Le coup d’Etat médiatique : Suicide collectif sous hypnose

« Ne pas avoir de pensée et pouvoir l’exprimer – voilà qui fait le journaliste », Pro domo et mundo, Karl Kraus

« Il y a pénurie de commis. Tout se presse vers le journalisme », Dits et contredits, Karl Kraus

Nous savons que « démocratie » et même « gouvernement représentatif » sont de vaines expressions eu égard à la situation politique que nous connaissons dans ce pays. Ces notions n’ont pas la moindre application concrète. D’autre part, nous ne nous faisons pas d’illusion sur une issue réelle d’émancipation qui pourrait surgir d’une seule consultation électorale. Nous savons que l’heure n’est pas à la révolution sociale et personne, et surtout pas ceux qui auraient pourtant intérêt à la porter, ne semble y accorder le moindre intérêt. Néanmoins, des élections sont organisées et c’est la réalité politique du Présent qu’il convient d’analyser. Or cette élection présidentielle de mai 2017 a ouvertement démontré le caractère totalitaire du régime. Il conviendrait sans doute de lire ou relire l’ouvrage déjà ancien de Serge Tchakhotine au titre tellement lucide et toujours d’actualité : «Le viol des foules par la propagande politique ».

Un premier point doit être souligné. Tous les commentaires oiseux sur les faiblesses ou incongruités du programme du Front national voire l’absence de qualités personnelles, dans le mode spectaculaire, de la candidate Marine Le Pen sont dérisoires. Ils ne marquent, le plus souvent, qu’une volonté à peine déguisée de pratiquer le règlement de comptes d’après second tour pour satisfaire de piètres ego ou des carrières insuffisamment flattées lors de la campagne électorale.

Ceux qui l’assassinent par leurs critiques fielleuses n’ont absolument rien compris et démontrent essentiellement leur bêtise et leur mauvaise foi intéressée. Qu’importe que le Front soit national, que la candidate s’appelle Le Pen, que le discours sur la sortie de l’euro soit anxiogène ou que Marine Le Pen ait fait une bonne prestation ou non lors du débat d’entre deux tours. En effet, que le programme ait été excellent, que le patronyme de la candidate fût Dupont, que son parti se soit appelé « Le mouvement pour une France revigorée », ou encore qu’elle ait réellement écrasé son pitoyable adversaire lors du débat par sa dialectique, son sens de la repartie et sa connaissance des dossiers, rien n’y aurait fait et l’échec était à prévoir. Car ce sont les médias, et les médias seuls, qui décident ce que l’on doit en penser, ils nous intiment des ordres. Et au risque de passer pour imbéciles ou dénués de connaissances, nous nous devons de nous ranger à leur avis quotidiennement matraqué pour ne pas subir l’opprobre en milieu professionnel, amical ou familial.

Il est déjà miraculeux que 10 653 798 individus aient échappé à l’hypnose et se soient portés sur la candidate Marine Le Pen lors de cette élection. Mais on reste et continuera à rester loin du compte, le Système dispose d’une marge confortable de sécurité.

En effet, ce sont les médias qui ont fait l’élection, qui l’ont remportée grâce à leur travail de propagande d’une intensité rarement rencontrée dans toute l’Histoire de ce pays depuis que le système médiatique est scientifiquement et implacablement installé pour contrôler les esprits. Il y a deux raisons essentielles à la prise en charge directe, et non plus seulement de soutien, du combat électoral par les médias.

D’une part, la dégradation vertigineuse de la « qualité » du personnel politique professionnel est sidérante. L’imposture de ces individus est une évidence et à la différence du Passé, ils n’ont plus rien à promettre et ne promettent d’ailleurs plus rien puisqu’en dehors d’incantations misérables sur un « avenir à construire » et « l’avènement d’une France forte ensemble » ou encore « d’une France en marche », ils nous annoncent surtout que notre protection sociale va être détruite, que nous allons devoir nous sacrifier à l’autel du profit et continuer à nous prosterner devant l’oligarchie toute-puissante. Leur niveau d’intellection est désormais dérisoire car le Système en sélectionnant positivement les plus infâmes et les plus dénués de scrupules, sélectionne en conséquence négativement ceux qui auraient encore pu conserver une certaine répugnance à tromper de manière aussi vulgaire. Donc, l’intelligence et la maîtrise d’un discours encore un peu huilés s’effondrent pour laisser la place au seul caractère prédateur des plus mauvais.

A l’époque de Sarkozy, se maintenait encore un individu qui gesticulait, occupait les tréteaux en acteur quelque peu entraîné au spectacle politique. Pour certains, se maintenait encore l’impression de quelqu’un qui avait à titre personnel certaines convictions propres même si la supercherie était considérable. A l’époque de Hollande, les qualités intellectuelles minimales n’étaient déjà plus au rendez-vous, puisqu’on avait affaire à un individu grotesque qui n’avait aucune capacité d’élocution, reflet de l’indigence de sa pensée. Mais restait le Parti socialiste qui représentait encore, dans l’imaginaire malmené du « peuple de gauche », le maintien d’une sensibilité au sort des gens modestes face à l’arrogance toute-puissante de l’argent. Il est évident que tout cela n’était qu’une succession de leurres grossiers mais qui, malgré tout, réussissaient à berner le plus grand nombre. Le rôle des médias consistait évidemment à soutenir la candidature de ces individus du Système en portant l’anathème sur tout autre impétrant.

Mais cette fois, en 2017, nous avons dépassé ce niveau de propagande qui restait assez convenu. Car cinq ans plus tard, les exigences du Système sont telles qu’aucun candidat de facture classique ne lui convient. C’est le cas de Fillon par exemple, et au vu d’une offre assez faible par ailleurs, il s’agit de mettre en avant un golem fabriqué en laboratoire et dans la hâte afin d’être certain qu’il n’y aura même pas à composer avec d’éventuelles particularités individuelles contre-productives par la suite. L’ectoplasme Macron, déjà formaté par l’école de l’analphabétisme que représente l’ENA, et par sa présence d’exposant de foire au sein de la Commission Attali, était le candidat rêvé. N’étant pas un « esprit brillant » comme le pensent frauduleusement certains, il s’est vite avéré qu’il avait le QI moyen d’un élève besogneux et arrogant d’une Prep-ENA. Il était par exemple incapable d’animer un meeting de manière un tant soit peu décente, malgré la présence de figurants derrière lui, rémunérés et chargés de se lever avec leurs petits drapeaux et des regards de zombies hallucinés, lorsque l’ordre en était donné par texto, pour tenter désespérément de chauffer la salle. Son discours, dénué de tout contenu lors des passages sur les plateaux télé, était un florilège de propos à la vacuité confondante laissant parfois douter de la santé mentale du personnage. Il est vrai que la bêtise crasse du « pseudo expert » dans son arrogance peut parfois confiner au solipsisme.

Ne nous attardons pas plus sur cet histrion de piètre qualité.

D’autre part, les partis traditionnels de droite et de gauche étaient quasi cliniquement morts au moment de l’organisation de l’élection. Le Parti socialiste, usé par la médiocrité de ses représentants et la nullité de ses propositions comme le « revenu universel », réelle béquille du capitalisme le plus nihiliste consacrant l’exclusion sociale des surnuméraires, sombrait dans une grisaille anti spectaculaire qui ne faisait pas rêver. Les Républicains, ramassis d’arrivistes faussaires se tenant tous par la barbichette, tentés par le projet du parti unique à l’allemande (SPD et CSU /CDU réunis à la tête de l’Etat), ne cherchaient qu’à prendre leurs distances d’avec leur candidat que le Système voulait abattre pour des considérations géopolitiques à la marge. Ne doutons pas néanmoins que ces partis vont tenter de revivre à court / moyen terme, car le coup médiatique macronien a sans doute ses limites d’efficacité sur le long terme.

Par conséquent, devant la nullité des structures partisanes et la médiocrité du candidat promu et fabriqué au laboratoire, le sinistre Macron, les médias ont dû cette fois faire tout le travail. Ils ne se sont pas contentés de soutenir le candidat, il est devenu nécessaire que le système médiatique soit au premier rang et la mobilisation de tous les journalistes en tant que militants politiques est objectivement apparue comme la seule solution viable. La candidate Marine Le Pen ou ses colistiers n’affrontaient pas des hommes politiques ou seulement fort marginalement, mais la caste journalistique entière, chargée de prendre le relais devant l’indigence des organisations politiques classiques autant au niveau des structures que des individus.

Les véritables adversaires de Madame Marine Le Pen étaient en vrac et à titre d’exemple les bonimenteurs que sont les Apathie, Bourdin, Elkrief, Cohen, Sotto, Mazerolles, Lenglet, Pujadas, Lapix, Ferrari, Bouleau, Calvi, Zemmour …. et autres plumitifs de la machine de propagande avec tout le cortège, se bousculant derrière eux, des apprentis, des stagiaires, des reporters moins bien rémunérés et en quête d’une place plus valorisante dans la machinerie spectaculaire. Cette piétaille avait donc la fonction de diffamer, désinformer, dévaloriser au quotidien avec de fantastiques moyens organisationnels et techniques. Rarement, une propagande aussi éhontée, systématique et grossière ne s’est exercée. Ensuite s’ensuivait la valorisation permanente, vulgaire et odieuse des jugements de condamnation émanant de « grands esprits » sortis du caniveau du spectacle en décomposition avancée, tels qu’acteurs, chanteurs, humoristes, metteurs en scène, penseurs d’Etat, présidents d’Université, scientifiques épuisés, et autres saltimbanques de plateaux télé, tous évidents témoignages de la décomposition de l’esprit.

On doit retenir de cette mise en scène qu’il est interdit de parler de souveraineté, de frontières, de création monétaire par l’Etat, d’immigration, de sécurité publique, de lutte efficace contre le terrorisme, de récusation de l’UE comme représentation du totalitarisme européen, de maintien des retraites, d’identité, et globalement de toute mesure aussi modeste soit-elle qui oserait tenter d’inverser le cours de la catastrophe programmée.

Ces sujets sont tabous et c’est une injonction autoritaire qui enjoint de ne pas en parler, et la condamnation sera totale pour tout récalcitrant.

Le Système fonctionne, de fait, toujours avec la vieille ficelle recyclée en permanence de la fascisation, de la nazification de tout contestataire. La reductio ad hitlerum bat son plein et pourrait durer mille ans. Ces forces politico-médiatiques qui représentent la réalité du totalitarisme financier et la dictature du Capital mondialiste nihiliste, sont convaincues de l’absence totale de culture politique de la masse. Ils s’amusent beaucoup dans la mise en avant de cette « menace fasciste » fictive mais toujours très efficace chez l’individu atomisé à l’intelligence en régression dans notre époque contemporaine.

Au lendemain du résultat, tous les commentateurs qui apparaissent en foule (au sein même parfois du Front national) pour dénoncer le thème de l’euro comme une erreur majeure, proposer que le Front national et sa candidate changent de nom, ou souhaitent lui trouver un ou une remplaçante, du fait des faiblesses supposées de celle qui a échoué, sont des imposteurs, des faussaires et des opportunistes.
Tout combat politique, même assez peu radical, qui souhaiterait s’opposer au Système mais qui ne dénoncerait pas, comme facteur majeur du renforcement du pouvoir oligarchique, la réelle dictature médiatique devenue l’élément central du maintien de l’oppression, chape de plomb totalitaire, est et restera évidemment voué à l’échec. Dans une logique purement électoraliste, il s’agit a minima d’exiger la suppressions des sondages qui sont un fantastique outil de conditionnement.

Les esprits sont contrôlés dans leur majorité, même si quelques millions échappent par miracle, avec des niveaux de conscience différents d’ailleurs, au conditionnement totalitaire qui abolit logique formelle, pouvoir de comparaison et contribue à la régression de l’intelligence moyenne.

Ce 7 mai 2017, le totalitarisme s’est renforcé, l’intelligence a reculé, la langue et la logique ont été bafouées.

Les masques tombent toujours plus, l’évidence de l’oppression apparaît toujours plus, les escrocs et les imposteurs sont toujours plus dévoilés dans leur ignominie misérable. Pensons au secrétaire général d’un syndicat de salariés appelant à voter pour le candidat qui veut aggraver la loi de destruction du Code du travail, dont il avait simulé la critique quelques mois auparavant, et qui appelle sans vergogne à vaincre la candidate qui annonce souhaiter abolir cette même loi. Nous savions de longue date que les bureaucrates syndicaux étaient prêts à allonger toujours plus l’oppression des salariés pour conserver leurs privilèges mais cette fois c’est par l’abjection la plus grossière.

Néanmoins, ce n’est pas parce que l’évidence de l’escroquerie s’impose que les yeux se décillent. L’intelligence humaine, avec ses variations selon le succès avéré ou non de l’emprise de la domination, reste un facteur dont le recul peut s’avérer abyssal. Il serait temps également, pour renouveler la critique,  de ne pas hésiter dans le discours politique à dénoncer frontalement les Français eux-mêmes qui pourtant n’appartiennent ni aux 1% ni même aux 10 % qui profitent de la mondialisation vulgaire qui s’impose. Ces Français sont de  fait entièrement responsables de leur sort et d’une complicité objective dans leur mise en esclavage. N’hésitons pas, en manière de conclusion, à citer cette lucide sentence de Guy Debord, tirée de son film « In girum imus nocte et consumimur igni », datant déjà de la lointaine année 1978 :

« Par ailleurs, quelle que soit l’époque, rien d’important ne s’est communiqué en ménageant un public, fût-il composé des contemporains de Périclès; et, dans le miroir glacé de l’écran, les spectateurs ne voient présentement rien qui évoque les citoyens respectables d’une démocratie. »

Patrick Visconti

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