L’Union européenne s’attaque à la liberté de choix

Par Thierry Meyssan

Jadis les choses étaient simples : on organisait un vote pour connaître la volonté des citoyens et on appliquait le résultat. Du coup, des générations se sont battues pour obtenir ce droit d’expression. Aujourd’hui, il en va tout autrement avec l’Union européenne : le vote ne doit comporter aucun risque ou être interdit. C’est juste un moyen de donner une apparence populaire à ce que Bruxelles a préalablement décidé ou le scrutin ne doit pas avoir lieu.

De nombreux acteurs politiques sont hypocrites, tenant des propos publics dans un sens et agissant en sous-main dans l’autre sens. Cette duplicité peut être légitime et habile dans des situations conflictuelles si ces acteurs politiques défendent des intérêts ou des principes précis. Elle est insupportable lorsque ces acteurs ne varient pas simplement dans leurs apparences, mais aussi sur le fond.

Depuis trente ans, l’Union européenne est passée d’une institution prévisible à une bureaucratie défendant des intérêts mouvants et obscurs. Depuis trois ans, elle piétine avec constance les idéaux dont elle se réclame. En voici cinq exemples :

• En 2005, les Français et les Néerlandais votèrent contre le Traité établissant une constitution pour l’Europe.

L’Union européenne stoppa alors les référendums prévus au Danemark, en Irlande, en Pologne, au Portugal, en République tchèque et au Royaume-Uni. Puis, en 2007, elle modifia quelques éléments de pure forme du Traité et le fit adopter par le Conseil européen sous le nom de Traité de Lisbonne.

Par obligation constitutionnelle, un référendum fut cependant organisé en Irlande où la population rejeta le Traité. La Commission européenne déclara que le texte avait été mal compris et, sans aucune modification de celui-ci, obtint que les Irlandais se prononcent une seconde fois, en 2008. Ils l’approuvèrent alors.

• En 2014, un pays d’Europe orientale a été victime d’un coup d’État qui mit au pouvoir des nazis assumés. Plusieurs régions de cet pays se sont soulevées pour rétablir la légitimité constitutionnelle. L’une d’entre elles a organisé un référendum pour rompre avec l’État central et s’intégrer dans un État fédéral démocratique dont elle avait fait partie par le passé.

L’Union européenne a choisi de soutenir le coup d’État et le nouveau gouvernement, nazis inclus. Elle a pourtant dénoncé le caractère selon elle anti-constitutionnel du référendum et a pris des mesures de rétorsion économique contre l’État qui avait accepté d’intégrer cette région rebelle.

Ce faisant, l’Union européenne a soutenu publiquement des nazis assumés, s’est appuyée sur une légalité que leur coup d’État avait abrogé, a fait passer cette légalité devant la légitimité des gouvernants, et a déclaré une guerre économique à un État qui n’était pas d’accord avec elle.

• Trois mois plus tard, en juin 2014, l’Union européenne a interdit la tenue d’un scrutin présidentiel dans les consulats d’un pays étranger.

Ce faisant, elle a violé de manière flagrante la Convention de Vienne.

Considérant que le vainqueur possible de cette élection ne devait présider ce pays, elle a refusé à l’avance de reconnaître ce scrutin qui s’est cependant tenu dans le pays donné et dans tous ses consulats situés hors de l’Union.

Lorsque les résultats ont été annoncés, la totalité des ambassades étrangères présentes dans ce pays —y compris celles de membres de l’Union— a assuré que ce vote s’était déroulé de manière loyale et sincère. Mais l’Union européenne a maintenu son refus de le reconnaître.

• Trois ans plus tard, en septembre 2017, un clan qui exerce le pouvoir sans mandat électoral dans une région du Moyen-Orient et sur des champs pétroliers voisins qu’il occupe illégalement a organisé unilatéralement un référendum d’indépendance. Non sans avoir d’abord expulsé les habitants des zones qu’il avait conquises.

L’Union européenne a considéré que l’instabilité dans cette partie du monde rendait impossible la tenue d’une élection présidentielle, mais possible celle d’un référendum d’indépendance. Elle a déclaré que celui-ci était légitime, mais que le moment n’était pas approprié.

• Quelques jours plus tard, au sein même de l’Union, un gouvernement régional a organisé unilatéralement un référendum d’indépendance pour s’accaparer les richesses dont il jouit.

L’Union, qui avait largement subventionné les associations indépendantistes, n’a pas souhaité se prononcer sur ce référendum qui —à la différence de la Justice en Pologne et en Hongrie— constitue selon elle une question intérieure d’un pays membre.

Lorsque le gouvernement de cet État a fait un usage anti-constitutionnel de la force pour empêcher la tenue de ce référendum lui aussi anti-constitutionnel, l’Union européenne n’a pas réagi à ce comportement de force d’occupation.

• Mettant à part nos sentiments personnels vis-à-vis des Français et des Néerlandais, des Irlandais, des Ukrainiens criméens, des Syriens, des Irakiens kurdes et des Espagnols catalans, dans aucun de ces cas, l’Union européenne n’a cherché à connaître et à respecter le choix des citoyens. Elle n’a pas non plus fait preuve de logique sur le fond.

via L’Union européenne s’attaque à la liberté de choix, par Thierry Meyssan

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire