Le Parlement Franco-Allemand, ébauche d’une mini-Union-Européenne ? Analysons le texte du 2e accord

Ces dernières semaines auront été noires pour l’information des citoyens.

Car le Traité d’Aix-La-Chapelle, qui concernait plutôt l’exécutif, est en fait accompagné d’un second texte, touchant au domaine législatif, l’Accord Parlementaire Franco-Allemand, que nous allons vous présenter ici.

Plan du billet :

  1. Le traitement médiatique du Projet de Traité d’Aix-La-Chapelle
  2. Le projet d’une Assemblée parlementaire franco-allemande
  3. Le Parlement Franco-Allemand, base d’une future Union Franco-Allemande ?
  4. Le texte intégral du Projet d’Accord Parlementaire Franco-Allemand (du 6 novembre 2018)
  5. Présentation du projet d’accord parlementaire franco‐allemand par Richard Ferrand, 14/11/2018

I. Le traitement médiatique du Projet de Traité d’Aix-La-Chapelle

Nous avons publié la semaine passée le Projet de Traité d’Aix-La-Chapelle, qui a été signé aujourd’hui – et qui prévoit d’intenses relations des Exécutifs des deux pays. Ce qui soulève déjà de lourdes questions.

Observons comment, après des semaines de silence, la Presse a finalement traité cet important sujet suite au buzz sur les réseaux sociaux (Source : Europe 1 ; TF1-LCI ; 20 Minutes ; France Inter ; France 3 ; Ouest France ; RMC) :

Le traitement par la Presse du Traité d’Aix-La-Chapelle

Observons de plus près un résumé de l’analyse du Parisien :

On comprend aisément ce qui s’est passé. Nous avons donc à la base un projet de traité ; le traitement journalistique normal consisterait à :

  1. Donner le texte du traité ;
  2. Donner la parole à 1 ou 2 juristes spécialisés pour montrer ce qui est important ;
  3. Donner la parole à des responsables politiques d’horizons variés pour qu’ils réagissent.

Mais ce qui s’est en réalité passé, c’est que des journalistes (souvent avec peu d’ancienneté) sont allés sur les réseaux sociaux et ont vu 10, 50, 100 personnes anonymes tenant des propos imbéciles (repris ensuite par quelques personnes plus connues) raconter n’importe quoi sur ce sujet. Ils ont alors décidé d’écrire des articles sur le thème “Macron ne va pas vendre la France à l’Allemagne”, tout fiers d’avoir participé à ce que la Presse éclaire “les Ténèbres des masses giléjaunesques stupides” (d’où le ton méprisant du fact-checker : “FAKE NEWS : NON, [à compléter…] !”).

Mais comme ils ont dépensé beaucoup d’énergie à parler de ce qu’il n’y A PAS dans le traité (et auquel à peu près personne de sérieux n’attachait d’importance, on se doute que Macron ne va pas vendre l’Alsace…), ils n’ont alors plus la place (ni les compétences ?) pour parler de ce qu’il y A dans la traité, et qui pose problème… D’où la conclusion du Parisien : “Un traité qui rappelle [simplement] les principes de coopération franco-allemande”, et dont la “lecture intégrale permet de largement relativiser les fantasmes” – ce qui est vrai, mais si on oublie les fantasmes et délires, qu’en est-il des inquiétudes légitimes ?

Terminons par cet exemple tiré de Ouest-France :

Le journaliste, parlant de ces fausses informations “abondement reprises par les réseaux sociaux”, prend la peine de l’illustrer par un tweet qui ne comprend aucune “fausse information”, et qui a été “liké” par 9 personnes, et retweeté 12 fois (+ 5 réponses)… Puis il continue avec une vraie “fausse information”, indiquant que “de très nombreux utilisateurs” la partagent – en effet, celle-ci a été “likée” 4 fois, et également partagée 4 fois (dans un groupe où sont publiées des masses de choses chaque jour). Bref, pas de quoi paniquer…

II. Le projet d’une Assemblée parlementaire franco-allemande

Il y a donc un complément au Traité d’Aix-La-Chapelle, qui est un second texte qui prévoit la création simultanée… d’un Parlement franco-allemand ! (pour le moment embryonnaire).

Ce second projet a été rédigé par un groupe de travail de parlementaires franco-allemand, créé il y a tout juste un an, afin de préparer une proposition d’« Accord parlementaire franco-allemand » sur la coopération entre les deux assemblées. Il se compose de neuf députés français et de neuf députés allemands. Ce groupe de travail a été associé aux négociations intergouvernementales sur le traité d’Aix-La-Chapelle (source ; liste des députés) :

Ce groupe a rendu son projet le 14 novembre 2018. La presse en a assez peu parlé, seule une partie des médias reprenant brièvement et sans analyse sérieuse une dépêche AFP et Reuters : Le Parisien (11/11) puis Europe 1, Challenges, Ouest France, France Inter, le Huffington Post, Le Télégramme (14/11). C’est à chaque fois présenté comme à peine plus qu’une espèce de nouveau “groupe d’amitié” franco*allemand…

À priori, il semble qu’aucun site n’ait pris la peine de publier le projet, ni même de faire un lien vers lui… Vous pouvez vérifier ici via Google.

On observe donc que le texte français du Projet n’a, à ce jour, été repris nulle part ! Il n’existe en fait que sur 3 pages Internet : une sur le site du Bundestag allemand, qu’un Allemand a republié sur le site d’hébergement DocPlayer, et une sur le site de l’Assemblée Nationale. Et c’est tout ! :

Et comme vous le voyez (et pouvez le vérifier ici, archivé là avant publication de ce billet qui devrait changer la donne, si vous le diffusez largement !), l’indexation du document sur le site de l’Assemblée est tellement efficace que Google ne l’affiche pas… Le projet est pourtant bien ici sur le site de l’Assemblée. En fait, Google l’a en réalité bien vu, mais il ne l’affiche pas, probablement car il le voit comme un doublon avec la particularité de n’être repris dans le corps de pratiquement AUCUNE page web, comme on le voit ici (le lien vers le projet sur le site de l’Assemblée Nationale ne figure que dans une poignée de commentaires).

Notons enfin que les Allemands ne sont guère mieux lotis, aucune reprise pour le grand public non plus pour la version allemande (il y a juste une version en allemand seul transmise par le Président du Bundestag aux députés) :

III. Le Parlement Franco-Allemand, base d’une future Union Franco-Allemande ?

Comme vous le verrez, à ce stade, ce nouveau Parlement non élu directement ne disposera d’aucun pouvoir législatif. Et parions que les grands médias vont insister là-dessus (s’ils ne trouvent pas de grosse Fake-News à démonter) sans prendre le temps de rappeler le précédent historique de la construction progressive du “Parlement européen” et de ses conséquences politiques.

Car la ressemblance de cette “Assemblée parlementaire franco-allemande” est frappante avec l”Assemblée parlementaire européenne“, ancêtre du Parlement Européen, avant 1979. Le choix des noms “d’Assemblée Parlementaire” et d”Assemblée commune” ne sont probablement pas innocents ; ces noms sonnent en tout cas clairement à l’oreille des spécialistes de la construction européenne. Rappelons donc l’histoire méconnue du Parlement européen.

Dans sa version initiale, le projet de Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA, lire le traité ici) de 1951 ne comportait pas d’assemblée. Les gouvernements du Benelux ayant insisté pour son introduction, celle-ci voit finalement le jour. Cette Assemblée, alors nommée “Assemblée commune” se compose de 78 députés nationaux délégués par leurs parlements respectifs et n’a pas de réel pouvoir législatif, conformément aux souhaits de la France.

À la création de la Communauté économique européenne (CEE) et de l’Euratom, cette assemblée prend le nom d’”Assemblée parlementaire européenne” et siège à Strasbourg. Le traité de Rome de 1957 reprend une formulation proche de celle du traité CECA (tout comme le traité Euratom, cf. article 107) :

Le 19 mars 1958, l’Assemblée parlementaire européenne tenait sa première réunion constitutive.

Première réunion de l’Assemblée parlementaire européenne (19 mars 1958)

Ses 142 membres étaient toujours désignés, et non élus et ils ne disposaient que de faibles pouvoirs consultatifs. (exemple de document)

Dès le mois de mai 1960, les députés adoptent une convention relative à l’élection de l’Assemblée au suffrage universel.

Le 30 mars 1962, l’Assemblée parlementaire européenne décide de se nommer Parlement européen – appellation qui ne sera officialisée qu’avec l’Acte Unique européen de 1987. Progressivement, ses pouvoirs vont s’accroître. Il se voit accorder un rôle en matière budgétaire et une consultation plus systématique lors des travaux des autres institutions.

En juin 1963, le Parlement vote une résolution qui plaide pour un renforcement de ses pouvoirs via l’élection directe de ses membres. Le gouvernement français se montre a priori hostile à cette évolution des institutions européennes et s’oppose catégoriquement à une élection directe de l’Assemblée par les citoyens. Il estime, en effet, que cette assemblée n’a pas le pouvoir législatif qu’il refuse par ailleurs de lui accorder.

En décembre 1974, le Sommet de Paris décide de l’élection au suffrage universel direct du Parlement européen. Ce n’est finalement qu’en juin 1979 qu’ont lieu les premières élections au suffrage universel direct. Il compte aujourd’hui 751 parlementaires.

Le Parlement joue toujours un rôle consultatif. Ce n’est qu’avec le traité d’Amsterdam de 1997 qu’il obtient un faible pouvoir législatif, l’autorisant à demander un projet de loi à la Commission européenne. Il peut également exercer un contrôle sur la Commission.

Depuis, les traités successifs ont augmenté le pouvoir du Parlement européen. Aujourd’hui, il joue un rôle de colégislateur avec le Conseil de l’Union européenne et dispose d’importants pouvoirs budgétaire et de contrôle politique (Sources : ici, , et ).

Tout ceci illustre la méthode des “petits pas” qui a été utilisée pour transférer progressivement la souveraineté française au niveau européen :

  1. “On crée juste une assemblée consultative, non élue !”
  2. “Bon, on va l’appeler Parlement finalement…”
  3. “Ben, comme c’est un Parlement, on va l’élire. Mais pas de souci, il ne légifère pas !”
  4. “Mais, comme le Parlement est élu, on va lui donner un faible pouvoir législatif…”
  5. “Du coup, ça ne vous dérange pas si on lui donne un fort pouvoir législatif ?”
  6. “[À venir] Pour faire des économies et avoir plus de proximité, on aimerait bien supprimer votre Parlement National, en le fusionnant avec ceux des Régions…”

Il est intéressant de noter qu’on trouve cette méthode présentée et assumée sur des sites officiels (Source : ici. Voir aussi )

Emmanuel Macron et Angela Merkel posent ainsi clairement les bases de ce qui pourrait éventuellement devenir une future Union Franco-Allemande, sur le modèle de l’Union Européenne.

L’Histoire nous éclaire : la signature de ces textes s’inscrit dans la droite ligne des précédents accords qui ont construit peu à peu l’Union Européenne, c’est-à-dire des “petits pas” continuels réalisés sans demander l’aval des peuples – quand cela ne l’a pas été en refusant de tenir compte de leurs volontés. On comprends dès lors que ces dirigeants ne veulent pas entendre parler de Référendum d’Initiative Citoyenne…

Il convient donc d’être très vigilants envers ce genre de projets.

 

Nous sommes donc heureux de vous présenter pour la première fois cet important document en intégralité ; nous avons de nouveau mis en gras ou fluo les points qui posent question quant à la nécessaire défense de la souveraineté française (principe démocratique central, puisque, comme l’a justement dit la Cour constitutionnelle allemande, “Il n’existe pas de Peuple européen”).

Nous comptons sur vous pour le diffuser le plus largement possible.

Olivier Berruyer

IV. Le texte intégral du Projet d’Accord Parlementaire Franco-Allemand (du 6 novembre 2018)

* Sur la base de la résolution commune de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand du 22 janvier 2018 à l’occasion du 55e anniversaire du Traité de l’Élysée et correspondant aux délibérations adoptées le 8 octobre 2018 par le groupe de travail franco-allemand.

Préambule

L’Assemblée nationale et le Bundestag allemand,

  • se félicitant de l’approfondissement des relations entre la France et l’Allemagne, consacré par la résolution commune de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand à l’occasion du 55e anniversaire du Traité de l’Élysée, le 22 janvier 2018,
  • souhaitant institutionnaliser la coopération parlementaire franco-allemande et rapprocher les méthodes de travail entre l’Assemblée nationale et le Bundestag allemand,
  • souhaitant faire converger les positions française et allemande à l’échelle européenne pour favoriser l’intégration au sein de l’Union européenne dans l’ensemble des domaines,

ont adopté le présent accord :

OB : ceci va ravir, de nouveau, les autres pays de l’Union européenne…

Chapitre I. L’Assemblée parlementaire franco-allemande

Article 1er : Instauration

Il est créé une Assemblée parlementaire franco-allemande.

L’Assemblée parlementaire franco-allemande est dénommée « l’Assemblée » dans la suite du présent accord

Article 2 : Composition

L’Assemblée se compose de cinquante membres de l’Assemblée nationale et de cinquante membres du Bundestag allemand. L’Assemblée nationale et le Bundestag allemand les désignent respectivement au début de leur législature respective selon leurs règles internes.

La composition de l’Assemblée assure une représentation tenant compte de l’effectif des groupes politiques et, le cas échéant, des majorités constituées de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand.

La composition de l’Assemblée doit comporter, en outre, pour les membres de l’Assemblée nationale, une représentation équilibrée des commissions et, pour les membres du Bundestag allemand, une représentation équilibrée des commissions et des différents domaines politiques.

Article 3 : Règlement

L’Assemblée adopte son règlement intérieur.

Article 4 : Présidence

L’Assemblée est présidée par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Bundestag allemand.

Article 5 : Séances

L’Assemblée siège au moins deux fois par an, publiquement, sous la présidence du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Bundestag allemand. Les séances ont lieu en principe alternativement en France et en Allemagne.

Article 6 : Compétences

L’Assemblée est compétente pour :

  • veiller à l’application des stipulations du Traité entre la République française et la République fédérale de l’Allemagne sur la coopération franco-allemande du 22 janvier 1963 et du Traité […] ainsi qu’à la mise en œuvre et à l’évaluation des projets qui en découlent ;

OB : Il s’agit ici certainement du Traité d’Aix-La-Chapelle

  • suivre les Conseils des ministres franco-allemands ; à cette fin, l’Assemblée nationale et le Bundestag allemand invitent leurs gouvernements respectifs à fournir une information exhaustive et précoce, et à rendre compte régulièrement de l’avancement de la mise en œuvre des décisions adoptées par ces Conseils ;
  • suivre les activités du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité ;
  • assurer le suivi des affaires internationales et européennes présentant un intérêt commun, y compris la politique étrangère, de sécurité et de défense européenne commune ;
  • formuler des propositions sur toute question intéressant les relations franco-allemandes en vue de tendre vers une convergence des droits français et allemand.

OB : il est assez incroyable de voir cet objectif de convergence présenté comme une évidence, sachant en plus les différences entre nos Droits…

Article 7 : Délibérations

L’Assemblée adopte des délibérations et soumet à l´Assemblée nationale et au Bundestag allemand des propositions de résolutions communes.

L’Assemblée nationale et le Bundestag allemand examinent dans les meilleurs délais, au sein de leurs organes, selon leurs procédures respectives, les délibérations adoptées par l’Assemblée et les propositions de résolutions communes.

Article 8 : Bureau

L’Assemblée élit son bureau. Celui-ci est composé d’un nombre égal de députés de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand.

Chaque groupe politique de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand y dispose d’au moins un siège

Les voix des membres du bureau sont pondérées de manière à tenir compte de l’effectif des groupes politiques et, le cas échéant, des majorités constituées de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand.

Le bureau est présidé par un membre de l’Assemblée nationale et un membre du Bundestag allemand. Ils sont élus par l’Assemblée parmi les membres du bureau.

Les présidents du bureau peuvent présider l’Assemblée en suppléant le Président de leur assemblée respective.

Le bureau est en charge de :

  • proposer l’ordre du jour des réunions de l’Assemblée, en prenant en compte, le cas échéant, les propositions des commissions de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand ;
  • préparer les délibérations de l’Assemblée ;
  • veiller, en lien avec les commissions de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand, à la mise en œuvre des délibérations de l’Assemblée ;
  • suivre la coordination de la coopération franco-allemande entre l’Assemblée nationale et le Bundestag allemand ;
  • établir un rapport annuel sur la coopération parlementaire franco-allemande en vue de sa présentation devant l’Assemblée nationale et le Bundestag allemand.

Chapitre II. Coopération renforcée entre l’Assemblée nationale et le Bundestag allemand

Article 9 : Assemblée commune

L’Assemblée nationale et le Bundestag allemand se réunissent conjointement en tant qu’Assemblée commune, à intervalles réguliers, au moins tous les quatre ans, en France ou en Allemagne, afin de discuter des priorités communes et d’adopter des déclarations communes.

Ces réunions sont présidées par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Bundestag allemand.

OB : c’est assez incroyable de voir ça. Comme toujours, la remarque est la même : outre le principe de mélanger des Assemblées, pourquoi avec l’Allemagne, et pas avec l’Italie ou l’Espagne ?

Article 10 : Coopération des Bureaux

Les Bureaux de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand sont encouragés à renforcer leur coopération.

Les deux Bureaux décident conjointement de convoquer la réunion de l’Assemblée commune et lui proposent son ordre du jour.

Article 11 : Coopération des commissions

Les commissions de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand sont encouragées à établir une étroite coopération sur les questions présentant un intérêt commun. Cette coopération prend notamment les formes suivantes :

  • réunions communes ;
  • auditions communes ;
  • discussions communes entre les rapporteurs ;
  • échange et coordination sur les projets de législation de l’Union européenne en cours ; mise en œuvre d’un cadre de référence commun en vue de l’examen des questions relatives à la base juridique, ainsi qu’aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ; mise en œuvre d’un mécanisme d’alerte précoce ;
  • échange et coordination sur la transposition des directives de l’Union européenne dans les deux pays ; les commissions s’attachent, si nécessaire, à une transposition convergente en droit interne ;
  • déplacements communs de délégations.

Les présidents des commissions sont encouragés à discuter, à intervalles réguliers, sur des sujets présentant un intérêt commun.

Article 12 : Participation réciproque aux réunions des commissions des affaires européennes

Les membres des commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand sont autorisés, sauf exception, à participer aux réunions de la commission des affaires européennes de l’autre assemblée, sans droit de vote.

OB : Des députés étrangers siégeront donc désormais à volonté dans les séances ordinaires des députés français de cette Commission sensible…

Article 13 : Coopération des délégations dans les assemblées interparlementaires

Les délégations de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand dans les assemblées interparlementaires examinent la possibilité de déposer des initiatives communes et de défendre des positions communes.

Chapitre III. Approfondissement des relations franco-allemandes

Article 14 : Action de l’Assemblée nationale et du Bundestag allemand en faveur de l’amitié franco-allemande

L’Assemblée nationale et le Bundestag allemand s’engagent à œuvrer en faveur du renforcement de l’amitié franco-allemande.

À cette fin, ils soutiennent les acteurs participant aux relations franco-allemandes et œuvrant à une meilleure compréhension mutuelle.

Ils s’engagent également à favoriser le développement de la coopération transfrontalière en harmonisant et en simplifiant le droit en vigueur. Lorsqu’il n’est pas possible de surmonter autrement les obstacles juridiques entravant la réalisation de projets transfrontaliers communs, l’Assemblée nationale et le Bundestag allemand promeuvent l’adoption de dispositions permettant de déroger aux règles du droit national. Ils veillent à ce que les standards en vigueur ne soient pas abaissés

OB : Là encore, ce sujet présent dans le sujet d’Aix-La-Chapelle revient. Ils ont clairement des projets précis en tête, pour “déroger aux règles en vigueur” ; il est dommage qu’ils ne développent pas ce point, en donnant des exemples…

Article 15 : Échanges entre l’Assemblée nationale et le Bundestag allemand

L’Assemblée nationale et le Bundestag allemand contribuent à l’approfondissement des relations franco-allemandes en renforçant les échanges entre les deux institutions.

À cette fin, l’Assemblée nationale et le Bundestag allemand s’attachent à renforcer les échanges entre les députés, les groupes politiques, les collaborateurs de groupes et de députés, ainsi qu’entre leurs administrations. Ils favorisent le développement du Programme franco-allemand d’échange d’assistants parlementaires stagiaires.

Gras, surlignage et commentaires d’Olivier Berruyer.

V. Présentation du projet d’accord parlementaire franco‐allemand par Richard Ferrand, 14/11/2018

Monsieur le Président du Bundestag, cher Wolfgang Schäuble,
Mesdames et messieurs les membres du Bureau,
Mesdames et messieurs les présidents de groupe,
Madame et Messieurs les présidents du groupe de travail conjoint du Bundestag et de l’Assemblée nationale,
Mes chers collègues du Bundestag et de l’Assemblée nationale,

Nous venons de célébrer le centenaire de l’armistice de 1918, autrement dit le centième anniversaire du retour à la paix. Le clairon qui permit aux émissaires de traverser la zone des combats pour signer l’arrêt des hostilités vient de retentir dans la salle des Quatre‐Colonnes, et ce même clairon va être exposé à l’ambassade d’Allemagne à Paris.

On ne saurait mieux dire notre volonté commune de cesser le feu, à jamais, en Europe.

Pourtant, l’Histoire l’a montré tragiquement, il ne suffit pas de proclamer des intentions pacifiques pour garantir la paix. Au lendemain de la Grande Guerre, des hommes d’État aussi éminents qu’Aristide Briand et le chancelier Gustav Stresemann ont voulu la concorde entre les peuples et le rapprochement franco‐allemand, le prix Nobel de la Paix venant couronner leurs efforts en 1926. Mais quelques années plus tard hélas, la folie du nationalisme enflamma de nouveau l’Europe et le monde, pour un conflit deux fois plus meurtrier que le précédent.

OB : “Pour combattre la folie du nationalisme, construisons donc une très grande nation dont les peuples ne veulent pas”

C’est donc sur des institutions que, solidement, durablement, la volonté de paix s’est construite et renforcée dans la seconde moitié du XXe siècle. Institutions globales, avec l’ONU et ses agences ; institutions régionales, avec les différentes étapes de la construction européenne ; institutions nationales, avec la floraison des démocraties, à l’ouest d’abord, puis à l’est du continent européen.

OB : et sur la bombe atomique et la suzeraineté américaine aussi…

Les démocraties, on le sait, ne se font pas la guerre entre elles.

OB : Le concept étant récent, les Démocraties ne se sont pas encore fait la guerre entre elles

Aujourd’hui, nous allons montrer qu’elles peuvent oeuvrer à renforcer la paix et la coopération de manière institutionnelle, puisque nous voici réunis pour présenter l’accord parlementaire qui doit engager nos deux assemblées et renouveler l’amitié franco‐allemande.

Je voudrais d’abord saluer le travail des dix‐huit députés, français et allemands, issus de tous les groupes politiques, qui a abouti à ce projet d’accord le 8 octobre dernier. La dimension trans‐partisane de ce travail prouve bien l’intérêt que nous trouvons tous à voir nos parlements se rapprocher et coopérer de manière renforcée.

Ce groupe de travail franco‐allemand est resté fidèle à l’esprit qui présidait à la résolution du 22 janvier dernier, celui‐là même qui inspirait déjà le discours du Président de la République en Sorbonne, le 26 septembre 2017 : il s’agit de faire entrer l’amitié franco-allemande dans le XXIe siècle. Parallèlement à la négociation du nouveau traité de l’Élysée, ces travaux ont clairement visé cet objectif.

Le couple franco‐allemand doit également contribuer à définir le futur de l’Europe. À ce titre, la déclaration commune de Meseberg du 19 juin dernier doit être saluée. Le nouveau souffle qu’apportent à la fois le nouveau Traité de l’Élysée et l’accord parlementaire franco‐allemand est le bienvenu. C’est sur le fondement de textes modernisés que pourront naître les nouvelles formes de coopération entre nos deux pays, entre nos deux Parlements.

L’accord parlementaire franco‐allemand lui‐même est inédit à bien des égards. Je citerai tout d’abord la mise en place d’une Assemblée franco‐allemande, qui est en quelque sorte le pendant législatif du Conseil des ministres institué par le Traité de l’Élysée. Nous aurons, avec ce rassemblement régulier des députés, alternativement en France et en Allemagne, un véritable contre‐pouvoir franco‐allemand, lieu d’échanges et de débats, mais aussi de décision.

OB : Contre-pouvoir de quel pouvoir svp ?

Cet accord incite également tous les organes parlementaires à porter leur regard au delà du seul cas national et à converger, autant de fois qu’il est possible, pour faciliter la vie de nos concitoyens.

Cette coopération renforcée entre l’Assemblée nationale et le Bundestag s’incarnera dans une Assemblée commune, qui se réunira régulièrement. Cette Assemblée commune, comprenant l’ensemble des députés français et allemands, votera des déclarations et orientera l’ensemble de travaux franco‐allemands pour les années qui suivent.

Mais nous voulons, plus encore, intérioriser le réflexe franco‐allemand. Notre coopération parlementaire doit s’ancrer dans l’activité quotidienne de nos commissions, par des réunions communes, par des auditions communes ou à travers des déplacements communs. Bref, nous ne devons pas ménager nos efforts pour faire converger nos lois, ou bien, à tout le moins, pour mieux comprendre les choix législatifs opérés par l’autre partenaire.

Nos Assemblées doivent s’engager à simplifier, harmoniser, faire converger autant que possible les droits nationaux, de sorte que nos concitoyens transfrontaliers ne se retrouvent plus confrontés à toutes ces incohérences, absurdités, irritations du quotidien qu’ils rencontrent encore lorsqu’ils franchissent le Rhin.

Je pense bien sûr à l’exercice de transposition des directives européennes : comment adapter nos droits sans sur‐transposer ? Comment coordonner les transpositions de part et d’autre de notre frontière ?

Je salue donc la teneur de cet accord entre nos deux assemblées et souhaite qu’il obtienne un large soutien, dans nos deux hémicycles, le 22 janvier prochain. Nous montrerons ainsi la force et la vitalité de l’amitié franco‐allemande : je sais avec vous qu’elle est un héritage vivant, qu’il nous revient de transmettre et de prolonger.

Je vous remercie.

Source : Assemblée Nationale, 14/11/2018

Voir la vidéo de la conférence de presse commune du 14 novembre ici.

 

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