Avec Macron, payer moins les fonctionnaires pour payer plus… les traders

Le gel du traitement des fonctionnaires est d’ores et déjà acté, ainsi que le rétablissement dès 2018 de leur jour de carence en cas d’arrêt maladie. En parallèle, le gouvernement s’apprête à annoncer la fin de la taxe sur les hauts salaires de la finance. Le mélange pourrait être explosif…

Geler le traitement des fonctionnaires pour augmenter celui des traders. Formulée ainsi, une telle proposition n’aurait que peu de chances de voir le jour. Ni même de passer le cap du ballon d’essai, comme disent les commentateurs politiques, tant les réactions seraient vives. C’est pourtant ce que s’apprête à faire le gouvernement. En deux temps…

Fort du rapport d’audit alarmiste de la Cour des comptes, Gérald Darmanin a confirmé le gel du traitement des fonctionnaires : « Il n’y aurait pas d’augmentation de point d’indice pour les agents de la fonction publique », a martelé le nouveau ministre des Comptes et de l’Action publics, doublement impliqué puisqu’à la fois ministre du Budget et de la Fonction publique. Pour fixer les choses, il faut savoir qu’1% de hausse de la masse salariale dans la fonction publique a un impact de 900 millions d’euros. Ce jeudi 6 juillet, le ministre a ajouté à l’effort demandé aux agents de la fonction publique le rétablissement dès 2018 du jour de carence (c’est-à-dire la suppression de la paie le premier jour d’absence pour maladie), dont il estime le coût pour les finances publiques à « environ 170 millions d’euros par an ».

La partie qui relève des traders s’apprécie, elle, à la lecture des offres promotionnelles d’installation en France que Bruno Le Maire a présentées fin juin aux banquiers new-yorkais échaudés par le Brexit et en recherche d’une ville de repli. Se rêvant en Hermès avec pour message « France is Back », notre ministre des Finances a plutôt fait le vendeur de la marque éponyme, en évoquant clairement des discounts d’impôts. Traduction devant le cercle interallié, ce mercredi 5 juillet à Paris : « Parmi les investisseurs étrangers, il y a des salariés qui ont des niveaux de revenus élevés. Or, la taxation de ces revenus est très forte »… Et les mesures rappelées par Edouard Philippe dans son discours de politique générale « prouveront que nous sommes capables de tenir compte de cette situation pour faire venir des salariés en France ».

Fin en vue de la taxe sur les hauts salaires

De quoi parle-t-on exactement, si ce n’est de la taxe sur les salaires pour les entreprises non assujetties à la TVA ? En pratique, celles relevant du monde de la finance. Quelque 137 millions d’euros au compteur des caisses de l’Etat. Depuis 2013 et une réforme voulue par François Hollande, ces entreprises sont soumises à une taxe progressive : jusqu’à 20% pour les salaires excédant 153.000 euros brut. C’est cette taxe qui devrait disparaître afin de convaincre les banquiers de simplement traverser la Manche, sans pousser au-delà du Rhin vers Francfort. La remise sera également effective pour les traders déjà installés en France.

Mais l’offre promotionnelle du gouvernement français ne s’arrête pas là. C’est une formule all inclusive qui est envisagée. En plus de la fin de la taxe sur les hauts salaires de la finance, qui permettra aux banques de verser en bonus supplémentaires ce qu’elles ne paieront pas en taxes histoire de s’aligner sur les rémunérations londoniennes, il y a les à-côtés. Et notamment la scolarisation des enfants des futurs expats en France. C’est ainsi que Bruno Le Maire, en accord avec le ministre de l’Education nationale, a pu annoncer « un plan de réalisation d’établissements scolaires ou de classes bilingues susceptibles de (les) accueillir ». Les traders qui réfléchissent avec leur portefeuille ne s’y tromperont pas : « Si c’est gratuit, c’est dans mes prix ». Il se pourrait même que le statut fiscal d’impatrié (les Français non résidents qui reviendraient au pays), instauré en 2003 mais boosté par Nicolas Sarkozy en 2008 et Emmanuel Macron en 2015, soit encore plus favorable qu’il ne l’est déjà.

Attirer les activités financières relève d’un pari, d’une conception de l’économie : miser sur la finance pour la croissance. Jezabel Couppey Soubeyran le décryptait récemment pour Marianne : « Du fait du cycle électoral, les gouvernements ont intérêt à l’emballement financier, qui booste la croissance à court terme. Mais l’explosion inéluctable ruine les maigres fruits passagers pour finalement installer la stagnation séculaire dans laquelle nous enferme l’enchaînement des crises financières », martèle cette maître de conférence à Paris I, auteure en 2016 du remarqué Blablabanque. Le nouveau pouvoir s’apprête à mettre non pas 10 balles dans la machine, mais 137 millions….

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