Le chômage permet-il vraiment de se payer des vacances ? On a vérifié quatre clichés sur les demandeurs d’emploi

Les récentes déclarations sur les demandeurs d’emploi du patron du Medef, Pierre Gattaz, et du porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, ont créé la polémique. Franceinfo revient sur certaines idées reçues liées au chômage.

Haro sur les chômeurs ? Le patron des patrons, Pierre Gattaz, a annoncé souhaiter, mardi 17 octobre sur sa page Linkedin, que les demandeurs d’emploi soient davantage contrôlés, évoquant l’idée de contrôles « quotidiens, hebdomadaires ou mensuels ». La veille, le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, avait déclaré sur BFMTV : « La liberté, ce n’est pas de se dire que je vais toucher les allocations chômage pour partir deux ans en vacances. » Deux déclarations qui ont fait réagir, certains les accusant d’entretenir les idées reçues sur les chômeurs, parfois vus comme des profiteurs, voire des fraudeurs. Franceinfo revient sur quatre stéréotypes associés aux demandeurs d’emploi.

1 « Les chômeurs ne sont pas contrôlés »

Le président du Medef persiste et signe. Pierre Gattaz veut davantage de contrôles pour les chômeurs. Qu’il s’agisse « d’un contrôle (…) journalier, hebdomadaire ou mensuel », il faut qu’il soit « important », a-t-il précisé mardi dans la soirée. Pas assez contrôlés, les chômeurs ? Contactée par franceinfo, Marie, 59 ans, demandeuse d’emploi dans le sud de la France, s’étrangle.

J’ai des mails quotidiens me demandant de mettre mon CV à jour ! Et je suis convoquée deux à trois fois par semaine par Pôle emploi !

Marie, demandeuse d’emploi

à franceinfo

Elle se dit soumise à une double pression, de la part de sa référente à Pôle emploi, mais aussi d’un organisme spécialement dédié à ceux qui, comme elle, cochent « toutes les mauvaises cases : chômeuse de longue durée, la cinquantaine passée et un peu ronde ». « On vous explique que vous n’avez pas le physique, que vous avez très peu de chances de trouver un emploi, et ces gens-là sont censés vous motiver », déplore-t-elle. Coordinateur de l’ouvrage Chômage, précarité : halte aux idées reçues (éditions de l’Atelier) et ancien président du Mouvement national des chômeurs et précaires, Jean-François Yon confie à franceinfo sa lassitude : « On nous rebat les oreilles avec cette histoire de contrôles, qui ont été sans cesse renforcés au cours des années. La vérité, c’est qu’il manque surtout beaucoup d’emplois. »

Pôle emploi astreint les chômeurs à un certain nombre d’obligations, comme « accomplir des actes positifs et répétés de recherche d’emploi » ou « accepter les offres raisonnables d’emploi ». En juin, juillet et août 2017, 48 800 chômeurs en moyenne ont ainsi subi une « radiation administrative » pour avoir manqué à leurs obligations, notamment de répondre à une convocation et aux relances de Pôle emploi. En outre, quelque 200 agents sont spécifiquement chargés des contrôles, depuis 2015, à hauteur de 900 dossiers par an et par agent. Le demandeur d’emploi ciblé reçoit alors un questionnaire et doit fournir des justificatifs pour prouver qu’il cherche vraiment du travail. Si ce n’est pas suffisant, le contrôleur l’appelle. En dernier recours, le demandeur d’emploi est convoqué à un rendez-vous, soit par le contrôleur, soit par son conseiller, s’il est géographiquement plus proche.

2″Les chômeurs mènent la belle vie »

La vie de chômeur est-elle plus belle que celle de salarié ou de patron ? Christophe Castaner l’a sous-entendu, en déclarant que « les allocations chômage » pouvaient permettre de partir « deux ans en vacances ». C’est ignorer que les cinq semaines de vacances des chômeurs doivent être déclarées, et sont contrôlées. « Pôle emploi sait, par exemple, à partir de quelle adresse IP sont envoyées les déclarations mensuelles », remarque Denis Gravouil, le secrétaire national de la CGT en charge de la négociation sur l’assurance-chômage. Il est donc facile de vérifier si le chômeur est à l’étranger ou dans le sud de la France, quand il est censé chercher un emploi en région parisienne. En cas de doute, le demandeur d’emploi est convoqué.

Mais surtout, les chômeurs sont loin d’être en aussi bonne santé que les salariés. Entre 10 000 et 14 000 morts par an « sont imputables [au chômage]du fait de l’augmentation de certaines pathologies, maladie cardiovasculaire, cancer… », alerte le Conseil économique, social et environnemental, sur la base d’une enquête de l’Inserm de 2015. Le risque de mortalité est presque trois fois plus élevé que chez les personnes en emploi du même âge. Le taux de suicide est, quant à lui, deux fois plus élevé.

Psychiatre et auteur du livre Le Traumatisme du chômage (éditions de l’Atelier, 2015), Michel Debout estime que la perte d’un emploi est une violence qui s’apparente à une agression physique. Dans l’émission « L’Angle éco » sur France 2, il détaille les souffrances engendrées : le perte de lien social, les troubles du sommeil, la dépression, le repli sur soi ou encore les addictions.

On s’intéresse au chômage, mais on ne s’intéresse pas aux chômeurs.

Michel Debout, psychiatre

à France 2

3″Les chômeurs touchent trop d’argent »

Autre idée reçue : les chômeurs vivraient (presque) aussi confortablement que les salariés, sans travailler. Agacée, la CGT dénonce un cliché totalement erroné.

Seuls 46% des chômeurs sont indemnisés, soit moins d’un sur deux !

Denis Gravouil, secrétaire national de la CGT en charge de la négociation sur l’assurance-chômage

à franceinfo

Les allocataires qui travaillent à temps complet perçoivent en moyenne 1 293 euros brut par mois, d’après les statistiques de Pôle emploi de décembre 2016. A titre de comparaison, le salaire moyen dans le secteur privé était de 2 998 euros brut par mois en 2015, selon l’Insee. Enfin, souligne L’Express, si le plafond d’indemnisation français est « le plus élevé d’Europe » avec 6 000 euros par mois, il « concerne moins de 1% des demandeurs d’emploi indemnisés, près de 80% d’entre eux percevant une allocation inférieure à 1 500 euros par mois ».

4″Les fraudeurs coûtent une fortune à l’Etat »

Ultime image négative, les chômeurs sont parfois perçus comme des fraudeurs. « On les suspecte en permanence, relève Denis Gravouil, alors qu’il leur est difficile de faire valoir leurs droits, comme l’a montré le rapportdu défenseur des droits, Jacques Toubon. »

S’il y a 10 000 chômeurs qui fraudent le système sur six à sept millions de chômeurs, on est dans l’épaisseur du trait.

Jean-François Foucard, secrétaire national à l’emploi et à la formation de la CFE-CGC

à franceinfo

« On parle au grand maximum de 100 ou 200 millions d’euros indûment perçus sur 35 milliards de prestations, poursuit-il. Si toutes les structures en étaient à ce rapport-là, ce serait formidable. Contrôler tous les jours les chômeurs ? Pas de problème si on contrôle également tous les jours les entreprises qui bénéficient des fonds publics. Faut-il rappeler que les plus grands fraudeurs, ce sont les entreprises qui ne paient pas leurs cotisations ? » 

En 2015, la fraude aux prestations sociales détectée (maladie, retraite, famille, Pôle emploi) a représenté 672,76 millions d’euros, selon le défenseur des droits qui cite la Délégation nationale de la lutte contre la fraude, contre 21,2 milliards pour la fraude fiscale la même année. Les sanctions prononcées par les tribunaux à l’égard de ces fraudeurs « peuvent pourtant être très lourdes », souligne Le Figaro, « et donc dissuasives (jusqu’à quatre ans de prison dans un dossier) ».

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