Comprendre la situation au Venezuela avec Romain Migus

Chers amis,

Je vais vous parler d’un jeune homme épatant, enthousiasmant, important.

 

Il s’appelle Romain Migus et c’est un des meilleurs connaisseurs du Venezuela que je connaisse. Son blog est une source d’informations précieuse pour contredire et invalider les mensonges quotidiens de la presse française (toute entière vendue aux ultra-riches) sur le Venezuela.

Les analyses de Romain sont souvent reprises sur le site Le Grand Soir, que je considère comme un des cinq ou six meilleurs sites d’information en France (avec Les Crises, RT France, Le Saker francophone, Investig’Action et le CADTM, notamment).

Je vais regrouper dans ce billet quelques perles récentes de Romain. Vous allez voir comme c’est excitant et stimulant :


• D’abord, ce formidable entretien de Romain avec Blanca Eekhout, Ministre des Communes, sur l’organisation de la démocratie vénézuélienne — en comparaison (pour l’instant), la France peut rougir de honte pour sa nullité crasse en matière démocratique :

Interview de Blanca Eekhout, ministre des Communes de la République Bolivarienne du Venezuela

https://www.romainmigus.info/2019/06/la-democratie-participative-au.html

Depuis l’étranger, le Venezuela est souvent dépeint comme une dictature, où le chef de l’Etat, Nicolas Maduro, règnerait de manière autoritaire et violente sans prendre en compte les aspirations populaires. Cette description se heurte pourtant à une réalité qu’il est impossible de nier : le chavisme et le président Maduro possèdent le soutien d’une partie non négligeable de la population vénézuélienne. La propagande du système médiatique [français] ne permet donc pas de répondre à la question : Pourquoi ?

Un des éléments de réponse est à chercher du coté de la démocratie directe et participative implantée au Venezuela depuis l’avènement d’Hugo Chávez au pouvoir. Cet aspect central de la Révolution Bolivarienne est systématiquement nié par le système médiatique. Les luttes du Peuple vénézuélien au sein du système de Conseils communaux et des Communes socialistes sont invisibilisés. Nous sommes donc allés interviewer Blanca Eekhout, ministre des Communes afin qu’elle explique au lecteur francophone l’originalité et la robustesse de la démocratie vénézuélienne. 

Blanca est une militante sociale de la première heure, elle a été la fondatrice de nombreux médias associatifs comme Catia Tv, et est devenu la première présidente de la chaine publique ViVe TV, puis de VTV. Élu députée en 2010, elle deviendra vice-présidente de l’Assemblée nationale de 2011 à 2015.  Cette jeune femme, qui a consacré sa vie à la lutte sociale et à l’approfondissement de la démocratie dans son pays, a occupé plusieurs postes de la haute fonction publique. Elle a été Ministre de la Communication et de l’Information (2009-2010), Ministre de la Femme et de l’Égalité des genres (2016-2018). Elle est aujourd’hui Ministre des Communes depuis septembre 2018.  

Le Ministère des Communes est situé dans le centre de Caracas dans un immeuble où furent relogés plusieurs vendeurs ambulants, il y a quelques années. Il apparaissait logique que ce ministère central déserte les quartiers administratifs traditionnels pour s’implanter aux côtés du Peuple. La ministre nous recevra dans son modeste bureau où trône côte à côte un portrait d’Hugo Chávez et de Josefa Camejo, une héroïne de la guerre d’indépendance du Venezuela : bon résumé iconographique du parcours politique de notre interlocutrice. 

Pendant que Blanca répondait avec fougue et passion à mes questions, je pensais aux revendications des Gilets jaunes français, exprimées à plusieurs milliers de kilomètres de Caracas. En cause ? Les thèmes évoqués par la ministre vénézuélienne : l’Assemblée Constituante et la mobilisation populaire pour écrire la nouvelle Charte suprême, les modalités du référendum révocatoire pour tous les élus, la force des conseils communaux et des communes —où toutes les décisions sont prises lors d’Assemblées générales—, la nécessité d’inventer de nouvelles formes de propriété pour développer le pays. Les paroles de Blanca Eekhout fusent comme une rafale de AK47, chaque balle est un concept qui fait écho aux préoccupations politiques exprimées sur les ronds-points de France. 

L’autre son de cloche que vous pouvez lire ci-dessous témoigne de l’extraordinaire vivacité démocratique du Venezuela, qui marque la colonne vertébrale du projet politique de la Révolution bolivarienne. On comprend mieux alors la terrible violence politique et médiatique qui s’abat contre ce Peuple. La démocratie participative vénézuélienne doit être absolument balayée pour enrayer le risque de voir fleurir 1, 2, 3 Blanca. Pour que ce modèle ne donne pas d’idées à d’autres et ne menace pas le système politique encore dominant… pour l’instant.  


Avec Blanca Eeckout, Caracas 2019. 

Romain Migus Quelles sont les racines de la démocratie participative au Venezuela ? Comment s’est construit le modèle démocratique de la Révolution Bolivarienne ?  

Blanca Eekhout : Il faut commencer par le début de notre mouvement politique, ou en tout cas par la prise de pouvoir par le Commandant Chávez. Sa première action du gouvernement fut de convoquer un processus national constituant. Hugo Chávez a appelé le Peuple à refonder notre République. Avant cela, tout notre cadre juridique était déterminé par le pouvoir en place, par les oligarchies mais aussi par la dépendance historique héritée de notre histoire coloniale. Donc, refonder notre République a impliqué de changer de charte suprême, mais le plus important était de savoir qui allait participer à ce débat. La première action a donc consisté à convoquer un référendum pour mettre en place ce processus constituant. Ce fait politique extraordinaire avait pour racine historique le Congrès d’Angostura, réalisé sous l’égide de notre Libérateur Simon Bolivar, en 1819 (1). Bolivar donnera un discours historique lors de ce congrès et rappellera notamment : « Heureux le citoyen qui invoque et convoque son peuple, consulte la volonté du souverain ». C’est pour cette raison qu’au Venezuela, à partir de 1999, une fois que la nouvelle constitution est approuvée, notre démocratie est devenue participative et « protagonique ».

R.M : Excuse-moi de t’interrompre, mais pourrais-tu expliquer à nos lecteurs comment se sont organisés les comités constituants ? Comment s’est déroulé le débat au sein de la population pour nourrir de projets cette Assemblée Nationale Constituante ?

B.E : D’abord, il y a eu une élection nationale pour choisir nos représentants : il y avait des indigènes, des travailleurs et travailleuses, les femmes en tant que mouvement, les pêcheurs, les paysans, toutes les forces sociales, ceux qui étaient invisibles, ceux qui n’avaient jamais été consultés sur le destin de leur patrie ni sur les lois qui régissaient leur vie. Mais la véritable consultation a été réalisée lors d’assemblées de rue. On a créé différents mécanismes par lesquels on systématisait les propositions ; des camions recueillaient les propositions à travers tout le territoire national. Les mouvements initiaux, ceux du mouvement ouvrier, paysan, participaient par des lettres de propositions et de requêtes historiques.

Ce fut une consultation nationale très, très large et complète car le modèle duquel nous voulions sortir avait eu comme objectif l’application des mesures néolibérales dictées par le FMI et la Banque Mondiale. Ceci avait provoqué une réponse forte de la part du peuple qui était descendu dans la rue en 1989. Cet événement, que nous appelons le Caracazo avait été réprimé de façon très violente. Toutes les demandes qui s’étaient exprimées en réaction contre le modèle néolibéral ont fini par se trouver recueillies dans le processus constituant, en tant que demande de la République, pour garantir le droit à la Sécurité Sociale, la réaffirmation de notre droit à l’éducation gratuite, à la santé gratuite, à la redistribution des revenus, à la reconnaissance des droits indigènes, etc.

Au début, nous avions une révolte nationale mais nous n’avions pas encore un développement des mouvements sociaux suffisamment organisé. C’est la convocation du président à une Assemblée Nationale Constituante qui fait que nombre de ces mouvements se regroupent comme force nationale. On reconnaît alors, par exemple, la communication comme un droit de l’homme ; pour la première fois, les médias alternatifs commencent à occuper l’espace hertzien alors que dans le vieux modèle précédent, ceux-ci étaient considérés comme illégaux, pirates, et étaient sanctionnés. Nous avons mis en marche un processus de révision de la question pétrolière, ainsi que de la question agraire pour face à toutes ces pratiques terribles de saccage de la terre par les grands propriétaires ; c’est pour cela que le mouvement paysan avance à partir du processus constituant. Ce processus a été une impulsion pour que se développent, se consolident et se renforcent les différents mouvements sociaux dans notre pays.


« Nous sommes un Peuple constituant et souverain » 

R.M : On peut dire que le processus constituant marque le départ d’une nouvelle démocratie. En quoi est-elle différente de la démocratie représentative dans laquelle vit la majorité des peuples du monde ?

B.E : En premier lieu, nous, nous avons innové en ce qui concerne l’exercice permanent du pouvoir et de la non-délégation de la volonté. C’est-à-dire que pour le peuple vénézuélien, notre souveraineté réside dans le peuple, elle ne peut pas être déléguée. C’est pour cela que nous dépassons le modèle de la démocratie représentative dans lequel tous les cinq ou six ans, selon les élections, le peuple finit par déléguer à un autre son droit de souveraineté. Dans le cas du Venezuela, il ne peut pas être délégué même si nous réaffirmons l’élection directe et universelle. Nous avons d’ailleurs, au Venezuela, battu des records, car nous avons eu 25 processus électoraux. Nous avons inclus lors de notre Constituante, la possibilité pour les citoyens d’organiser des référendum révocatoire à mi-mandat pour tous les élus. Nous avons été le premier pays à faire un référendum révocatoire pour le président de la République. Nous avons organisé un référendum révocatoire au président Chavez ; et il a été confirmé dans ses fonctions.

Mais, au Venezuela, je disais que l’exercice de la démocratie et de la participation n’est pas délimité par des élections au terme d’un quinquennat ou sextennat. D’abord, nous élargissons les pouvoirs. Des trois pouvoirs traditionnels en démocratie (exécutif, législatif et judiciaire), nous en avons rajouté deux : le pouvoir électoral et le pouvoir moral. Le pouvoir électoral est devenu un pouvoir avec suffisamment de force et d’autonomie pour garantir des élections libres, directes, transparentes, totalement automatisées(2). Quant au pouvoir moral, il traite tout ce qui a à voir avec la défense du peuple (3), la fiscalité ; il est devenu un pouvoir important à l’intérieur de la République.

En plus de cela, nous avons établi quelque chose de plus important et de nouveau, c’est le renforcement du pouvoir populaire. Le pouvoir populaire, c’est l’exercice permanent de l’autogouvernement sur le territoire. Nous avons approuvé des lois pour organiser ce pouvoir populaire, et qui déterminent l’organisation, le développement économique de tout ce qui est ce modèle de transfert d’attributions politiques, de gestions de ressources économiques. C’est ce qui nous donne aujourd’hui une force dans le pays.

R.M : Avant de s’attaquer à l’expérience des communes, on va déjà parler des conseils communaux. La première loi de Conseil communal a été votée en 2006  et, je crois qu’il y a eu de nombreuses modifications pour l’adapter peu à peu à la réalité concrète. Ceci démontre  aussi que le Venezuela est en train d’inventer un nouveau système et qu’au début en tout cas, il a tâtonné. On va poser une question basique, mais essentiel pour nos lecteurs qui ne savent rien ou presque du modèle de démocratie vénézuélienne : qu’est-ce qu’un conseil communal ? En quoi consiste-t-il ?

B.E : La loi des Conseils Communaux garantit l’exercice, à tous les niveaux territoriaux de nos communautés de voisinage, à tous les citoyens d’un territoire, de se réunir en Assemblée citoyenne. Ils décident des processus d’actions au cours d’une prise de parole générale. Grâce à des élections directes, lors des assemblées territoriales, il est décidé par l’Assemblée générale de qui est à la tête des projets, des comités, et de la mise en marche des politiques publiques sur le territoire. Nous avons également une loi pour organiser l’économie populaire, nous avons les lois qui régissent l’organisation des communes, ainsi que des lois de communication qui relèvent également du pouvoir populaire.

R.M : Qui décide du rayon d’action du Conseil Communal ? Par qui va-t-il être composé ? Quelle est la relation avec l’Etat et les échelons administratifs de la démocratie représentative qui continuent d’exister ?

B.E : Au sein du Conseil communal, les gens décident, en Assemblée de l’espace territorial qui va délimiter l’action de leur conseil.  Les citoyens doivent être disposés à se regrouper volontairement en fonction de la délimitation géographique de leur territoire. Il y a des conseils communaux beaucoup plus petits, il y en a de plus grands ; s’ils se constituent dans les zones urbanisées, la population se concentre dans un immeuble, et cela peut dépendre de l’urbanisme. Dans les immeubles d’un même quartier, il peut y avoir deux ou même trois conseils communaux. L’assemblée de citoyens décide également de la capacité d’organisation. Pour nous, l’assemblée citoyenne est l’instance de délibération la plus importante ; c’est ce qu’il y a écrit dans l’article 20 de notre loi des Conseils Communaux (4). Elle est aussi l’organe de décision pour l’exercice du pouvoir des communautés de voisinage : la participation et le protagonisme populaire. Les décisions du conseil communal doivent s’appliquer de manière obligatoire. Le conseil communal est reconnu par toutes les autres autorités qu’elles soient municipales ou régionales. Les conseils communaux dans une communauté paysanne peuvent être constitués par un plus petit nombre de familles en raison de l’immensité de l’espace et de la faible concentration de population. Ainsi, les assemblées de citoyens établissent eux-mêmes la délimitation de leur espace territorial.

R.M : Comment les gens s’organisent-ils au sein du Conseil communal ? 

B.E : Dans le Conseil communal, il y a des comités de santé, d’éducation, de culture, d’alimentation, de communication populaire, il y a aussi un comité de d’équité et d’égalité entre les genres, et bien d’autres comités en fonction de la réalité de la vie sur le territoire du Conseil communal. Mais il y a également un comité qui se charge de la question de l’économie et un autre qui se charge de la sécurité. Par sécurité nous n’entendons pas seulement la sécurité inter-personnelle, mais aussi la sécurité et la défense intégrale de notre territoire qui est constamment menacé par une invasion étrangère.

R.M : Combien de conseils communaux y a-t-il sur tout le territoire vénézuélien ? 

B.E : En ce moment, il y en a 47.834. Cela représente l’équivalent de 14 millions de personnes.

R.M : Cet approfondissement de la démocratie directe et du pouvoir populaire vous a amené à reconsidérer le thème de la propriété (de la terre et des moyens de productions). Comment ces deux thèmes s’articulent-ils ? Pourquoi, aux cotés de la propriété privé ou publique avez-vous dû inclure la propriété sociale directe et indirecte ? Comment s’interconnectent l’économie populaire et le pouvoir populaire ?

B.E : Les unités de production familiale, nombre d’entre elles sont également discutées en assemblée citoyenne. Le développement d’une unité de production familiale, une Entreprise de Production Sociale, nombres de réalisations de ce type naissent dans le débat lors de l’assemblée de citoyens. En ce moment, nous sommes encore en train de travailler pour amplifier les types de propriété, non seulement les types d’organisation de propriété sociale mais aussi les types de propriété individuelle, familiale qui existent dans la commune et se mettent au service de la commune. Nous avons encore beaucoup à faire en ce qui concerne le développement d’un modèle économique communal, d’un circuit économique communal.

Les initiatives et les expériences de quelques communes sont extraordinaires, mais nous ne sommes pas encore parvenus à une articulation totale. Nous avons des systèmes de monnaie ou de banque communale qui existent, mais le développement est inégal. Il y a des communes qui ont réussi à dépasser les attentes même de ce que permettait la capacité productive et d’autres qui ne sont pas parvenues à s’articuler au niveau économique et continuent d’être des expériences isolées. Aujourd’hui, nous faisons un travail important pour systématiser la propriété sociale et collective. Nous nous inspirons aussi des conseils paysans qui ne fonctionnent pas tous selon la propriété sociale. Les paysans ont la propriété de leur terre, propriété individuelle ou familiale, et néanmoins, à partir d’expérience coopératives, ils finissent par se rassembler pour que s’ajoute toute la production d’une commune à un effort collectif bien que la propriété soit diversifiée. Les mécanismes et les types de propriété sont diversifiés sur le territoire communal et nous affrontons un défi énorme qui consiste à garantir que tout permette l’autogestion, l’autonomie alimentaire et le renforcement économique sur le territoire.

R.M : Venons-en à la Commune. Qu’appelez-vous une Commune au Venezuela ? Comment expliquerais-tu à une personne qui ignore tout de ce processus politique de premier ordre, ce qu’est une commune et comment fonctionne-t-elle ? Quelle est la relation de la Commune avec les Conseils communaux ?

B.E : Peut-être que la première chose serait de dire qu’il s’agit d’un regroupement de conseils communaux mais c’est beaucoup plus que cela. L’idée est que toutes les forces et les mouvements présents sur un territoire forment une commune.  En plus des Conseils communaux, on trouve dans la Commune les conseils de jeunesse, les conseils paysans, les Conseils de production des travailleurs ; tout ce qui fait la vie politique et économique d’un territoire vient former la commune.  Les différents comités qui forment un conseil communal ont ensuite un porte-parole, qui, dans la commune, participe aux instances d’autogouvernement. Un porte-parole de chaque conseil communal siège au parlement de la commune. L’idée est que cela constitue un système d’agrégation et détermine une nouvelle géométrie du pouvoir. L’objectif est qu’à un moment donné, ce modèle communal dépasse les structures héritées de notre vieil état, où le modèle administratif est basé sur la mairie, ou le gouvernement régional. Ces structures qui nous viennent de la colonisation sont très liées au vieux modèle de démocratie représentative. Elles ne relèvent pas du système permanent et direct d’autogouvernement du peuple sur un territoire qu’il a lui-même décidé. Aujourd’hui au Venezuela, il existe 3078 communes de ce type. Dans la commune et le conseil communal, l’assemblée de citoyens est l’instance supérieure, raison pour laquelle elle permet une démocratie permanente qui ne peut être déléguée. C’est une démocratie pleine, elle est participative, protagonique.

R.M : Quelle est la relation entre cet État communal qui prend forme et les structures traditionnelles de l’État vénézuélien ?

B.E : Les vieilles structures de l’État, les mairies, les conseils municipaux, les gouvernements régionaux, continuent d’avoir un rôle. Nous les avons maintenus, nous les avons rénovés, nous continuons d’organiser des élections — que le chavisme vient de gagner, d’ailleurs — mais nous croyons que, si le pouvoir réside dans le peuple, l’exercice de démocratie par ce souverain qu’est le peuple doit être permanent, et le développement de politiques publiques doit être également entre les mains du peuple. C’est pourquoi, pour nous, le pouvoir de la commune et du conseil communal constitue la base de ce que doit être le nouvel État, un État véritablement populaire, un État qui rompt avec la bureaucratie, avec l’héritage de ce modèle de fausse démocratie bourgeoise et représentative. Nous sommes dans un processus d’invention permanente avec des erreurs et des réussites mais nous essayons de construire un autre modèle. Nous ne pouvons être protagonistes de notre processus politique qu’en le faisant, qu’en nous rencontrant, qu’en débattant, qu’en le discutant dans le même temps où nous sommes un acteur protagonique de ce changement.


Assemblée générale pour élire l’autogouvernement de la Commune Simon Bolivar dans l’Etat rural d’Apure (photo: Carolina Cruz) 

R.M: Si le Conseil communal dépend en partie des instances administratives locales ou nationales pour financer ses projets, la Commune entend être véritablement autonome. Qu’en est-il de l’économie communale ?

B.E : La commune a son mode de fonctionnement propre mais elle intègre les initiatives de l’Etat central comme la création de comité pour la protection sociale ou le Carnet de la Patrie (5). Elle se charge aussi de nouvelles tâches. A cause de la guerre que nous subissons, les Comités locaux d’approvisionnement et de production (CLAP) ont été créés et se chargent de la distribution directe de l’alimentation dans la Commune, maison par maison (5).

Il faut que la Commune soit autosuffisante dans le temps, et qu’elle ait les capacités de produire dans tous les secteurs : agricole, touristique et même dans l’industrie communale car nous avons développé, grâce à l’investissement de l’État, des processus industriels communaux qui garantissent tant l’approvisionnement au niveau de la commune que l’échange et l’apport au niveau national. Le développement économique de la commune est un élément fondamental pour qu’une commune soit une commune. Dans ces temps de guerre, la production est une impérieuse nécessité. Mais il y a aussi des processus différenciés : la capacité de production n’est pas la même dans une zone urbanisée que dans une communauté rurale.

R.M: Évidemment.

B.E : Néanmoins, dans les communes urbaines, nous avons des boulangeries communales, des potagers communaux, les gens commencent surtout à développer l’activité textile et nous avons obtenu, qu’à l’intérieur d’une commune urbaine, il existe des brigades de production auxquelles l’Etat a attribué des terres pour qu’ils produisent dans des zones rurales et rapportent les produits en zone urbaine.

R.M : Quel est le lien entre l’État, le Ministère des Communes, dont tu es la plus haute représentante, et les communes elles-mêmes ? C’est-à-dire entre cet État hérité mais également nécessaire pour appliquer une macro-politique, et les forces populaires organisées ?

B.E : Le Ministère des Communes promeut l’organisation de la Commune, il facilite les mécanismes pour qu’elle soit légale, pour qu’elle s’organise, pour que l’on forme les citoyens et citoyennes et qu’ils puissent se constituer en conseils communaux puis en commune. Ainsi, l’une des principales tâches est de promouvoir l’organisation du peuple pour qu’il parvienne à établir ses propres mécanismes d’autogouvernement. L’un des éléments également important, c’est la formation. D’une part, dans le processus de production et d’autre part dans la mise en marche des politiques sur le territoire, des politiques publiques qui se font au niveau de la commune. Nous soutenons de fait tous les leaderships naissants pour que se constituent des Communes.

Mais, il y a un autre élément qui représente une tâche importante pour nous en tant que ministère. Il nous faut permettre l’articulation nationale de toutes les communes. Le commandant Chávez disait qu’une commune isolée pouvait même être contre-révolutionnaire. La seule façon pour qu’elle soit révolutionnaire, profondément démocratique et transformatrice, c’est qu’il y ait un tissu social communal, qu’il y ait une véritable articulation entre toutes les communes. Nous favorisons l’organisation de Congrès et de rencontres entre les communes. Lors d’une récente rencontre nationale que nous avons organisé, a surgit l’idée de la création d’une Université des Communes. Ou plutôt devrais-je dire d’une Multiversité plutôt qu’Université. Tout ce travail de mise en relation dépend du Ministère. Celui-ci apporte, lorsque cela est nécessaire, des ressources pour le développement d’initiatives de production, des semences pour l’agriculture, des outils, des machines.

Mais l’organisation des communes ne peut relever exclusivement de la responsabilité du Ministère des Communes. Il existe un tel niveau de développement des forces communales qu’elles-mêmes sont et doivent être promotrices de la création d’autres communes, et organisatrices de ce grand mouvement communal national. Nous sommes donc dans une phase de transfert de pouvoir et d’attributions que détient le Ministère aux communes. Pour l’organisation du territoire, l’un des mécanismes est : « la commune sème d’autres communes ». Une commune pionnière, entreprenante qui s’est développée de façon importante économiquement, socialement et au niveau politique devient un facteur multiplicateur des communes à partir de son fonctionnement.


La ministre des Communes Blanca Eeckhout lors d’un échange avec les comuneros 

R.M : Quels sont vos prochains défis politiques ?

B.E : Nous pensons que l’exercice permanent de la démocratie est plus que jamais nécessaire. C’est pourquoi, il nous faut accélérer le transfert de nouvelles attributions au mouvement communal. Nous sommes actuellement dans une phase d’organisation d’élections pour garantir le renouvellement des leaderships, et le renforcement des assemblées citoyennes. Et nous organisons ceci dans un scénario complexe, à cause de toutes les menaces et les attaques contre notre pays, ainsi que la guerre économique qui s’abat contre le Venezuela.

R.M : Dernière question, quelle est l’importance du thème de la démocratie pour la  Révolution Bolivarienne au Venezuela ? 

B.E : La Révolution bolivarienne au Venezuela existe parce qu’il y a un peuple organisé qui exerce le pouvoir. Sans cela, nous n’aurions pas pu supporter les terribles attaques dont nous sommes victimes depuis vingt ans. On nous a appliqué toutes les doctrines de guerre pour transformer le Venezuela en un État voyou, failli, nous vivons sous la menace permanente de coups d’état et d’une intervention militaire. Dans ces circonstances, dans les moments les plus difficiles, la Révolution a toujours convoqué le peuple souverain, comme ce fut le cas encore lors du processus constituant que nous avons initié en 2017.

Cette année là, alors que nous affrontions depuis plusieurs semaines un épisode insurrectionnel qui pouvait provoquer une guerre civile dans le pays, le président Nicolas Maduro a décidé de consulter le peuple, et de convoquer de nouveau une Assemblée Constituante. Ce processus a été encore plus démocratique que celui que nous avons fait en 1999 car le processus d’élections a été territorial et par secteurs de la population. Nous avons choisi de façon directe nos propres porte-paroles pour les personnes âgées, pour les personnes présentant un handicap, pour les paysans, pour les pêcheurs, pour la jeunesse, pour les travailleurs, pour les communes, pour toutes les forces vives de notre pays. Il y a des représentants de tous les secteurs dans notre Assemblée Nationale Constituante.

Actuellement, il y a un débat sur tout, ouvert, acharné, mais ce qui était fondamental pour aller à cette Assemblée Nationale Constituante, ce fut de chercher la paix. Ce qui démontre que la démocratie apporte la paix, la vraie démocratie, celle qui ne réduit pas la volonté du peuple, qui n’est pas la démocratie représentative. La démocratie participative et protagonique est une garantie de paix et c’est la garantie d’une Patrie. Dans les moments les plus difficiles, notre président Nicolas Maduro, de même que le Commandant Chavez avant lui, a constamment appelé au dialogue, à la négociation, à écouter les autres, et il a assumé au sein de ce dialogue des engagements énormes, comme rénover tous les pouvoirs au beau milieu d’une guerre.

En 2017 et 2018, au milieu de la guerre économique (6), de la guerre terroriste, de la tentative de guerre civile (7), nous avons convoqué un processus constituant et nous avons gagné. La voix du peuple est la voix de Dieu, elle s’est manifestée et nous avons retrouvé la paix le lendemain de l’élection des députés constituants. Puis, nous avons convoqué des élections municipales et régionales et enfin une élection présidentielle, et nous avons gagné. Je crois que, difficilement, en plein état de siège, en situation de blocus, un gouvernement se soumet à autant d’élections comme nous l’avons fait. C’est la confiance du peuple, c’est l’exercice direct et réel de la volonté du peuple de vivre en démocratie et d’avoir la paix. Devant toutes les menaces de la barbarie fasciste, je ne crois pas qu’il existe d’autres façons de garantir notre révolution, si ce n’est par une démocratie totale. Parce que, ainsi, c’est le peuple entier qui est concerné et qui s’unit pour la défendre.

C’est cela un peuple en mouvement. Et pour être en mouvement, il doit être protagoniste de son destin. Il ne peut être un « invité de pierre ». C’est pourquoi, malgré les mensonges médiatiques, malgré le fait que des millions d’hommes et de femmes ont été rendu complètement invisibles, ils continuent de défendre cette révolution. Si nous résistons et que nous continuons d’avancer, c’est parce que le peuple est un véritable acteur politique, parce que cette démocratie est une vraie démocratie.


Extrait de notre rencontre avec Blanca Eekhout (en français)

Cette interview serait sûrement encore un fichier .mp3 dissimulé dans un des nombreux dossiers de mon ordinateur sans l’aide précieuse et admirable de Sylvie Carrasco qui nous a aidé à la transcrire et à la traduire. Qu’elle en soit mille fois remerciée.  

Notes ajoutées par nous :

(1)  Convoqué par Simon Bolivar le 15 février 1819 dans la ville d’Angostura (actuelle Ciudad Bolivar) au Venezuela, cette Assemblée constituante avait pour but d’organiser administrativement et législativement les territoires libérés de l’Empire espagnol ou en passe de l’être.

(2)  Pour connaître comment fonctionne le pouvoir électoral, et le système électoral vénézuélien, lire Romain Migus, «Tout comprendre à la nouvelle offensive contre le Venezuela», Venezuela en Vivo, 09/01/2018, https://www.romainmigus.info/2019/01/tout-comprendre-sur-la-nouvelle.html

(3)  Le défenseur du Peuple est une figure équivalente au Défenseur des droits, en France.

(4)  « Ley Organica de los Consejos Comunales », publié au journal officiel nº39.335, 28/12/2009, disponible sur http://www.minci.gob.ve/wp-content/uploads/downloads/2012/11/LEY-CONSEJOS-COMUNALES-6-11-2012-WEB.pdf

(5)  Pour comprendre le système du Carnet de la Patrie ou des CLAP, lire Romain Migus, « Entre mesures d’urgence et construction de l’Etat. Chroniques d’en bas nº4 », Venezuela en Vivo, 02/08/2018,

https://www.romainmigus.info/2018/08/entre-mesures-durgence-et-construction.html

(6)  Pour se rendre compte de la férocité de la guerre économique contre le Venezuela, lire Romain Migus, « Chronologie actualisée des sanctions économiques contre le Venezuela », Venezuela en Vivohttps://www.romainmigus.info/2019/01/chronologie-des-sanctions-economiques.html

(7)  Lire Maurice Lemoine, Chronique d’une déstabilisation, Montreuil : éd. Le Temps des Cerises, 2019.

 

 

Source : https://www.romainmigus.info/2019/06/la-democratie-participative-au.html



• Ensuite, je vous signale ce tout récent entretien, passionnant et important, de Romain Migus avec Vincent Lapierre (lui aussi un connaisseur du Venezuela), exposé à écouter le crayon à la main pour mieux fixer les noms et les dates :

Comprendre la situation au Venezuela



• Ensuite, cet entretien de Romain avec l’excellent Michel Collon (Investig’Action) :

Qu’est-ce que les Gilets Jaunes en ont à foutre du Venezuela ?



GILETS JAUNES ET AMÉRIQUE LATINE

Romain Migus (sur sa page Facebook, le 24 mai 2019) : Le récit des Assemblées de voisinages dans l’argentine en crise (2001-2003). Vous pouvez remplacer Assemblées de Voisins par Ronds-points, les similitudes sont ahurissantes :

PEDRO BRIEGER – Les Assemblées de voisins, une expérience inédite dans la politique

L’émergence d’Assemblées formées à l’initiative de voisins autoconvoqués à la suite de l’insurrection des 19 et 20 décembre 2001 est l’un des phénomènes les plus intéressants et novateurs de la politique argentine contemporaine.

Le peuple argentin a trouvé là, sans la moindre convocation ni antécédents – à part quelques expériences isolées – une nouvelle forme d’organisation. Celle-ci ne correspond même pas à l’élaboration théorico-historique de pratiques similaires dans des processus révolutionnaires tels que la Commune de Paris de 1871, les Soviets de 1905 et 1917, les Comités de Défense de la Révolution (CDR) de Cuba ou les Comités de Défense Sandinistes (CDS) du Nicaragua.

Ce qui constitue la nouveauté de ce phénomène – en particulier si l’on tient compte des expériences du XXe siècle, c’est que les Assemblées ne sont dues à l’initiative d’aucun parti politique qui aurait conçu cette forme d’organisation démocratique des masses comme base d’une mobilisation ayant pour objectif la prise du pouvoir politique. La convocation à la formation d’Assemblées dans les divers quartiers est due à l’initiative personnelle d’individus, en leur qualité de voisins n’ayant eu jusqu’alors aucune activité politique.

Etant donné que la majorité des Assemblées ont surgi dans le périmètre de la Capitale Fédérale qui a le PIB1 le plus élevé du pays au centre duquel est concentrée la classe moyenne, on a eu tendance à analyser l’émergence des Assemblées comme une réaction des secteurs moyens à la confiscation de leurs épargnes effectuée par le ministre de l’économie Domingo Cavallo en décembre 2001. Nous estimons cependant que cette analyse est simplificatrice et ne tient aucun compte de la profonde transformation que l’Argentine a vécue dans les années 90 à la suite des réformes néolibérales conduites par le gouvernement de Carlos Menem qui ont provoqué l’appauvrissement d’amples secteurs de la classe moyenne. Comme le signale à juste titre Ana Maria Fernandez, dans un travail de recherche de l’Université de Buenos Aires, “ l’opinion des médias, des dirigeants politiques et des intellectuels de diverses tendances politiques et/ou idéologiques qui ont estimé dans un premier temps qu’il s’agissait d’une protestation de la classe moyenne pour récupérer son épargne, semblait un peu étroite pour rendre compte de ce phénomène ”.2

En outre, bien que jusqu’à la réélection de Menem en 1995, les réformes néolibérales aient suscité une certaine fascination, il est également vrai que les luttes sociales n’ont pas cessé et qu’elles constituent un préalable à l’insurrection qui a renversé le gouvernement de Fernando de La Rua le 20 décembre 2001.

Les années 90

l’Argentine fut, avec le Mexique et le Pérou, l’un des pays que les organismes financiers internationaux ont montré en exemple pour les réformes néolibérales qui furent entreprises dès la fin des années quatre-vingt en Amérique Latine.3

Peu de pays se sont vu imposer, comme ce fut le cas en Argentine, l’idée généralisée que tout ce qui était public était forcément « inefficace », qu’il fallait diminuer l’Etat, que pour que les entreprises de services fonctionnent, la seule solution était de les privatiser, que l’on réduirait ainsi les dépenses tout en éliminant la corruption. Réduire les dépenses publiques, ouvrir les marchés, flexibiliser et « moderniser » les marchés de l’emploi, briser le pouvoir des syndicats et réduire les dépenses sociales, voilà ce que répétaient inlassablement les médias parmi tant d’autres postulats. En dépit de quoi, au lieu d’atteindre le “ Premier Monde ” comme le promettait le président Menem, l’écart dans la distribution des richesses n’a fait que se creuser et la pauvreté de larges segments de la population s’est considérablement accrue.

Selon des données de l’Institut National de Statistiques et Recensements (INDEC) pour la Capitale Fédérale et le Grand Buenos Aires, où se trouve presque la moitié de la population, en 2002 les 10% les plus riches ont reçu 38,8% de la totalité des revenus, tandis que les 10% les plus pauvres n’en ont reçu que 1,3%. L’écart séparant les revenus des plus riches de ceux des plus pauvres a augmenté 29,8 fois alors qu’en 1974, quand l’INDEC a commencé ces recensements, elle n’était que de 12,3 fois supérieure4. Pour la sociologue Susana Torrado, le modèle imposé en Argentine dans les années quatre-vingt-dix a produit de la pauvreté sans inflation puisqu’en 1991, il y avait 21,5% des gens qui vivaient en dessous du seuil de pauvreté et après une courbe ascendante avec une inflation nulle depuis 1994, il y en avait 26% en 19985. Un mois avant la chute de Fernando De la Rua, une étude du Cabinet Equis, dirigée par le sociologue Artemio Lopez, rapportait que 40% des argentins vivaient sous le seuil de pauvreté, soit 14 millions de personnes, et qu’au cours de l’année 2001, 730 000 personnes avaient franchi ce seuil6.

En ce qui concerne les niveaux d’emploi, en 1990 les sans emplois et les sous-employés représentaient 18% de la population. En 1999, ils atteignaient 28,1% .7 Ces données nous permettent de comprendre l’apparition de trois nouveaux phénomènes de la politique argentine. (a) les piqueteros, (b) les expériences d’autogestion dans les usines gérées par les travailleurs et © les assemblées.

(a) Les piqueteros sont un pur produit de la fermeture massive des industries privatisées qui donnaient du travail à des milliers d’ouvriers et qui, dix ans après leur privatisation ont laissé sans emploi 80% de leurs travailleurs8 ce qui a provoqué le bouleversement des vieilles identités liées au travail et aux demandes syndicales. Ce n’est pas fortuit si de nombreuses organisations de piqueteros adoptent le nom de Mouvement des Travailleurs Sans Emploi (MTD).9

En ce sens, la route barrée à l’origine du “ piquete ”, est une nouvelle forme de lutte qui permet de mêler des actifs avec toutes leurs facettes – et demandes diverses- aux sans emplois qui ont été expulsés du marché formel. Ce qui s’ajoute aux diverses grèves générales menées par les différentes centrales syndicales et la révolte des 16 et 17 décembre 1993 dans la province de Santiago del Estero où des milliers de personnes ont détruit les symboles du pouvoir (pouvoir exécutif, législatif et judiciaire) et les propriétés de plusieurs politiciens.10

(b)Selon les recherches d’un groupe de sociologues de l’Université de Buenos Aires, le 18 août 2000, les ouvriers de l’Usine métallurgique GIP Metal à Avellaneda, qui avaient été licenciés, ont décidé d’occuper l’usine et de commencer à produire à leur propre compte. À partir de là, un processus inédit de récupération d’usines en faillite et abandonnées a commencé en Argentine. On ne les récupère pas pour des motifs idéologiques puisque l’objectif principal est la protection du travail et la plupart de ceux qui en sont à l’origine manquaient d’expérience politique ou sociale. En un peu plus de deux ans, plus de 100 usines sont autogérées par les travailleurs dans des modalités différentes11 ce qui a permis la naissance du Mouvement National des Usines Récupérées (MNFR).

c) S’il est vrai que ces faits témoignent de la grogne de plusieurs secteurs sociaux dans différentes régions du pays, le phénomène prépondérant, pour comprendre l’apparition des Assemblées dans les grandes villes, est plutôt l’appauvrissement des classes moyennes à l’origine de la formation d’une nouvelle couche sociale très hétérogène et hybride dénommée “ les nouveaux pauvres ”.

Cette nouvelle catégorie se caractérise précisément par ce qu’elle a d’hétérogène et d’hybride. Des professionnels, des employés du secteur public et privé, déchus de façon abrupte ou progressive, appartiennent à cette couche sociale, des gens qui ont perdu leur lieu de travail et n’en trouvent pas de nouveau, qui ont cessé de partir en vacances, ne peuvent payer les mensualités d’une école privée ni les mutuelles contractées dans les années quatre-vingt-dix ; ils vendent leur voiture ou bien ont commencé des travaux chez eux qu’ils ont dû abandonner à mi-chemin. Il y a ceux qui ont décidé d’accepter les “ retraites volontaires ” dans les processus de privatisation et ont fini par faire faillite dans les nouvelles entreprises qu’ils ont mises en route. Il y a ceux qui ont eu un travail stable et une bonne position pendant plusieurs années et qui maintenant, à la maturité, se débrouillent à leur propre compte sans aucun bénéfice social ni perspective d’un avenir meilleur. Contrairement aux pauvres structurels, concentrés dans des aires géographiques délimitées (en général des bidonvilles) la pauvreté des classes moyennes est diffuse et dispersée dans les grandes villes, “ invisible ” ou “ intra muros ” car n’importe quel immeuble de la classe moyenne peut l’abriter.12 Dans l’étude du Cabinet Equis citée précédemment, on rapporte que 60 % des 4,5 millions de pauvres, vivant dans la Capitale et le Grand Buenos Aires, proviennent de la classe moyenne.

La décomposition sociale, le chômage et la chute retentissante des classes moyennes sont les éléments sociaux qui ont engendré une bombe à retardement qui a explosé les 19 et 20 décembre 2001 et qui a provoqué l’émergence des Assemblées.

L’émergence des assemblées

L’une des caractéristiques de l’insurrection des 19 et 20 décembre qui provoqua le déferlement dans la rue de milliers de personnes frappant sur leurs casseroles fut son caractère spontané inhabituel13, sans banderoles partisanes et sans qu’aucune organisation politique n’ait pu en réclamer la tutelle. A la différence des manifestations politiques traditionnelles avec les militants attroupés derrière des banderoles partisanes, le 19 décembre, après dix heures du soir, des milliers de familles ont parcouru les rues de la ville de Buenos Aires (et d’autres provinces) avec leurs enfants en bas âge sur les épaules et même accompagnés de leurs chiens dans une ambiance totalement festive malgré le fait que leur mobilisation défiait l’état de siège. Des marées humaines ont sillonné les principales artères tandis que depuis les balcons des milliers de gens joyeux et rageurs frappaient sur leurs casseroles faisant de la casserole une arme de résistance. Et pour la première fois dans l’histoire argentine un gouvernement civil a été renversé par une mobilisation populaire sans qu’y prennent part les Forces Armées.

Le caractère spontané de la participation massive au ‘cacerolazo’ du 19 décembre et l’effet qu’elle eut – le renversement d’un président – ne put être récupéré par aucun parti politique justement à cause du discrédit de toutes les forces politiques, les partis de gauche de l’opposition inclus, quoique ceux-ci n’aient eu aucune expérience de gestion gouvernementale.

Le 19 décembre l’irruption dans les rues fut une réaction directe contre le décret d’Etat de Siège du président De la Rua et la manière de défier le pouvoir cette nuit-là permet d’envisager que le cycle inauguré le 24 mars 1976 se referme avec l’impertinence et la violation massives du décret restrictif des droits civils.14

A un peu plus d’un an de leur création, nous croyons nécessaire de différencier deux étapes dans l’évolution des Assemblées. La première fut marquée par la nécessité de rester dans les rues. La seconde, une fois qu’elles furent affermies, par la recherche de légitimité dans leur environnement naturel, le quartier.

1.Une nouvelle appropriation des rues.

Après le « cacerolazo » du mercredi 19 décembre, il y en eut encore trois autres sans qu’aucune organisation ne s’en mêle. Le vendredi 28 décembre contre le président Rodriguez Saa – qui avait pris ses fonctions le 23 – à cause de la nomination de politiciens connus et discrédités. Un autre le mardi 1 janvier, le soir même où le président Eduardo Dualde assumait ses fonctions puis le quatrième, le jeudi 10. Les caractéristiques furent les mêmes pour tous : son manque d’organisation et de préparation, le fait qu’on en ignorait la réalité jusqu’à l’apparition du bruit des casseroles, la participation massive des familles et de personnes qui n’avaient jamais participé à des manifestations de rues, et une consigne unique qui s’est progressivement imposée “qu’ils s’en aillent tous”.

Ce ne fut que le vendredi 25 janvier, sous une pluie torrentielle, qu’eut lieu le premier « cacerolazo » (cinquième) planifié, décidé cette fois-ci par les Assemblées de quartier de création récente. Ce que mettent en évidence les « cacerolazos » c’est l’effervescence politique que l’on a vécu en Argentine après la chute de De la Rua ; la nécessité de continuer à manifester de façon spontanée, originale, en dehors de toute structure partisane, et la résolution des gens à rester dans les rues. Ce n’est pas fortuit si l’émergence des Assemblées ne répond pas à des convocations provenant de partis politiques, de centrales syndicales, ni même de mouvements sociaux. Les Assemblées sont en premier lieu le fruit de la mobilisation réussie des 19 et 20 décembre qui a permis aux ‘gens’ devenus le ‘peuple’ de vérifier leur force en renversant un gouvernement constitutionnel, fait sans précédent dans l’histoire argentine et qui dans les années quatre-vingt-dix ne s’est répété que dans cinq autres pays.15.

La nuit du 19 eut l’évolution caractéristique des moments d’effervescence révolutionnaire. Les gens sortirent dans les rues contre l’Etat de Siège, ils marchèrent sans que personne n’en donne l’ordre sur la Place de Mai (symbole du pouvoir politique) et sur la maison du Ministre de l’Economie Domingo Cavallo – considéré responsable de la crise économico-financière pour le répudier « in situ » et exiger sa démission immédiate. Quand les médias annoncèrent la renonciation de Cavallo, personne ne voulut s’en contenter et abandonner la rue. On redoubla la mise en demandant que tous s’en aillent, et en premier lieu le président de la nation. Revenus chez eux vers 2 heures du matin, leur retour en force sur la Place de Mai le lendemain, résistant à la répression policière qui a fait plusieurs morts a obligé De la Rua à démissionner et confirmé que la décision de ne pas abandonner la rue était la bonne.

Les assemblées sont une conséquence directe du besoin de demeurer dans les rues, espace public réinvesti massivement. C’est pourquoi, il n’est pas fortuit qu’elles ont toutes commencé à se réunir au coin des rues ou dans les places publiques pour témoigner leur présence dans les lieux réappropriés le 19 décembre. « Personne ne sait qui a convoqué ni pourquoi : Réunion de voisins, ‘cacerolazo’, assemblée ? Quelques petites pancartes timides, inconnues (…) Au coin de la rue qui est à l’ombre, un petit groupe avec une tête de… regarde un petit groupe sur le trottoir ensoleillé, et un autre au troisième coin, puis un quatrième (…) quelqu’un a convoqué mais on ne sait pas qui (…) au milieu de la rue, au milieu de nulle part, on confectionne la pancarte : jour, heure et lieu de la réunion. On la montre aux gens ; On la lit. Sur la place, on chante l’hymne. Une Assemblée de quartier vient de naître » 16

Les premières réunions des Assemblées furent l’occasion de nouvelles fondations (a) politiques, (b) culturelles et (c) spatiales. Il existait bien des assemblées dans différents domaines, mais elles se constituaient toujours autour d’une activité précise ou autour d’un conflit, aussi bien dans les usines qu’à l’université ou dans un quartier pour une réclamation ponctuelle. Elles étaient convoquées généralement par une organisation politique ou sociale puis disparaissaient aussitôt. En vérité, phénomène nouveau, elles n’avaient même pas de référence spatiale.

a) Sur le plan politique : Toute personne peut participer aux Assemblées quelle que soit son appartenance politique, militance partisane ou idéologique. Aucune condition n’est exigée pour y participer. De fait, c’est un lieu de rencontre de personnes qui sortent protester pour la première fois dans les rues sans aucune expérience politique antérieure, de militants de partis politiques et de mouvements sociaux (principalement à gauche), et d’anciens militants des années soixante-dix qui , après de nombreuses années à vide, trouvent enfin un large espace idéologique. Phénomène transversal, il touche toutes les classes sociales : les fonctionnaires de second échelon du gouvernement de la Ville de Buenos Aires y ont même participé, depuis le début, en qualité de voisins avec le désir de se démarquer d’un régime qui venait d’être renversé bien que leur présence ait provoqué de nombreuses frictions dans les Assemblées.

b) Sur le plan culturel : L’un des premiers débats tourna autour du nom à donner aux Assemblées : de voisinage ? de quartier ? populaires ? Chaque Assemblée en décida de façon autonome selon la plus ou moins grande influence des partis exercée par les partis de gauche qui voulaient imposer le terme ‘populaire’. Ce fut l’occasion d’un chaleureux débat dans le quartier de San Telmo.

« Pourquoi ne votons-nous pas un nom ? », lance un voisin, assis sur une estrade et après plusieurs tentatives, l’on se résout à voter. Commence alors une discussion sur le nom, ‘Autoconvoqués de San Telmo’, propose l’un ‘et de Monserrat’, ajoute un autre ; ‘Assemblée populaire de San Telmo’, soutient un troisième. ‘et de Monserrat’ rajoute l’autre ; ‘Enlevons Populaire pour ne pas effrayer les voisins n’ayant pas de pratique militante’, réfléchit l’acteur ; “’Voisins Multisectoriels de San Telmo Carlos Almiron’ propose un professeur ; ‘et de Monserrat’ insiste l’autre. Grande huée, bien qu’il y ait également des applaudissements et des encouragements.”17

c) Ce qui est également nouveau c’est qu’elles sont “ autoconvoquées ”, ce qui permet aux voisins de sentir qu’elles leur appartiennent depuis le début. Ils sont tous ‘propriétaires’ de l’Assemblée et personne n’en a la propriété exclusive. A la différence des partis politiques où l’on se joint à une structure existante et où les hiérarchies sont clairement établies, n’importe qui peut intégrer une assemblée à tout moment sur un plan d’égalité absolue.

Par ailleurs, en réaction à la politique traditionnelle, les Assemblées naissent en rejetant tout leadership. Jusqu’à présent, la recherche d’une pratique horizontale est l’une des préoccupations de toutes les Assemblées. C’est la raison pour laquelle personne ne peut déterminer ce dont on discute ou pas et que dans un premier temps, il y a des moments d’intense catharsis, d’explosions de colère spontanée, de démonstrations enthousiastes de solidarité entre pairs. Certains évoquaient leurs problèmes de travail, les bruits désagréables produits par d’autres voisins, l’augmentation des prix des médicaments, la confiscation de l’épargne, la corruption, les effets du néolibéralisme et toutes les questions possibles liées à la vie politique ou quotidienne.

La plupart des Assemblées n’ont pas d’ « ordre du jour » fixé à l’avance. Une fois qu’ils sont tous ensemble – bien qu’on rentre et sorte quand on veut – chaque voisin est libre de proposer n’importe quel thème pour que l’ensemble en débatte. Devant l’impossibilité de discuter de tout et la nécessité de trouver un mode d’organisation pour des tâches ponctuelles, des commissions spécifiques ont fait leur apparition où l’on débattait plus à fond les thèmes que 50 ou 100 personnes ne pouvaient embrasser au cours de 3 ou 4 heures.

Contrairement aux réunions politiques traditionnelles, l’Assemblée a d’habitude une ambiance de quartier/ familiale où les voisins sortent même leurs propres chaises de chez eux pour participer, et leurs chiens qui accompagnent réunions et marches.

d) Sur le plan spatial : La plupart des Assemblées se réunissent dans les rues, se montrent, sont visibles. Certaines ont adopté le nom du croisement de rues où elles se concentrent (Corrientes et Juan B. Justo), d’une place (Place Dorrego) ou d’un quartier (Liniers), refondant des espaces et ignorant des divisions en quartiers existant dans la mémoire collective ou utilisées par les organismes gouvernementaux qui ont divisé la ville en 16 circonscriptions électorales.

Ignorant toute expérience antérieure, les voisins décident d’organiser l’Assemblée sur une base territoriale, dans l’esprit du 19 décembre où les gens investirent les rues depuis les quartiers. La plupart des gens étaient chez eux à l’heure tardive du discours du président De la Rua. L’annonce de l’Etat de Siège a suscité une explosion d’indignation qu’ils ont traduite sur un plan politique casseroles à la main. Chaque maison devint lieu d’expression politique, et chacun prit une dimension différente en se retrouvant dans la rue avec des gens connus ou inconnus qui –rassemblés par leurs casseroles et sans avoir besoin de consignes politiques – occupèrent le quartier en signe de protestation. Beaucoup commencèrent à marcher, mais un plus grand nombre encore restèrent où ils étaient, au coin de leur quartier, à taper sur leurs casseroles. La rue, transformée en terrain dangereux pendant la dictature militaire par peur de la répression, et en démocratie par la violence délictueuse, est alors recherchée comme objet de réappropriation, qui rompe l’individualisme et l’enfermement perpétué à l’intérieur des maisons pendant des dizaines d’années.

“Nous sommes restés pendant trop longtemps sous la coupe du : ‘ne t’en mêle pas’, les gens avaient très peur (…) les gens s’expriment maintenant douloureusement. Des gens qui n’ont jamais pu crier ce qui leur arrivait. ”18

2. La consolidation et les actions concrètes dans les quartiers.

Même les médias, historiquement liés à la bourgeoisie argentine, ont perçu positivement – dans un premier temps – le phénomène des Assemblées, estimant qu’elles représentaient une réaction adéquate face aux partis politiques discrédités vu que celles-ci les répudiaient ouvertement. Le premier article du journal La Nacion à les analyser les considère même comme “les Assemblées de voisinage (ce qu’elles sont), berceau de futurs leaders” (27 janvier 2002).

Cependant, deux semaines plus tard, un éditorial du journal avertissait qu’elles pouvaient se transformer en soviets. 19 Certains partis de gauche estimant la situation vécue en Argentine comme ‘révolutionnaire’, ils ont cherché à faire en sorte que les Assemblées – en plus d’autres secteurs sociaux- n’abandonnent pas les rues et maintiennent une mobilisation permanente autour de toutes les revendications sociales, ce qui fut totalement impossible à soutenir excepté pour les militants disposés à courir les manifestations.

La mobilisation ne put être maintenue, tout d’abord, à cause de la consolidation du gouvernement d’Eduardo Duhalde qui avait l’appui du principal parti politique, le péronisme, parvenu à remplir le vide produit après la chute de De la Rua. Deuxièmement, parce que la consigne ‘qu’ils s’en aillent tous’ ne pouvait se concrétiser dans la réalité par manque d’alternative réelle qui puisse prendre en charge le vide de pouvoir que le péronisme, lui, parvenait à combler. L’existence de plus de 100 assemblées dans le centre névralgique du pays et quelques 200 autres dans tout le territoire national n’en faisait pas par elles-mêmes des organismes au ‘pouvoir double’ dans le sens soviétique du terme – capables de disputer le pouvoir au gouvernement.

Étant donné que les Assemblées n’ont pas d’antécédents historiques ni de miroirs où se regarder, pendant les premiers mois, les réunions se caractérisèrent par la recherche d’un chemin qui permettent de les orienter politiquement.

Pepa Vivanco de l’Assemblée de Scalabrini Ortiz et Cordoba le dit clairement « nous avons la sensation d’être en train de construire quelque chose de nouveau, mais nous ne savons pas ce dont il s’agit » 20. Les militants des partis de gauche, soi-disant dotés d’un ‘savoir historique’ ont essayé d’imposer leurs consignes ‘révolutionnaires’ bien que la réalité ait démontré que la mobilisation générale diminuait. Ils se sont également absorbés dans des débats ennuyeux pour que les Assemblées adoptent des consignes qui étaient bien loin de refléter les nécessités concrètes des voisins qui avaient gagné les rues et essayaient de reconstruire les tissus sociaux dans le quartier.

“ Comment faire avorter un processus d’Assemblée– se demandait en février 2002 une ex-militante du Mouvement vers le Socialisme – ‘Comment réduire une Assemblée de 400 à 75 personnes ? (…) Dans notre Assemblée, il existe plusieurs groupes politiques identifiés, à demi-identifiés et d’autres en train de l’être… Je dis cela parce qu’au début, certains qui ne se saluaient même pas, ne disaient rien là-dessus et qu’à mesure que nous nous sommes connus, nous nous sommes rendu compte qu’ils se connaissaient déjà par ailleurs, d’ailleurs, qu’ils venaient ensemble… et puis ils ont commencé à oser dire ‘Je suis au MST’, ‘Je suis au PTS’, ‘Je suis militante de la non violence active’ (PH), (…) l’intervention désespérée des groupes politiques qui, quelques heures avant de se déterminer en faveur ou non du congrès ‘piquetero’ y sont allés avec des renforts pour les faire voter et ce fut notoire (…) Et pourquoi les gens partaient-ils ? Pourquoi l’ambiance des Assemblées s’est-elle rompue sur la base d’accusations, d’insultes, de soupçons de la part de militants de ces courants vis à vis des pauvres voisins inexpérimentés qui faisaient la moindre connerie (…)?

Les courants politiques devraient se comporter autrement, ils sont en train de noyauter les Assemblées… ils veulent les diriger et personne ne leur a rien demandé… Agir ainsi, ce n’est pas être révolutionnaires, mais plutôt contre le processus d’organisation le plus vaste qu’aient vécu cette ville et ce pays depuis des décennies… Ils sont en train de le faire avorter” 21. En réalité, le problème majeur de la gauche, c’est qu’ils (a) n’ont pas prévu le ‘cacerolazo’ du 19 décembre ni l’effet qu’il aurait pour renverser De la Rua, (b) ils n’ont pas imaginé la formation des Assemblées qu’ils ne possédaient même pas dans leur patrimoine idéologique.

Cependant, il faut signaler que l’une des contributions les plus importantes des partis de gauche fut d’essayer de relier les Assemblées qui faisaient leur apparition dans une ‘Assemblée des Assemblées’ qui se réunissait les dimanches après-midi dans un jardin public (Le Parc Centenario). “l’Inter-quartiers ” eut lieu les dimanches de janvier et février 2002. Des milliers de personnes se réunissaient au Parc Centenario pour discuter à l’air libre dans un climat festif les thèmes proposés par chaque Assemblée et les convocations aux mobilisations.

“La première réunion inter-quartiers – écrit Modesto Emilio Guerrero eut lieu le second dimanche de janvier, alors que les vingt-trois assemblées de voisinage fonctionnaient déjà. Toutes n’y ont pas assisté, et malgré tout, trois cent personnes y furent réunies. Jusqu’à sa seconde réunion, elle a fonctionné selon une liste d’intervenants et un ordre du jour mis en place de façon chaotique, comme tout jusqu’alors. On débattait librement, bien qu’y prédominent les pronunciamientos et les considérations générales (…) A la deuxième rencontre, il y avait le double de voisins, à la troisième, on comptait presque deux mille personnes, à la quatrième plus de deux mille cinq cents et à la cinquième presque trois mille ‘membres’. A partir de cette assemblée, le nombre a commencé à diminuer avec autant de force qu’il avait augmenté. Environ deux mille sept cents participants assistèrent à la dernière, le 24 février” 22.

Pourtant, de même qu’il faut reconnaître que les partis de gauche ont influencé la création inter-quartiers, il faut bien dire qu’ils ont représenté le principal facteur de leur disparition. Au lieu de faire en sorte que l’Inter-quartier recueille les préoccupations de chaque Assemblée, le besoin des partis de gauche d’imposer leurs consignes ou de débattre ‘en interne’ sur les mouvements ‘piqueteros’ ou les usines récupérées a abouti à ce que l’Inter-quartier devienne un lieu débat stérile entre partis. Sergio, de l’Assemblée de Liniers a lu un discours au sein de l’Inter-quartier pour critiquer le mode d’action de ces groupes.

Nous, qui participons, savons qu’aujourd’hui les assemblées sont en train de passer par un reflux objectif, dû en partie aux bagarres des appareils du MST et PO fondamentalement (mais la majorité des autres partis de gauche n’y échappe pas non plus) qui, au lieu d’aider au développement des assemblées, en ont fait leur chasse gardée ou un tremplin pour imposer leurs propres ‘tactiques’. Non seulement ils ont divisé l’Acte du 1er mai, mais il y a eu, comme chacun sait, deux batailles rangées brutales pour le plus grand plaisir de la droite et du gouvernement” 23. Vidée de son contenu dynamique et de rencontre initial, l’affrontement physique entre militants a fini par la détruire.

Une fois que les mobilisations eurent commencé à diminuer, et face à l’arrivée des rigueurs de l’hiver, les Assemblées se sont proposé d’abandonner les rues. Lentement, elles sont passées, de mouvement de protestation de rue, à avoir comme objectif la reconstruction de la trame sociale. Comme le signalent Julieta Mira et Carlos Juarez Aldazabal, “confrontés à un tissu social corrodé pendant des décennies par les formes dictatoriales et démocratiques du capitalisme néolibéral, nous misions sur une nouvelle construction à partir du quartier, un nouveau commencement de la Nation à partir d’une nouvelle volonté collective” 24.

Tenant compte des différences et particularités de chaque quartier, les Assemblées ont commencé à faire des courses communautaires, des soupes populaires pour les plus nécessiteux, des bourses de travail pour les sans-emplois, des rencontres culturelles, des cantines, des marches contre l’augmentation des prix des entreprises de services privatisées et à soutenir les travailleurs qui avaient pris les usines.

En ce sens “ La trama, une rencontre entre culture et politique ” organisée par l’Assemblée de Palermo Viejo les 25 et 26 mai 2002 reflète cette intentionnalité de reconstruire la trame sociale dans le quartier. Palermo Viejo a changé de physionomie au cours des cinq dernières années. Du quartier à forte concentration en caves et ateliers de réparation de voitures qu’elle était, elle s’est transformée en un quartier peuplé de petits bars, restaurants et théâtres. Cette métamorphose a eu lieu grâce à l’installation du journal El Cronista Comercial au coeur du quartier et de plusieurs chaînes de télévision, qui ont attiré journalistes, acteurs et personnes gravitant dans le monde culturel. La trama permet de comprendre comment la pensée des membres des assemblées a évolué. L’idée est venue parce que l’un des problèmes des voisins du quartier qui y vivent depuis très longtemps c’est qu’ils ne le connaissent pas, alors qu’il a précisément des caractéristiques historiques intéressantes.

Une fois, quelqu’un proposa l’idée de faire quelque chose pour connaître le quartier, l’idée est venue alors de faire une ballade et un jeune qui connaît très bien le quartier puisqu’il est distributeur de journaux avec des architectes a organisé un parcours. 35 membres de l’Assemblée partirent un samedi après-midi, avec des chiens et des bicyclettes à la découverte du quartier. Ils ont reconnu les maisons les plus anciennes, les caves en usage à un moment donné, les problèmes d’odeurs des caves existant il y a soixante ou soixante-dix ans et qui n’existent plus. En le parcourant, ils ont découvert quantité de théâtres, de bars et de restaurants et que l’un des problèmes culturels, c’est que, si les gens veulent aller au théâtre, il faut qu’ils sortent du quartier, qu’ils se rendent au centre de la ville. Etant donné que Palermo Viejo a plein de lieux liés à la culture, descentres culturels etc, pourquoi sortir du quartier se demandèrent les gens des Assemblées. En plus, pourquoi ne pas organiser une activité dans le quartier, pour les gens du quartier et d’accès gratuit.

Les gens des assemblées, au lieu de porter au quartier une proposition toute faite, l’ont parcouru pour que d’autres voisins y joignent leurs propositions. Ce qui a commencé avec une idée d’une vingtaine d’activités a fini par en rassembler plus de deux cents. Les bars et restaurants ont offert de confectionner des menus promotionnels les fins de semaine, de faire des expositions de peintres, les théâtres ont offert de monter des œuvres à l’entrée gratuite et plusieurs espaces culturels ont offert de faire des repas politiques.

Peut être l’une des plus grandes nouveautés, c’est que bars et restaurants ont ouvert leurs portes pour faire des débats politiques et organiser dans un espace fermé une foire artisanale. La trama des 25 et 26 mai fut une très modeste expérience d’autogestion, car ce fut l’Assemblée qui articula les différents secteurs sociaux du quartier. Bien qu’il soit difficile de calculer combien de gens y ont participé, Julieta Mira, membre de l’Assemblée estime “que plus de 5000 personnes sont venues dans le quartier participer à la rencontre” 25.

Julieta Mira : “ La lucha politica en un barrio mirada desde la economia politica. Las estrategias comunicacionales y culturales de la Asamblea Vecinal de Palermo Viejo 2002-2003 ” ? (M.S. Inédit) Ce que démontre La trama, c’est que l’une des caractéristiques développées par les Assemblées est la combinaison de la réclamation faite à l’Etat et leur organisation en marge de celui-ci, en le supplantant même là où il s’est retiré suite aux processus de privatisation des services sociaux.

Cantines, lieux de goûter, tout cela fait partie d’une économie de résistance — dit Gustavo Vera de l’Assemblée du 20 décembre du Parc Avellaneda – Depuis mars l’agenda des Assemblées a changé, la dévaluation a attaqué les portefeuilles et maintenant la faim et le chômage sont criants.

La métamorphose sociale est catastrophique. Sans manger on ne peut pas livrer bataille”.26

Le sociologue péruvien Anibal Quijano considère que “Les Etats de la périphérie ont commencé à travailler contre la majorité de leurs populations parce qu’ils ont été privatisés à nouveau. Il n’est plus possible de capturer cet Etat ; mais en même temps il y a un autre processus plus étendu qu’on ne le pense. Il y a un processus de formation de nouvelles formes d’autorité politique dont la tendance est communale et dont le développement ne peut se faire sans une lutte contre l’Etat”. Tenant compte de l’expérience de l’Equateur, et des assemblées en Argentine, Quijano ose prophétiser que “ce qui vient, c’est l’émergence de la reconstitution de formes d’autorité publique qui supposent une auto-gouvernance où les électeurs ont la possibilité d’utiliser des mécanismes de contrôle immédiat de leurs élus” 27. C’est ce qui arrive justement dans nombre d’assemblées, quand quelques-unes de leurs initiatives politico-sociales remplacent celles de l’Etat, et donnent à leurs actions la particularité d’un “ double pouvoir ” de facto.

Provoquant des résistances chez certains et chez d’autres – les plus ‘voisins’, les plus liés au milieu territorial- le sentiment de l’urgence, les assemblées ont peu à peu assumé la situation et le devoir d’affronter simultanément toutes les tâches que réalisaient auparavant des organismes maintenant disparus. Plus que le désir d’être tout, les membres des Assemblées sentaient que c’était un devoir de l’être 28.

Les prises d’espaces étatiques (et privés) abandonnés et récupérés par les Assemblées sont l’un des repères fondamentaux de l’expérience des Assemblées de 2002. Fruit de la nécessité de se doter d’un espace ‘physique’où se réunir pendant l’hiver, ce qui dans bien des cas partait d’une nécessité physique a fini en expériences autogestionnaires. Les Assemblées ont pris des terrains vagues, des bouts de terrain en bordure des chemins de fer, des cliniques abandonnées, des bars et des pizzerias fermés ou des marchés municipaux abandonnés depuis des lustres, toujours dans le but de leur donner un contenu communautaire.

Il se peut que la récupération de la Clinique Portugaise ait été l’un des cas les plus intéressants de récupération d’immeubles. En août 2002, deux assemblées du quartier de Flores qui avaient besoin d’un espace où se réunir ont décidé de rentrer dans l’immeuble abandonné depuis 6 ans de ce qui avait été une clinique maintenant fermée. Grande fut leur surprise en y trouvant quatre étages équipés en matériel médical et des installations en parfait état. Face à la nouvelle situation, les membres de ces assemblées changèrent leurs plans et décidèrent de convoquer des médecins et des infirmiers pour remettre la clinique en activité et construire un projet d’action sanitaire et sociale permettant aux travailleurs des usines récupérées manquant de couverture médicale d’accéder à la santé.

L’Assemblée de Palermo Viejo a récupéré les petites rues entourant un marché municipal à moitié abandonné et a lancé un projet productif pour des dizaines de personnes qui, à la suite du chômage, ont recours à la fabrication d’artisanat comme moyen de subsistance. Les artisans ont décidé de baptiser la foire, ce qui est assez parlant, “la trama”, la considérant comme héritière de celle qui s’était déroulée pendant l’événement “la trama” organisée par l’Assemblée quelques mois plus tôt. Les lieux récupérés, qui n’apportaient guère au quartier que saleté, danger de contamination et risques pour la communauté, ont été transformés en espaces de participation collective. Au lieu de lutter seulement pour la prise révolutionnaire du pouvoir, après laquelle tout était censé changer, de nombreuses Assemblées ont constitué des formes embryonnaires de pouvoir alternatif qui ont été légitimées par les voisins et même par les autorités locales.

Conclusion

Un an a passé depuis la création des Assemblées qui ont accompli un changement qualitatif depuis leur apparition.. Elles sont passées par une étape de mobilisations (nullement abandonnées depuis) pour concevoir progressivement des zones de pouvoir basées sur l’organisation des voisins, ce que le gouvernement est très loin de pouvoir réaliser. Il est impossible de savoir où vont les assemblées. Tout est nouveau. Les usines récupérées aussi bien que le mouvement piquetero. Dans l’usine métallurgique Gip Metal il y a eu 48 heures entre les licenciements et l’occupation ; à ce moment-là, les ouvriers ne savaient pas jusqu’où ils iraient dans leur prise de décision ni qu’elle prendrait de l’extension. Les piqueteros ne pouvaient pas non plus prévoir en 1995-1996, quand ils ont commencé à s’organiser, que le chômage deviendrait un phénomène structurel qui ne ferait que s’aggraver.

La formation des assemblées a changé quatre aspects de la réalité sociale de l’Argentine :

• Elle a contribué à revaloriser les autres mouvements sociaux, en particulier les piqueteros, habituellement délégitimés par les médias en raison de leur persistance dans les barrages routiers. Selon Toty Flores de MTD-La Matanza, la légitimité des Assemblées provient de ce qu’elles sont issues de la classe moyenne et de sa relation avec les piqueteros qui les a fortifiées 29. Silvano Villagra, du mouvement piquetero Quartiers Debout reconnaît que l’organisation en assemblées des voisins a eu des répercussions sur les pratiques de son mouvement 30.

• La classe moyenne appauvrie, après avoir souffert des conséquences des réformes structurelles sans articuler de réponse sociale a maintenant trouvé des espaces d’organisation pour changer sa réalité.

• Une nouvelle dimension socio-politique très significative, transcendant aussi bien le simple lieu d’habitat que le statut social émerge autour du quartier. C’est également le cas des piqueteros qui marquent nouvellement le territoire. Ayant été expulsés du marché de l’emploi – qui, en général, divise les travailleurs – le territoire devient leur lieu de rencontre naturel. Ils s’organisent comme piqueteros là où ils vivent, font leurs expériences de lutte de rue, communautaires ou de production, également là où ils vivent, c’est-à-dire sur un plan territorial. Ce qui unit les voisins des Assemblées, avant tout, c’est l’articulation de la politique à partir du local.

• Le thème du pouvoir prend une nouvelle dimension : le prend-on ?

Le pouvoir est-il une construction de l’État ? Construit-on du pouvoir à travers les expériences d’autogestion ? Ou un contre-pouvoir ? “Je défends l’idée que les assemblées doivent être des organes de contre-pouvoir et d’autodétermination du peuple – dit Elbio de l’Assemblée de Ciudadela Norte – et à chaque pas accompli pour remettre en cause l’autorité des gouvernements national, provincial et municipal, nous construisons un contre-pouvoir.” Il est clair qu’il y a des tâches que les Assemblées n’attendent plus de l’État : elles prennent l’initiative et le font elles-mêmes, comme l’occupation de terrains abandonnés. On ne demande pas au gouvernement de les remettre en état ; les Assemblées les récupèrent pour la communauté, mais c’est aussi un signe de pouvoir. Il est probable que nous soyons au seuil d’une nouvelle étape du mouvement des Assemblées, bien qu’il soit possible d’affirmer qu’en tant que nouvelle forme de participation politico/citoyenne, elles sont bien là et pour longtemps.

PEDRO BRIEGER (3/1/2019)

Source: http://pedrobrieger.com/2019/01/03/las-asambleas-en-la-argentina/

*Texte traduit par Claudia Karlinsky

1. Le PIB de la ville de Buenos Aires représente 25% du PIB national ; Ka Nation 13-08-20022.Ana Maria Fernandez, “ El mar en una botella ”, publié par la revue “ El campo grupal ” AÑO4, n°32-Marzo 2002, Buenos Aires,

3. Pour voir une analyse minutieuse par rapport aux années quatre-vingt-dix en Amérique Latine voir Brieger, Pedro : “ De la década perdida a la década del mito neoliberal ”.In La globalizacion economico-fiannciera. Su impacto en América Latina (AAVV) Ed. CLASCO5.Clarin, 10 juin 1999

6. Clarin, 23 novembre 2001

7. Clarin, 17 décembre 1999

8. Ariel Ogando : Desocupados y cortes de ruta en el noroeste argentino ”. in Revista Herramienta n°15. Buenos Aires, Automne 2001

9. Voir Tony Flores. De la culpa a la autogestion. Un recorrido del movimiento de Trabajadores Desocupas de La Matanza. MTD Editora, Buenos Aires, décembre 2002.

10. Voir le travail de Nicola Inigo Carrera et Maria Cella Cotarelo “ Clase y protesta social en la Argentina de los “ 90 ”. Agencia Wayruro, 26 juin 2001.

11. “ Una investigacion de la UBA sobre las fabricas recuperadas por sus obreros ” in Pagina 12, 5 janvier 2003

12. Pour comprendre en profondeur le phénomène des “ nouveaux pauvres ” voir l’excellent travail d’Alberto Minujin et Gabriel Kessler “ La nueva pobreza en la Argentina. ” Buenos Aires. Ed Planeta, 1995

13. Voir Pedro Brieger “ Testimonio de una pueblada ”, in El GRANO DE ARENA n° 120, 26/12/2001

14. Voir Emilio Cafassi : Olla a presion (cacerolazos, piquetes y asambleas sobre fuego argentino. Univ. De Buenos Aires, avril 2002, Pgs 79-82

15. Avant De la Rua, les présidents suivants sont tombés suite à des mobilisations populaires: Fernando Collor de Melho au Brésil, en décembre 1992, Carlos Andrés Perez au Vénézuela en mai 1993, Abdala Bucaram en Equateur en février 1997, Raul Cubas Grau au Paraguay en Mars 1999, Jamil Mahuad en Equateur en janvier 2000 et Alberto Fujimori au Pérou en novembre 2000.

16. Alejandro Horowicz, dans Oscar Caram ‘que se vaya todo’, Manuel Suarez Editor, Buenos Aires 2002, pag. 22.

17. Pagina/12, 20 janvier 2001

18. Asucena , Assemblée d’Almagro ; in Oscar Caram, opus cité page 30

19. S’il est vrai que l’essor de ces assemblées semble la conséquence du ras le bol public face aux conduites peu dignes de confiance de la classe politique, l’on doit tenir compte du fait que de tels mécanismes de délibération populaire renferment un danger, de par leur nature, on peut les rapprocher de l’inquiétant modèle de décision des “ soviets ”, (La Nacion , 14 fdévrier 2002)

20. Denis et Joelle Chassin : Pour comprendre la crise argentine. Institut d’études poliitques. Strasbourg.Janvier 2003, pag. 186

21. Pollo (pseudonyme) “ Para militantes y militados ”, 13 février 2002, in www. Indymedia.org 5e22.Modesto Emilio Guerrero : “ Emergencia y desafios de las asambleas barriales ”, Revista Herramienta N°19, Automne 2002, Buenos Aires.“

23. Modesto Emilio Guerrero ; “ Emergencia y desafios de las asambleas barriales ”, Revista Herramienta N° 19, Automne 2002, Buenos Aires, Argentine.

24. Julieta Mira y Carlos Juarez Aldazabal “ Cultura y politica en un barrio : La trama de la Asamblea de Palermo Viejo ”. Soutenance présentée aux Vèmes journées de sociologie de la UBA, novembre 2002

26. Gustavo Vera, Asamblea Popular 20 décembre, Parc Avellaneda ; in Oscar Caram, Opus.Cité page 80

27. Entrevue avec Anibal Quijano, Buenos Aires, Juillet 2002.

28. Cristina Feijoo et Lucio Salas Oroño ; “ Las asambleas y el movimiento social ”. In qué son las Asambleas populares. Ed. Continente/Pena Lillo ; Buenos Aires 2002..Pag.2429. Entrevue avec Toty Flores, janvier 2003.30. Entrevue avec Silvano Villagra, janvier 2003.

Source : https://www.romainmigus.info/2019/05/pedro-brieger-les-assemblees-de-voisins.html


Michel Collon résume son livre (important) : « les 7 péchés d’Hugo Chavez » :


https://www.legrandsoir.info/les-7-peches-d-hugo-chavez.html


Voici aussi un débat très intéressant sur le Venezuela, sur RT France avec Frédéric Taddéi, en janvier 2019, où Romain Migus est accompagné de Maurice Lemoine (une autre référence absolue pour comprendre l’Amérique Latine, de mon point de vue) pour contrer les erreurs de Renaud Girard et Gabriel Giménez-Roche :

Interdit d’interdire : La crise vénézuélienne : le débat


Il faut aussi signaler une passionnante série d’articles de Romain pour comprendre la guerre qui vient contre le Venezuela :

Comprendre la Guerre qui vient 

Romain Migus : « La guerre contre le Venezuela a déjà commencé. Mais une offensive d’envergure est en train de se préparer contre le pays caribéen, que seule la capitulation totale, ou la disparition du camp bolivarien, pourraient endiguer. Comme ces options ne sont pas à l’ordre du jour, le conflit militaire contre le Venezuela prend chaque jour un peu plus forme.

Comment comprendre la guerre qui s’annonce ? Quels seront les acteurs impliqués dans ce conflit ? Quelles seront les stratégies mises en place pour dévaster le pays ? Dans cette analyse en cinq parties, nous tenterons d’apporter des éléments de réponse pour que nos lecteurs comprennent toutes les dimensions d’un affrontement qui paraît inéluctable. »

1ère partie: Le rôle des Etats-Unis et de leurs alliés (22/05/2019). Lire l’article
2ème partie: Constitution d’une armée parallèle (03/06/2019). Lire l’article
3ème partie: Les combattants vénézuéliens (déserteurs, civils et criminels) (07/06/2019). Lire l’article 
4ème partie: Les éléments étrangers (mercenaires, paramilitaires et forces spéciales) (11/06/2019) Lire l’article
5ème partie: La stratégie d’agression contre le Venezuela. (19/06/2019). Lire l’article


Tout ça est passionnant, je trouve, très proche des préoccupations des gilets jaunes constituants français, très utile pour tenir bon et pour progresser.

Bon travail à tous pour découvrir tout ça.

Étienne.

via [GILETS JAUNES – Passionnant et important] Comprendre la situation au Venezuela (et en Amérique Latine) avec Romain Migus | Blog du Plan C

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