Le mythe persistant selon lequel Trump serait anti-impérialiste et anti-système

Par Caitlin Johnstone

Source : Medium, le 9 août 2019

Traduction : lecridespeuples.fr

Chaque fois que je critique la politique étrangère de l’administration américaine actuelle, je reçois toujours des critiques de la part des partisans de Trump qui insistent sur le fait que ce Président fait plus de bien que de mal en « combattant l’État profond » et, plus communément encore, en « nous éloignant des guerres ».

Cette idée que Donald Trump est une sorte de Président de la paix, ou même l’idée qu’il met plus d’inertie sur la machine de guerre américaine que son prédécesseur, est contredite par tous les faits et preuves dont nous disposons. Trump n’a mis fin à aucune des guerres que ses prédécesseurs ont commencées et a ajouté des escalades dangereuses contre le Venezuela, l’Iran et la Russie dotée d’armes nucléaires.

Une des difficultés pour aborder ce mythe persistant, outre le fait évident que tout le monde vit maintenant dans des chambres d’écho d’informations étroitement cloîtrées et au sein de boucles de validation qui alimentent les biais de confirmation, est que le mythe est en quelque sorte bipartisan. Chaque fois que Trump marmonne l’un de ses appels vides aux principes non interventionnistes, ses partisans le gobent tandis que la moitié des Démocrates commencent à attaquer le Président pour être insuffisamment belliciste. Le discours de Trump sur le retrait de la Syrie en est un parfait exemple ; les troupes sont toujours là, mais les Democrates l’ont attaqué pour son comportement « isolationniste » irresponsable, tandis que ses partisans se laissaient bercer par leur conte de fées sur la fin des guerres promise et mise en œuvre par leur cher Président. Chacun y trouve son compte, y compris le complexe militaro-industriel auquel Trump prétend s’opposer.

https://twitter.com/CBSEveningNews/status/1153454795434471427

4 mois depuis la libération du dernier morceau du territoire détenu par Daech, il y a encore près de 1 000 soldats américains en Syrie ; la principale base américaine se trouve dans le nord de la Syrie, où une bande suffisamment longue pour accueillir des avions à réaction a été creusée dans la plaine syrienne (Twitter)

Mais le fait que les faucons libéraux attaquent Trump pour ne pas être aussi belliqueux qu’il pourrait l’être dans tous les domaines possibles ne fait pas de lui un Président de la paix, pas plus que les néoconservateurs qui attaquaient Obama pour la même raison en ont fait un Président de la paix. Les faucons de droite ont violemment attaqué Obama pour avoir refusé d’armer l’Ukraine contre la Russie et pour avoir refusé d’attaquer Damas sur la « ligne rouge » des armes chimiques (deux agendas néoconservateurs avec lesquels Trump s’est pleinement aligné, soit dit en passant), mais cela ne nie pas les actes d’interventionnisme dépravés d’Obama en Libye, en Syrie et ailleurs. Trump et Obama ont tous deux parfois refusé d’aller aussi loin que les bellicistes les plus virulents le voulaient, mais cela ne signifie pas non plus qu’ils s’opposaient à la guerre.

Si on veut un aperçu juste, précis et non partisan de l’ampleur de la prostitution guerrière du Président en exercice, voyez cet hyperlien pour accéder à une liste de l’organisation anti-guerre St Pete for Peace intitulée « Faits sur la politique étrangère de Trump : une chronologie actualisée du bien et du mal de la politique étrangère de l’administration Trump, dans une perspective anti-guerre ». La fiche d’information compile les déclarations et décisions de politique étrangère de cette administration et les classe dans les colonnes « Bon » et « Mauvais ». Il y a des éléments dans la colonne « Bon », comme les réunions de Trump avec Kim Jong-un et son refus de frapper l’Iran pour avoir abattu un drone américain [tous deux pulvérisés par le sabotage américain des négociations avec la Corée du Nord, Washington ayant violé tous ses engagements et contraint la Corée du Nord à reprendre ses essais balistiques et nucléaires, et l’assassinat de Qassem Soleimani, acte de guerre sans précédent violant toutes les normes diplomatiques en temps de paix], mais faites défiler la liste vers le bas et voyez par vous-même combien la colonne « Mauvais » est plus longue que la colonne « Bon ».

Pour moi, c’est en soi une réfutation assez solide de l’idée que ce Président est quelqu’un qui peut être soutenu pour des motifs anti-guerre. Chaque fois qu’un partisan de Trump s’oppose à mes critiques à l’encontre de cette administration, ses arguments viennent toujours de la colonne « Bon », tout en ignorant complètement le « Mauvais ». Ceci n’est possible qu’en raison de la dynamique de la chambre d’écho qui permet aux partisans politiques d’ingurgiter des nouvelles positives sur leur faction politique préférée sans entendre aucun des points négatifs ; les murs de la chambre d’écho sont si épais que lorsque je parle aux partisans de Trump des comportements bellicistes de leur Président, je suis souvent accusé de mentir, jusqu’à ce que je leur fournisse la preuve de mes affirmations. Mais même alors, ils trouvent un moyen de compartimenter l’information et d’agir comme s’ils ne venaient pas de voir une réfutation complète et totale de leur position.

L’autre argument que j’entends de ceux qui souhaitent défendre Trump pour des motifs anti-guerre est que Hillary Clinton aurait été une pire belliciste, et que si elle avait été élue, nous aurions pu voir la Troisième Guerre mondiale enflammée par ses plans incroyablement bellicistes pour la Syrie. Je suis d’accord sur les deux points, mais cela ne signifie pas que c’est un argument légitime à faire valoir. Le fait qu’Hillary Clinton soit mauvaise ne rend pas Trump bon, pas plus que l’existence d’un cancer ne rend bon d’avoir une insuffisance cardiaque congestive. Trump est le commandant en chef de la force militaire la plus puissante de tous les temps, et le comportement de cette force militaire est ce dont nous parlons en ce moment. Le babillage sur une chronologie alternative supposée du Président Hillary est un faux débat et une diversion.

Cette administration travaille actuellement à l’extradition de Julian Assange et à son enfermement à vie parce qu’il a dénoncé des crimes de guerre américains. Elle a tué des dizaines de milliers de Vénézuéliens avec des sanctions visant à entraîner la famine dans une tentative d’opérer un changement de régime contre la nation la plus riche en pétrole de la planète, et plusieurs fois ce nombre peut facilement mourir à la suite du nouvel embargo économique total que Trump a signé lundi. Elle fait progresser l’agenda de longue date de changement de régime de John Bolton en Iran via des sanctions visant à entraîner la famine, des opérations secrètes de la CIA et des escalades militaires inconscientes. [Et au lieu de les mettre en pause pendant la pandémie de Covid-19, Trump a cyniquement intensifié toutes ces sanctions].

Malgré le kayfabe du Russiagate, digne d’un spectacle de catch, Trump a intensifié les tensions avec Moscou plus que tout Président américain depuis la chute du mur de Berlin. Le principal expert des relations américano-russes, Stephen Cohen, avertit depuis 2017 que nous sommes maintenant menacés d’anéantissement nucléaire en raison de ces escalades à un niveau que nous n’avons pas vu depuis le sommet de la dernière guerre froide. Les nombreux actes d’agression de cette administration contre la Russie comprennent l’armement susmentionné de l’Ukraine, le nombre croissant de troupes amassées près de la frontière russe, les attaques contre les alliés russes de la Syrie et du Venezuela, le retrait du traité INF, la mise en œuvre d’un examen de la posture nucléaire avec une position beaucoup plus agressive contre la Russie, le fait d’avoir forcé RT et Sputnik à s’enregistrer en tant qu’agents étrangers, l’infiltration alléguée du réseau électrique russe, l’expulsion de dizaines de diplomates, l’élargissement de l’OTAN avec l’ajout du Monténégro, la désignation du faucon antirusse Kurt Volker comme représentant spécial en Ukraine et l’opposition aux intérêts russes concernant le transfert de combustibles fossiles vers l’Allemagne [sans parler de la guerre féroce déclarée aux institutions internationales, de l’OMS à la CPI, du soutien aveugle aux exigences les plus folles d’Israël, etc.].

Cette administration a continué de faciliter le massacre dirigé par les Saoudiens au Yémen et de vendre des armes à l’Arabie Saoudite. Elle a étendu la guerre en Somalie. Elle a gonflé le budget militaire américain déjà incroyablement hypertrophié pour permettre plus d’expansionnisme militaire mondial. Elle a considérablement augmenté le nombre de bombes larguées par jour depuis l’administration précédente, tuant un nombre record de civils et réduisant la responsabilité militaire pour ces frappes aériennes.

https://twitter.com/caitoz/status/1121568680364478464

Trump a assassiné plus de 40 000 Vénézuéliens avec ses sanctions. « Les sanctions sont la seule forme de guerre où il est considéré comme parfaitement acceptable et légitime de cibler délibérément la population civile d’un pays avec une force meurtrière. (Twitter)

Vous voyez l’idée. Il n’y a aucune raison légitime pour toute personne douée de raison de croire que ce Président est moins belliciste qu’Obama. Si nous avons de la chance, il quittera ses fonctions avec un nombre de morts inférieur à celui de George W. Bush. Le récit selon lequel les choses ont changé ne sert que les puissants, et il garantit que ceux qui y croient cesseront de lutter pour un vrai changement. Ce serait formidable si les citoyens des Etats-Unis pouvaient élire un commandant-en-chef des forces armées qui s’oppose réellement à la guerre. Croire que cela s’est déjà produit est imprudent et délirant.


« Les Etats-Unis mettront fin à ‘l’ère des guerres sans fin’ et cesseront d’être le gendarme du monde » : à l’approche des élections, Trump fait les mêmes promesses qu’il viole depuis 4 ans

Source : RT, 13 juin 2020

Traduction : lecridespeuples.fr

Le Président américain Donald Trump a déclaré que l’Amérique détournerait son attention de la conduite de « guerres sans fin » et de la posture de « gendarme du monde », ressassant ses promesses de campagne de 2016 qui n’ont pas été tenues.

Les États-Unis entrent dans un « moment crucial » de leur histoire, a déclaré le Président en s’adressant aux diplômés de l’Académie militaire de West Point dans un discours inaugural. « Nous mettons fin à l’ère des guerres sans fin. »

« Ce n’est pas le devoir des troupes américaines de résoudre les conflits ancestraux dans des pays lointains dont beaucoup de gens n’ont même pas entendu parler », a-t-il déclaré, ajoutant que Washington n’est « plus le gendarme du monde ». C’est quelque chose que Trump promet depuis qu’il faisait campagne en 2016. Mais ses presque quatre ans de présidence ont-ils rendu la politique étrangère américaine plus pacifique ?

Ses paroles surviennent au même moment que des rapports sur des plans de la Maison Blanche de retirer 9 500 soldats d’Allemagne —quelque chose qui a déjà donné à certains alliés américains, ainsi qu’à des faucons au Congrès, une raison de s’inquiéter du rôle « décroissant » des États-Unis sur la scène mondiale. Pourtant, ces inquiétudes pourraient bien se révéler prématurées.

Après tout, Trump n’a jusqu’à présent effectivement retiré les forces américaines de pratiquement nulle part. Les troupes américaines ne sont apparemment pas pressées de quitter l’Afghanistan —un pays où Washington a mené une guerre contemporaine vraiment « sans fin » pour finalement admettre qu’il était impossible de vaincre les militants Talibans locaux.

Washington a signé un accord de retrait des troupes avec les Talibans eux-mêmes en février, mais les forces américaines sont toujours là puisque l’accord est subordonné au processus de paix intra-afghan et que les pourparlers entre les insurgés et le gouvernement de Kaboul sont au point mort.

Bien que les forces américaines aient réduit leur présence en Irak, elles sont résolument déterminées à y rester dans un avenir prévisible. Washington a même déclaré à Bagdad que la présence des États-Unis sur le sol irakien était « pertinente » après que le parlement du pays leur a dit de partir après le meurtre du grand Général iranien Qassem Soleimani qui a presque entraîné un conflit militaire aux proportions incalculables.

Même sa retraite de Syrie tant vantée, qui a conduit le Pentagone à publier un rapport alarmant selon lequel le retrait ouvrirait la voie à la résurgence de Daech, n’était en fait que partielle.

Certaines troupes et ressources américaines sont restées dans le pays, où elles n’avaient de base aucun droit de se trouver, pour refuser à toutes forces hostiles, qui, aux yeux du Pentagone, incluent probablement le gouvernement syrien, l’accès aux ressources pétrolières. Trump lui-même s’est vanté à plusieurs reprises : « Nous gardons le pétrole », quelque chose qui semble faire partie des « intérêts américains vitaux » à peu près partout dans le monde.

Et les intérêts nationaux ne manqueront pas de rester en tête de l’agenda militaire américain, a admis le Président. « Il y a un regain d’intérêt pour la défense des intérêts vitaux des Etats-Unis », a-t-il déclaré dans son discours à West Point.

C’est apparemment dans la poursuite de ces intérêts que les États-Unis se sont retirés de l’accord nucléaire avec l’Iran et ont poussé les tensions dans leurs relations avec la République Islamique au point que beaucoup craignaient qu’une guerre puisse éclater à tout moment entre les deux nations.

C’est sur les ordres de Trump que les États-Unis ont assassiné Soleimani. C’est Trump qui a ordonné à la marine américaine de détruire tous les navires iraniens s’ils « harcelaient » les navires de guerre américains, ce après un incident maritime dans le golfe Persique, à quelque 12 000 kilomètres du territoire américain.

Il semble extrêmement improbable que Trump abandonne soudainement de telles politiques. Notamment parce qu’il a lui-même averti les « ennemis » de Washington que les Etats-Unis « n’hésiteraient jamais à agir » si le peuple américain, ou même des soldats américains, étaient « menacés ».

Pourtant, il a peut-être eu raison sur au  moins une chose : il a affirmé que « le travail des soldats américains n’est pas de reconstruire des nations étrangères ». Après tout, l’armée américaine ne serait pas à la hauteur d’une telle tâche, étant plutôt connue pour avoir bombardé des hôpitaux en Afghanistan et complètement rasé Raqqa en Syrie et Mossoul en Irak, le tout dans leur pseudo-processus de « libération ».

via Le mythe persistant selon lequel Trump serait anti-impérialiste et anti-système – Le Cri des Peuples

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire