« Nous étions nombreux, jeunes et en bonne santé, à être protégés par nos immunités innées et/ou croisées, alors pourquoi nous avoir tous enfermés ? »

CHRONQIUE : Nous avons abordé le concept de l’immunité collective lors d’une chronique précédente, de la meilleure des façons, en prenant un exemple particulièrement probant, le remarquable contrôle (mais même pas remarqué ailleurs) par nos 1.064 marins sur 1.767, à bord du porte-avions Charles-de-Gaule, qui en tout juste 5 semaines, ont gagné au combat contre leur aussi rapide et qu’inattendue infection par le SARS-COV-2.

 

Tous guéris !

La Suède, a fait couler beaucoup d’encre lorsqu’elle a décidé de ne pas confiner en misant sur l’immunité collective, contre l’enfermement collectif, vulgarisant ainsi au Monde entier cette stratégie thérapeutique.

Nous savons bien que pour les syndromes grippaux, l’immunité acquise par la population au contact du virus, plus que la vaccination, permet d’arrêter l’épidémie.

L’Institut Pasteur propose la définition suivante : « L’immunité collective correspond au pourcentage d’une population donnée qui est immunisée/protégée contre une infection à partir duquel un sujet infecté introduit dans cette population ne va plus transmettre le pathogène car il rencontre trop de sujets protégés. Cette immunité de groupe, ou collective, peut être obtenue par l’infection naturelle ou par la vaccination (s’il existe un vaccin bien entendu) ».

Il ajoute que le niveau d’immunité collective nécessaire pour stopper l’épidémie pourrait cependant être plus bas si :

  1. le nombre de contacts avec les autres est très différent selon les personnes au sein d’une même population ;

  2. les enfants de moins de 10-12 ans sont moins susceptibles à l’infection par le nouveau coronavirus ;

  3. il existe une protection croisée avec les coronavirus saisonniers.

 

Nous savions déjà depuis le 6 avril et la publication en ligne dans le Lancet d’une revue systématique rapide, que la deuxième condition était remplie.

Nous allons apprendre aujourd’hui que la troisième l’était très probablement aussi !

L’immunité collective est souvent appelée « immunité de troupeau » (Herd immunity) dans les pays anglo-saxons

Même la Professeure Karine LACOMBE, Chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine de l’AP-HP, Paris, en a parlé le 25 juin lors de son audition par la commission d’enquête de l’assemblée nationale :

« Va-t-on avoir une deuxième vague, il y a énormément de paramètres à prendre en compte. En particulier, l’immunité. Si c’est une immunité acquise au contact du virus, tel qu’il existe actuellement, une immunité croisée, et on commence à avoir beaucoup de données qui montrent qu’il pourrait y avoir une immunité croisée conférée par l’exposition aux autres coronavirus, les coronavirus responsables des rhumes »

Les informations ci-après sont tirés d’articles scientifiques récemment publiés sur le sujet, ou plus exactement, prépubliés (ce qui signifie qu’ils n’ont pas encore été soumis à la relecture critique par les pairs), comme il y avait urgence à les diffuser alors que la pandémie n’est pas totalement terminée. Principalement 4 articles dont vous trouverez les références à la fin de cette chronique. Deux ont été écrits par une chercheuse française, Hélène BANOUN, Pharmacien biologiste et ancienne chargée de recherches à l’INSERM. Un article provient d’une équipe de chercheurs de la célèbre Université d’Oxford et le quatrième est l’aboutissement d’une recherche menée par des auteurs britanniques (Oxford, Edinbourg, Glasgow), brésiliens (Sao Paulo), et portugais (Porto)

Il est frappant de constater en examinant les courbes de l’épidémie de coronavirus au stade tardif actuel, une évolution dans le monde entier vers la bénignité. L’apparition de nouveaux cas se prolonge, mais en même temps, nous assistons à une baisse régulière des formes sévères et de décès.

La faible proportion dans la population de personnes ayant développé une forme symptomatique de la covid-19, peut s’expliquer par l’existence d’une immunité croisée entre le SARS-COV-2 et les autres coronavirus responsables d’infections virales bénignes. Ce phénomène repose sur l’immunité cellulaire. En revanche, l’immunité humorale, médiée par les anticorps, et testée au moyen de la « sérologie », pourrait être en partie responsable de certains phénomènes immuno-pathologiques.

Le rôle de l’immunité humorale dans l’immunité croisée n’a pas été démontré. Il faut alors se tourner vers l’immunité cellulaire pour comprendre ce phénomène favorable.

La balance entre cette immunité cellulaire bénéfique (non testée en routine) et ces manifestations immuno-pathologiques, pourrait bien expliquer le faible nombre d’enfants malades et la forte létalité (mortalité chez les personnes infectées), chez les personnes âgées.

Pour mieux lutter contre une prochaine pandémie à virus respiratoire émergent, il faudrait améliorer la protection des personnes fragiles et vulnérable, et dans le même temps, booster les défenses immunitaires de la population mondiale d’un point de vue de santé globale.

L’histoire récente, tout particulièrement les connaissances acquises avec le SARS-COV-1 lors de l’épidémie 2003-2004, semblent avoir été un peu négligées. En effet, le rôle de l’immunité croisée entre les autres coronavirus (agents pathogènes des banals rhumes) ou le SARS-COV-1, a été avancé pour expliquer la faible proportion de personnes ayant développé la covid-19 et aussi le petit nombre de personnes séropositives avec les tests actuellement disponibles.

 

Nous savons que pour les coronavirus banals, les SARS et le MERS, les anticorps (immunité humorale) disparaissent après 2 ou 3 ans, alors que l’immunité cellulaire persiste 11 ans.

Les coronavirus auraient tous en commun une enveloppe avec des spicules, en anglais « Spike proteins ». Ces protéines donnent un aspect de couronne au virus, d’où son nom, coronavirus. Voir la figure ci-dessous

Une étude (2020) a montré chez des patients qui avaient développé une covid-19 modérée, que 83% d’entre eux possédaient des cellules CD4+ capables de reconnaître les déterminants antigéniques, appelés « épitopes ». Une autre équipe, également en avril 2020, montrait que chez des jeunes adultes guéris d’une infection bénigne ou modérée au SARS-COV-2, 100% de leurs CD4+ et 70% de leurs CD8+ (lymphocytes « tueurs »), étaient réactifs. En ce qui concerne les personnes non exposées au virus, la réactivité de leurs CD8+ envers les protéines structurales (membrane et nucléocapside du virus) et non structurales des coronavirus humains banals (HCov) est connue.

Nous avons donc des études aux résultats convergents qui tendent à prouver qu’il existe une immunité croisée entre rhumes banals et covid-19.

Cette immunité est dirigée logiquement contre des antigènes communs à tous les coronavirus et non contre les antigènes spécifiques du SARS-Cov-2. Ces antigènes communs sont retrouvés sur les protéines structurales N (nucléocapside), M (membrane) et Spike et aussi sur les protéines non structurales (dont les enzymes de réplication de l’ARN viral). Cette immunité croisée pourrait donc expliquer le faible pourcentage de malades du Covid-19 parmi la population (hormis chez les personnes âgées et les malades chroniques).

 

Les coronavirus seraient responsables de 15 à 20% des rhumes chez l’adulte.

Nota : Coryza ou rhume, Rhinite aiguë, d’origine infectieuse ou non. Le coryza est une des affections les plus répandues. Toute la population en est affectée chaque année selon des fréquences variables (en moyenne de 6 à 10 épisodes chez l’enfant, de 2 à 4 chez l’adulte). Il est le plus souvent, d’origine virale (rhinovirus) et très contagieux à proximité (Source).

 

Selon différents travaux, les formes sévères de covid-19, avec détresse respiratoire et prise en charge en réanimation, sont associées à une production de cytokines en quantités importantes. Pour les formes sévères en réanimation on a parlé « d’orage de cytokines ». Les cytokines représentent un groupe hétérogène de protéines ou de glycoprotéines solubles, parmi lesquelles, le TNF-alpha, les interleukines, les interférons… Elles participent à la réponse immunitaire aux agents infectieux et pathogènes.

Le Pr Eric Vivier, Immunologiste, Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille, interviewé sur l’immunité croisée par Jean-Jacques Bourdin, le 29 mai 2020 :

Alors qu’il était couramment admis que le seuil d’immunité collective (SIC) requis pour prévenir une résurgence du SRAS-CoV-2 était supérieure à 50 % quel que soit le contexte épidémiologique, deux travaux prépubliés ce mois-ci sur la plateforme Medrxiv, montrent que ce seuil peut être fortement réduit si une fraction de la population est incapable de transmettre le virus en raison d’une immunité innée ou croisée contre l’exposition au coronavirus.

L’une des deux équipes chiffre même entre 10% et 20% le seuil d’immunité collective, c’est-à-dire la fraction de la population qu’il reste à immuniser pour stopper l’épidémie !

 

Bonne nouvelle non.

Si cela s’avère exact, pourquoi donc avoir enfermé les 51 millions de françaises et de français bien portants pendant huit semaines, et les avoir cachés derrière des masques depuis le lundi 20 juillet ?

 

Bibliographie

Covid19 : immunité croisée avec les autres coronavirus, phénomènes immunopathologiques. Hélène BANOUN. Juillet 2020 (ici)

Évolution du SARS-CoV-2 face au système immunitaire de son hôte. Hélène BANOUN. Juillet 2020 (ici)

The impact of host resistance on cumulative mortality and the threshold of herd immunity for SARS-CoV-2 Medrxiv. Juillet 2020 (ici)    

Herd immunity thresholds for SARS-CoV-2 estimated from unfolding epidemics. Medrxiv Juillet 2020 (ici)

Auteur(s): François Pesty pour FranceSoir

via Chronique Covid N°17 – « Nous étions nombreux, jeunes et en bonne santé, à être protégés par nos immunités innées et/ou croisées, alors pourquoi nous avoir tous enfermés ? »

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