Lettre à M. Blanquer concernant la circulaire sur l’Éducation à la sexualité

Le 11 Décembre 2018

Suite à la circulaire du 12 septembre 2018 recadrant l’éducation à la sexualité en France, notre groupe salue un certain nombre de préconisations protectrices par rapport aux dérives que l’éducation à la sexualité a subi ces dernières années, et en particulier par rapport aux préconisations de l’OMS. Mais au travers du courrier du Dr Berger adressé au Ministre de l’Éducation nationale et mis en ligne ci-dessous, nous faisons part d’un certain nombre de réticences et d’inquiétudes concernant les programmes annoncés et la précocité de certains apprentissages. Surtout, nous soulignons que certains professionnels ont délibérément et ostensiblement décidé de ne pas tenir compte de la circulaire, et nous nous inquiétons donc que ce courrier n’ait reçu à aucune réponse à ce jour.

 

Lettre du Dr Maurice BERGER à Monsieur Jean-Michel BLANQUER

Le 12-10-2018

 

Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale,

Je vous ai écrit le 27-06-2017 pour vous faire part des préoccupations de nombreux pédopsychiatres, psychologues cliniciens, et autres professionnels de l’enfance concernant le programme d’éducation à la sexualité qui était en train de se mettre en place au sein des établissements scolaires, ceci  étant corroboré par plusieurs témoignages  de parents inquiets des symptômes présentés par leurs enfants suite à des interventions sur ce thème.

Votre circulaire du 12 septembre 2018 atténue nos craintes et nous vous en remercions. Elle correspond à plusieurs de nos demandes :

-la suppression de la référence aux Standards européens sur le site de Canopé.  Dommage, comme vous l’avez probablement remarqué, que le Planning familial qui intervient en milieu scolaire maintienne cette référence en note 1 en bas de la page 18 de son document paru début septembre 2018  « Éducation à la sexualité, l’approche d’un mouvement émancipateur ».

-la nécessité de transmettre une information claire aux parents. Nous regrettons que des exceptions se produisent puisque la Principale d’un collège a déclaré sur France bleue le 20 septembre 2018 avoir décidé de ne pas informer les parents pour éviter l’absence de certains élèves aux cours d’éducation sexuelle, suite à une grossesse précoce survenue dans son établissement quelques années auparavant[1]. Ceci soulève la question de la dénomination de ces temps d’information qui, par ailleurs, nous paraissent essentiels et doivent être obligatoires.

-vous demandez qu’il n’y ait pas d’éducation explicite à la sexualité en primaire.

Il s’agit là de mesures importantes pour les enfants et les parents.

Cependant, nous pensons que des améliorations du dispositif actuel sont nécessaires.

Tout d’abord, j’ai eu la surprise en allant me procurer récemment un DVD de prévention des abus sexuels pour les enfants de 8 à 12 ans, document au demeurant bien fait, d’apprendre de l’intervenante enthousiaste qu’elle débutait cette formation par une information sur la sexualité avec nomination et description des organes génitaux, tout en m’expliquant que certains enfants se bouchaient les oreilles et baissaient la tête pour ne pas voir, comportement qui « n’était pas grave » disait-elle, alors que nous, professionnels, pensons que cela signifie que ces enfants (8 ans) étaient choqués par ce qu’ils entendaient. Elle a ajouté qu’elle utilisait aussi le DVD « Le bonheur de la vie » pour leur parler de l’instinct sexuel. J’ai eu le sentiment qu’elle n’avait pas lu ou pas l’intention de prendre en compte votre circulaire. Je vous suggère de regarder sur internet la séquence de 3 minutes 26 intitulée «A la découverte de l’amour » où une fille caresse le sexe d’un garçon pour déclencher une érection chez lui, puis  est décrit le plaisir féminin lors d’une relation sexuelle sous la forme d’ « une série d’ondes de plaisir qui envahit tout son être. Le sens pédagogique de cette série à l’école primaire (et plus tard) pose problème.

De plus, dans le journal numérique de Ouest France du 11-10-2018 à 8h30, une sage-femme sexologue explique sur deux pages les cours d’éducation à la sexualité qu’elle fait en primaire,  dans lesquels elle aborde la contraception et les maladies sexuellement transmissibles[2]. Il apparaît donc que votre circulaire n’est pas respectée, de manière volontairement ostensible. Ceci soulève la question du contrôle par votre Ministère du matériel pédagogique utilisé et du respect de votre circulaire. Dans nos propositions, nous souhaitions qu’un organisme de vigilance soient mis en place. Les CAESC, les CDESC, ainsi que l’équipe académique de pilotage n’ont pas rempli ce rôle jusqu’alors puisqu’ils n’ont pas alerté sur les nombreuses dérives que nous avons observées. Une telle fonction ne peut être tenue que si elle associe des professionnels de l’enfance extérieurs à l’Éducation nationale.

Le deuxième problème concerne la présence dans le programme de CM2 de l’abord des différences morphologiques homme-femme, garçon-fille, la description des changements du corps au moment de la puberté, la reproduction des êtres vivants. Je vous joins le cours d’un enseignant, que j’ai retrouvé à l’identique chez d’autres professeurs des écoles (voir la pièce jointe). On peut se demander si un élève de CM2 a besoin d’entendre parler de pilule, de préservatif, d’éjaculation nocturne, de maladies sexuellement transmissibles, etc.[3] Mais surtout, après discussion avec de nombreux collègues pédopsychiatres et psychologues, nous considérons que dans une classe de CM2, les élèves n’ont pas un niveau de maturité affective homogène, et que cet enseignement survient trop tôt. Par ailleurs, nous avons reçu de nombreux témoignages de parents offusqués d’avoir été ainsi dépossédés de leur rôle de parents qui consistait à fournir les premières explications à leurs enfants dans ce domaine. Les réactions les plus vives concernaient le CM2 (d’autres réactions étaient en relation avec des explications « techniques » données sur la sodomie en cinquième dans certains établissements, etc.). Après discussion entre nous, nous estimons que cet enseignement devrait être repoussé du primaire à la cinquième. Ceci diminuerait aussi l’opposition de certains groupes culturels. Et cette suggestion correspond à une autre de nos demandes initiales, à savoir que des pédopsychiatres ayant une pratique clinique soient consultés pour l’établissement du programme.

Je serais heureux de discuter de ces questions avec vous si vous acceptiez de m’accorder un rendez-vous. Je pense que ce sujet restera sensible tant que les suggestions faites ci-dessus ne seront pas prises en compte. Ce que je viens de vous décrire laisse présager de risque de réactions parentales.

Je vous rappelle que je n’appartiens pas à un groupe religieux extrémiste quelconque,  que j’ai  pratiqué des avortements de manière ostensible et bénévole pendant deux ans pour créer un état de fait avant le vote de la loi Veil, et que je ne pense pas présenter d’inhibition  par rapport à la sexualité.  Le but de mon courrier est uniquement de protéger le développement affectif des enfants de notre pays.

Je vous indique au passage que j’ai envoyé à Mr Nelson Vallejo-Gomez quelques réflexions sur la recherche que je mène dans un Centre Educatif Renforcé concernant les troubles cognitifs des adolescents des banlieues  « difficiles ».

Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à mes salutations respectueuses.

 

Dr Maurice BERGER

Pédopsychiatre, membre de plusieurs commissions concernant la protection de l’enfance

Ex-Professeur associé de psychopathologie de l’enfant à l’université Lyon 2

Directeur de session à l’Ecole Nationale de la Magistrature

via Lettre à M. Blanquer concernant la circulaire sur l’Éducation à la sexualité

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