Facebook deviendra plus puissant que la NSA en moins de 10 ans – à moins qu’on ne l’arrête, par Nafeez Ahmed

Source : Insurge Intelligence, Nafeez Ahmed, 29-12-2017

Qu’ont en commun l’OTAN, les sous-traitants militaires privés, les énormes fabricants d’armes, les marchands de vin, la NSA, Trump, les milliardaires anglais, les oligarques russes et l’industrie du pétrole ? Le réseau social le plus important au monde.

Par Nafeez Ahmed

Assistance éditoriale par Andrew Markell et Gunther Sonnenfeld

Publié pour le lancement de la nouvelle plate-forme bêta d’INSURGE intelligence, une plateforme journalistique au financement participatif, d’investigation ouverte et d’action coordonnée au service des populations et de la planète. Devenez propriétaire de la révolution médiatique

Imaginez un monde dans lequel tout un chacun abandonne sa liberté, volontairement, en échange de pouvoir appartenir à un réseau toxique qui, plutôt que d’enrichir leurs vies, en profite pour raboter le discours civil, polariser les communautés et manipuler les esprits.

Ne vous demanderiez-vous pas si ces gens ne sont pas dérangés ?

Vous le feriez. Et cependant, c’est bien le monde dans lequel vous allez vivre, dès à présent. À moins de faire quelque chose contre.

Cet article est un appel à réagir. Un appel de citoyens, technologues, philanthropes, journalistes et autres à réagir pour briser la trajectoire actuelle vers un futur dystopique mono-culturel. En tant que tel, c’est une nouvelle forme expérimentale de ré

Facebook est sur le point de devenir plus puissant que la National Security Agency (NSA) – ainsi s’exprime un important conseiller de la communauté du renseignement militaire américain, qui prévoit la croissance de l’intelligence artificielle et de la guerre robotique. En moins d’une décennie, la croissance de Facebook va montrer qu’elle a potentiellement la capacité de pister pratiquement tout le monde sur la planète. Cela rendra cette firme plus puissante que n’importe quel organisme gouvernemental dans le monde.

Cette perspective a de dangereuses conséquences pour la démocratie. Des preuves de plus en plus nombreuses révèlent que le modèle économique le plus lucratif de Facebook est d’offrir ses services comme auxiliaire de la guerre psychologique pour le compte de toute tierce partie qui voudrait influencer les croyances et les comportements des citoyens.

Des éléments clés de cette histoire restent à dévoiler. Vous avez entendu parler de l’histoire de Cambridge Analytica et de son usage du profilage de Facebook pour influencer des campagnes électorales des deux côtés de l’Atlantique. Vous avez entendu parler de comment la Russie a des liens curieux avec certains protagonistes, tout en utilisant aussi Facebook pour contrer la « guerre hybride ».

Tout ceci suggère qu’une cabale d’extrême droite a utilisé le Big Data pour pirater les processus démocratiques américains, européens et anglais.

Mais ce n’est pas le fin mot de l’histoire. INSURGE intelligence fouille un réseau de connexions entre les directeurs, les cadres supérieurs et les sociétés associées de Cambridge Analytica, jetant un nouvel éclairage sur la façon dont le modus operandi de la firme a été développé dans les milieux les plus confidentiels du système de sécurité nationale du gouvernement britannique.

Nous révélons pour la première fois les liens étroits de la firme avec les puissants intérêts politiques et économiques anglo-américains, le complexe de sécurité nationale de l’OTAN, les agences de renseignements militaires, les sous-traitants militaires privés accusés d’activités illégales et d’incompétence, l’industrie mondiale des combustibles fossiles et une oligarchie financière pro-conservateurs britannique ayant des investissements massifs dans les marchés immobiliers britannique et russe. Plutôt que de représenter une grande conspiration, ces réseaux imbriqués nous ouvrent une fenêtre sur l’alignement structurel du pouvoir dans lequel ils opèrent.

La société mère de Cambridge Analytica au Royaume-Uni, SCL Group, est un ancien sous-traitant du ministère de la Défense britannique qui avait accès à des informations classifiées. Notre enquête révèle que la société continue d’entretenir des liens symbiotiques avec le ministère britannique des Affaires étrangères, qui veut officiellement exploiter le succès de l’assistance de la firme à la campagne Trump pour des objectifs de politique étrangère du Royaume-Uni.

Mark Turnbull, qui dirige SCL Elections, filiale chargée des travaux sur les élections, est un ancien consultant de Bell Pottinger qui a supervisé les opérations d’influence du Pentagone en Irak, dont l’une a produit de fausses vidéos Al-Qaïda.

Le même Turnbull avait fondé Aethos, la division « communications stratégiques » d’Aegis Defense Services, le géant britannique de sous-traitance militaire racheté par la société canadienne encore plus grande GardaWorld. Ensemble, ces firmes ont suscité d’importantes controverses concernant leur traitement des civils en Irak, le recrutement d’enfants soldats en Sierra Leone et « l’incompétence tactique » en Afghanistan, pour n’en nommer que quelques unes.

Les administrateurs de SCL Group détiennent des intérêts commerciaux directs dans un éventail de sociétés portant sur deux secteurs importants : le marché des armes et de la défense, et l’industrie pétrolière et gazière mondiale.L’agitateur clé ici est Julian Wheatland, président du conseil d’administration de SCL Group, qui est un administrateur de Hatton International, une société opaque qui se spécialise dans les services compensatoires de défense pour les armements privés et les entreprises aérospatiales, et un ancien directeur d’une société associée à Hatton, Phi Energy Group, qui a travaillé avec certaines des plus grandes majors pétrolières du monde.

D’autres directeurs du Groupe SCL ont des partenariats d’affaires avec de puissants intérêts financiers pro-conservateurs, dont certains sont liés à la campagne Brexit. Le principal d’entre eux est Hanson Asset Management, héritage du défunt magnat des affaires thatcherien, Lord Hanson. Patrick Teroerde, cofondateur et directeur de Hanson Asset Management, a été l’un des premiers administrateurs – apparemment cofondateur – de la filiale SCL Elections, qui aurait aidé Vote Leave. Le substitut de Lord Hanson au sein de son groupe anti-européen « Business in Sterling », Dominic Cummings, était directeur de campagne de Vote Leave.

Un autre administrateur de SCL Group, Roger Gabb, partage une société d’investissement immobilier avec un certain nombre de magnats de l’immobilier britanniques, dont le milliardaire Anton Bilton et Bimaljit Singh Sandhu, tous deux fortement engagés sur les marchés immobiliers britanniques et russes par l’intermédiaire de la société Raven Russia – qui exprime explicitement son intérêt à ouvrir la Russie aux investisseurs étrangers. Raven Russia nie connaître Gabb ou quoi que ce soit sur SCL Group.

Le Groupe SCL a non seulement misé sur Facebook pour aider à l’élection de Donald Trump et, semble-t-il, sur la campagne Brexit, mais il a également reçu un million de dollars canadiens pour appuyer les opérations d’influence de l’OTAN en Europe de l’Est et en Ukraine, ciblant la Russie.

Et bien que la firme n’ait plus de contrats avec le ministère de la défense, elle a décroché plusieurs contrats du département d’État pour des opérations d’influence mondiale, maintient de nombreux autres contrats dans l’ensemble du gouvernement fédéral américain et entretient des liens étroits avec le Foreign Office britannique.

Au début de 2017, le Foreign Office a convoqué une conférence à huis clos sur la meilleure façon pour le gouvernement d’utiliser le Big Data pour atteindre ses objectifs de politique étrangère, invitant M. Turnbull et son principal chercheur en données, à parler du travail de Cambridge Analytica dans le cadre de la campagne Trump. Le Foreign Office a refusé de préciser en quoi l’utilisation de Facebook pour influencer le vote américain serait pertinent pour l’agenda diplomatique du gouvernement britannique à l’étranger.

POSTULAT : En bref, loin de représenter un effort visant à détourner la démocratie de l’extérieur, nous constatons que les intérêts associés à la firme sont ancrés dans les structures les plus enracinées du complexe militaro industriel américano-britannique : un complexe qui se radicalise de plus en plus à mesure qu’il trouve de nouvelles façons d’utiliser le plus grand réseau social du monde pour manipuler l’opinion publique.

HYPOTHÈSE : Tout cela nous ramène à la façon dont Facebook a joué un rôle clé, en permettant, et en en tirant profit, des opérations d’influence psychologique et comportementale de groupes d’intérêts concurrents, une trajectoire qui pourrait faire de la plateforme une menace plus insidieuse pour la démocratie que n’importe lequel de ces intérêts isolé.

ACTION : Une trajectoire qui signifie que la seule issue est de construire des alternatives à Facebook qui offrent de nouvelles approches de l’information.

Aujourd’hui, même certains des créateurs de Facebook reconnaissent les effets toxiques de la plateforme. Le capital-risqueur Chamath Palihapitiya, ancien responsable de l’accroissement des utilisateurs de Facebook, reconnaît son « immense culpabilité » pour la façon dont la plateforme a « créé des outils qui déchirent le tissu social de la société ».

L’ancien président de Facebook, Sean Parker, exprime son inquiétude au sujet de ce que le réseau social « fait au cerveau de nos enfants », en activant une « boucle de rétroaction de récompense sociale » conçue pour « consommer le plus de temps et d’attention consciente possible ».

Facebook s’emploie rapidement à exploiter ces techniques pour manipuler la psyché humaine afin d’influencer tout ce que nous faisons – et même potentiellement nos choix politiques – tout cela dans le but de maximiser ses propres profits.

Si rien n’est fait pour dévier la trajectoire mondiale de Facebook, son contrôle sur nos vies pourrait être imparable.

Pourtant, cette trajectoire même révèle que Facebook n’est pas le problème. Facebook n’est que l’expression d’un consensus sociétal. Les milliards de personnes sur Facebook sont plus que prêtes à échanger leur vie privée, leur liberté et leur droit à une information véridique en échange de la « connexion » qu’elles ressentent en utilisant la plate-forme.

Facebook est l’expression d’un problème plus profond : tant que les gens gagnent de l’argent à partir d’un système qui non seulement rend les Facebooks du monde possibles, mais les encourage, tant que les gens sont prêts à remettre les clés de leur vie entière, sans rien de substantiel en échange sinon partager des photos, la messagerie directe et les groupes Facebook, rien ne changera.

Alors à quoi ressemble le monde quand Zuckerberg possède votre esprit et modélise votre comportement ? Une sphère publique saine et bien informée, dont dépend une démocratie, devient de plus en plus impuissante. Au lieu d’un dialogue, d’une logique et de faits sains, nous sommes déchirés par des divisions enragées, des idéologies, des systèmes de croyances incohérents, l’apathie, la rage et la résignation.

La responsabilité, déjà mince dans nos institutions publiques, est progressivement érodée, remplacée par l’emprise manipulatrice et irresponsable de ceux qui contrôlent le Big Data.

Zuckerberg et ses lieutenants sont assis au sommet d’un méta-gouvernement global et non élu, dont les États nationaux deviennent irrévocablement dépendants pour des services d’information essentiels visant à influencer nos décisions.

Nos enfants vivent dans un monde où la surveillance totale est tout à fait normale ; où l’information exacte, le dialogue et la dissidence sont remplacés par un langage ciblé et des technologies de plus en plus sophistiquées pour manipuler la psyché humaine.

Et pour quoi exactement ? Pour que peu d’hommes et encore moins de femmes puissent devenir fabuleusement riches ? Pour que vous puissiez profiter de moments intimes de partage avec vos amis du lycée d’il y a 20 ans ? Pour que votre entreprise puisse économiser dix dollars de plus sur sa production ?

Le rêve de Mark Zuckerberg ne doit pas devenir le cauchemar de tout le monde. Mais il va falloir bien plus que des gestes de la main et des déclarations publiques de contrition.

Nous devons donc nous poser la question : à quoi ressemble le monde quand le peuple gagne ?

Facebook peut être contrecarré. Mais il ne peut être contrecarré sans que les gens partent se brancher ailleurs. Il ne peut être dépassé à moins que nous soyons prêts à admettre que l’apathie généralisée et la résignation qui entourent l’apparente et inévitable suprématie mondiale de Facebook soit la plus grande réalisation de Zuckerberg, et pourtant la plus imméritée.

La seule façon de nous libérer de cette condition inexplicable est de se débarrasser de la résignation ; elle n’est pas réelle. Votre volonté d’être dangereusement créatif et libre est réelle. Votre responsabilité ancienne et intemporelle de laisser un monde meilleur à vos enfants est réelle.

Donc, la question est de savoir comment initier quelque chose de plus puissant que la culpabilité et des exhortations à la prudence ? Comment pouvons-nous réellement construire les choses qui relégueront tout ce que Facebook représente – le pouvoir monopolistique massif, le vol de données, la manipulation psychologique et le sacrifice généralisé de la liberté humaine sur l’autel de l’accumulation d’argent – dans une note de bas de page de l’histoire ?

Laissez tout tomber, oui littéralement, laissez tout tomber et soutenez la construction d’alternatives au futur que Zuckerberg et ses collègues se chargent de construire pour vous. Ces alternatives prendront une orientation fondamentalement différente : des alternatives qui visent à décentraliser et à redistribuer l’accès aux ressources, à améliorer la façon dont nous abordons l’information et à encourager les façons fécondes d’interagir les uns avec les autres.

Cette histoire expose la logique et la force de l’adversaire. Lopportunité de riposter se referme rapidement.

Plus gros que la NSA

Facebook deviendra « le sous-traitant gouvernemental le plus puissant au monde », dans moins de dix ans.

La prévision a été faite par John Robb, un ancien agent antiterroriste du Commandement des opérations spéciales des États-Unis et conseiller de longue date du renseignement militaire américain sur l’avenir de la guerre auprès d’organismes comme la NSA et la CIA. En 2016, Robb a été consultant spécial auprès du président du Joint Chiefs of Staff américain sur l’avenir de l’intelligence artificielle et de la guerre robotique.

Dans des posts de son blog Global Guerrillas acclamé par le New York Times, Robb a expliqué qu’étant donné le taux de croissance actuel de Facebook, la plateforme de réseau social – qui compte actuellement 2 milliards d’utilisateurs mensuels – atteindra un sommet historique de 3,5 milliards d’utilisateurs mensuels d’ici 2025 – suffisamment pour avoir un « diagramme social complet » de la population mondiale.

Avec autant de gens sous son radar, plus de la moitié des 6,5 milliards de personnes vivant en dehors de la Russie et de la Chine, Facebook aura la capacité d’accéder efficacement à l’information sur presque toute la population humaine.

Pour reprendre les mots de Robb :

« C’est un réseau assez vaste et pénétrant pour établir un recensement mondial qui peut “voir” presque tout le monde sur la planète, même ceux qui n’ont pas de compte Facebook. »

HYPOTHÈSE : Les mentions sociales de localisation, couplées aux images des associés, des amis et de la famille donneraient effectivement accès à Facebook au reste de la population absente du réseau Facebook.

Cela aura pour effet de « permettre le suivi en temps réel de presque tout le monde sur la planète en utilisant les données GPS des smartphones et les informations auxiliaires », y compris les photos, les liens postés et les « like ». Et cela permettra à son tour à Facebook de « créer la plus grande base de données de micro-ciblage au monde », remplie de détails intimes sur les intérêts de milliards de personnes.

HYPOTHÈSE : Essentiellement, cela signifie que les capacités de surveillance de masse de Facebook seront encore plus puissantes que celles de la NSA.

Comme l’a formulé John Robb :

« Facebook a maintenant la capacité d’offrir des services à l’échelle de la NSA, avec de meilleures données, aux nations du monde entier. »

Facebook a démenti sans équivoque les prévisions de Robb. Un porte-parole a déclaré : « Les agences de renseignement possèdent des pouvoirs et des capacités juridiques totalement différents de ceux des entreprises du secteur privé, et c’est donc une fausse comparaison. Nos activités et nos pratiques font l’objet d’une surveillance réglementaire spécifique. »

Big Brother devient mondial : bienvenue au méta-gouvernement

Le problème a été bien exposé par Alexis Wichowski, une ancienne fonctionnaire du Département d’État spécialisée dans la diplomatie numérique. Étant donné que la base d’utilisateurs de Facebook comprend maintenant littéralement un quart de la population mondiale, dit-elle, elle est en fait devenue un « État réseau », en raison de son accès par les masses.

HYPOTHÈSE : Facebook, cependant, occupe une position unique pour devenir le premier fournisseur mondial de services d’information pour les gouvernements du monde entier, qu’ils soient démocratiques, autocratiques ou entre les deux.

Dans une interview exclusive accordée à INSURGE, Robb a expliqué que cet accès sans précédent à la dynamique démographique mondiale fera de Facebook le fournisseur de services complets de surveillance, de censure et de contre-terrorisme pour les gouvernements du monde entier :
« Le gouvernement américain se rend compte que Facebook dispose de meilleures et plus nombreuses données que ce qu’il obtient et peut obtenir et peut encore en faire plus que lui, en particulier en ce qui concerne les citoyens américains. Le gouvernement ne peut simplement pas suivre. La seule alternative – la Chine fait la même chose – est de forcer la plate-forme à travailler avec eux. »

Tandis que le secteur publicitaire privé sera la source principale de profits pour la plateforme, le succès de Facebook dépendra de sa capacité à éviter la réglementation gouvernementale. En offrant ses propres services indispensables de sécurité et de surveillance aux gouvernements, a déclaré Robb : « Facebook évitera les règlements qui limiteraient sa capacité à faire de l’argent. »

John Robb prédit en outre que Facebook offrira aux gouvernements une capacité accrue pour identifier toute personne en utilisant des IA de reconnaissance faciale… et suivre ensuite leurs déplacements à l’échelle planétaire.

La technologie est déjà en cours de développement, Facebook se concentrant actuellement sur les outils de reconnaissance faciale à utiliser avec des caméras dans les magasins de détail haut de gamme. Ces outils permettraient d’évaluer les émotions et les profils comportementaux des clients en analysant les expressions faciales des foules et de transmettre l’information aux gestionnaires et aux vendeurs du magasin.

HYPOTHÈSE : La plateforme sera également en mesure de « limiter les discussions sur les politiques intérieures à celles approuvées par le gouvernement », ainsi que « limiter les sources aux canaux autorisés, empêcher la discussion sur des sujets interdits, et les orienter de manière subtile. »

Enfin, a ajouté M. Robb, Facebook « examinera régulièrement des conversations privées et analysera le réseau pour identifier les extrémistes potentiels. Il sabotera ou interviendra également activement dans les réseaux de recrutement de terroristes et d’extrémistes pour nuire à leur efficacité dans la recherche de recrues. »

Le problème ici est que les définitions d’un extrémiste « potentiel », sans parler de l’extrémisme lui-même, sont si vagues qu’elles en sont presque inutiles. Comme je l’ai déjà dit pour The Guardian, le Pentagone a un triste bilan en matière d’assimilation de l’extrémisme à toute forme d’activisme politique critique à l’égard du gouvernement.

Le porte-parole de Facebook a nié que l’entreprise pourrait devenir aussi puissante, notant que le principal sous-traitant du gouvernement américain en 2016 « était Lockheed Martin à hauteur de près de 44 milliards de dollars ».

Mais l’argument de John Robb n’était pas que Facebook deviendrait l’entrepreneur le plus rentable, mais le plus « puissant » en termes de capacité à influencer les populations mondiales.

La brèche de la surveillance par des tiers

POSTULAT : Les frontières entre l’utilisation gouvernementale et privée de Facebook pour manipuler les comportements de la population sont de plus en plus floues.

Bien que Facebook se soit déclaré opposé à la surveillance gouvernementale, le comportement réel de la plateforme suggère le contraire.

John Robb a qualifié Facebook de « plutôt conciliant » envers les requêtes de données du gouvernement et m’a dit que l’entreprise non seulement dispose d’une unité antiterroriste, mais aussi d’un « pôle de surveillance et de censure » qui « se développe rapidement ».

Il n’est donc pas étonnant que la société se soit battue activement contre les lois américaines sur la confidentialité de la reconnaissance faciale biométrique.

Plus tôt en 2017, Facebook a annoncé une politique visant à empêcher les développeurs d’utiliser les données Facebook pour créer des applications de surveillance. L’annonce a été faite après la révélation que les services de police américains avaient obtenu un accès privilégié aux réseaux sociaux pour identifier des manifestants.

Passant inaperçue à l’époque, la politique réelle de Facebook à l’égard des développeurs fournit une échappatoire juridique qui pourrait permettre aux services gouvernementaux et policiers d’accéder indirectement à la surveillance par Facebook en signant une clause de confidentialité avec un tiers intermédiaire :

« Ne divulguez pas votre clé secrète et vos jetons d’accès. Vous pouvez les partager avec un agent qui agit pour faire fonctionner votre application s’il signe un accord de confidentialité. Si vous utilisez les services d’un partenaire, faites-lui signer un contrat pour protéger toute information que vous avez obtenue de nous, limiter son utilisation de cette information et la garder confidentielle. »

HYPOTHÈSE : Cette faille ouvre potentiellement la porte aux autorités publiques qui peuvent faire appel à des entreprises tierces pour atteindre exactement les mêmes objectifs de surveillance, sous la bannière de la confidentialité.

Selon Facebook, ce n’est pas un problème : « Si les entreprises donnent accès à nos API à des fins de surveillance, ce serait contraire à nos politiques. Ce n’est pas une faille. Si nous prenons conscience d’un comportement contraire aux règles, nous prendrons les mesures appropriées auprès du développeur, ce qui peut inclure la suppression de l’accès. »

Le porte-parole n’a pas expliqué comment Facebook allait avoir connaissance d’un tel comportement, alors que sa propre politique l’empêchait d’en prendre connaissance en vertu d’un protocole de confidentialité.

La (cyber)guerre est une escroquerie

Il n’est donc pas étonnant que Facebook soit devenu un champ de bataille de l’information entre les gouvernements.

Au lieu que des trafiquants d’armes corrompus vendent des armes aux belligérants, Facebook vend des moyens d’information aux gouvernements des deux camps de champs de bataille physiques très réels.

Le porte-parole de Facebook m’a dit que cette manière de décrire la plateforme est « un malentendu fondamental sur notre métier. Sur les six millions d’annonceurs sur Facebook, la majorité sont des petites et moyennes entreprises. La publicité politique ne représente qu’une petite partie de nos affaires. »

Pourtant, cela n’enlève rien au fait que, bien que les budgets politiques ne figurent même pas dans le top 10 des marchés publicitaires de Facebook, l’entreprise continue d’encourager activement les gouvernements et les équipes de campagnes politiques opposés à utiliser sa plateforme pour influencer les électeurs – avec des conséquences très conflictuelles.

Et comme me l’a dit John Robb qui est familier du Pentagone, l’un des plus grands avantages sur lesquels Facebook compte en ouvrant la porte aux opérations d’influence du gouvernement, c’est l’accès aux vastes populations nationales de ces gouvernements.

Jusqu’à présent, un total d’environ 200 000 dollars en dépenses publicitaires sur Facebook pour les élections américaines a été attribué à des sources russes. Cela est bien pâle par rapport aux campagnes publicitaires sur Facebook des campagnes Trump et Clinton réunies : un pactole de 81 millions de dollars selon Colin Stretch, l’avocat-conseil de Facebook, lors des audiences du Comité sénatorial du renseignement.

La Russie a été vivement critiquée pour l’utilisation de plateformes comme Facebook pour promouvoir les « fausses nouvelles ». Mais l’ampleur du programme publicitaire Facebook du département d’État américain est éloquente.

Une analyse des dossiers de dépenses fédérales montre que les campagnes d’information américaines en 2010-2011 et 2015-2016 ont dépensé 59 541 dollars en publicité ciblant les russophones. Cela faisait partie d’une campagne publicitaire Facebook de 1,6 million de dollars sur huit ans menée par le département d’État, Voice of America et l’Agence américaine pour le développement international (USAID).

Les autres pays visés par ces campagnes d’influence sur Facebook comprenaient l’Indonésie (136 217 dollars), le Pakistan (127 684 dollars), l’Iran (87 381dollars), l’Afghanistan (61 176 dollars), ainsi que les anciennes républiques soviétiques d’Arménie (33 187 dollars), l’Ouzbékistan (19 275 dollars) et la Géorgie (40 100 dollars).

Ces publicités mettent l’accent sur la promotion des « initiatives diplomatiques » américaines et incitent les lecteurs à se tourner vers des organes d’information pro-américains tels que Voice of America, parrainé par Washington.

Les acheteurs de publicités sur Facebook sont en mesure de cibler les annonces avec une précision extrême en raison du grand nombre de données que Facebook détient sur les utilisateurs. Que ce soit sur votre téléphone ou votre ordinateur, Facebook recueille des renseignements sur tout ce que ses utilisateurs font en ligne, à moins qu’ils ne se déconnectent de la plateforme.

POSTULAT : Moria Whelan, ancienne sous-secrétaire adjointe à la stratégie numérique au département d’État américain, affirme que le département d’État américain atteint 30 millions de personnes chaque jour grâce à Facebook, souvent avec une assistance directe sous forme de formation et d’outils.

Selon les termes de Whelan : « [Facebook] est l’un des instruments les plus utiles et les plus rentables de la puissance américaine et pour promouvoir nos idées. Chacune de nos ambassades dans le monde a un compte – plus probablement des comptes multiples. Nous ne sommes pas seuls… Presque tous les gouvernements étrangers – sauf quelques-uns – sont présents sur Facebook et leurs ambassades utilisent Facebook comme principal moyen de communication… Facebook a été un partenaire volontaire d’une manière qui devançait les autres plateformes. L’équipe Facebook a innové de façon pertinente pour les professionnels de la diplomatie publique, ce que d’autres sites de médias sociaux n’ont pas fait : ils ont créé des formations et développé des outils qui nous ont facilité la vie. »

HYPOTHÈSE : En d’autres termes, la relation entre les gouvernements et Facebook pour les opérations d’influence mondiale est de plus en plus symbiotique. Les gouvernements veulent influencer les gens. Et ils sont prêts à payer Facebook généreusement pour les aider à le faire.

La censure

Facebook « a été construit pour accomplir une mission sociale – rendre le monde plus ouvert et plus connecté », a écrit Mark Zuckerberg, cofondateur de l’entreprise dans le cadre du dépôt des statuts (S-1) de l’entreprise en 2012.

« Notre nouvelle mission est de rapprocher le monde », a-t-il déclaré à CNN Tech à l’été 2017.

Pourtant, la volonté de Facebook de tirer profit de la guerre mondiale de l’information a déjà conduit la plate-forme à des formes directes de censure pour des États autoritaires.

Pour la Turquie, Facebook a supprimé – apparemment sous la pression du gouvernement turc – les comptes Facebook des personnes exprimant leur solidarité avec Rojava, une province kurde autonome du nord de la Syrie, qui joue un rôle majeur dans le recul de l’EI.

Facebook censure régulièrement des commentaires de critiques du gouvernement en Inde, au Pakistan et au Maroc.

Facebook travaille de concert avec le gouvernement israélien pour censurer les groupes palestiniens en s’appuyant sur sa règle de modération selon laquelle « tout organisme qui se consacre principalement à intimider une population, un gouvernement ou à recourir à la violence pour résister à l’occupation d’un État reconnu internationalement » ne peut être loué, soutenu ou représenté en aucune manière.

Facebook a, selon des sources Facebook qui ont parlé au New York Times, conçu un logiciel qui pourrait potentiellement répondre aux demandes de censure en Chine.

Facebook est même en train d’aseptiser les crimes horribles contre l’humanité, le nettoyage ethnique et les actes de génocide au Myanmar (Birmanie), en supprimant massivement les messages des militants Rohingya qui décrivent la violence contre leurs hommes, femmes et enfants.

Mais Facebook a nié avoir conclu une alliance effective avec des États aussi répressifs et autocratiques : « Nous évaluons les rapports sur la base de nos normes communautaires. Nous publions également des informations au niveau national dans notre rapport de transparence sur les restrictions de contenu basées sur des violations de la loi locale. »

Psyops et élections

Les utilisations les plus insidieuses de Facebook sont apparues en relation avec la société d’exploration de données Cambridge Analytica, la filiale américaine de SCL Elections – une filiale de la société britannique Strategic Communications Laboratory Group, désormais connue sous le nom de SCL Group.

Cambridge Analytica utilise l’intelligence artificielle et les techniques de propagande psychologique perfectionnées lors des interventions militaires américano-britanniques pour influencer les populations étrangères. Ces techniques ont aidé la campagne électorale de Donald Trump, et des preuves convaincantes émergent de leur utilisation lors du référendum sur le rôle de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne.

Les détails sont maintenant assez bien connus. La firme s’est enorgueillie d’avoir accès aux profils psychologiques de 220 millions de citoyens américains, à partir de jeux de données compilées sur Facebook.

Ces données ont ensuite été intégrées à des données électorales achetées et utilisées pour cibler les personnes avec des publicités Facebook « sur mesure », finement calibrées pour appuyer sur leurs boutons émotionnels.

Les « data scientists » ne s’entendent pas sur l’efficacité de ces techniques – il n’ y a aucun moyen de vérifier leur impact, car les modèles utilisés ne sont pas publics, mais détenus par le Groupe SCL et ses filiales.

Entre-temps, certains des liens politiques extraordinaires de la firme de données ont été révélés. L’un des principaux bailleurs de fonds financiers de Cambridge Analytica, par exemple, était l’informaticien milliardaire Robert Mercer, le plus important donateur de la campagne de Donald Trump. Mercer a détenu une participation dans Breitbart News, alors dirigé par Steve Bannon – qui a siégé au conseil d’administration de Cambridge Analytica en tant que son vice-président, avant de devenir le stratège en chef de Trump à la Maison-Blanche. Mercer aurait également, semble-t-il, exhorté Cambridge Analytica de soutenir la campagne Brexit.

Ligne directe vers l’ état profond

Pourtant, il ne s’agit là que d’une image partielle d’un réseau beaucoup plus large de connexions avec l’establishment. Les informations d’entreprise supprimées et les dossiers d’entreprise existants consultés par les services de renseignements d’INSURGE révèlent une série de relations englobant les échelons les plus secrets de l’industrie de la sécurité nationale du gouvernement britannique, de l’OTAN, du secteur militaire privé mondial et du commerce des armes, des institutions financier pro-Tory et de l’industrie mondiale des combustibles fossiles.

SCL Elections opère depuis 1993 pour fournir ce qu’elle décrit dans une section maintenant supprimée de son site Web comme « le sondage électoral avancé, la recherche d’audience et l’analyse comportementale » dans les campagnes électorales. Ces techniques ont été « adaptées à un usage civil à partir d’applications militaires pour mieux comprendre le comportement des électeurs ».

Une archive de l’ancien site Web de SCL contient un document d’information utile sur la façon dont le Groupe SCL a élaboré sa méthodologie dans un contexte militaire. La page décrit comment le succès des premiers essais sur le terrain dans les années 1990 :

« …a encouragé SCL à offrir ses compétences exceptionnelles aux armées internationales pour une évaluation critique indépendante*. Après une analyse approfondie de la méthodologie et une évaluation approfondie de son efficacité, SCL Defence fournit désormais les plus grandes forces armées du monde, y compris les départements de la Défense des États-Unis et du Royaume-Uni. »

L’astérisque se réfère au paragraphe suivant :

« *l’analyse indépendante de la méthodologie TAA [Target Audience Analysis] [analyse du public cible, NdT] de SCL entreprise par, entre autres, ARAG – Advanced Research and Assessment Group (UK) Ministry of Defence et Sandia National Laboratories – US Department of Energy’s National Nuclear Security Administration. L’approbation publique des capacités SCL publiée par le Government Accountability Office, département d’État. »

La description a ensuite précisé comment cette méthodologie d’influence comportementale a été appliquée aux populations civiles :
« Au cours de la même période, SCL a également proposé sa méthodologie TAA aux gouvernements et aux partis politiques du monde entier. Pour entreprendre ce travail, SCL a établi SCL Elections et depuis 1994 SCL Elections a fourni la recherche, la stratégie et l’exécution pour plus de 23 campagnes électorales – SANS ÉCHEC. »

Selon une autre description maintenant effacée du site Web de SCL Group sur sa division SCL Defense, la compagnie avait des liens étroits avec le ministère de la Défense britannique, et l’ensemble du corps diplomatique britannique :

« SCL est un organisme commercial agréé par le gouvernement britannique, autorisé à entreprendre des projets militaires et civils pour des clients étrangers. SCL a reçu l’accréditation “Liste X” du ministère de la Défense du gouvernement britannique, l’équivalent de Facility Security Clearance – FSC [Attestation de Sécurité d’installation – ASI, NdT] utilisée dans d’autres pays, ce qui nous donne l’autorisation entérinée par le gouvernement de traiter des informations marquées de façon protectrice comme “confidentiel” et au-delà. Nous avons une longue expérience dans le monde entier et les demandes de renseignements peuvent être adressées à n’importe quel haut-commissariat ou ambassade britannique. »

Selon les directives du gouvernement britannique sur les exigences de sécurité pour les entrepreneurs de la liste X, il s’agit des « sociétés opérant au Royaume-Uni qui travaillent sur des contrats du gouvernement britannique qui exigent qu’elles retiennent les informations classifiées. Ces informations sont classifiées ‘secret’ ou pire, ou les informations des partenaires internationaux classifiées ‘confidentiel’ ou pire et sont conservées dans leurs propres locaux sur un site spécifique. »

Un porte-parole du gouvernement a confirmé que le Groupe SCL n’avait actuellement aucun contrat actif avec le Ministère de la défense et qu’il n’avait donc « pas accès aux informations classifiées ou confidentielles du Ministère de la défense ». Toutefois, le porte-parole n’a pas précisé quand le Ministère de la défense avait passé son dernier contrat avec le Groupe SCL et à quelle fin.

HYPOTHÈSE : Le paragraphe supprimé du groupe SCL renvoie également à la manière dont les demandes de renseignements sur le groupe SCL pourraient être faites au travers d’une porte ouverte via les ambassades britanniques à travers le monde – ce qui semble indiquer une relation symbiotique avec le Foreign Office britannique.

Cette relation avec le ministère des Affaires étrangères soulève une question embarrassante : ses opérations de campagne sur Facebook pour influencer les élections nationales ont-elles été poursuivies au service des intérêts de la politique étrangère britannique ?

Quand j’ai posé cette question pour la première fois au ministère des Affaires étrangères, un porte-parole m’ a répondu : « Je suis en train d’examiner votre requête, mais j’ai été avisé que vous souhaiteriez peut-être contacter le ministère de la Défense à ce sujet ». Malgré des requêtes répétées, aucune autre clarification sur la relation symbiotique entre le Groupe SCL et le FCO (Foreign Office) n’a pu être apportée.

Le Groupe SCL, y compris sa filiale Cambridge Analytica, n’a pas répondu à mes multiples demandes de commentaires.

Dans des déclarations publiques antérieures, le Groupe SCL a fait tout son possible pour nier faire de la « désinformation » dans ses opérations d’influence.

Cependant, en 2005, à l’occasion du salon Defense Systems and Equipment International (DSEI), la plus grande vitrine britannique de la technologie militaire, la firme a présenté une maquette de ses opérations. L’étude de cas présentée était celle d’une épidémie de variole en Grande-Bretagne, jugulée par le gouvernement à travers « une campagne sophistiquée de manipulation de masse » visant à convaincre les Britanniques que la menace n’était pas une épidémie mais un accident dans une usine chimique. Le résultat, prétendument, serait que l’opération de propagande de SCL réduirait les pertes prévues d’environ 10 millions à seulement des milliers.

Dans une autre étude de cas, le Groupe SCL aiderait « un pays nouvellement démocratique d’Asie du Sud dans ses luttes avec des politiciens corrompus et la montée d’une insurrection », en aidant la monarchie à prendre le pouvoir, temporairement bien sûr. « Le scénario de SCL ressemble aussi beaucoup à l’utilisation d’une entreprise privée pour aider à renverser un gouvernement démocratiquement élu », a fait remarquer Sharon Weinberger.

Le complexe militaro-industriel anglo-américain

POSTULAT : La ligne directe vers « l’État profond » britannique n’est qu’un facteur parmi d’autres dans l’affinité du Groupe SCL avec les opérations de contre-insurrection des gouvernements occidentaux. L’autre facteur est la sous-traitance de ces opérations par des entreprises militaires privées, ayant souvent des antécédents douteux.

Depuis mai 2016, la filiale du groupe SCLSCL Elections – est dirigée par Mark Turnbull, ancien consultant en communication ayant longtemps travaillé au sein du géant des relations publiques Bell Pottinger.

Dans son profil LinkedIn, Turnbull affirme, lors de sa dernière mission chez Bell Pottinger, avoir « conseillé les gouvernements britannique et américain sur le rôle des communications stratégiques dans la planification et la mise en œuvre de la stratégie de défense nationale ».

En 2004, il a aussi fondé et dirigé chez Bell Pottinger un groupe de travail sur « les médias stratégiques et la capacité d’influence avec une équipe triée sur le volet pour mener des travaux de stabilisation, de contre-radicalisation et de réforme démocratique dans les zones de conflit et de fragilité géopolitique ».

À ce titre, il a « planifié et dirigé des campagnes de communication sur le ‘changement social’ dans plusieurs théâtres de conflits au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie du Sud » – y compris, dit-il, « un effort d’édification nationale de sept ans avec de multiples programmes intégrés portant sur la lutte contre le terrorisme, la stabilisation, les conflits ethno-sectaires et la réconciliation politique ».

C’est la même année, 2004, que Bell Pottinger a commencé à travailler en Irak, après avoir signé un accord de 5,6 millions de dollars avec l’Autorité provisoire de la coalition dirigée par les États-Unis pour promouvoir la « démocratie » dans le pays. Comme l’a rapporté Middle East Eye, le président de l’époque, Lord Bell, a déclaré au magazine PRWeek à l’époque : « Il n’ y a pas de mot arabe pour démocratie – ils utilisent le mot “democratier”, qui n’est pas arabe. C’est certainement un très grand défi de communication. Ce ne sera pas facile, mais ce sera gratifiant. »

Entre 2007 et 2011, Bell Pottinger a reçu 540 millions de dollars du département de la Défense des États-Unis pour des « opérations d’information et des opérations psychologiques ».

La production de Bell Pottinger au Pentagone sous la direction de Turnbull comprenait de fausses vidéos d’Al-Qaïda en Irak, selon un ancien employé de la firme. Celles-ci ont été copiées sur CD et jetées dans les rues par des soldats américains en patrouille.

Règles d’engagement : tirs de masse, recrutement d’enfants soldats, incompétence tactique

POSTULAT : Après s’être fait les dents dans des endroits comme l’Irak, Turnbull a cofondé et dirigé Aethos, une nouvelle unité de communication stratégique du géant britannique Aegis Defense Services. Aegis a opéré en Irak et en Afghanistan dans le cadre de contrats de plusieurs centaines de millions de dollars avec le Pentagone.

En 2005, Aegis [Aegis Defence Services : entreprise militaire et de sécurité privée anglo-américaine, NdT] a été mis sous les feux de la rampe lorsque des vidéos ont été diffusées par un ancien intervenant d’Aegis, Rod Stoner, qui semblait montrer des intervenants d’Aegis tirant au hasard sur des civils irakiens sur l’autoroute entre Bagdad et l’aéroport de la zone verte [enclave hautement sécurisée dans la ville de Bagdad, qui fut instituée en avril 2003 à la suite de la persistance des combats et des attentats après la fin officielle de la seconde guerre d’Irak, NdT]

Aegis a publié une déclaration officielle niant que les clips soient « liés d’une manière ou d’une autre à Aegis », et une enquête de l’armée américaine a conclu qu’aucun crime n’avait été commis car les fusillades étaient conformes aux « règles d’engagement ». Malgré ce démenti d’une relation avec la vidéo, Aegis a obtenu une injonction de la Haute Cour contre Stoner, l’obligeant à supprimer le site Web où il avait posté les vidéos.

Plus récemment, la société a été accusée d’avoir recruté des enfants soldats comme mercenaires en Sierra Leone.

Malgré cela, Aegis vient de signer un contrat de 1,3 milliard de dollars avec le département d’État de Donald Trump pour renforcer la sécurité des installations diplomatiques américaines dans le monde entier. Cela, malgré les inquiétudes internes des employés de l’ambassade américaine concernant l’incompétence tactique de l’entreprise et « un dangereux manque de compréhension de l’environnement opérationnel ».

Aethos, la division des communications stratégiques d’Aegis créée par Turnbull, a finalement été intégrée à l’entreprise principale – qui a été achetée en 2015 par l’entrepreneur canadien en sécurité GardaWorld, la plus grande entreprise privée de sécurité au monde.

GardaWorld est en proie à une controverse au sujet de sa gestion douteuse des opérations en Irak et en Afghanistan, de sa défense des intérêts pétroliers internationaux au Nigeria et, potentiellement, de la violation des résolutions du Conseil de sécurité interdisant au personnel mercenaire armé d’opérer en Libye.

Plusieurs des anciens collègues d’Aethos/Aegis de Turnbull sont aujourd’hui administrateurs de GardaWorld – Oliver Westmacott (président et directeur de l’exploitation) et le major-général Graham Binns (directeur général principal de la stratégie et des ventes, également directeur général d’Aegis).

HYPOTHÈSE : En bref, Turnbull apporte à SCL Elections des antécédents exemplaires en matière de manipulation psychologique dans le monde ténébreux des contrats militaires privés dans les théâtres de guerre étrangers. Et ces liens avec les entrepreneurs militaires privés continuent de porter leurs fruits.

« SCL a… fourni des évaluations du renseignement pour les sous-traitants de la défense américaine en Iran, en Libye et en Syrie », a rapporté le New York Times citant des documents de la société. Grâce à Facebook, ces techniques sont maintenant utilisées contre les populations locales pour influencer les élections nationales.

Le Groupe SCL n’a pas répondu aux demandes d’éclaircissements sur le travail de M. Turnbull chez Bell Pottinger et chez Aegis, ni sur la façon dont cette expérience pourrait influer sur son rôle à SCL Elections.

Commerce mondial des armes

POSTULAT : Les liens avec les entrepreneurs militaires privés américains et britanniques ne sont qu’une dimension des accréditations du Groupe SCL. Une autre est la connexion de l’entreprise avec le secteur de la défense mondiale, qui tourne autour du personnage de Julian Wheatland, un administrateur du groupe SCL qui est également président de longue date du conseil d’administration du Groupe SCL.

Tout en occupant le poste de président du Groupe SCL, Wheatland est en même temps le seul administrateur fondateur d’une société obscure appelée Hatton International Limited.

Hatton International était jusqu’à l’année dernière membre de « ADS », la première organisation commerciale pour les entreprises des secteurs aérospatial, défense, sécurité et spatial au Royaume-Uni. Le listing maintenant supprimé indique :
« Hatton International est une société de conseil, d’investissement principal et de services de compensation. Elle assure également la commercialisation et la promotion de certains services et équipements de défense. L’activité principale de Hatton est d’aider les entreprises internationales du secteur de la défense et de l’aérospatiale à satisfaire leurs obligations de compensation dans les pays clients. Hatton International offre des solutions de déport uniques, discrètes, sophistiquées et professionnelles, conçues sur mesure pour satisfaire les exigences économiques et de développement des clients. »

Les « compensations de défense » obligent les entreprises qui exportent des armes et de l’équipement vers un pays donné à réinvestir une partie de leur contrat dans ce pays. Comme le fait remarquer l’ONG britannique Transparency International : « Les compensations sont de grandes entreprises, mais elles sont très opaques et reçoivent beaucoup moins de transparence et d’attention qu’elles ne le devraient, étant donné leur vulnérabilité à un risque élevé de corruption. »

Le site Web de Hatton International lui-même ne fait aucune mention du tout de sa spécialisation dans les compensations de l’industrie de la défense. Cependant, une version archivée du site Web remontant à juillet 2009 indique, après avoir énuméré une série d’activités anodines comme les projets de développement d’infrastructures :

« Nous sommes spécialisés dans l’assistance aux entreprises aérospatiales internationales pour leurs obligations de compensation à l’étranger et pouvons concevoir des programmes sur mesure, adaptés aux besoins de l’entreprise et du pays client. »

Les clients comprennent « des entreprises internationales, des ministères et des bureaux de gestion du patrimoine. »

HYPOTHÈSE : Le Président du Groupe SCL opère ainsi au cœur du secteur le plus opaque de l’industrie de la défense mondiale.

Wheatland n’a pas répondu aux questions sur l’influence de ce travail sur les opérations du Groupe SCL.

Grandes entreprises et gros gisements de pétrole

POSTULAT : Par l’intermédiaire de Hatton International, le Groupe SCL est également lié aux intérêts planétaires en matière de combustibles fossiles.

De 2014 à 2016, Wheatland a été administrateur de Phi Energy Limited, la société londonienne de Phi Energy Group, une société pétrolière éphémère qui « explorait des opportunités » en Libye, aux États-Unis, en Afrique et en Europe de l’Est, selon un dossier de présentation sur la société. L’entreprise a fait faillite en 2016.

Wheatland figure dans le réseau comme le directeur administratif et financier de Phi Energy Group. Le même réseau identifie les sociétés avec lesquelles Phi Energy a travaillé comme suit : Shell, Noble Group, Eni, Esso, BP, Statoil, Tamoil, Total et Saras – un véritable « who’s who » des majors pétroliers internationaux.

Tarick Kreimeia, alors directeur commercial de Phi Energy, travaillait aussi directement sous les ordres de Wheatland – il est décrit dans la plateforme comme « un directeur de Hatton International ». Le profil LinkedIn de Kreimeia fournit plus de détails, l’identifiant comme « directeur non exécutif » de Hatton International entre septembre 2012 et août 2016. Ce profil reconnaît le travail de M. Hatton « avec les entreprises des secteurs de la défense et de l’aérospatiale », mais ajoute également qu’il « aide les entreprises clientes, en particulier dans le secteur de l’énergie, à élaborer des stratégies de financement qui permettront d’atteindre les objectifs stratégiques et de commercialiser de nouveaux produits et de nouvelles propositions ».

Le curriculum vitae de Kreimeia chez Phi Energy le décrit comme un acteur clé dans la négociation d’accords de raffinage dans les pays du Moyen-Orient. Il a, par exemple, assisté de grandes raffineries de l’UE dans les négociations avec la compagnie pétrolière nationale libyenne (LNOC), la compagnie pétrolière nationale irakienne et le gouvernement régional kurde (KRG).

HYPOTHÈSE : Il se trouve que ce sont des régions où des entrepreneurs privés associés aux directeurs du groupe SCL ont entrepris des opérations rentables, dans le contexte des interventions militaires américano-britanniques.

Eurosceptiques thatchéristes

POSTULAT : Par l’intermédiaire de sa filiale SCL Elections, le Groupe SCL a également des liens beaucoup plus directs que ce que l’on avait compris jusqu’à présent avec des éléments de l’establishment financier britannique de tendance conservatrice, dont certains sont hostiles à l’Union européenne.

Les registres d’entreprise obtenus par INSURGE pour SCL Elections Ltd montrent que la société britannique, créée en 2012, n’ a jamais eu que deux administrateurs. L’un d’entre eux est Alexander Nix, PDG de Cambridge Analytica, filiale de SCL Elections. L’autre était Christian Patrick Teroerde, qui a rejoint l’entreprise lors de sa fondation quelques mois seulement après sa constitution en société, en tant qu’administrateur pendant un an de février 2013 à 2014.

Depuis 2010, Patrick Teroerde est cofondateur et directeur général de Hanson Asset Management, créé à l’origine pour formaliser la gestion et le contrôle des actifs de la famille Hanson.

La richesse de la famille Hanson a été constituée grâce à Hanson PLC sous la direction Lord James Hanson, un industriel thatcherien dont la stratégie principale était d’acheter et de transformer des actifs en difficulté. Les acquisitions couvraient un large éventail de secteurs, notamment des vêtements de prêt-à-porter, les produits chimiques, les matériaux, le charbon et le tabac.

Hanson PLC avait, par exemple, acquis Peabody Holding Co. dans les années 1990, qui était alors le plus grand producteur de charbon aux États-Unis, et Imperial Tobacco Group (aujourd’hui Imperial Brands), le quatrième plus grand fabricant de cigarettes au monde.

En 1983, le premier ministre Margaret Thatcher a fait de Lord Hanson un pair à vie. En retour, il a donné des millions de livres au Parti conservateur.

Lord Hanson est l’un des fondateurs du groupe anti-européen « Business for Sterling » et membre du groupe de réflexion Bruges fondé par Thatcher pour promouvoir une Europe moins centralisée. Les deux organisations jouent un rôle clé dans la politique conservatrice anti-UE.

De 1999 à 2002, le « Business for Sterling » de Lord Hanson a été dirigé par Dominic Cummings, qui est ensuite devenu directeur stratégique des conservateurs. Cummings servira plus tard de conseiller spécial de l’arch-eurosceptique , ensuite ministre de l’Éducation Michael Gove. Finalement, Cummings lui-même a été directeur de campagne du Vote Leave, la campagne officielle pour que la Grande-Bretagne quitte l’UE.

On ne sait pas exactement quel rôle Teroerde a joué à SCL Elections au cours de son mandat d’un an. Mais ce poste coïncidait avec son rôle actuel au sein de Hanson Asset Management, où il travaille sous la direction du fils de Lord Hanson, Robert, qui préside le conseil d’administration. L’adresse de correspondance pour le poste d’administrateur de Teroerde chez SCL Elections est la même que celle de Hanson Asset Management.

Ce lien est remarquable parce que Vote Leave, dirigé par l’ancien substitut de Lord Hanson, Dominic Cummings, a payé une obscure firme canadienne, AggregateIQ, 3,5 millions de livres pour le profilage et la publicité sur Facebook. Cummings lui-même est cité sur le site Web d’AggregateIQ qui loue le travail du cabinet.

Pourtant, l’entreprise est directement liée au Groupe SCL et, à un moment donné, semble avoir été exploitée en tant que sa filiale canadienne.

Des rapports dans la presse canadienne confirment qu’AggregateIQ avait déjà été engagé par le Groupe SCL. Jusqu’en février 2017, le bureau d’AggregateIQ à Victoria était inscrit sur le site Web du Groupe SCL à titre de bureau canadien. La liste a disparu, mais la version archivée de la page contenait un numéro de téléphone qui a été transmis directement au PDG d’AggregateIQ, Zack Massingham.

Un porte-parole du Groupe SCL a déclaré qu’AggregateIQ avait été sous contrat pour « le développement de logiciels et le marketing numérique (avant que nous n’ayons développé notre propre capacité interne dans ces domaines) ». Massingham a insisté sur le fait « qu’à part le travail que nous avions fait dans le passé, nous n’avons pas d’affaires courantes avec eux[SCL] ».

Carol Cadwalladr a mis fin à ces dénégations en découvrant une entente de licence de propriété intellectuelle confidentielle et signée qui accordait à SCL Elections un « droit exclusif », « mondial », « à perpétuité » d’utilisation de toute la propriété intellectuelle d’AggregateIQ.

Ni Teroerde, ni Cummings n’ont pu être contactés pour un commentaire.

Magnats du vin et de l’immobilier

POSTULAT : Le dernier lien découvert pour la première fois par INSURGE est le lien direct du Groupe SCL avec un groupe de magnats britanniques de l’immobilier fortement investi dans le marché immobilier russe – et avec des objectifs économiques intrigants pour ce pays.

Roger Michael Gabb, administrateur du Groupe SCL détenant la plus grande participation dans la société, est également administrateur des filiales SCL Insight et SCL Analytics.

Gabb a fait fortune dans l’industrie vinicole à travers les sociétés Western Wines et la marque sud-africaine Kumala. C’est un donateur conservateur de longue date. Les dossiers du Registre des intérêts des députés de la Chambre des communes montrent qu’il a toujours fait des dons pendant plus d’une décennie au député Philip Dunne, qui, de 2012 à 2016, a occupé une série de postes au ministère de la Défense liés à l’équipement, aux acquisitions et à la technologie de la défense. Dunne est ministre de la Santé depuis 2016.

Gabb occupe simultanément un poste de directeur au sein du Tal Se Land Development Partnership, où ses partenaires comprennent de puissants financiers britanniques qui investissent massivement dans l’immobilier. La principale participation dans ce partenariat est contrôlée par Hamilton Portfolio Ltd, une société de fonds de placement privé et d’investissement immobilier présidée par Sir John Boyle, qui est également administrateur associé dans le Groupe SCL de Gabb dans la société Tal Se.

Boyle est un véhément défenseur du Brexit qui est apparu sur Newsnight pendant l’été 2016.

Parmi les partenaires de Gabb figurent également Bimaljit Singh Sandhu et Anton Bilton, qui appartiennent tous deux à une société appelée Raven Russia.

Bilton est cofondateur et vice-président exécutif de Raven Russia Ltd, une société d’investissement immobilier basée à Moscou. L’entreprise a construit ou acquis 176 hectares d’entrepôts logistiques de classe A à Moscou, Saint-Pétersbourg, Rostov-sur-le-Don et Novossibirsk, ainsi que 5 hectares de bureaux commerciaux à Saint-Pétersbourg. La valeur brute du portefeuille de Raven Russia s’élève actuellement à 1,3 milliard de dollars.

Raven Russia a été construit à partir de l’acquisition de l’ancienne société de Bilton, dont il était l’actionnaire majoritaire, le groupe Raven – un promoteur immobilier résidentiel et commercial qui louait des immeubles aux ministères du gouvernement britannique et à d’importants commerçants tels que Tesco, UCI Cinemas, Royal Bank of Scotland et Toys R Us. Le groupe Raven a été racheté par Raven Mount PLC, avant d’être racheté par Raven Russia.

En cours de route, Bilton a travaillé directement avec l’autre codirecteur de Gabb, Singh Sandhu, qui a été PDG de Raven Mount Group jusqu’en 2009.

Un porte-parole de Raven Russia a déclaré : « M. Bilton ne connaît pas et n’a jamais entendu parler ni de Roger Gabb ni du groupe SCL ». Le porte-parole a d’abord nié que Bilton était un partenaire de Gabb à Tal Se, affirmant : « M. Bilton n’est pas au conseil d’administration de Tal Se. Il y était investisseur personnel il y a de nombreuses années, mais n’avait aucune implication opérationnelle ou managériale. »

Cependant, les registres de Tal Se confirment que la société est une LLP, [limited liability partnership, correspond à SARL, NdT] dont Bilton et Gabb sont tous deux des « membres désignés » – ce qui équivaut en fait au rôle des administrateurs d’une société anonyme privée normale, qui ont la responsabilité légale et réglementaire des affaires financières et administratives de la société. Gabb a été nommé membre désigné de Tal Se le 25 février ; Bilton le lendemain, le 26 février. La nomination de nouveaux membres désignés dans un REEP nécessite l’approbation des autres membres désignés, ce qui implique au moins que Gabb – ou son représentant légal – aurait dû approuver la nomination de Bilton.

Pressé sur ce point, le porte-parole de Raven Russia a déclaré que Bilton ne connaissait pas le groupe SCL ou Gabb, mais a admis que Bilton reste un investisseur dans leur société immobilière en nom collectif, Tal Se : « M. Bilton est un investisseur à Tal Se, mais son implication (qui est passive) ne l’a pas mis en contact avec M. Gabb. »
HYPOTHÈSE : Les investissements immobiliers russes des partenaires commerciaux d’un directeur du groupe SCL servent de point d’entrée pour les investisseurs étrangers sur les marchés russes. Leurs locataires comprennent un mélange de sociétés étrangères et d’intérêts russes oligarchiques. Les entreprises occidentales bien connues qui louent les entrepôts de Raven Russia en Russie comprennent Pepsi, Bacardi, L’Occitane en Provence, Oracle, DHL, Gates Corporation, entre autres.

Des liens avec Trump ?

Ensuite, il y a les entreprises russes plus traditionnelles qui sont des clients de Raven Russia, comme X5 Retail Group, le plus grand détaillant de produits alimentaires en Russie, dont l’actionnaire principal est le Alfa Group Consortium, l’un des plus grands conglomérats d’investissement privés de Russie – accusé de liens avec Trump et le président russe Vladimir Poutine selon un dossier controversé, en grande partie non vérifié, compilé par un ancien officier du MI6.

Il y a des indices curieux, mais peu concluants, de bonnes relations entre Alfa Group et Donald Trump – preuve moins convaincante qu’Alfa Group est fortement lié à Poutine.

Une connexion passe encore une fois par Julian Wheatland. Lors de sa nomination au sein du groupe SCL en 2006, il a été simultanément directeur général de Consensus Community, la branche d’investissement du groupe d’affaires Consensus appartenant à Vincent Tchenguiz.

Tchenguiz est un magnat de l’immobilier britanno-iranien dont le père faisait partie du cercle intime du brutal Shah d’Iran (installé lors du coup d’État de 1953, soutenu par la CIA et le MI6) et dirigeait la Monnaie royale.

Tchenguiz et sa famille sont d’importants donateurs conservateurs – mais le magnat ne possède plus d’actions du Groupe SCL. Il partage cependant un bureau sur Park Lane avec le président milliardaire du groupe Alfa, Mikhail Fridman.

Plusieurs personnes liées à Fridman ont également assisté à un dîner de gala en Russie en 2014, qui avait accueilli Jared Kushner et Ivanka Trump.

Ouverture de la Russie au capitalisme occidental

En revanche, la thèse largement répandue selon laquelle le Groupe Alfa fonctionne comme une sorte de mandataire de Poutine est du journalisme paresseux.

Fridman n’est pas dans la poche de Poutine, selon le Financial Times. Les proches associés de Fridman ont des liens personnels forts avec Poutine qui peuvent être mis à profit, mais son réel intérêt réside dans l’effet de levier Western capital. Dans un portrait perspicace pour Intellinews, Ben Aris observe que pour Fridman, qu’il a rencontré pour la première fois au milieu des années 1990 :
« Tout est à vendre au juste prix, mais les seules personnes qui ont le genre de monnaie auquel s’intéresse Fridman sont les grandes sociétés mondiales. Alors qu’il attend l’intégration de la Russie à l’économie mondiale, au point où ces acteurs mondiaux viendront faire des investissements stratégiques dans les entreprises russes, il est occupé à développer son entreprise aussi vastement que possible. »

Fridman est en effet l’un des oligarques les plus pro-occidentaux de Russie. Il est né à Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, et Alfa Bank Ukraine est florissante car elle gagne des parts de marché. Les principaux membres du Groupe Alfa ont échappé aux listes de sanctions américaines et européennes. Fridman a demandé la résidence permanente en Grande-Bretagne, et prévoit de vendre ses actions dans la compagnie pétrolière TNK-BP, sa coentreprise en Russie avec BP.

BP figurait sur la liste des majors pétroliers avec lesquels Phi Energy Group, la société holding énergétique du président de SCL Group, Julian Wheatland, avait travaillé.

Wheatland n’a pas répondu aux questions sur le travail de Phi Energy avec BP.

Bon baisers en Russie

Une brochure financière de 2009 de Russia Raven montre que deux des partenaires commerciaux de Roger Gabb, Bimaljit Singh et Anton Bilton, étaient actionnaires majoritaires de Raven Mount PLC et de Russia Raven, son nouveau propriétaire. Le document fournit également un aperçu détaillé de la perception des risques de la société sur les investissements immobiliers en Russie.

HYPOTHÈSE : Ces perceptions des risques démontrent que les partenaires commerciaux de Gabb ont tout intérêt à ce que la Russie maintienne un climat politique et économique « stable », propice à l’investissement étranger.

L’approche semble avoir une double ramification : d’une part, Russia Raven déteste radicalement la politique de sanctions internationales à l’encontre de la Russie, qui a sapé la rentabilité de son portefeuille – une question qui s’alignerait naturellement sur Poutine.

D’autre part, l’objectif primordial est un intérêt personnel sans vergogne : une économie russe très ouverte aux affaires – c’est-à-dire, avec le moins de restrictions possibles sur la pénétration des capitaux étrangers occidentaux, une approche qui ne serait pas aussi favorable aux efforts de Poutine pour consolider le contrôle de l’État russe sur l’économie.

Le document de 2009 identifie une série de facteurs qui pourraient nuire à la rentabilité de l’entreprise: « l’instabilité politique » ou « l’agitation sociale » ; la « détérioration » de « l’infrastructure physique » de la Russie ; la baisse de la rentabilité des exportations de pétrole de la Russie, qui pourrait « réduire la valeur des actifs russes » ; la « manière imprévisible » dans laquelle les réglementations russes en matière d’investissements étrangers et les lois fiscales évoluent; et, le plus grand croque-mitaine de tous – la menace potentielle d’un recul de la privatisation :
« Depuis le début des années 1990, la Russie a entrepris un important programme de privatisation. Cependant, un lobby anti-privatisation existe toujours au sein du parlement russe. La renationalisation des actifs ne peut pas être exclue. Une telle activité pourrait avoir une incidence défavorable importante sur la valeur des actifs de la Société… Certaines entités gouvernementales ont tenté d’invalider des privatisations antérieures. L’expropriation ou la nationalisation des sociétés dans lesquelles la Société investit, ou de leurs actifs ou parties d’actifs, potentiellement avec peu ou pas de compensation, aurait un effet défavorable significatif sur la Société. »

Courant 2015, un rapport annuel de Russia Raven déplore la possibilité que « les sanctions à l’encontre de la Russie restent en vigueur dans un avenir prévisible et soient potentiellement renforcées ».

Le rapport met en garde contre un scénario dans lequel la Russie pourrait être fondamentalement isolée des marchés occidentaux, notant que l’un des effets négatifs des sanctions est :
« L’isolement persistant de la Russie par rapport aux marchés internationaux et l’exacerbation du ralentissement de l’économie russe… Il est difficile d’atténuer le pire des scénarios si l’escalade devait fermer les frontières de la Russie aux marchés occidentaux. »

HYPOTHÈSE : Ces documents suggèrent que les partenaires commerciaux d’un cadre supérieur de SCL Group détenant les plus importantes parts de la société ont des intérêts directs dans une alliance économique plus profonde entre les investisseurs privés de l’Ouest et de Russie.

Le porte-parole de Raven Russia n’a pas répondu à ma question sur l’un de ses locataires, le X5 Retail Group. J’avais demandé : « L’un des principaux locataires de Raven Russia est le X5 Retail Group, propriété du consortium Alfa, accusé de divers liens avec Donald Trump. Je note également que divers documents de Raven Russia font clairement état d’une opposition claire aux sanctions internationales à l’encontre de la Russie et d’un désir ardent d’ouvrir la Russie aux investisseurs occidentaux. Cela suggère un alignement avec les éléments de l’administration Trump en cours d’enquête sur les liens et les intérêts avec la Russie. J’apprécierais les commentaires de votre cabinet à ce sujet. »

Aucun commentaire n’ a été formulé à ce sujet.

L’alignement structurel entre ces intérêts a-t-il joué un rôle dans l’influence des activités du Groupe SCL en matière de lutte contre la guerre de l’information antirusse ? Raven Russia a nié avoir quoi que ce soit à voir avec SCL Group, et SCL Group ne m’a pas répondu à cette question.

Ce que nous savons, c’est qu’en mai 2015, la filiale de SCL Group, SCL Defence, a donné une formation de trois mois à l’Académie nationale de la défense de la République de Lettonie à Riga, au nom du Centre d’excellence pour les communications stratégiques de l’OTAN.

Selon une annonce de l’OTAN, le cours a enseigné « des techniques avancées de contre-propagande conçues pour aider les États membres à évaluer et à contrer la propagande russe en Europe de l’Est », y compris en Ukraine.

Le programme a été financé par le gouvernement canadien à hauteur d’un million de dollars canadiens.

Dans une annonce au sujet du projet lors du sommet de l’OTAN au Pays de Galles en septembre 2014, le premier ministre Stephen Harper a expliqué que le financement « renforcera la capacité des centres d’excellence de l’OTAN dans la région à mieux relever les défis de sécurité régionale liés à l’énergie, aux communications et à la cyberdéfense ».

Il a fait allusion à la nécessité de convaincre les Européens de la vision régionale de l’OTAN en matière d’énergie : « se diversifier en dehors de la Russie », principalement en augmentant les exportations américaines de gaz vers le continent, selon David Korayni, du Conseil de l’Atlantique, dans le magazine NATO Review.

SCL Group n’a pas répondu aux multiples demandes de commentaires. Un porte-parole de sa filiale américaine, Cambridge Analytica, m’a finalement rappelé pour me dire que la firme ne serait pas en mesure de commenter parce qu’il ne restait « que quelques jours avant les vacances de Noël ».

Retour sur Facebook : outil de propagande gouvernementale

De part et d’autre de l’Atlantique, SCL Group a été mouillé par des enquêtes officielles sur la subversion du processus démocratique aux États-Unis et au Royaume-Uni. Malgré cela, l’entreprise reste très enracinée dans les milieux politiques américains et britanniques.

Aux États-Unis, l’entreprise a obtenu un contrat de 496 232 de dollars en février 2017 avec le Global Engagement Center (GEC) du département d’État américain pour des travaux « d’analyse du public cible » de potentiels extrémistes.

Le mandat du GEC est défini par la National Defense Authorization Act (NDAA) de 2017, qui affirme que l’un de ses objectifs fondamentaux est de « contrer la propagande et la désinformation étrangères dirigées contre les intérêts des États-Unis en matière de sécurité nationale et de faire avancer de manière proactive des récits factuels qui soutiennent les alliés et les intérêts des États-Unis ».

Il s’agit notamment de remonter des informations sur les médias sociaux qui peuvent être considérées comme menaçantes pour la sécurité nationale des États-Unis, tout en tirant parti de ces données pour créer de nouvelles campagnes d’information visant à promouvoir la politique de sécurité nationale américaine.

Selon Ken McCallion, un ancien procureur américain, SCL Group utilise activement les connexions de l’administration Trump « pour obtenir d’autres contrats gouvernementaux avec le ministère de la Défense, du ministère du Commerce, de la Sécurité Intérieure, de la National Highway Traffic Safety Administration et d’autres agences. »

Facebook reste un canal majeur pour ces campagnes d’influence du gouvernement américain.

« En utilisant les publicités Facebook, je peux aller dans Facebook, je peux aller chercher un public, je peux choisir un pays X, j’ai besoin d’un groupe d’âge de 13 à 34 ans, j’ai besoin de gens qui ont aimé – que ce soit Abu Bakr al-Baghdadi ou n’importe quel autre ensemble – je peux tirer et les atteindre directement avec des messages », a déclaré l’ancien directeur du GEC Michael Lumpkin, décrivant la dépendance du département d’État sur la publicité Facebook.

POSTULAT : Le gouvernement britannique est également fasciné par le battage sur les succès de SCL Group sur Facebook avec la campagne Trump.

En février 2017, une conférence organisée en association avec le Foreign Office britannique par l’agence exécutive du FCO, Wilton Park, a accueilli deux représentants de la filiale SCL Group, SCL Elections : Mark Turnbull, directeur général, et David Wilkinson, alors directeur scientifique des données.

Turnbull et Wilkinson sont intervenius sans la conférence sur la question de « l’examen de l’application des data dans la récente élection présidentielle américaine ».

La réunion initiée et conduite par Jonathan Allen – directeur général intérimaire de la Défense et du renseignement du FCO  – a été décrite par un document du programme d’une conférence de Wilton Park comme étant conçue pour « explorer de nouvelles occasions pour le FCO de mieux utiliser les données en diplomatie, mais aussi de nouvelles menaces qui remettent en question les méthodes de travail actuelles ».

Le forum s’est concentré sur l’évaluation des « opportunités et des menaces » découlant « d’une application particulière au rôle du Foreign Office dans la diplomatie et l’élaboration des politiques internationales ». Les résultats escomptés de la réunion étaient les suivants : « Idées et recom-mandations à prendre en considération par le FCO pour une meilleure utilisation des données dans la politique étrangère ».

Pourquoi le Foreign Office s’intéresse-t-il aux travaux de SCL Group sur les données pour soutenir la campagne Trump ?

HYPOTHÈSE : Le gouvernement britannique considère implicitement que de telles techniques sont potentiellement utiles dans les théâtres étrangers – ce qui soulève une autre question embarrassante : comment la stratégie Big Data de SCL Elections pour soutenir Trump, utilisant l’infrastructure de Facebook pour le profilage comportemental des populations de masse, s’inscrit-elle dans le programme de politique étrangère du gouvernement britannique ?

En réponse à cette même question, un porte-parole du Foreign Office a effectivement refusé de faire des commentaires, m’ordonnant plutôt de parler au ministère de la Défense.

Hégémonie de l’information

Il devrait être clair maintenant que Facebook a été complice volontaire de l’utilisation de sa plateforme pour le profilage comportemental et la manipulation de l’audience.

Selon le directeur de la campagne numérique de Trump, Brad Parscale, la campagne Trump avait des employés de Facebook « installés à l’intérieur de nos bureaux », fournissant des conseils sur la façon dont la plateforme pourrait être utilisée pour cibler les électeurs. Facebook avait même créé des divisions au sein de l’entreprise par affiliation politique pour soutenir les deux parties.

Dans une déclaration sur le rôle présumé de la plateforme dans la victoire électorale de Trump, Facebook a précisé qu’elle avait offert une « assistance identique » aux équipes de Trump et Clinton.

« Tout le monde avait accès aux mêmes outils », a déclaré l’entreprise. « Les deux campagnes ont abordé les choses différemment et ont utilisé des volumes d’assistance différents. »

Nonobstant Trump et Brexit, le plus grand bénéficiaire de toute cette activité n’est pas SCL Group, ni le complexe industriel militaire, ni les gouvernements américain, russe ou britannique – mais Facebook lui-même.

Facebook, qui est en passe d’être plus puissant que la NSA dans moins de 10 ans, profite massivement de tous les aspects de la guerre de l’information.

Sous le vernis libéral de « rendre le monde plus ouvert et connecté », Mark Zuckerberg a repris le modèle économique traditionnel de corruption et trafic d’armes et l’a appliqué sans réserve au cyberespace.

Facebook détient donc la seule carte qui compte vraiment à l’ère du pouvoir par la propagande au XXIe siècle : la domination de l’information.

Lorsque l’entreprise a répondu à mes demandes de renseignements, elle l’a fait par l’intermédiaire d’un consultant du géant Teneo Blue Rubicon (TBR). Facebook semblait un peu nerveux au sujet de ses réponses. Au début, le consultant de TBR a averti qu’aucun des commentaires ne pouvait être « attribué à un porte-parole de Facebook », et qu’ils avaient qualité « d’information générale uniquement ».

Cinq heures plus tard, il semblait que Facebook avait changé d’avis. Le consultant m’a envoyé un mail : « Facebook donne son accord pour que vous utilisiez ceci en tant que commentaires officiels. »

Ainsi, le cercle se referme en voyant comment même les consultants en relations publiques de Facebook, Teneoe Blue Rubicon, ont des liens curieux avec exactement le même réseau relationnel SCL Group.

En octobre 2016, Beth Armstrong, ancienne conseillère spéciale de Michael Gove, qui a également apporté un soutien ministériel à Vote Leave, s’est jointe à Teneo Blue Rubicon en tant que consultante principale.

Entre 2014 et 2015, elle a été consultante principale à la division des relations publiques de Bell Pottinger aux côtés de Mark Turnbull, juste avant qu’il ne se joigne à SCL Elections, qui a supervisé le travail sur Facebook de Cambridge Analytica en vue de la victoire de la campagne Trump.

C’est le lien incestueux du pouvoir dans lequel Facebook s’est compromis. Pourtant, c’est un lien de pouvoir rendu possible fondamentalement par notre propre dépendance bizarre et persistante à la plateforme.

D’ici 2025, en s’assurant une capacité sans entrave de surveiller, d’analyser et de modéliser le comportement de la quasi-totalité de la population mondiale, l’entreprise aura une emprise mondiale vraiment effrayante.

Sa consolidation pourrait bien signifier l’assujettissement définitif de nos démocraties déjà fragiles à l’emprise manipulatrice et irresponsable du Big Data.

Et pourtant, la perversion de nos processus démocratiques n’est qu’une fraction de l’impact corrosif de la plate-forme sur la société civile. Le modèle économique de base de Facebook consiste à centraliser les profits grâce à des techniques dégradantes de persuasion « dopaminée », qui sèment de profondes divisions sociales, alimentent des comportements polarisants et minent la santé psychologique.

Nous devons nous demander pourquoi nous y sommes encore branchés ?

Cet avenir mono-culturel n’est pas inévitable. Il y a une issue vers un avenir polyculturel.

ACTION : Facebook peut être contrecarré. Mais il ne peut pas être contrecarré sans que les gens partent se brancher ailleurs. Et nous ne nous débrancherons pas tant que nous n’aurons pas compris comment notre propre complicité dans l’expansion de cette machine, à travers une apathie insondable et une résignation vers un «destin» tout à fait inutile, est le véritable moteur de la machine.

Si nous ne le faisons pas, alors dans moins de 10 ans, un monstre incontrôlable de Big Data inaugurera une nouvelle ère dangereuse de contrôle social mondial comme nous n’en avons jamais vu.

Nafeez Ahmed est un journaliste d’investigation primé et expert en systèmes complexes dans le champ des sciences sociales. Il est co-fondateur de PressCoin et de sa publication phare, INSURGE intelligence, qui exploite les innovations en matière de blockchain et de crypto-monnaie, et un format d’enquête Open Inquiry, pour remplacer l’écosystème d’information inadapté qui conduit au chaos et à la confusion sur la planète par un système d’intelligence collective robuste. Il tient également la chronique ‘System Shift‘ dans Motherboard de VICE, est chroniqueur à Middle East Eye, et était auparavant analyste des questions géopolitiques liés à l’environnement sur le blog The Guardian’s Earth Insight. Son dernier livre, Failing States, Collapsing Systems: BioPhysical Triggers of Political Violence (Springer, 2017), [États défaillants, effondrement systémique : les déclencheurs biophysiques de la violence politique] est une étude scientifique sur la façon dont les crises climatiques, énergétiques, alimentaires et économiques sont à l’origine des échecs des États dans le monde.

Source : Insurge Intelligence, Nafeez Ahmed, 29-12-2017

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

via » Facebook deviendra plus puissant que la NSA en moins de 10 ans – à moins qu’on ne l’arrête, par Nafeez Ahmed

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