John Kiriakou: Ni la pluie, ni le verglas, ni la neige n’empêcheront la Poste de vous espionner
Source : Consortium News, John Kiriakou, 28-02-2019
28 Février 2019
On l’appelle « le programme de traitement du courrier » et il est géré par le service postal américain (USPS). Effectivement, nous dit John Kiriakou, même la Poste nous espionne.
Vous vous souvenez peut-être que l’année dernière, un dingue avait été arrêté pour l’envoi de courriers piégés à des figures du parti Démocrate et à des opposants à Donald Trump. Moins d’une semaine après l’envoi des lettres, un suspect était arrêté. Quasiment dans la foulée, une vidéo surgit le montrant lors d’un rassemblement organisé par Trump, arborant un chapeau « Make America Great Again » et chantant face à la caméra. Il fut rapidement jugé, inculpé et emprisonné. Fin de l’histoire.
Mais l’histoire n’était pas terminée. L’enquête attira l’attention sur un programme fédéral de surveillance quasiment inconnu qui menaçait directement la vie privée et les droits constitutionnels de chaque Américain. Intitulé « Programme de traitement du courrier », il est géré par le service postal américain (USPS). Oui, même la Poste nous espionne.
Le « Programme de traitement du courrier » autorise les employés à photographier le recto et le verso de tout courrier traité et à envoyer ces informations aux agences fédérales telles que le FBI, le DHS [Department of Homeland Security, équivalent du ministère de l’intérieur, NdT], les services secrets, etc…). Les informations sont également enregistrées numériquement et transmises à toute agence gouvernementale les demandant – sans mandat.
En 2015, les inspecteurs de la Poste américaine ont publié un rapport stipulant que « les agences doivent démontrer qu’elles ont des raisons valables à leurs demandes de surveillances du courrier, elles doivent envoyer une demande écrite au service d’enquêtes criminelles pour le traitement et le faire de manière restreinte et confidentielle. Cette opération ne doit pas être utilisée comme une technique habituelle d’enquête. Des contrôles insuffisants sur ce programme de surveillance du courrier pourraient entraver la capacité du service de contrôle de la Poste à mener des enquêtes efficaces, conduire à des inquiétudes concernant le secret postal et porter préjudice à la Poste. »
Retour à l’expéditeur
Les avertissements furent non seulement ignorés mais le programme de surveillance postale fut étendu après la publication du rapport. En effet dans les mois qui suivirent, il y eut 6000 demandes dont dix seulement furent rejetées, selon le numéro de février 2019 du magazine américain Prison Legal News (p34-35).
J’ai une certaine expérience du programme de surveillance postale. J’ai passé 23 mois en prison pour avoir dénoncé le programme de torture illégal de la CIA. J’étais emprisonné depuis deux mois lorsque je commandais à un prisonnier très doué artistiquement une carte d’anniversaire pour les 40 ans de mon épouse. Je l’envoyais deux semaines à l’avance mais elle ne l’a reçu jamais. La carte postale me revint finalement au bout de quatre mois portant l’étiquette jaune « retour à l’expéditeur – adresse inconnue ». Mais sous cet autocollant se trouvait un second autocollant jaune où il était écrit « Ne pas distribuer. En attente pour le superviseur. Programme de surveillance ».
Pourquoi étais-je sous la surveillance de la Poste ? Je n’en ai aucune idée. J’étais passé en jugement, l’affaire était terminée. Mais n’oubliez pas que la Poste n’a à répondre à personne, ni mes avocats, ni mon juge, ni même à son propre inspecteur général. Elle n’a nul besoin de mandat pour m’espionner (moi ou ma famille) et n’a même pas à répondre à un membre du congrès qui pourrait demander des renseignements sur l’existence même de cet espionnage.
Le problème ne réside pas simplement dans la nature sinistre d’une agence gouvernementale (ou quasiment gouvernementale) qui espionne des individus sans motif réel et sans respecter les règles, bien que ce soient de sérieux problèmes. C’est que le programme est géré de façon si médiocre et hasardeuse que dans certains cas, la surveillance a été exercée contre des personnes sans raison apparente d’application de la loi et par des employés de la Poste qui n’avaient aucune autorisation pour le faire. Encore une fois, il n’y a aucun recours parce que les personnes sous surveillance ne savent même pas que tout cela se produit.
Un aspect peut-être encore plus dérangeant du programme est le fait qu’entre 2000 et 2012 la Poste a lancé une moyenne de 8000 demandes de surveillances postales par an. Et en 2013 le nombre grimpait à 49 000. Pourquoi ? Nul ne le sait et la Poste n’a même pas besoin de répondre.
Néanmoins la question ne concerne pas le nombre de cas relevant du programme de surveillance postale, ni même le nombre de demandes d’information. La véritable question est la suivante : est ce constitutionnel ? Une autre question se pose peut-être : Pourquoi personne n’a contesté le programme devant les tribunaux ? Les Américains ne se sont généralement pas – ou tout au moins ne s’étaient pas – opposés à une perte graduelle des libertés civiles et des droits constitutionnels. Cela doit cesser. Quand même la Poste vous espionne, vous savez que la République est en danger.
John Kiriakou est un ancien officier du contre-terrorisme de la CIA et un ancien enquêteur principal auprès de la commission sénatoriale des affaires étrangères. John est devenu le sixième lanceur d’alerte mis en examen par l’administration Obama sous le coup du « Espionage Act », une loi visant à poursuivre les espions. Il a purgé une peine de 23 mois de prison pour avoir essayé de s’opposer au programme de torture de l’administration Bush.
Source : Consortium News, John Kiriakou, 28-02-2019
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.*
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