant la consommation de drogues. Il souligne surtout qu’il est nécessaire d’offrir des alternatives positives aux jeunes : « Croire que la détérioration de notre tissu social ne peut être combattue que par l’usage de la force est profondément erroné et très dangereux, comme le confirme amplement l’histoire du Mexique ».

Pendant sa campagne présidentielle de 2018, M. López Obrador s’est rendu dans plusieurs villes américaines pour s’adresser aux Mexicano-Américains. Ses paroles sont pertinentes pour tous les Américains :

« Nous devons convaincre et persuader ceux qui ont subi un lavage de cerveau par la rhétorique de la campagne de Trump… Nous devons tendre la main aux travailleurs américains des classes inférieures et moyennes, en leur expliquant que leurs problèmes sont enracinés dans la mauvaise répartition des revenus… Nous devons sensibiliser les Américains de bonne foi qui ont été trompés par la campagne de propagande contre les Mexicains et les étrangers… »

Un an à la présidence

Après un an au pouvoir, le gouvernement AMLO a accompli des choses importantes : le salaire minimum a été augmenté de façon spectaculaire alors que les salaires des hauts fonctionnaires et les retraites extravagantes ont été réduits ; de petits prêts et subventions vont directement aux agriculteurs ; cinq cultures agricoles clés ont un prix garanti ; le cartel des voleurs de gaz, qui pèse un milliard de dollars, a été démasqué et attaqué ; un plan d’infrastructure de 44 milliards de dollars a été lancé ; et des programmes en faveur des jeunes, des handicapés et des personnes âgées ont débuté.

AMLO est un exemple de travail acharné et de transparence. Chaque jour commence par une conférence de presse diffusée à 7 heures du matin sur son fil twitter. Le jet présidentiel est en vente et il vole sur des lignes commerciales. Au cours de cette première année de mandat, il n’a pas quitté le pays mais voyage constamment à l’intérieur du Mexique pour voir les conditions des hôpitaux, des écoles, des usines et des petites villes qui composent une grande partie du pays. Le palais présidentiel a été ouvert au public.

Bien qu’AMLO ait un taux de popularité de 67 % et qu’il mette régulièrement en œuvre ses promesses de campagne, il y a des contestations et de l’opposition. L’économie mexicaine a été proche de la récession tout au long de l’année. La notation des obligations de la compagnie pétrolière publique (Pemex) a été abaissée, de sorte que les prêts d’investissement seront plus coûteux. Certains grands plans de développement se heurtent à une forte opposition. Par exemple, des organisations indigènes se sont opposées au projet de train maya [Le train maya est un chemin de fer proposé de 1525 kilomètres au Mexique qui traverserait la péninsule du Yucatán, NdT]. En réponse, AMLO affirme que le projet ne sera mis en œuvre que si la population le souhaite.

La violence est toujours un problème majeur. Comme l’a écrit l’analyste Kurt Hackbarth, « la droite mexicaine utilise cyniquement une crise qu’elle a elle-même provoquée pour tenter de déstabiliser AMLO, en prenant le peuple mexicain en otage ».

La majorité MORENA au Congrès prévoit de légaliser la marijuana et de créer une agence fédérale pour réglementer sa vente. Mais comme le dit Hackbarth, « La légalisation et le ciblage des finances des cartels doivent aller de pair avec le lent mais nécessaire travail de rétablissement de la présence d’un État social que des décennies de capitalisme sauvage ont laissé dépérir : éducation, soins de santé, logement, arts et culture, des alternatives aux emplois des cartels dans la dignité, et une redistribution urgente des richesses… » Ces objectifs sont précisément ce qui est décrit dans le livre d’AMLO et apparemment ce qu’il veut faire.

Les changements au Mexique sont également importants sur la scène internationale. Pendant la majeure partie du XXe siècle, le Mexique a mené une politique étrangère de non-intervention et d’indépendance vis-à-vis de Washington. Il a maintenu des relations avec Cuba, a soutenu les sandinistes au Nicaragua et a rompu ses relations avec le gouvernement putschiste de Pinochet au Chili. Mais au cours des dernières décennies, la politique étrangère mexicaine a été subordonnée à Washington. Avec AMLO et le parti MORENA au pouvoir, le Mexique revient à une politique étrangère basée sur l’indépendance, l’autodétermination et la non-ingérence.

La différence a été importante au début de cette année lorsque les États-Unis et le Canada ont tenté d’imposer un nouveau gouvernement au Venezuela. Les pays latino-américains subordonnés ont emboîté le pas à Washington. Le Mexique ne l’a pas fait.

Alors que le récent coup d’État en Bolivie se déroulait, la vie du président Evo Morales était menacée. Le Mexique a envoyé un avion pour sa fuite et lui a accordé l’asile. AMLO a déclaré à une foule immense : « Evo a été victime d’un coup d’État ! Et depuis le Mexique, nous disons au monde : « Oui à la démocratie, non au militarisme ! » »

Alors que l’administration Trump intensifie ses attaques économiques et politiques contre Cuba, le Venezuela et le Nicaragua, la position indépendante du Mexique est particulièrement importante. L’administration d’AMLO s’est opposée aux États-Unis au sein de l’Organisation des États américains et du groupe de Lima anti-Venezuela. Récemment, AMLO a accueilli l’ancien dirigeant socialiste équatorien Rafael Correa, suivi du président cubain Díaz-Canel. Le président progressiste argentin nouvellement élu, Alberto Fernández, a effectué son premier voyage à l’étranger pour rencontrer AMLO.

Au Mexique, un processus nouveau et plein d’espoir est en cours, tant sur le plan interne qu’international.

Rick Sterling est président du conseil d’administration de la Task Force on the Americas, une organisation anti-impérialiste de défense des droits de l’homme depuis 35 ans qui se concentre sur l’Amérique latine et les Caraïbes. La version originale de cet article a été publiée dans TFA Report.

Source : Consortium News, Rick Sterling, 01-01-2020

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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