Gestation pour autrui : «En Inde, les mères porteuses sont réduites à l’état d’esclaves»
Après une longue enquête, Sheela Saravanan révèle les conditions dans lesquelles se déroule la gestation pour autrui en Inde : très pauvres, les mères porteuses sont retenues en quasi captivité, sans aucun soutien psychologique. Un récit bouleversant.
Sheela Saravanan est une chercheuse indienne, titulaire d’un doctorat en santé publique , et a travaillé dans plusieurs universités allemandes. Elle appartient notamment à l’Institut d’Éthique et d’Histoire de la médecine, à l’Université de Göttingen. Féministe, elle s’intéresse aux violences faites aux femmes en Inde et dans les pays du Sud, ainsi qu’aux technologies de reproduction, en particulier la PMA.
Elle a mené une longue enquête auprès des mères porteuses en Inde, et a publié à la suite de ses recherches A Transnational Feminist View of Surrogacy Biomarkets in India(Springer, 2018), un document réalisé à partir de nombreux entretiens. Elle y révèle les conditions terribles dans lesquelles les mères porteuses sont étroitement surveillées tout au long de leur grossesse. Entretien exclusif.
FIGAROVOX.- Pour quelles raisons avez-vous choisi de vous intéresser aux mères porteuses en Inde?
Sheela SARAVANAN.- En 2007, L’Inde était la deuxième destination au monde en matière de tourisme médical, grâce à la qualité de son système de santé, de ses équipements et de l’accessibilité des soins. Je pensais donc que les parents d’intention (les personnes qui ont recours à une mère porteuse pour obtenir un enfant) étaient attirés par la modernité des équipements médicaux et le haut degré de qualification des médecins, ainsi que par la permissivité de la législation indienne, la faiblesse des coûts et la disponibilité des mères porteuses.
Mais lorsque je suis venue en Inde et que j’ai discuté avec des parents d’intention, j’ai compris en réalité qu’ils viennent surtout parce qu’en Inde, les mères porteuses n’ont absolument aucun droit sur l’enfant qu’elles portent, ni même sur leur propre corps tout au long de leur grossesse. Elles ne bénéficient d’aucun soutien légal ni psychologique. On leur demande d’allaiter l’enfant qu’elles ont porté, puis on le leur arrache sans leur apporter la moindre assistance psychologique.
C’est tout le contraire de ce que l’on nous montre à la télévision: dans les talk-shows comme celui d’Oprah Winfrey aux États-Unis, on nous vend une image romantique de la gestation pour autrui en Inde, comme si c’était un service rendu, entre sœurs, en quelque sorte. J’ai donc pris conscience qu’en Inde, la gestation pour autrui est une violation flagrante des droits de l’homme, et qu’elle fait encourir d’importants risques pour la santé des femmes.
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