L’attitude initiale ambigüe des États-Unis envers l’État Islamique (2/5) : La Russie se met à combattre sérieusement les milices

Suite de notre série sur le rôle des États-Unis dans la guerre de Syrie et d’Irak.

Billet 1 :

    1. “Une guerre aérienne non sérieuse contre Daech”

 

  1. De lourds soupçons sur l’attitude américaine au cours des premiers mois
  2. Les bombardements initiaux limités de la coalition ont pu être contreproductifs

Billet 2 :

  1. La Russie se met à combattre sérieusement les milices
  2. Une stratégie de bombardements de la coalition peu efficace

Billet 3 : VI. Des livraisons (involontaires ?) d’armes à l’ennemi

Billet 4 : VII. Un embarrassant rapport de renseignement

Billet 5 : VIII. Le rôle (initial) de Daech : « atout stratégique » des États-Unis ?

IV. La Russie se met à combattre sérieusement les milices

Finalement, confrontée au risque de la chute de Damas en raison de l’avancée des rebelles, la Russie s’est mise à bombarder les djihadistes à partir du 30 septembre 2015.

Rappelons que Laurent Fabius avait encore démontré sa finesse et la qualité de ses renseignements pas plus tard que la veille, accusant la Russie de “parler beaucoup” et ne rien faire sur le terrain :

Et le “problème” est que la Russie, contrairement aux puissances occidentales, bombardait VRAIMENT les milices djihadistes (Source : The Independant) :

“Les chasseurs militaires russes ont, à certains moments, réalisé en Syrie plus de sorties en un jour que la coalition menée par les États-Unis n’en a réalisée en un mois.”

Au final, la Russie a donc réalisé, à elle seule, des bombardements beaucoup plus intenses que la coalition États-Unis-Europe-Pays Arabes :

Toutefois, les Russes n’ont pas voulu faire de différence entre djihadistes “extrémistes” et rebelles “modérés” (à la modération toute relative…), ce qui a déplu aux Américains, pour des raisons que rappelait Zbigniew Brzezinski en 2015 (Source) :

Moscou a choisi l’intervention militaire, sans aucune coopération politique ou tactique avec les États-Unis – la principale puissance étrangère engagée directement, même si peu efficacement, à destituer M. Assad. Dans ce but, [Moscou] a lancé des attaques aériennes contre des éléments syriens qui sont soutenus, formés et équipés par les Américains, infligeant des dégâts et faisant des victimes. Au mieux, c’était une illustration de l’incompétence militaire russe ; au pire, la preuve d’une volonté dangereuse de mettre en évidence l’impuissance politique américaine.” [Zbigniew Brzezinski, 4/10/2015]

C’est pourquoi cette intervention russe n’a pas plu à nos fidèles alliés dans “la lutte contre le terrorisme”, le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Turquie (Source) :

Bombarder les djihadistes après quatre années de croissance de Daech “ne fera qu’attiser l’extrémisme et la radicalisation”…

V. Une stratégie de bombardements de la coalition peu efficace

Le 25 septembre 2014, soit un mois après le début des bombardements de la coalition, la presse rapporte des informations sur le financement de Daech (Source : Les Échos) :

Le groupe se financerait entre autres par la vente de pétrole en contrebande par camion, tirant de 1 à 3 millions de dollars par jour.

14 mois plus tard, le 19 novembre 2015, nouvelles informations (Source : Les Échos) :

Daech a donc, dans l’intervalle, diversifié ses sources de financement, la vente de pétrole représentant alors autour de 4 millions de dollars par jour...

Dès lors, un des premiers objectifs des bombardements russes a été de couper net les circuits de financements de Daech, en ciblant en premier lieu ses fragiles réseaux de vente de pétrole. L’aviation russe a alors visé les camions-citernes, cibles à la fois évidentes et faciles. Bilan : plus de 1 200 détruits en 2 mois :

Il est donc regrettable que la coalition n’ait guère pensé à suivre cette stratégie en l’espace de 15 mois. Il faut dire qu’ils ciblaient apparemment très large, malgré leurs bombardements très limités en nombre (Source : U.S. Department Of Defense) :

Ces bombardements américains du 3 octobre 2015 ont donc détruit, entre autres, une motocyclette et une pelleteuse, une seconde ayant apparemment survécu….

Dernier point problématique : La Russie, gênée à l’Est par la coalition, a alors dû restreindre le périmètre de ses frappes au nord-ouest de la Syrie (Source) :

Christopher Davidson indiquant :

« La Russie est gênée dans sa capacité à bombarder Daech puisque la coalition dirigée par les États-Unis a mis en place une zone d’exclusion aérienne effective au-dessus de la plupart des territoires contrôlés par l’État Islamique. Les avions russes, syriens et iraniens ne peuvent voler dans cette zone. Les États-Unis disposent même d’une base aérienne dans l’extrême Nord-Est de la Syrie, à seulement quelques kilomètres de cibles de Daech facilement atteignables. »

Sous ce parapluie aérien très peu offensif, Daech a alors pu continuer assez librement ses déplacements, dans des convois qui atteignaient parfois des centaines de véhicules…

 

via » L’attitude initiale ambigüe des États-Unis envers l’État Islamique (2/5) : La Russie se met à combattre sérieusement les milices

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