“Les chances qu’un nouveau Tchernobyl se produise d’ici 2020 sont de 80 %”

Les centrales nucléaires ukrainiennes auraient dû être stoppées, ou modernisées, car elles sont vétustes, mais elles tournent à plein régime. Selon des analystes d’Energy Research & Social Science (ERSS), il y a même 80 % de probabilité qu’un « accident grave » se produise dans l’une de ces centrales d’ici 2020.

Le nucléaire ukrainien est tristement associé à la catastrophe de Tchernobyl, le plus grave accident nucléaire jamais répertorié, qui s’est produit en 1986. Aujourd’hui, 4 centrales nucléaires sont en service en Ukraine :

  • Zaporijia, la plus grosse centrale nucléaire d’Europe, avec 6 réacteurs et une puissance totale de 6 000 MW ;
  • Rovno, 4 réacteurs et une puissance totale de 2 880 MW ;
  • Khmelnitski, 2 réacteurs et une puissance totale de 2 000 MW
  • Konstantinovka, 3 réacteurs et une puissance totale de 3 000 MW.

Tous ces réacteurs sont des réacteurs de puissance à caloporteur et modérateur eau (VVER), conçus entre les années 1960 et  1970 pour durer 30 ans. Douze d’entre eux ont été construits à l’ère soviétique, c’est-à-dire avant les années nonante du siècle dernier, et 10 ont même dépassé leur durée de service prévisionnelle.

Les centrales à charbon

Or, la crise politique en Ukraine, et l’annexion de la Crimée par la Russie, ont eu un impact désastreux sur l’approvisionnement énergétique du pays. Suite à la raréfaction du charbon en provenance du Donbass, une région de l’Est à majorité russophone, de nombreuses centrales à charbon ont dû stopper leurs activités.

En conséquence, les centrales nucléaires ukrainiennes sont plus sollicitées que jamais. Des chiffres d’Energoatom, l’entreprise publique en charge de leur exploitation, montrent que leur production a augmenté de 13 % par rapport à l’année dernière. Désormais, elles fournissent 58 % de l’énergie totale du pays, une proportion inégalée jusqu’alors.

Le combustible Westinghouse

Une autre difficulté vient de ce que ces centrales ont été conçues pour fonctionner avec du combustible nucléaire fabriqué par une firme russe, TVEL. Depuis l’annexion de la Crimée, les dirigeants ukrainiens ont fait tout leur possible pour ne plus dépendre de la Russie à cet égard. Ils lui ont donc substitué depuis 2005 des assemblages de combustibles produits par une firme américano-japonaise, la Westinghouse Electric Company.

Mais cette solution est loin d’être idéale. Un essai de substitution similaire réalisé en 1996 à la centrale nucléaire tchèque de Temelín avait révélé une incompatibilité qui s’était soldée par des fuites radioactives.

En Ukraine, les essais avec les assemblages de Westinghouse ont aussi débouché sur des incidents, en raison de défauts structurels. Mais les dirigeants ukrainiens ont décidé néanmoins de poursuivre cette expérience.

Des incidents dès 2012

Dès 2012, on a enregistré les premiers incidents dans la centrale de Konstantinovka. En 2013, les autorités ukrainiennes ont interdit le recours à ce combustible. Cependant, suite à la crise politique, elles sont revenues sur cette décision en 2014, et dès le mois de mars 2015, on a recommencé à alimenter les centrales avec les barres de combustible de Westinghouse.

En février 2016, les exploitants de la centrale de Konstantinovka ont dû stopper en urgence le réacteur N°3. Un mois plus tard, c’était la totalité de la centrale qui avait été mise à l’arrêt en raison de graves problèmes de sécurité. Depuis 2010, le taux d’accident dans les centrales ukrainiennes a augmenté de 400 %, constate l’ERSS.

L’Ukraine est au bord de la faillite

Les lacunes en matière de financement n’arrangent rien. L’Ukraine est au bord de la faillite, et depuis le démantèlement du bloc soviétique dont elle faisait partie, aucun investissement n’a été réalisé dans les centrales nucléaires. Or, entretemps, certains réacteurs sont arrivés au terme de leur durée de service recommandée. Pour étendre leur durée de service, l’Ukraine devrait débourser de 150 à 180 millions de dollars, une somme dont elle ne dispose pas.

En 2015, Kiev a décidé de prolonger l’activité des centrales nucléaires ukrainiennes, mais ce n’est qu’en 2017 qu’elle s’est conformée à réglementation internationale en avertissant les pays voisins de son intention de rénover ses centrales nucléaires.

En cas d’accident grave, il y a fort à parier qu’un grand nombre de citoyens ukrainiens résidant dans les zones contaminées profiteraient de droit de déplacement sans visa au sein de l’UE pour se réfugier dans l’un des pays de l’Union, conclut l’ERSS.

 

via « Les chances qu’un nouveau Tchernobyl se produise d’ici 2020 sont de 80 % » – Express [FR]

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