Nantes. Malaise à Talensac après les mesures de filtrage

Le dispositif de filtrage mis en place par la mairie de Nantes et la police municipale les samedis, dimanches et jours fériés sur le marché de Talensac ne fait pas l’unanimité, ni parmi les commerçants, ni les clients. Certains d’entre eux votent avec les pieds, tandis que les commerçants sont partagés sur son efficacité – comment faire respecter les gestes barrière cependant dans une file d’attente serrée longue de 500 mètres ?

« Odieux avec les gens« 

« Samedi dernier, y avait deux équipes d’ASVP et une de police municipale, ça s’était plutôt bien passé », se rappelle un commerçant sous les auvents. « Mais dimanche, c’était deux de police municipale et une d’ASVP, ils étaient odieux avec les gens. Y avait un policier municipal en particulier qui examinait longuement pièces d’identité et attestation, qui aboyait sur les gens. Des policiers municipaux qui renvoyaient les gens qui attendaient, en affirmant qu’ils habitaient à plus d’un kilomètre [la règle n’est plus en vigueur pour faire ses courses] donc ils ne rentreraient pas, l’un d’eux a attrapé une personne âgée par le bras alors qu’elle s’en allait écœurée ».

Plusieurs commerçants excédés étaient allés se plaindre « et la police municipale les a envoyer bouler, ça a tourné à l’aigre. Surtout qu’il y a des commerçants qui ont eu des amendes à 135 € parce qu’ils servaient les personnes âgées par-dessus les barrières. Nous, sous les auvents, on voyait les gens faire la queue et s’écraser contre les barrières, pendant qu’on se tournait les pouces, il y avait personne. On a bien bossé moitié moins que d’habitude ».

Impression partagée sous la halle, mais pas par tous. « C’est ça ou la fermeture, je préfère travailler », coupe un boucher. « Franchement, samedi on a bien bossé et dimanche tout de même pas trop mal, faut reconnaître que dans l’alimentaire on est des privilégiés par rapport aux cafetiers qui ouvrent à emporter et font 5% de leur chiffre, ou ceux qui sont forcés de rester fermés », se justifie un commerçant situé en bas du marché. « Dimanche, on a fait un tiers de moins, mais y a eu le férié pour compenser, ça a lissé », relève une autre commerçante.

Des reports en semaine

Néanmoins nombreux sont ceux qui relèvent que les clients se reportent sur la semaine, où il n’y a pas de barrières. « Ce vendredi, on a très bien travaillé et nos clients nous ont laissé entendre qu’ils viendraient désormais la semaine, plutôt que de se taper la queue et les contrôles samedis et dimanches », explique un commerçant sous la halle.

« Pour ma part, j’ai dit à mes clients, si vous voulez éviter les robocops abrutis, venez vendredi… et ils sont venus », affirme sans détours un producteur. « Mais c’est injuste pour ceux qui ne viennent que les samedis et dimanches, ou que l’un de ces deux jours : déjà, certains sont déplacés, et les filtrages et contrôles pénalisent tous ceux qui ne viennent pas en semaine, ou pour nos clients, qui ne peuvent venir à Talensac en semaine ».

Une vendeuse de primeurs s’inquiète : « Certains nous ont dit qu’on ne les verrait plus le temps du confinement, notamment des personnes âgées qui ont du mal à marcher ou à rester longtemps debout. Ils préfèrent aller en supérette ou dans des supermarchés où il n’y a pas de contrôles du tout, ou sur d’autres marchés. S’ils faisaient ce genre de plaisanterie à la Petite Hollande, il y aurait une émeute. Nous on est trop gentils ! ».

Officiellement, le dispositif de filtrage est maintenu sans changements par la mairie de Nantes. Cependant, quelques ajustements sont prévus : l’entrée se fera une semaine sur deux en haut du marché et l’autre en bas, « pour faire travailler tout le monde sous la halle », selon l’explication officielle.

« En fait, les gens qui avaient attendu parfois plus d’une heure faisaient leurs courses vite fait dans le bas de la halle, sans remonter, et s’éclipsaient le plus vite possible. Ce filtrage, cette queue, ces barrières, les cris des policiers c’est assez anxiogène et on comprend que nos clients voulaient se tirer le plus vite possible », explique un autre vendeur sous la halle. Un de ses collègues évoque « un contexte concentrationnaire ». Il est vrai que dimanche, à certains policiers municipaux, il ne manquait que les miradors et les bergers allemands.

Par ailleurs, certains policiers municipaux qui ont cristallisé la colère des commerçants ou s’en sont trop visiblement pris aux clients sont officieusement priés d’éviter, à l’avenir, d’être dans le dispositif du marché. « Quand on sait que l’un des policiers municipaux fait partie de l’encadrement de la police municipale à Nantes, c’est inquiétant, à ce point de sentiment d’impunité. Et puis ils sont censés rassurer et sécuriser, alors qu’ils sentent la peur à 3 kilomètres. C’est le marché Talensac, pas le centre de Bagdad, faut qu’ils redescendent sur terre ! », S’exclame un vendeur de fruits et légumes.

« Du reste, ils n’ont pas trop le choix », résume un commerçant. « S’ils nous refont le même cirque que dimanche, s’ils virent nos clients et nous forcent à nous tourner les pouces alors qu’il y a des centaines de gens qui attendent, on sort tous, on va voir la police municipale et on les dégage. On veut travailler, pas voir nos clients se faire insulter par des types qui veulent faire payer très cher aux gens le peu de pouvoir qu’on leur donne. On n’est pas des pestiférés et nos clients non plus, ça suffit ».

Louis Moulin

Crédit photo : Breizh-info.com
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Source : Nantes. Malaise à Talensac après les mesures de filtrage

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