C’est une nouvelle définition de l’antisémitisme qu’a proposée Sylvain Maillard, député de La République en marche (LREM) et que l’Assemblée nationale a validé. Un jour sombre pour la liberté d’expression dans le pays de Voltaire.
C’est une petite nuance qui peut tout changer. La résolution du parlementaire s’inspire des conclusions de l’Alliance Internationale pour la Mémoire de l’Holocauste (IHRA) qui décrète l’antisémitisme comme « une certaine perception des juifs, qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte. ».
Une définition floue qui laisse penser que la critique de la politique israélienne pourrait désormais être condamnée en justice. Et c’est le cœur du débat : l’antisionisme est officiellement dans le viseur des autorités, accusé d’être le masque de l’antisémitisme.
Lors du dernier dîner du CRIF, Emmanuel Macron s’était d’ailleurs dit favorable à l’adoption de cette nouvelle définition du racisme anti-juif.
Notons qu’il ne s’agit “que” d’une résolution et qu’elle est donc non-contraignante, contrairement à une Loi. Cependant, il est possible de considérer qu’elle prépare les esprits à accepter une Loi sur ce thème. Pourtant, au sein même de l’assemblée nationale, les députés ont voté cette résolution en trainant les pieds. En effet, la nouvelle définition de l’antisémitisme ne fait pas l’unanimité, y compris dans les rangs de la majorité, avec 26 voix contre et 22 abstentions. La proposition de loi a tout de même été votée avec “une large majorité” : 154 voix pour, 72 voix contre et 42 abstentions… sur les 577 députés qui siègent à l’Assemblée nationale ! Autrement dit, 309 députés ont fait le choix de quitter l’hémicycle au moment du vote de cette résolution polémique ! Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas le courage qui étouffe nos députés, pourtant grassement payés par nos impôts. D’autant plus que 10 minutes avant la mise au vote de cette résolution, les parlementaires votaient le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, ils étaient alors quasiment au complet avec 547 votants ! Ils ont tous profité de la pause pour fuir et ne pas avoir à voter sur ce sujet brûlant… Qui ne dit mot consent !
Du côté des opposants, on pointe l’inégalité dans la lutte contre les discriminations : un deux poids deux mesures qui violerait l’article 1 de notre Constitution :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. ».
Un collectif de 127 intellectuels juifs s’est notamment déclaré opposé à cette résolution :
« Nous, universitaires et intellectuels juifs, d’Israël et d’ailleurs, dont beaucoup de spécialistes de l’antisémitisme et de l’histoire du judaïsme et de l’Holocauste, élevons notre voix contre cette proposition de résolution. […] Pour les nombreux juifs se considérant antisionistes, cet amalgame est profondément injurieux. […] De nombreuses victimes de l’Holocauste étaient antisionistes ».
A l’heure où une communauté est pointée du doigt par une partie de la classe politique et médiatique pour son “non-respect de la laïcité”, cette sur-protection d’une autre communauté ne risque-t-elle pas de favoriser ce contre quoi elle se bat ? Le scénario est malheureusement envisageable. Dans la soirée de l’adoption de cette proposition de loi, 107 tombes du cimetière juif de Westhoffen étaient profanées, Christophe Castaner annonçant dans la foulée un énième « office national de lutte contre la haine » (empressement qui n’a jamais été observé suite aux nombreuses profanations de tombes chrétiennes). De quoi calmer les tensions communautaires en France ?
Rien n’est moins sûr.
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