Ils sont plus d’un millier de tracteurs à converger depuis tôt ce matin vers la capitale pour alerter sur la baisse de leurs revenus, la précarisation de la profession et mettre la pression sur la Grande Distribution. Les agriculteurs manifestent contre l’absence de matérialisation des mesures de soutien promises avec la loi Egalim, issue des Etats Généraux de l’alimentation et mise en place en début d’année.
Les agriculteurs sont en colère et veulent le faire savoir ! Plus de 1 000 tracteurs se rassemblent et avancent ce matin vers Paris et notamment l’Avenue Foch dans le 16ème arrondissement. Ils viennent de plusieurs régions de France : Normandie, Grand-Est, Centre-Val-de-Loire, Hauts-de-France, Bourgogne-Franche-Comté… Et entendent aussi bloquer les principaux axes routiers d’Île-de-France.
Au cœur de leurs revendications ? Le manque de revenus mais aussi une situation qui ne s’améliore pas malgré les promesses. La Loi Egalim était censée rééquilibrer les revenus entre les producteurs et les distributeurs, mais jusqu’ici les agriculteurs disent ne pas vraiment voir de différence. Ils accusent même la Grande Distribution de ne pas respecter les accords signés. Les agriculteurs attendent des prix rémunérateurs qui tiennent compte des coûts de production, des salaires éventuels et des charges. Or, la logique de construction des prix dans l’agriculture fonctionne à l’envers comme l’explique parfaitement François-Etienne Mercier, Porte-parole des Jeunes Agriculteurs :
Les agriculteurs dénoncent également les accords de libre échange signés sans contrepartie : CETA, TAFTA, JEFTA, MERCOSUR.
Les règles sont très strictes au niveau européen, mais encore plus au niveau français. Pourtant, de nombreux produits ne répondant pas à ces normes continuent d’être importés. Quentin Le Guillous, 29 ans et agriculteur à Houdan dans les Yvelines résume ainsi la pensée générale : « On veut une agriculture et une alimentation de plus en plus propres, or, on importe de plus en plus de produits traités. Nous, on a du mal à s’y retrouver ». Il sera lui aussi dans le cortège des producteurs manifestants pour Paris.
Le monde rural nourrit la population mais ne mange plus à sa faim et se contente de survivre. Il a le sentiment de ne pas être compris par les élus et la classe politique très urbaine et issue des “grandes écoles”, bien loin de leurs préoccupations. Pire encore, le nombre d’agriculteurs ne cessent de diminuer en France et donc leur poids électoral ne joue pas en leur faveur. En effet, le nombre d’exploitations agricoles s’est réduit à 448 500 en 2018. En 2016, il s’élevait encore à 462 000 selon les chiffres de la MSA, le régime de sécurité sociale des agriculteurs.
De nombreuses autres actions prévues partout en France
A l’appel des syndicats agricoles FNSEA et JA (jeunes Agriculteurs), plusieurs autres points de blocage sont attendus. C’est le cas en Auvergne, où des agriculteurs viendront des quatre départements (Cantal, Haute-Loire, Puy-de-Dôme et Allier) mais aussi de la Loire et de la Creuse pour une action coup de poing sur l’A71 près de Clermont-Ferrand. Plusieurs autres mobilisations sont également prévues à Toulouse et dans le Vaucluse.
Dans le Var, deux jours après les inondations catastrophiques qui ont frappé le département, la mobilisation devrait être moindre. Au moins 200 agriculteurs ont tout perdu, maison, exploitation et leurs revenus de l’année.
Fermes incendiées, vols de bétails et taux de suicide record
Le Ministre de l’agriculture Didier Guillaume a indiqué hier : « Depuis une dizaine de mois, c’est 50 intrusions dans des exploitations agricoles et dans des bâtiments d’élevage. Ce week-end encore, trois bâtiments ont brûlé… ». Les agriculteurs sont en effet l’objet de vives polémiques de la part des militants vegans ou écologistes concernant par exemple l’usage de pesticides et les méthodes d’abattage. Cela n’arrange pas leurs affaires déjà très précaires.
Une enquête de Santé Publique France de 2019 pointe que les revenus des agriculteurs sont déjà parmi les plus bas en France, avec 350 euros par mois pour 30 % d’entre eux. Elle montre aussi que la mortalité chez les agriculteurs est 20 % supérieure à celle de l’ensemble de la population. Ce chiffre monte à 30 % pour les seuls éleveurs de bovins laitiers. Toujours selon cette enquête, on compte un suicide d’agriculteur tous les deux jours, des hommes de 45 à 54 ans en majorité. Le plus grand nombre de suicides a été observé durant les mois où les prix du lait étaient les plus bas.
Notre équipe du Média pour Tous est sur place pour donner la parole aux agriculteurs en colère. Reportage à venir…
Le Média pour Tous