Avant l’attentat de Nice, le chauffeur du camion a effectué 11 passages sur la promenade des Anglais
La justice cherche à savoir comment le chauffeur du camion qui a foncé sur la foule et tué 86 personnes, le 14 juillet 2016, a pu effectuer onze passages sur la promenade des Anglais sans être repéré, les jours précédant l’attentat.
L’enquête sur d’éventuelles failles de sécurité avant l’attentat de Nice, le 14 juillet 2016, progresse. Le 26 octobre dernier, peu après 9 heures, les juges d’instruction niçois Alain Chemama et Chantal Russo se sont rendus au centre de supervision de la police municipale pour se rendre compte par eux-mêmes de la configuration des lieux, évaluer les technologies employées et se faire expliquer le fonctionnement de cette salle de vidéosurveillance par les responsables présents.
Accompagnés de l’IGPN, la «police des polices» et d’officiers de la direction centrale de la police judiciaire, ils étaient porteurs d’un procès-verbal portant l’en-tête «transport sur les lieux» et «perquisition».
Interrogé ce jeudi matin sur France Info, le maire de Nice, Christian Estrosi, a confirmé l’information mais a contesté la qualification juridique de «perquisition». «Deux magistrats et des enquêteurs se sont en effet rendus au Centre de supervision urbain de la ville de Nice, dans le cadre de l’instruction ouverte, suite aux plaintes de familles de victimes de l’attentat de Nice, nous indique la mairie. Au cours de cette visite, selon les instructions de Christian Estrosi qui a toujours souhaité la transparence et la manifestation de la vérité dans ce dossier, la ville de Nice, partie civile dans cette procédure, a répondu à toutes les questions posées par les magistrats.
Un procès-verbal a été établi par le juge. […] Une réquisition judiciaire a été adressée au directeur de la police municipale le jour même, concomitante à la visite des magistrats, afin que la ville transmette les pièces demandées.»
La liste des personnes de permanence le soir du drame
Une source policière indique ce jeudi soir que ni les magistrats ni la police judiciaire n’ont eu à faire usage d’actes coercitifs, les documents saisis leur ayant été remis au terme d’une «réquisition». En tout état de cause, des documents ont été placés sous scellés.
Les juges Chemama et Russo sont repartis en fin de matinée avec la liste des personnes de permanence le soir du drame, liste qu’ils ont placée sous scellés. Les deux magistrats sont chargés depuis le mois d’avril d’une instruction pour «mise en danger d’autrui par violation d’une obligation de sécurité» à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile déposée par Me Yassine Bouzrou, avocat de la famille du petit Yannis, mort à 4 ans dans l’attentat.
La famille s’était étonnée qu’aucune investigation n’ait été menée au sein de la police municipale lors de l’enquête préliminaire lancée – et classée – sur les dysfonctionnements présumés de sécurité. Contacté, Me Bouzrou n’a pas souhaité faire de commentaire.
Onze passages avec des manœuvres interdites
Les juges cherchent notamment à comprendre comment Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, le chauffeur du camion de dix-neuf tonnes qui a foncé sur la foule, a pu effectuer onze passages sur la promenade des Anglais, avec des manœuvres interdites comme ces demi-tours sur les trottoirs, entre le 11 et le 14 juillet. Des repérages, réalisés sans attirer l’attention malgré un arrêté municipal interdisant la circulation des véhicules utilitaires sur cette zone.
Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avait même eu le temps de descendre de son camion et de prendre une photo de la pergola, qui sert à abriter les touristes assis sur les bancs. L’attentat a fait 86 morts, dont des enfants, et plus de 400 blessés.
La polémique sur les conditions de la sécurisation du feu d’artifice du 14 juillet a débouché sur un bras de fer entre la responsable de la police municipale de Nice, soutenue par le maire (LR) de la ville Christian Estrosi, et le ministre socialiste de l’Intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve. Certaines familles de victimes reprochent à la ville et à l’Etat de ne pas avoir fait le nécessaire pour sanctuariser le périmètre piétonnier malgré un contexte terroriste tendu.
Les investigations sur cet attentat revendiqué par Daech restent, elles, conduites à Paris par des magistrats antiterroristes.