Une énième tentative de coup d’État a eu lieu le 24 juin 2019 au Venezuela. Tous les protagonistes ont été arrêtés les 22 et 23 et le ministre de l’Information, Jorge Rodríguez, a longuement expliqué à la télévision les tenants et les aboutissants de l’affaire. Elle a été éclipsée par le malaise d’un des chefs lors de sa comparution au tribunal, puis de sa mort à l’hôpital. Elle est pourtant très instructive.
À la différence des fois précédentes, ce complot était observé depuis 14 mois par une unité du Renseignement militaire qui avait été formée par le Renseignement cubain. Durant toute cette période, les Vénézuéliens ont pénétré le groupe et surveillé ses communications audio et vidéo. Ils disposent ainsi de 56 heures d’enregistrement qui fournissent autant de preuves irréfutables.
Plusieurs des individus arrêtés avaient déjà été mêlés aux complots précédents de sorte qu’il est difficile de concevoir cette opération distincte de celles commanditées précédemment par la CIA.
Pas plus d’avenir pour l’opposition que pour le gouvernement
Deux remarques s’imposent. En premier lieu, ce complot était à la fois dirigé contre le président constitutionnel Nicolás Maduro et contre le président autoproclamé Juan Guaidó pour porter un troisième homme au pouvoir, le général Raúl Isaías Baduel.
Ce dernier, ancien chef d’état-major, puis ministre de la Défense, avait été démis de ses fonctions par le président Hugo Chávez, s’était retourné contre lui et avait pris la tête de l’opposition en 2009. Cependant, il s’avéra qu’il avait détourné de l’argent de son ministère. Il fut jugé et condamné à 7 ans de prison ferme qu’il purgea. Il fut à nouveau incarcéré durant le mandat du président Nicolás Maduro et est toujours emprisonné. Un commando devait le libérer et l’emmener à la télévision nationale pour annoncer le changement de régime.
Le fait de promouvoir un troisième président confirme notre analyse, publiée il y a deux ans [1], selon laquelle le but des États-Unis n’est pas de remplacer le régime bolivarien par un autre plus obéissant, mais de détruire les structures étatiques du pays. Du point de vue US, ni la majorité nationaliste ni l’opposition pro-US ne doivent espérer d’avenir.
Les Vénézuéliens qui suivent Guaidó et croient que le soutien US les amènera à la victoire doivent aujourd’hui constater leur erreur. L’Irakien Ahmed Chalabi et le Libyen Mahmoud Jibril sont retournés dans leurs pays dans les bagages des GI’s. Ils n’ont jamais connu le destin qu’ils espéraient.
Les analyses classiques du XXème siècle selon lesquelles les États-Unis préfèrent des gouvernements vassaux à des égaux sont dépassées au stade actuel du capitalisme financier transnational. C’est le sens de la doctrine militaire Rumsfeld/Cebrowski en vigueur depuis 2001 [2] qui a déjà dévasté le « Moyen-Orient élargi » et s’abat aujourd’hui sur le « Bassin des Caraïbes ».
Selon les enregistrements du complot, celui-ci n’était pas organisé par les États-Unis, même s’il est probable qu’ils l’aient supervisé, mais par des Israéliens. Au cours des 72 dernières années, la CIA a organisé une invraisemblable quantité de « changements de régime » par des « coups d’État » ou des « révolutions colorées ». Par souci d’efficacité, l’Agence peut confier simultanément des missions identiques à plusieurs unités, voire déléguer à des sous-traitants certaines opérations. C’est souvent le cas du Mossad qui loue également ses services à de nombreux autres clients.
Ainsi, il y a quatre ans, une autre tentative de coup d’État avait eu lieu au Venezuela. L’opération prévoyait alors divers assassinats et une manifestation qui devait prendre d’assaut le palais présidentiel de Miraflores. TeleSur avait montré que cette tentative était encadrée par des étrangers qui arrivèrent spécialement dans le pays dans les jours la précédant. Ils ne parlaient pas l’espagnol. Aussi le parcours de la manifestation avait-il était mystérieusement fléché avec des graffitis d’étoiles de David et d’instructions en hébreu.
Israël en Amérique latine
Prudemment le ministre Jorge Rodríguez a évité de se prononcer publiquement pour dire si les Israéliens qui dirigeaient le complot du 22 juin étaient ou non mandatés par leur État. De nombreux exemples attestent que c’est tout à fait possible.
Le rôle des services secrets israéliens en Amérique latine remonte à 1982. Au Guatemala, le président judéo-chrétien Efraín Ríos Montt [3] massacra 18 000 Indiens. Pendant qu’Ariel Sharon envahissait le Liban, le Mossad poursuivait dans son ombre les expériences sociales qu’il avait menées depuis 1975 dans l’Afrique du Sud de l’apartheid : créer des Bantoustans pour les Mayas ; un modèle qui sera appliqué aux Palestiniens après les Accords d’Oslo (1994). Contrairement à une lecture optimiste des événements, le fait que le Premier ministre Yitzhak Rabin ait personnellement supervisé les expérimentations sociales en Afrique du Sud [4] ne plaide pas pour sa bonne foi lorsqu’il s’est engagé à Oslo à reconnaître un État palestinien démilitarisé.
Dans les dix dernières années, les services secrets israéliens
ont « autorisé » la société « privée » israélienne Global CST à conduire l’opération « Jaque » de libération d’Íngrid Betancourt, otage des FARC colombiennes (2008) [5].
ont envoyé au Honduras des snipers assassiner les leaders des manifestations pro-démocratie lors du coup d’État contre le président constitutionnel Manuel Zelaya (2009) [6].
ont activement participé au renversement de la présidente brésilienne Dilma Rousseff au sein de la Banque centrale, de la sécurité des Jeux olympiques de Rio de Janeiro et du Sénat (2016).
En outre, les Forces de défense israéliennes
ont loué une base sous-marine au Chili ;
ont envoyé des milliers de soldats suivre des stages de deux semaines dans la propriété de Joe Lewis en Patagonie argentine [7].