Je sais qui est le pays suivant sur la liste des invasions des USA
Pour stopper l’interminable ronde des guerres des USA à travers la planète, la solution définitive consiste à abattre le système du dollar hérité de Bretton Woods, qui leur permet d’alimenter un gigantesque complexe militaro-industriel privé en partie avec les impôts des contribuables américains, mais surtout en créant de la dette à volonté. Aujourd’hui (chiffres pour mars 2018), la dette des USA s’élève à 21 trillions de dollars et sa hausse s’accélère : elle a grimpé en flèche d’un trillion de dollars au cours des seuls six derniers mois. Dans le même temps, pour 2018, Donald Trump a alloué un budget de 700 milliards de dollars au Pentagone, la plus forte somme jamais accordée à un appareil militaire de toute l’histoire de l’humanité. Et inutile d’ajouter que cet argent est prévu pour maintenir la puissance militaire de l’Amérique du Nord à travers le monde et faire tourner son industrie d’armement, ses sous-traitants militaires, ses programmes de développement d’armes, et bien sûr les bombes dont elle est si prodigue.
Les USA préservent le statut de monnaie de réserve du dollar de plusieurs façons, notamment en imposant une suprématie du système bancaire occidental partout où ils le peuvent.
Par Lee Camp
Paru sur Truthdig sous le titre I Know Which Country the U.S. Will Invade Next
A la fin de cet article, le nom du prochain pays qui sera envahi par les États-Unis sera clair. Ou du moins, le nom du pays que notre complexe militaro-industriel-du renseignement rêve d’envahir.
Nous voulons tous savoir pourquoi l’Amérique fait ce qu’elle fait. Et je ne veux pas dire pourquoi les Américains font ce qu’ils font. Je pense que cette dernière question sera examinée dans des siècles par un professeur du futur qui montrera à ses élèves une vidéo incompréhensible de lutteurs actuels échangeant des coups de pied sur la tête pendant que des spectateurs en extase applaudissent à tout rompre (non pas l’un des deux lutteurs, mais les coups de pied sur la tête).
Mais nous semblons tous sûrs que l’Amérique du Nord – l’entité, la multinationale – dépasse le seul sadisme et qu’un raisonnement plus large sous-tend ses démarches, les actions entreprises par son élite dirigeante. Et nous savons presque tous que les raisons qui nous en sont données par les secrétaires de presse et les hommes-troncs caricaturaux des journaux télévisés du soir représentent le degré le plus blet, le plus fétide de l’art du baratin.
Nous savons aujourd’hui que l’invasion de l’Irak n’avait rien à voir avec des armes de destruction massive. Nous savons que la casse de la Libye n’avait rien à voir avec « un homme mauvais à stopper ». Il suffit d’un coup d’œil rapide sur les actes récents des dictateurs dans le monde pour s’apercevoir que les USA se contrefichent de savoir s’ils sont bons ou mauvais, et s’ils emploient leur temps libre à tuer des milliers de personnes innocentes ou à réarranger leur jardin de rocailles. En fait, les USA offrent une assistance militaire à 70% des dictateurs du monde.
Donc, si ce n’est pas pour les raisons qu’ils exposent, pourquoi est-ce que les USA envahissent, renversent et occupent parfois des pays ? De toute évidence, il y a des ressources en pétrole et en minéraux rares à annexer. Mais c’est autre chose qui relie presque toutes les guerres récentes des USA.
Comme l’a rapporté le Guardian juste avant le début de la Guerre d’Irak, « En octobre 2000, l’Irak a insisté pour abandonner le dollar US – la monnaie de l’ennemi – pour l’euro, une monnaie plus multilatérale. »
Malgré tout, un seul exemple ne suffit pas à prouver une tendance. Si c’était le cas, je serais un champion de jeux à boire mondialement reconnu plutôt que de me contenter de scores minables, sauf les jours de forme exceptionnelle.
Mais il y a plus. Peu après que la Libye ait commencé à aller vers une monnaie africaine adossée à l’or – et à demander à ses voisins africains de la rejoindre – nous l’avons également envahie, avec l’aide de l’OTAN. L’auteur Ellen Brown l’a souligné à l’époque de l’invasion.
Mouammar Kadhafi a entamé un mouvement de refus du dollar et de l’euro, et appelé les pays arabes et africains à adopter une nouvelle monnaie, le dinar-or.
John Perkins, auteur des ‘Confessions d’un assassin financier’, a également écrit que la vraie raison de l’attaque de la Libye était l’abandon du dollar et de l’euro par Kadhafi.
Cette semaine, The Intercept a rapporté que le renversement de Kadhafi, qui avait été mené en grande partie par Nicolas Sarkozy de France, était en rapport avec des millions donnés à Sarkozy par Kadhafi, et il semblait que cette corruption allait être révélée. Mais l’article notait également que « le zèle militaire [de Sarkozy] et sa soif de changement de régime ne sont venus qu’après qu’Hillary Clinton et la Ligue arabe aient signalé leur désir de voir Kadhafi partir. » Et le fait que Kadhafi ait été en pleins préparatifs pour abandonner le pétrodollar en Afrique donnait certainement le mobile nécessaire. (Il n’en faut pas beaucoup aux USA pour s’exciter à la perspective d’une nouvelle campagne de bombardements, de toutes façons.)
A ce point, vous pouvez être en train de penser, « Mais Lee, ta théorie est ridicule. Si ces invasions avaient trait au secteur bancaire, alors les rebelles en Libye – aidés par l’OTAN et les États-Unis – auraient monté un nouveau système bancaire après avoir fait tomber Kadhafi. »
En fait, ils n’ont même pas attendu aussi longtemps. Au beau milieu d’une guerre brutale, les rebelles libyens ont formé leur propre banque centrale.
Ellen Brown a écrit, « Plusieurs auteurs ont noté le fait bizarre que des rebelles libyens aient pris du temps sur leur rébellion pour créer leur propre banque centrale – avant même d’avoir formé un gouvernement. »
Wow, là, ça a bien l’air d’être en rapport avec le secteur bancaire.
Nombre d’entre vous connaissent la célèbre citation du général Wesley Clark sur les sept pays à envahir en cinq ans. Clark est un général multi-étoilé, ancien chef du commandement suprême de l’OTAN, et il a été candidat aux élections présidentielles US en 2008 (c’est clairement un cancre). Mais il est très possible que dans cent ans, la seule chose dont l’Histoire se souviendra à son propos sera son aveu selon lequel le Pentagone lui avait dit en 2002 : « Nous allons envahir sept pays en cinq ans. Nous allons commencer par l’Irak, puis la Syrie, le Liban, puis la Libye, la Somalie, le Soudan. Nous allons revenir et prendre l’Iran en cinq ans. »
La plupart de ces prédictions se sont accomplies. Bien sûr, nous avons ajouté des pays à la liste, par exemple le Yémen. Nous aidons à détruire le Yémen pour faire plaisir à l’Arabie Saoudite. Apparemment, notre gouvernement/nos médias ne s’inquiètent que des enfants syriens (pour justifier le changement de régime). Nous ne pourrions pas être plus indifférents au sort des enfants yéménites, des enfants irakiens, des enfants libyens, des enfants afghans, des enfants palestiniens, des enfants nord-coréens, des enfants somaliens, des enfants de Flint (Michigan)*, des enfants de Baltimore, des enfants amérindiens, des enfants porto-ricains, des enfants Na’vi… (non, attendez, je crois que ceux-là viennent du film Avatar. C’était de la fiction, je crois. Mes souvenirs et les films en 3-D commencent à s’entremêler).
Ellen Brown est allée encore plus loin dans son analyse de la révélation fracassante de Clark.
Qu’est-ce que ces sept pays ont en commun ? Aucune de leurs banques centrales n’est référencée comme l’une des 56 banques-membres de la BIS (Bank for International Settlements, banque des règlements internationaux). Cela les place hors de portée du long bras régulateur de cette banque centrale des banques centrales. Les plus renégats du lot pourraient être la Libye et l’Irak, les deux qui ont été attaqués ».
Ce que je m’échine à tenter de vous dire est ceci : c’est en rapport avec le secteur bancaire.
Donc, là, vous êtes en train de penser, « Mais Lee, pourquoi est-ce que les USA ont une telle envie de transformer la Syrie en champ de ruines alors que la Syrie n’a jamais abandonné le dollar ? Toute ta théorie inepte se casse la figure ».
D’abord, ayez l’amabilité de me parler sur un autre ton. Ensuite, en février 2006, la Syrie a abandonné le dollar comme principale monnaie d’échanges internationaux.
Je crois avoir démontré une tendance. En fait, le 4 janvier, il a été rapporté que le Pakistan lâchait le dollar dans ses échanges commerciaux avec la Chine, et le même jour, les USA l’ont placé sur une liste de surveillance de violations des libertés religieuses. Le même jour ? Sommes-nous censés penser qu’il s’est trouvé, par hasard, que le Pakistan a cessé d’utiliser le dollar le jour même où il s’est mis à tabasser des chrétiens sans raison valable ? Non, clairement, le Pakistan avait violé notre religion des espèces sonnantes et trébuchantes.
Ce qui laisse une question : Qui sera le prochain sur la liste des invasions illégales emballées dans des justifications ineptes des USA ? Bien, la semaine dernière, l’Iran a finalement basculé dans le camp ennemi : il est passé du dollar à l’euro. Et, pardi, cette semaine, le complexe militaro-industriel des USA, les médias grand public et Israël se sont rejoints pour affirmer que l’Iran mentait sur son programme de développement nucléaire. Quelles étaient les chances pour que cette nouvelle émerge, par le plus grand des hasards, quelques jours après que l’Iran ait abandonné le dollar ? Quelles. Étaient. Les. Chances ?
(L’Iran a officiellement abandonné le dollar — tout comme l’Irak et la Libye avant que nous ne les envahissions et que nous détruisions leurs sociétés sous de faux prétextes. Dans les mois à venir, observez bien les communiqués officiels désignant l’Iran comme « sponsor du terrorisme ».)
La bonne nouvelle, à propos de la fabrication du consentement menée par notre État au service des corporations, est sa prévisibilité. Nous allons dorénavant voir un nombre croissant de reportages, rapports et articles de presse soutenant que l’Iran est un sponsor du terrorisme international et qu’il tente de développer des armes nucléaires (qui sont des ADM, mais pour une raison obscure, nos médias n’osent pas dire « Ils ont des ADM »). Ici, un article de 2017 de PBS affirme que l’Iran est le principal sponsor mondial du terrorisme. De toute évidence, la liste officielle gouvernementale US des sponsors du terrorisme citée par l’article ne comprend pas le pays d’origine des armes qui ont significativement renforcé les capacités militaires de Daech. (Ce sont les USA).**
Ni le pays qui largue des centaines de bombes par jour sur le Moyen-Orient. (Ce sont les USA). Mais ces bombes ne causent aucune terreur. Ce sont des bombes souriantes, clairement. Apparemment, nous larguons des programmes comiques sur des gens innocents.
Le fait est que, alors que nous observons la façon dont nos consternants médias grand public continuent à fabriquer le consentement des masses, cette fois pour une guerre contre l’Iran, ne nous y laissons pas prendre. Ces guerres se font pour le secteur bancaire occidental dirigé par les USA. Et des millions de victimes innocentes se font tuer. Des millions d’autres voient leurs vies entièrement détruites.
Vous et moi sommes juste des pions, et la dernière chose que l’élite dirigeante veut voir sont des pions qui remettent en question leurs versions officielles.
Lee Camp est un satiriste politique, écrivain, acteur et activiste américain. Il anime l’émission satirique hebdomadaire Redacted Tonight sur RT America. Il a écrit pour The Onion et le Huffington Post.
Traduction et notes Corinne Autey-Roussel pour Entelekheia
Photo : Yazd, Iran
Notes de la traduction :
*A Flint, dans le Michigan, l’eau « potable » de la ville est restée imbuvable de 2014 à 2016 à cause d’une haute teneur en plomb après que, par mesure d’économie, la compagnie privée de traitement d’eau de la ville ait commencé à s’approvisionner non plus auprès de Detroit, mais dans la rivière polluée Flint plus proche. On n’y compte plus les cas de saturnisme et de maladies associées, dont certaines incurables.
** Dans le rapport officiel américain ‘Country Reports on Terrorism 2016’ repris par l’article de PBS mentionné par Lee Camp, l’Arabie Saoudite et les États du Golfe ne sont cités que pour leur « combat contre le terrorisme ». Orwell aurait adoré.
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