La future identité numérique en cinq questions

Conçue comme un moyen de sécuriser et de faciliter les démarches en ligne, l’identité numérique pourrait devenir un outil clé au cours des prochaines années. A tel point que la Commission européenne appelle à développer une solution harmonisée à l’échelle de l’Union.

Un seul mot de passe pour effectuer toutes ses démarches en ligne. Cette phrase pourrait passer pour une belle utopie, compte tenu du nombre d’identifiants et de codes d’accès qu’il faut retenir aujourd’hui.

Mais cela pourrait devenir rapidement une réalité. Les initiatives se multiplient pour mettre en place des systèmes d’identité numérique, qui doivent permettre de s’identifier sur un grand nombre de sites. La Commission européenne s’est emparée récemment du sujet, appelant à une «identité numérique» unifiée à l’échelle de l’UE.

1. Qu’est-ce que l’identité numérique ?

Au sens large, l’identité numérique d’une personne est l’ensemble des éléments la concernant publiés sur Internet. Cela peut être des contenus postés sur les réseaux sociaux, un pseudonyme, un avatar, des commentaires, etc. Mais ce terme prend désormais une autre signification, plus institutionnelle, plus servicielle.

Dans cette optique, l’identité numérique devient une sorte de jumeau en ligne. Elle peut être directement liée à la carte nationale d’identité, qui dispose, dans certains pays, d’un volet numérique, ou reposer sur une solution développée par un organisme ou une entreprise.

Elle permettra d’obtenir un accès uniformisé et sécurisé à un maximum de services sur Internet, du paiement de ses impôts ou de ses factures d’énergie à la gestion de ses droits de formation, par exemple. En d’autres termes, il devient possible d’utiliser un même dispositif d’identification pour effectuer la majorité de ses démarches en ligne. Et celui-ci se suffit à lui-même pour prouver l’identité de l’utilisateur, qui aura donc moins de justificatifs à fournir.

2. Que veut faire la Commission européenne ?

Au cours d’un point presse, le 3 juin, la Commission européenne a proposé la mise en place d’un cadre européen portant sur l’identité numérique, avec l’idée que celle-ci soit « accessible à tous les citoyens, résidents et entreprises de l’UE ». « Les citoyens pourront accéder à des services en ligne grâce à leur identification numérique nationale, qui sera reconnue dans toute l’Europe », ambitionne ainsi l’instance.

« L’identité numérique européenne nous permettra d’agir dans n’importe quel Etat membre comme nous le ferions chez nous, sans frais supplémentaires et plus facilement, que ce soit pour louer un appartement ou pour ouvrir un compte bancaire en dehors de notre pays d’origine, a déclaré la vice-présidente de la Commission, Margraethe Vestager. […] Nous aurons ainsi une occasion unique d’approfondir ce que cela signifie de vivre en Europe et d’être européen. »

Dans les faits, cette volonté implique de rendre compatibles et de faire communiquer entre eux les systèmes d’identité numérique nationaux. « Afin que cette initiative se concrétise dans les meilleurs délais, […] la Commission invite les Etats membres à mettre en place une boîte à outils commune d’ici à septembre 2022 et à entamer immédiatement les travaux préparatoires nécessaires », précise l’exécutif européen.

3. Où en est la France ?

Après avoir déployé, le mois dernier, la nouvelle carte nationale d’identité équipée d’une puce électronique, le France a pris du retard sur le lancement de son pendant numérique. L’Etat n’a toujours pas tranché sur ses contours exacts.

A l’heure actuelle, il n’existe qu’une seule alternative validée par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Proposée par La Poste, elle s’appuie sur France Connect, qui offrait déjà une compatibilité entre les systèmes d’identification de plusieurs plateformes institutionnelles, comme l’Assurance maladie ou Impôts.gouv.fr.

La solution proposée par le groupe public, qui comptabilise à ce jour 300.000 inscriptions, repose sur une double authentification. « A chaque fois que vous allez vous connecter sur un site, votre application Identité numérique La Poste va s’ouvrir sur votre smartphone et vous demander de confirmer l’accès via un code à quatre chiffres, ou de le bloquer si vous n’êtes pas à l’origine de cette connexion », explique-t-on du côté de l’entreprise publique.

Celle-ci revendique une compatibilité avec « 900 services publics et privés ». On retrouve notamment dans la liste l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), qui sert au renouvellement des titres d’identités ou des cartes grises de véhicules, les impôts et l’Assurance maladie, donc, mais aussi l’Assurance retraite, le Compte personnel de formation, mais aussi des banques, des mutuelles, ou des fournisseurs d’énergie comme Engie ou Enedis.

4. Comment créer son identité numérique ?

La Poste propose trois méthodes différentes pour obtenir son identité numérique. La première consiste à se préinscrire en ligne, en fournissant les scans de sa carte nationale d’identité, son passeport ou son titre de séjour, puis de se déplacer en bureau de poste ou de prendre rendez-vous avec son facteur pour obtenir la certification.

La seconde se fait à 100 % en ligne. Après la préinscription, l’utilisateur reçoit par email une lettre recommandée numérique, contenant le code d’activation du service. Pour l’ouvrir, il doit compléter un processus de reconnaissance faciale, qui va comparer l’image capturée par la caméra du smartphone ou de l’ordinateur à celle de la pièce d’identité. Dans ces deux premiers cas, le délai maximal entre la préinscription en ligne et la finalisation de la procédure ne doit pas excéder 15 jours.

La troisième méthode, donne quant à elle la possibilité de se rendre dans un bureau de poste sans préinscription préalable pour réaliser l’ensemble de ces opérations avec l’aide d’un chargé de clientèle.

Dans tous les cas de figure, il est impératif de disposer d’un smartphone permettant l’installation de l’application dédiée. La Poste précise par ailleurs que « les Français habitant à l’étranger pourront créer leur Identité Numérique avec un numéro portable portant un indicatif autre que celui de la France à partir de la fin juillet ».

5. Où en sont les autres pays européens ?

Selon la Commission européenne, il existe aujourd’hui 19 systèmes d’eID, utilisés au sein de 14 Etats membres, offrant une couverture théorique de 60 % de la population de l’UE. « Mais le décollage est lent et leur utilisation est fastidieuse », souligne l’instance.

Certains pays sont particulièrement avancés. C’est notamment le cas de l’Allemagne, qui opère déjà la liaison entre la carte nationale identité et l’identité numérique. Depuis mars, une compatibilité est d’ailleurs assurée entre les eID allemande, autrichienne et néerlandaise. L’Estonie fait également partie des Etats membres les plus en pointe sur le sujet.

L’UE elle-même ne va d’ailleurs pas partir de zéro pour son projet d’uniformiser les eID de ses pays membres. Depuis 2014, elle dispose d’un cadre juridique dénommé eIDAS, conçu pour sécuriser et faciliter l’identification électronique aux frontières et la certification numérique au sein de l’UE. Mais celui-ci n’a aucun caractère contraignant pour les Etats membres et ne permet pas une utilisation pour des services privés ou via des appareils mobiles. Autant de points que devra régler le cadre de la future eID européenne.

Florian Maussion

Source : La future identité numérique en cinq questions | Les Echos

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