Le confinement est inefficace et même contreproductif !

Vraiment : quelle drôle d’époque !

Nous sommes face à une saisonnalité (et non pas une deuxième vague) pressentie et annoncée depuis longtemps et, malgré cela, nous vivons la même gabegie.

Les patients ne sont toujours pas soignés au stade précoce de l’infection. Les hôpitaux se retrouvent engorgés par un flux de patients et pour cela, on met à l’arrêt une société et précipite des millions de personnes dans la misère, tout en instrumentalisant les soignants qui en viennent à devenir des multiplicateurs des injonctions délétères de l’État.

Ils s’adressent en effet à la population sur le registre : acceptez et soumettez-vous aux mesures qui vous sont imposées « pour nous aider » et parce que sinon « vous êtes des égoïstes qui êtes la cause de cette épidémie. »

Heureusement, quelques-un(e)s cherchent encore à y voir clair. Et parmi les motifs les plus intéressants que l’on observe, le fait -ici à de nombreuses reprises présenté- que non, le confinement n’a pas d’effet tangible sur les courbes épidémiques.

Ce qui s’inscrit en faux de tout ce qui nous est affirmé depuis le mois de mars.

Les données probantes sont impitoyables : le confinement n’aplatit pas les courbes, celles-ci vivent leur vie quelles que soient les « mesures autoritaires » (et non pas sanitaires) que l’on prend ou non. Il tend même à les aggraver, pour des raisons déjà développées ici (surinfection et multiplication des cas graves). Et provoque des dégâts infiniment pires : la surmortalité attendue au Royaume-Uni comme conséquences délétère du confinement de mars-avril ascende à 200’000 morts supplémentaires ainsi qu’à une estimation de dix à seize millions de chômeurs supplémentaires !

Or que font à nouveau nos gouvernements ? Ben, confiner pardi : what else ?!

Certes, les idées sont lentes à cheminer dans les esprits quand une propagande aussi massive et brutale a été martelée depuis des mois et des mois. Et oui, il faut s’armer de patience pour inverser ces idées fausses qui creusent les vraies tombes d’aujourd’hui et de demain (la mortalité actuelle de la Covid-19 est faible, est touche une population ayant dépassé l’espérance de vie !)

Je suis d’autant plus reconnaissant à MM. Gilles Pech de Laclause et Arnaud Delenda ainsi qu’à la Dre Lana Augistinici, qui conduisent une passionnante recherche épidémiologique et statistique depuis des mois.

Ayant eu la bonté de me consulter (avec nombre d’autres experts) tout au long de leur travail, ils m’ont permis d’en suivre le développement. Avec leur accord (dont je les remercie), je suis très heureux de partager ce travail de grande qualité avec les lectrices et lecteurs de ce blog.

Il s’agit à nouveau d’un article requérant un certain effort de lecture pour les personnes qui ne sont pas habituées à cette sorte de littérature scientifique. Ici encore celles et ceux qui en feront l’effort en seront récompensés !

Une petite manie de lecture des articles scientifiques consiste à commencer par en lire le résumé (abstract) puis la conclusion (« discussion ») pour voir ce dont il est question et ce que l’article vise à démontrer. Ensuite, on s’aventure dans le corps de l’article pour en évaluer la pertinence épistémologique et méthodologique.

Je vais donc ici simplifier la tâche des lectrices et lecteurs en faisant figurer d’emblée en chute de ce préambule les conclusions auxquelles arrivent les auteurs.

Pour toute personne ayant conservé une once d’ouverture d’esprit face au narratif officiel, elles devraient à tout le moins éveiller l’attention…

 

La conclusion est contre – intuitive, heurte les idées reçues, et touche les ressorts profonds de la psychologie collective. Plus un investissement est massif, et plus la tendance est d’investir encore. Plus un sacrifice a été important, plus il est difficile d’admettre qu’il était inutile. Comme dans la crise « subprime » de 2008 la perte se creuse et personne ne veut voir la réalité des chiffres, tant les conséquences de l’erreur collective sont gigantesques et effrayantes. Quel aurait été le sort de ceux qui auraient tenté d’expliquer aux Incas que leurs sacrifices n’ont aucune influence sur la course du soleil ? Nous restons modestes mais renforcés dans notre conviction (depuis 7 mois maintenant). Nous avions déjà fait le constat d’une absence d’effet des NPI (mesures sanitaires non-pharmaceutiques, NdA) les plus strictes déjà relevé par la littérature scientifique [24], [25]. Nos conclusions vont au-delà.

 

  1. Le confinement ne « décale » ni le pic de nouveaux cas, ni le pic de mortalité, au contraire, il « l’anticipe ».
  2. Le confinement « n’aplatit » pas la courbe de nouveaux cas, ni la courbe de mortalité, au contraire, il la « gonfle ».
  3. Le confinement réalise un effet pervers indésirable d’augmentation des décès. Le contraire de l’effet imaginé.
  4. Le raisonnement selon lequel le confinement général strict et indifférencié influe directement sur le « R0 » de propagation épidémique est faux. Une mesure de confinement général strict et indifférencié n’impacte pas directement le R0 mais l’un de ses paramètres : le taux de contact.
  5. La question du port du masque généralisé se traite de la même manière.
  6. Les modélisations mathématiques et statistiques ont été basées sur des « hypothèses » non scientifiques et un dévoiement des modèles :
    • Utilisation de R(0) comme un paramètre alors qu’il est un indicateur,
    • Appréciation à l’estime d’un niveau de « discipline » de la population,
    • Choix arbitraire de l’impact sur R(t),
    • Un modèle « tordu » dans lequel on modifie R(t) à un instant t par une « Non Pharmaceutical Intervention »,
    • Une prévision des hospitalisations non démontrée,
    • Du back testing mais pas de modélisation prédictive.

La course à une communication scientifique en temps réel, avec des équipes de plus en plus nombreuses, hiérarchisées, outillées et internationalisées devient homogène dans sa production. Focalisées sur les mêmes sujets avec les mêmes approches et les mêmes sponsors, les scientifiques peuvent reproduire à l’infini les mêmes biais. Ces publications sont relayées par des médias qui ne jouent pas leur rôle de mettre en perspective des points de vue différents, influençant l’opinion publique, enfermant les décideurs dans des voies sans issues.

A l’évidence, des NPI strictes et indifférenciés n’ont, au mieux, aucun effet direct, au pire, un effet contraire à celui recherché, sans parler des dommages collatéraux. Peut-on prendre ce risque ? Des politiques de santé publique aussi fruste sont-elles dignes de l’Europe, de la modernité, de la démocratie ? A l’évidence, ce sont des NPI fines, ciblées, personnalisées, étudiées, et évaluées, qui sont efficaces. Certes, cela demande un peu plus de travail, de patience et d’étude.

 

Avec ma gratitude renouvelée aux auteurs (la version pdf de cet article peut être téléchargée infra), je vous souhaite bonne lecture !

 

Interventions non pharmaceutiques, surcharge hospitalière et surmortalité

Analyse statistique et étude mathématique de l’épidémie de « Covid 19 »

 

Table des matières

Résumé.

  1. Introduction.
  2. Méthodologie.
  3. Résultats.

3.1 Surmortalité.

3.2 Campagnes de dépistage et cas positifs.

3.3 Mortalité.

  1. Discussion.

4.1 Analyse statistique : Quelle modélisation pour quels résultats réels ?

4.1.1 La Belgique.

4.1.2 La Suède.

4.2 Les erreurs de méthode.

4.3 Analyse mathématique : un effet pervers sur le taux de guérison.

  1. Conclusion.

Bibliographie.

 

 

Résumé

Cette étude observe la propagation épidémique et la mortalité dans trois pays comparables : Belgique, Pays-Bas, Suède. Ces trois pays ont réalisé des « interventions non pharmaceutiques » à trois niveaux différents, de l’isolement social total (Belgique) à la simple distanciation sans port de masque (Suède). Ces trois pays ont trois niveaux de système hospitaliers différents, du plus équipé (Belgique) au moins équipé (Suède).

L’étude démontre que les interventions non pharmaceutiques générales et obligatoires (confinement, port du masque) strictes (Belgique) ou souples (Pays-Bas) n’a pas « retardé » le pic, ni « aplani » la courbe, ni empêché un rebond observé en septembre octobre. Au contraire, ces deux pays ont connu une accélération plus forte, un pic plus haut, et un rebond relatif, à la différence de la Suède.

Cette étude utilise ensuite un modèle SEIR simple pour démontrer que les scenarios prédictifs ne sont pas pertinents dans l’utilisation qui en a été faite.

L’étude démontre aussi par les mathématiques que l’hypothèse que les NPI « Non Pharmaceutical Interventions » au sens de l’OMS auraient un impact direct sur l’indicateur R (nombre reproducteur de base) de propagation épidémique est erronée.

Et formule enfin l’hypothèse mathématique d’un effet pervers indésirable dans le cas des NPI les plus strictes, qui créent à l’asymptote une baisse du taux de guérison, entraînant une surcharge de la capacité hospitalière et une surmortalité.

 

1. Introduction

Les mesures de distanciation, d’isolement et de confinement pour gérer le développement d’une pandémie sont au sens de l’OMS des « NPI » pour « non pharmaceutical intervention » : elles ne relèvent pas du médical, mais de la liberté publique et des politiques de santé publique. Leur efficacité s’analyse aisément par les chiffres, les statistiques et peut s’expliquer ou se prévoir par les modèles mathématiques. Elles entrent ainsi dans de nombreux champs des sciences humaines ; économie, sociologie, anthropologie, psychologie sociale, etc. On peut dire que ces mesures « non pharmaceutiques » appartiennent au contrat social entre les citoyens et l’Etat.

L’intervention non pharmaceutique de confinement ou « lock down » selon le terme utilisé dans cette pandémie mondiale, a été pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, préconisée et mise en place à une échelle planétaire. Cette mesure aussi appelée « isolement social » correspond à une assignation à résidence de la totalité d’une population. Elle est censée faciliter les opérations. Les services sanitaires deviennent une sorte d’armée en campagne opérant dans un espace de manœuvre dégagé de toute autre activité. Le confinement de la population est une mesure de temps de guerre, préconisée en cas d’attaque « NBC » ; Nucléaire, Bactériologique ou Chimique.

Ces interventions sont connues dans l’histoire, et elles étaient préconisées déjà dans l’ancien testament. A chaque grande épidémie les solutions de « quarantaine collective » ou « de confinement » ont été remises en vigueur. Elles ne seront pas confondues ici avec le « cordon sanitaire » qui s’apparente à une frontière hermétique entre une zone touchée et une zone préservée.

Nous n’étudierons pas ici les effets collatéraux que ces mesures peuvent avoir sur la santé publique générale, les systèmes immunitaires, les autres pathologies, ni les impacts économiques et sociaux, ou les effets sur l’environnement.

Cette étude se limite à mesurer l’efficacité de la mesure sur ce contre quoi elle se veut efficace : « sauver des vies », « aplanir la courbe », « décaler le pic » et « éviter l’encombrement des hôpitaux ».

Lors de l’épidémie de SRAS en 2002 la question des « quarantaines collectives » pratiquées à Toronto a déjà été examinée. Les résultats n’étaient pas concluants. [21], [22]

Nous allons voir ce qu’il en a été au cours de cette pandémie du « Coronavirus Disease 19 ».

Nous ne sommes pas qualifiés pour donner les explications en épidémiologie, virologie, immunologie ou infectiologie aux phénomènes observés. Nous incitons à la prudence. Même si cette étude va être critique, nous ne jetons de pierre à personne ; et certainement pas aux dirigeants politiques, ces mesures ayant été largement réclamées et plébiscitées par les populations et une grande partie de la communauté scientifique.

 

2. Méthodologie

Dans cette étude nous avons choisi 3 pays par élimination. Nous écartons les pays qui n’ont été que peu touchés par l’épidémie. Sans que l’on sache pourquoi, alors que leurs voisins l’ont été durement : Autriche vs Suisse, Portugal vs Espagne, Grèce vs Turquie. Les NPI prises dans ces différents pays étaient générales et strictes mais les résultats très différents. Ce qui est pour nous un premier indice interrogeant l’efficacité réelle de ces politiques. Nous avons utilisé les données publiques collectées par https://ourworldindata.org/coronavirus

Se sont dégagés 3 pays comparables à étudier : La Belgique, les Pays-Bas et la Suède. Ces trois pays présentent des profils démographiques et économiques proches et des systèmes de santé différents. Ils ont connu 3 niveaux de NPI de la plus stricte (Belgique) à la plus souple (Suède) avec un niveau intermédiaire (Pays-Bas). On note aussi qu’il y a en Suède 25% de médecins de ville en plus qu’aux Pays Bas et en Belgique.

Concernant la Suède, une lecture rapide peut donner des conclusions biaisées. Il est tentant de comparer la densité de population de la Suède à celles des autres pays européens. Mais plus de la moitié de la population suédoise est concentrée sur la bande côtière entre Stockholm et Malmö. 1/3 des suédois vivent dans les villes de Stockholm, Göteborg et Malmö. 25% des Suédois vivent dans le comté de Stockholm. 87% des suédois vivent dans une zone urbaine et se concentrent sur 1,5% du territoire.

Il est séduisant aussi de comparer la Suède à ses trois voisins scandinaves qui ont opéré des NPI plus strictes et ont connu un bilan léger. Mais en descendant d’un niveau national au niveau local, on observe les résultats suivants (mai 2020) :

Pays Région    habitants             cas           ratio
Suède Scanie

1 362 000

1 026

0,08%

Danemark Région capitale

1 846 023

5 041

0,27%

Suède Vastra Gotaland

1 710 000

3 378

0,20%

Norvège Viken

1 213 354

2 087

0,17%

Norvège Oslo

1 588 457

2 543

0,16%

 

La région de Göteborg (Vastra Gotaland) est frontalière d’Oslo et du comté de Viken en Norvège, et celle de Malmö (Scanie) est frontalière de la région capitale du Danemark (Copenhague), dont elle est en fait une banlieue.

La Scanie suédoise non confinée est moins touchée que la capitale danoise voisine aux NPI plus strictes. Pourtant, chaque jour, 30 000 habitants franchissent le pont de Malmö pour aller travailler au Danemark. Certaines régions de Scandinavie ont été simplement, à ce jour, peu ou pas touchées par l’épidémie. Pourtant, la Scandinavie et sa météo d’un printemps sec et frais aurait due connaitre une propagation importante [16]

Même si les pays scandinaves sont géographiquement proches, la démographie, le PIB, l’urbanisation, la vie sociale de la Finlande, de la Norvège, de la Suède et du Danemark sont très différents.

La Norvège, la Finlande et le Danemark n’ont connu que très peu de contaminations et aucune surmortalité. Ce qui signifie que, par définition, l’épidémie n’est pas passé par ces pays.

 

Pech1.png

 

Le Danemark connaît une croissance de tests positifs qui rattrape la Suède, il sera intéressant d’observer ses résultats dans les semaines à venir.

Pech2.png

Comparer la Suède avec ses voisins qui n’ont pas rencontré l’épidémie n’a pas de sens. Cela reviendrait à inclure des gens qui ne seraient pas malades parmi les patients dans un essai clinique.

 

*

*          *

Dans toute l’Europe certaines régions sont plus touchées que d’autres. Par exemple, la région non confinée de Stockholm qui fait 6500 km2 et compte 2,5 millions d’habitants dénombre 10 000 cas et 1900 décès au mois de mai 2020. La région italienne strictement confinée de Bergamo, de taille équivalente mais avec moitié moins d’habitants a connu plus de 12 000 cas et 3000 décès. La différence en proportion est énorme : 2 fois plus de cas, 3 fois plus de décès, dans une région moins dense.

Dans de futures études sans doute faudra-t-il comparer région par région ou « cluster par cluster » pour évaluer l’efficacité des NPI.

 

 

3. Résultats

Présentation du panel

Belgique

Population :                                                                            12 millions

PIB Habitant 2018 en Standard de Pouvoir d’Achat (SPA) :         118

Lits hospitaliers par habitants 2018 :                                        5,6

Lits en réanimation en début de crise :                                     2000

Système de santé :                                                                   public

NPI : « lock down » Confinement strict et coercitif, isolement social, port du masque obligatoire en ville à partir de juillet 2020.

 

Pays-Bas

Population :                                                                            18 millions

PIB Habitant 2018 en Standard de Pouvoir d’Achat (SPA) :         130

Lits hospitaliers par habitants 2018 :                                        3,3

Lits en réanimation en début de crise :                                     1150

Système de santé :                                                                   privé

NPI : « Shut down » Confinement souple et non coercitif (shut down) : fermeture des bars et restaurants, commerces ouverts, distanciation sociale, à partir du 5 août port du masque expérimenté dans certains quartiers d’Amsterdam et Rotterdam.

 

Suède

Population :                                                                            11 millions

PIB Habitant 2018 en Standard de Pouvoir d’Achat (SPA) :         121

Lits hospitaliers par habitants 2018 :                                        2,2

Lits en réanimation en début de crise :                                     540 => 1090

Système de santé :                                                                   public

NPI : « social distancing » pas de port du masque, restaurants et bars ouverts, écoles ouvertes, rassemblement interdits (50 pax), lycée et universités fermées, musées et grands centres de loisirs fermés.

 

Observations :

La Belgique est le pays le mieux en capacité pour absorber la crise

https://www.7sur7.be/belgique/pourquoi-les-perspectives-sont-meilleures-en-belgique-qu-aux-pays-bas-ou-en-espagne~a83577b0/

 

 

3.1 Surmortalité

La surmortalité est le juge de paix en matière de santé publique : guerres, canicules, épidémies, catastrophes font apparaître clairement les évènements lorsqu’on observe les différences de mortalité par période.

Cet indicateur gomme les différences de comptabilisation entre les différents pays. Par exemple la Suède a largement attribué au covid-19 les décès survenus dans la période observée, au même niveau qu’en Belgique, mais bien plus qu’en France et en Allemagne.

Traditionnellement la mortalité décrit une courbe en U chaque année, avec une surmortalité de novembre à avril et deux pics qui surviennent à l’automne et au printemps.

Le premier résultat à observer est celui du Z-Score. Cet indicateur hebdomadaire est publié par European Mortality Monitoring https://www.euromomo.eu/graphs-and-maps/

Il est basé sur une loi de Poisson pour lisser les valeurs aberrantes et les écarts de comptage et calculé en hebdomadaire pour neutraliser l’effet week-end dans les publications. Ce modèle donne un indicateur de la surmortalité par rapport au cycle chronologique habituel en tenant compte des surmortalités saisonnière. Le niveau 0 est la mortalité habituelle. La période rosée sur le graphique est celle dans laquelle les chiffres de mortalité peuvent être corrigés. (Il existe un temps de latence).

Les graphes vont du 1er janvier 2020 (semaine 1) au 19 octobre 2020 (semaine 19). Les NPI ont été prises en Belgique et aux Pays Bas en semaine 11 et 12.

Pech3.png

Dans les semaines 12 à 18 Nous observons une forte surmortalité en Belgique et aux Pays Bas. Au pic de la semaine 15 cette surmortalité est le double de celle que connaît la Suède. La surmortalité suédoise, comparable en volume, est lissée sur les semaines 13 à 22. Nous observons un rebond de surmortalité en semaine 33 aux Pays-Bas et en Belgique, qui n’apparaît pas en Suède.

Nous observons qu’en semaine 42 la mortalité a réintégré sa moyenne.

Nous pouvons aussi observer le P-Score de surmortalité :

 

Pech4.png

Ici aussi on note une surmortalité de plus du double en Belgique et aux Pays-Bas par rapport à la Suède. On note également l’absence de rebond de mortalité en Suède fin août début septembre.

 

 

3.2 Campagnes de dépistage et cas positifs

Nombre de tests pour 1000 habitants en moyenne glissante 7 jours

Pech5.png

Dans la phase d’accélération épidémique, le taux de positifs est supérieur à 20%. Il descend sous les 5% 6 à 8 semaines après les 10 premiers décès.

 

Courbe de croissance : cas par million d’habitants (total et quotidien)

Pech6.png

Nous observons un net décalage entre la Suède et les autres pays dans les 50 premiers jours

Nombre moyen de tests réalisés pour un cas confirmé

Pech7.png

La Belgique et les Pays Bas ont eu une croissance beaucoup plus forte en nombre de cas quotidiens au début de leur cycle épidémique.

Les courbes se croisent : l’élévation était plus pentue en Belgique (qui a plus dépisté) et aux Pays Bas (qui a dépisté au même taux qu’en Suède)

 

Biais d’observation :

  • Plus on dépiste, plus on trouve de cas.
  • Il existe un délai de latence entre l’infection et la détection positive.
  • Les tests décomptent toute personne positive sans détailler si la personne est contagieuse, immunisée, guérie ou malade. Ces informations sont pourtant indispensable à toute modélisation.

Observations :

En phase de décollage :

  • La Belgique strictement confinée connaît la plus forte croissance de nouveaux cas en phase de démarrage alors qu’elle réalise le même volume de tests que les Pays Bas et la Suède dans cette phase.
  • Les Pays Bas confinés plus souplement connaissent une croissance intermédiaire
  • La Belgique et les Pays Bas rencontrent un pic de nouveaux cas quotidiens supérieur à la Suède
  • La Belgique et les Pays Bas rencontrent un pic de nouveaux cas quotidiens avant la Suède
  • La Suède connaît le taux de croissance la plus faible

Après le pic de nouveaux cas quotidiens :

  • La Belgique et les Pays Bas connaissent une forte chute des nouveaux cas, croisant à la baisse la courbe de la Suède, la Suède reste sur une tendance « naturelle ».

Conclusion

Dans l’hypothèse des NPI décalant le pic de nouveaux cas et aplatissant la courbe, la Suède aurait dû connaître un pic de nouveaux cas supérieur, avant la Belgique et les Pays Bas.

Les NPI ne « décalent » pas le pic de nouveaux cas et « n’aplatissent » pas la courbe des nouveaux cas. Au contraire.

 

3.3 Mortalité

Mortalité cumulée

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Mortalité quotidienne vs mortalité totale

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Mortalité quotidienne des nouveaux cas par million d’habitant, en moyenne glissante 7 jours

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Taux de mortalité par cas

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Sur la période le taux de mortalité par cas en Suède est nettement inférieur à celui des Pays-Bas et de la Belgique, sans port du masque obligatoire ni confinement général

Les biais d’observation en dépistage s’appliquent aussi à la mortalité.

 

Biais d’observation sur la mortalité :

  • L’attribution d’un décès au Covid 19 est différente selon les pays
  • Dans les pays observés un résultat positif au test COVID-19 n’est pas toujours requis pour qu’un décès soit enregistré comme COVID-19
  • La « mortalité cachée » Covid 19 en Suède est évaluée à +10%, en Belgique les comptages sont plus larges qu’aux Pays-Bas et en Suède. Dans l’ensemble les comptages sont justes à +/- 10%.
  • Les délais entre infection, admission en réanimation et décès signalé COVID-19 sont de 2 à 8 semaines : la mortalité au 25 avril donne une idée de la propagation entre le 25 février et le 10 avril
  • Le « Case Fatality Rate » mesure la réponse médico sanitaire, mais est un indicateur biaisé.

1/ sous-estimation en début d’épidémie : le délai entre l’infection et le décès (supra),

2/ sur-estimation au pic épidémique : le nombre de « faux-positifs » non détectés, le nombre d’immunisés par d’autres souches virales voisines ne sont pas comptabilisés. Cette distorsion accroît le sentiment de panique.

  • Le taux de mortalité par l’infection « IFR » qui serait l’indicateur pertinent n’est pas calculable en cours d’épidémie [26]
  • La mortalité évolue dans le temps selon la réaction immunitaire de la population, les mesures de santé publique, la capacité hospitalière.

 

Observations :

En phase de décollage :

  • La Belgique connaît la plus forte croissance de mortalité en phase de démarrage alors qu’elle réalise le même volume de tests que les Pays Bas et la Suède dans cette phase.
  • Les Pays Bas connaissent une croissance intermédiaire
  • La Belgique et les Pays Bas rencontrent un pic de mortalité quotidienne supérieur à la Suède
  • La Belgique et les Pays Bas rencontrent un pic de mortalité quotidienne avant la Suède
  • La Suède connaît la croissance la plus faible

Après le pic de mortalité quotidienne :

  • La Belgique et les Pays Bas connaissent une forte chute de mortalité, croisant à la baisse la courbe de la Suède, la Suède reste sur la tendance « naturelle » du développement de l’épidémie.

 

Conclusion

Dans l’hypothèse des NPI décalant le pic et aplatissant la courbe de mortalité, la Suède aurait du connaître un pic de mortalité supérieur, avant la Belgique et les Pays Bas. Les NPI ne « décalent » pas le pic de mortalité et « n’aplatissent » pas la courbe de mortalité. Au contraire.

 

4. Discussion

 

Nous observons des résultats qui ne sont pas en temps réel (latence de la détection et délais de mortalité) conduisant à des NPI qui ne peuvent qu’être tardives. Nous observons un effet pervers de surmortalité, même avec une capacité hospitalière deux fois supérieure (Belgique). Nous observons que les NPI ne « décalent » pas le pic et « n’aplatissent » pas les courbes de nouveaux cas et de mortalité. Au contraire.

Pourquoi ?

Nous n’avons pas les réponses médico sanitaires, mais nous pouvons analyser la modélisation et discuter ci-dessous en deux points : statistiques et mathématiques.

 

4.1 Analyse statistique : Quelle modélisation pour quels résultats réels ?

 

Dans cette partie nous étudions la Belgique et la Suède avec un modèle SEIR basique, celui de l’Imperial College, qui a servi à de nombreuses communications et publications. http://gabgoh.github.io/COVID/index.html

Nous avons conscience du caractère approximatif des paramètre et résultats. Ils n’ont pas pour objectifs d’être précis mais d’illustrer le biais avec lequel ils ont été utilisé pour émettre des prévisions et recommander des interventions non pharmaceutiques.

Le modèle SEIR a été utilisé en prenant comme hypothèse que l’on pouvait réduire R(0) par des « Non Pharmaceuticals Interventions » au sens de l’OMS. Nous reprenons les hypothèses de réduction de R(t) par les NPI.

 

Nous modélisons un scenario moyen avec les paramètres suivants [17], [18] :

1er infecté : Nous posons que le « patient 0 » est présent le 15 janvier 2020 en Belgique et en Suède (En Suède le premier cas est dépisté le 31 janvier, en Belgique le 4 février)

R0 : 3,2

Hypothèse « total lock down » : R(t) = R(0)-75%

Hypothèse « social distancing » : R(t) = R(0)-25%

Période d’incubation : 5,8

Période infectieuse : 2,6

Taux d’hospitalisation : 11,6% (20% sur 42% de cas symptomatiques en médiane avec entre 20 % (étude allemande) et 78% d’asymptomatiques (https://www.bmj.com/content/369/bmj.m1375) même si il a été moindre en réalité (4 à 5%) [3]

Durée d’hospitalisation moyenne : 7 jours

Délai de guérison cas bénins : 8 jours

Délai avant hospitalisation : 9 jours

Délai avant mortalité : 30 jours

CFR : par pays à la date des mesures prises (celui-ci augmente naturellement à t+)

Basé sur les sources supra et les observations suivantes :

Pech12.png

Discussion sur les paramètres :

On peut remettre en question tel ou tel paramètre, surtout les plus difficiles à obtenir comme les durées d’hospitalisation moyenne, de guérison cas bénins, avant hospitalisation ou avant mortalité.

Mais à l’étude on constate que ces durées n’impactent que marginalement la modélisation qui repose principalement sur R(0) et R(t).

Nous entrons dans le modèle les paramètres ci-dessous :

Pech13.png

4.1.1 La Belgique

Modélisation en l’absence de NPI

En l’absence de mesures la Belgique aurait près de 300 000 hospitalisations au pic (15 avril) et 80 000 morts en cumul au 31 juillet 2020.

Pech14.png

Modélisation avec réduction du R(t)=R(0)-75% à J+60 (lock down entre le 13 et 20 mars 2020)

Pech15.png

Avec une NPI isolement social strict (J+60) la Belgique aurait 3 300 morts au 7 mai 2020 et 5 700 morts au 31 juillet 2020 (fin de l’épidémie).

On peut penser que la Belgique a tardé à confiner sa population, ou que sa population n’a pas suivi strictement les NPI imposées par le gouvernement. Observons l’efficacité théorique d’une NPI « total lock down » prise assez tôt :

Modélisation avec R(t)=R(0)-75% à J+35 (1er décès)

Pech16.png

Selon ce modèle, si la Belgique avait confiné sa population strictement très tôt, dès le 20 février, son bilan aurait été de 54 décès avec un pic de 112 hospitalisations.

 

4.1.2 La Suède

En l’absence de mesure, un scenario apocalyptique attendait la Suède ; 41 000 morts au 7 mai 2020 ; 270 000 hospitalisations et 72 000 morts au 31 juillet 2020. Notre simulation est dans l’ordre de grandeur du scenario annoncé par l’Université d’Uppsala, utilisant le modèle de l’Imperial College le 11 avril 2020, qui prévoyait 96 000 morts en Suède [23]

Modélisation avec R(t) = R(0)

Pech17.png

 

La Suède a pris des mesures le 16 mars dont il est fait l’hypothèse qu’elles réduisent R(0) à R(t) = R(0)-25%

Modélisation avec R(t)=R(0)-25%

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Avec des mesures légères la Suède restait dans un scenario terrifiant de 27 000 morts au 7 mai 2020, avec 211 000 hospitalisations au pic et 48 000 morts au 31 juillet 2020. Or la Suède était à 500 réanimations et 3 000 décès le 7 mai 2020.

Quel dirigeant prendrait le risque de 70 000 décès si une mesure de lock down rapide permettrait de limiter la mortalité à quelques dizaines ?

Ces modèles tels qu’ils ont été utilisé donnent une fourchette de mortalité bien trop large. Si un modèle nous donne entre 50 décès et 80 000 décès, en fait il ne nous dit rien du tout.

Les utilisateurs de ces modélisations ont pris le problème à l’envers : ils ont paramétré un R(t) donnant un volume d’hospitalisation que les systèmes de santé seraient capables d’absorber. Ils ont posé comme hypothèse que ce R(t) s’obtiendrait par des « Non Pharmaceutical Interventions » drastiques.

L’observation de la réalité n’a, hélas pour la Belgique, la France, l’Espagne, l’Italie, et heureusement pour la Suède, rien à voir avec ces prévisions.

Alors que s’est-il passé dans l’utilisation de ces modèles pour induire la communauté scientifique et les dirigeants politiques en erreur ?

4.2 Les erreurs de méthode

 

Nous avons basé notre travail sur l’analyse des chiffres de la province confinée de Hubei en Chine et sur l’étude publiée par The Lancet le 29 février 2020 sur la situation en Chine [1]

Les autorités chinoises ont placé sous confinement total 56 millions d’habitants de la province de Hubei le 23 et 24 janvier 2020.

Les scientifiques publiés par « The Lancet » [1] avaient au départ prévu un pic épidémique à Whuhan pour la mi-mars « si on ne faisait rien » et modélisé la propagation avec un pic retardé au mois de mai, diminué de 50% de son ampleur si on réduisait la transmissibilité de 25%. Si on réduisait la transmissibilité à 50% on obtenait une propagation complètement écrasée. Dans leur modèle la mobilité n’avait pas d’impact sur la propagation, (ce qui est contredit par une étude du 25 mars 2020 [20]) :

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Cette étude estimait qu’il y avait 75 815 individus infectés à Wuhan le 25 janvier 2020 ; 1er jour du confinement. La Chine reporte 81 907 cas au 7 mai 2020 = 6 092 cas nouveaux après le confinement.

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Ce graphe fait apparaître que la croissance de nouveaux cas a ralenti significativement entre le 4 et le 12 février (J+10 et J+17) avec un pic épidémique au 18 février (nombre maximum de personnes en soin).

Selon les chiffres de la NHC le pic épidémique aurait eu lieu entre le 16 – 19 février à Wuhan, mais on ne pouvait pas déjà l’observer au moment de l’étude The Lancet.

Deux doutes se manifestent :

  1. Les chiffres du NHC sont tronqués (ils représentent la bonne dynamique mais pas les bonnes valeurs ni les bonnes dates)

Et / ou

  1. L’hypothèse que le confinement décale le pic et le réduit en volume ne se vérifie pas

 

Une erreur de mise à l’échelle

La Chine n’a pas confiné la totalité de sa population, mais une infime partie. C’est ce qui s’appelle un cordon sanitaire. Le cordon sanitaire déployé autour de la province de Hubei a empêché que l’épidémie ne se propage dans toute la Chine.

 

Trois erreurs de back testing

Les modèles de propagation épidémique sont conçus pour prévoir l’évolution épidémique. Ils représentent la progression épidémique dans une population. Ils calculent le seuil d’immunisation dans une population, la vitesse de propagation, en donnant un indicateur « R » : le nombre moyen d’individus contaminés par un individu infecté. R(0) au premier infecté, devient R(t) à l’instant t+ au cours de l’évolution de la propagation. Calculer un R0 sert à prévoir l’épidémie et organiser la réponse sanitaire ; par exemple organiser une campagne de vaccination ou mesurer l’efficacité d’un traitement ou d’une mesure sanitaire. Ce R0 varie dans le temps au fil de la propagation. [5], [6], [8], [10], [13]

  • Si R0 est supérieur à 1, l’épidémie se propage (la courbe des nouveaux cas est croissante) ;
  • Si R0=1 alors l’épidémie est en zone d’inflexion (la courbe des nouveaux cas est sur un « plateau ») ;
  • Si R0<1 alors l’épidémie s’éteint. (la courbe des nouveaux cas est décroissante).

On ne « contrôle » pas directement R mais certains des paramètres de son calcul comme le taux de contact entre personnes d’une population. Or dans l’utilisation qui a été faîte nous avons relevé les points suivants :

  1. Les modèles ont été étendus à la prévision des hospitalisations. Nous n’avons pas trouvé dans la littérature la démonstration mathématique que de tels modèles puissent donner une prévision des volumes d’hospitalisations.
  2. Dans l’utilisation des modèles nous avons observé une erreur constante : la confusion entre l’indicateur R et le taux de contact.

Selon ce petit visuel et l’idée commune répandue, diviser les contacts par 4 (75% de contacts en moins) diviserait le R0 par 4 (passant de 2,5 à 0,625 personnes infectées).

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Les NPI agissent sur le taux de contact, pas directement sur R. R est calculé (infra) en combinant plusieurs paramètres pour donner une indication théorique. L’hypothèse prise que les NPI agiraient directement sur R n’est pas valide en mathématiques (infra). On a « joué » avec l’indicateur R pour faire dire à peu près ce que l’on veut au modèle. Ce qui revient à un back test : on modélise une autre épidémie que celle qui se déroule en réalité.

  1. Dans ces études, on utilise les modèles en sens inverse pour définir un taux de contact hypothétique dans la population qui produise un nombre de cas que la capacité hospitalière puisse absorber. Nous sommes inquiets sur ce biais avec lequel les modèles sont utilisés. La « discipline » de la population y est « évaluée » selon des critères arbitraires, ce qui nous paraît, en soi, dangereux. On lit que les populations seraient plus ou moins « disciplinée » ici ou là, et que c’est ce degré de « discipline » qui ferait varier la charge hospitalière. Les modèles épidémiologiques n’ont pas été conçus pour évaluer le degré de « discipline » à imposer à une population en fonction d’une capacité hospitalière donnée.

 

Des vies sauvées par le confinement ?

L’erreur a été poussée encore plus loin avec certaines études prétendant chiffrer le « nombre de vies sauvées » par les NPI les plus strictes. Ce qu’on prétendu faire les équipes de Neil Ferguson à l’Imperial College [3] et l’EPICX LAB [4]. On pourrait utiliser exactement le même argument pour dire que l’absence de confinement a sauvé 92 000 vies en Suède par rapport à la prévision du 10 avril de 96 000 morts attendus en mai. [23] L’honnêteté intellectuelle commande de comparer les résultats obtenus par les pays et les comparer avec les objectifs de leur niveau de confinement.

  • Dans le cas de la Belgique, le bilan du confinement ne tient pas l’objectif. Il y a presque 3 fois plus de décès que ce qui était espéré par le niveau de confinement de la Belgique.
  • Dans le cas de la Suède, a contrario, il y a 20 fois moins de décès que ce qui était attendu par son niveau de NPI.

Dans les deux cas, les prévisions n’étaient pas valables.

L’utilisation de ces modèles, sous pression dans un temps de crise, s’est éloigné à grande vitesse de la rigueur scientifique. Dans la partie suivante nous allons étudier les erreurs mathématiques qui ont conduit à ces effets pervers indésirables de surmortalité observés dans les statistiques.

 

4.3 Analyse mathématique : un effet pervers sur le taux de guérison

 

Les modèles de propagation épidémique sont en mathématiques assez semblables aux autres modèles connus et utilisés dans l’ingénierie ; par exemple les modèles de propagation d’ondes radio, les modèles financiers, sont autant d’outils du quotidien pour calculer et prévoir. On y retrouve les mêmes bases mathématiques : calculs stochastiques, équations différentielles complexes, etc. Ce sont d’abord des statistiques et des mathématiques, ensuite appliquées en épidémiologie. [11], [12]

Les modèles utilisés dans d’autres disciplines n’ont pas droit à l’erreur. Un ingénieur des ponts et chaussées qui utilise mal un modèle et l’ouvrage s’effondre. Un ingénieur télécommunications qui fait une erreur de calcul et le réseau tombe. Un ingénieur financier qui se trompe dans un stress test et la banque est ruinée. L’épidémiologie descriptive, une discipline non médicale, statistique, jusqu’ici n’était pas exposée à la cruauté du réel.

A la suite de la lecture de l’étude de The Lancet [1], nous avons effectué la démonstration que l’hypothèse de l’efficacité des mesures de confinement général pose une erreur de raisonnement mathématique.

 

  1. Hugo Falconet et Antoine Jego ont introduit sous la direction d’Amandine Veber et Vincent Calvez (Ecole Normale Supérieure) en 2015 [4] la relation proportionnelle entre le taux de contact et le taux de guérison.

 

Taux de contact (TC): pour une personne le nombre de contacts sur une période

Taux de guérison (TG) : pour une population, le nombre de guéris vs le nombre de malades sur une période.

Pour simplifier la démonstration, considérons une population à l’équilibre avec taux de mortalité = taux de natalité et une infection non létale qui ne produit aucun décès. Les individus sains et infectés sont en contact et guérissent selon un taux de contact et un taux de guérison. Cette relation proportionnelle s’écrira alors :

Capture d’écran 2020-11-06 à 09.52.23.png

Autrement dit TC = R0xTG

Si par une NPI on opère TC / 4 alors on a R0xTG/4.

Ce que dit la formule R0=TC/TG c’est que diviser par 4 le taux de contact divise par 4 le produit de R0 par le taux de guérison.

Ce qui signifie que dans l’hypothèse d’un R0=2,5 et d’une NPI de confinement strict divisant le taux de contact par 4 pour obtenir un R0=0,625 alors on a divisé par 1,6 le taux de guérison. Si R0=2,5/4 alors TG/1,6.

Diviser le taux de guérison par 1,6 correspond a minima, en réajustant à la marge avec les taux de mortalité et de natalité habituels, à l’écart entre mortalité et surmortalité observée entre la Belgique et la Suède (cf supra).

Avec une diminution des contacts, on diminue le taux de guérison on obtient un effet pervers : la diminution du taux de guérison et l’augmentation des décès.

Lorsque le CMMID COVID-19 working group évalue l’impact de la diminution du taux de contact sur le nombre reproducteur R il fait l’impasse sur l’impact que ce taux de contact peut avoir sur le taux de guérison. [19]

 

  1. Kermack et McKendrick [7], [11], [12] ont démontré que R0 est le produit de la probabilité de transmission par contact (PT), du taux de contact par période (TC) et de la période contagieuse (PC).

R0 = PT*TC*PC

Autrement dit, dans cette formule, pour pouvoir écrire R0/4 il faut :

  • Diviser la période contagieuse par 4
  • Diviser le taux de contact par 4 avec le risque de diminuer le taux de guérison (cf. supra)
  • Diviser la probabilité de transmission par 4 : on ne sait pas faire, même si la probabilité de transmission est proportionnelle au taux de contact [15]

Mais on peut diminuer la probabilité de transmission en divisant la population en différents compartiments chacun avec une probabilité de transmission différente, moins élevé que la probabilité globale.

Le modèle de base SI peut être affiné avec plus de compartiments : R pour les Rétablis, E pour les individus exposés, Q pour les quarantaines, M pour les immunisés de naissance, C pour les porteurs asymptomatiques et on subdivise I selon les différentes charges virales nécessitant divers traitements. Les individus passent d’un compartiment à l’autre selon des paramètres comme le taux de contact, le taux de guérison, la probabilité de transmission, le taux de contagion, la météo, le comportement des populations (gestes barrières, etc.) Par exemple à l’échelle de la Chine, on a créé un compartiment Q géant, la province de Hubei. Chaque compartiment obéit à des règles : par ex les individus E portent un masque ou sont confinés. Les individus I portent un masque, sont hospitalisés ou sont confinés, selon leur charge virale. Les individus S portent un masque ou pas. Chaque compartiment est affecté d’une probabilité de transmission différente. Par exemple les individus du compartiment Q en quarantaine ont une probabilité de transmission très basse. Les individus M également. Les individus E et C ont une probabilité plus élevée qui peut être limitée par les mesures barrière.

C’est cette formule qui a été appliquée en Corée du Sud, à Taïwan, à Hong Kong et Singapour. Comme pour le confinement, le port du masque n’est efficace que s’il compartimente les populations. Le port du masque généralisé et obligatoire est sans effet.

 

  1. Van den Driessche et Watmough [14] précisent que dans le cas d’un seul compartiment infecté, R(0) est simplement le produit du taux d’infection et de sa durée moyenne. Donc si on a un confinement général on réduit à un compartiment la population et l’épidémie se propage selon son rythme à partir de R(0). Dans cette formule, le confinement général revient à aucun confinement. Idem pour la question du port du masque.

 

Ces trois formules mathématiques expliquent les bons chiffres des pays non confinés et compartimentés vs les pays simplement confinés (province de Hubei, Italie, Espagne, France, etc.)

Nous ne savons pas donner d’explications médicales, mais peut-être faut-il étudier l’impact d’un confinement strict sur les systèmes immunitaires de la population, ou encore l’impact d’un confinement sur le taux de guérison marginal de populations à risques. Par exemple les établissements pour personnes âgées ont connu une hécatombe. C’est qu’ils sont confinés ensemble, comme les passagers du Diamond Princess. Le taux de contact global baisse au niveau de la population, mais pas dans des populations marginales exposées au risque. Le taux de guérison global s’en ressent.

 

5.   Conclusion

La conclusion est contre – intuitive, heurte les idées reçues, et touche les ressorts profonds de la psychologie collective. Plus un investissement est massif, et plus la tendance est d’investir encore. Plus un sacrifice a été important, plus il est difficile d’admettre qu’il était inutile. Comme dans la crise « subprime » de 2008 la perte se creuse et personne ne veut voir la réalité des chiffres, tant les conséquences de l’erreur collective sont gigantesques et effrayantes. Quel aurait été le sort de ceux qui auraient tenté d’expliquer aux Incas que leurs sacrifices n’ont aucune influence sur la course du soleil ? Nous restons modestes mais renforcés dans notre conviction (depuis 7 mois maintenant). Nous avions déjà fait le constat d’une absence d’effet des NPI les plus strictes déjà relevé par la littérature scientifique [24], [25]. Nos conclusions vont au-delà.

 

  1. Le confinement ne « décale » ni le pic de nouveaux cas, ni le pic de mortalité, au contraire, il « l’anticipe »
  2. Le confinement « n’aplatit » pas la courbe de nouveaux cas, ni la courbe de mortalité, au contraire, il la « gonfle »
  3. Le confinement réalise un effet pervers indésirable d’augmentation des décès. Le contraire de l’effet imaginé.
  4. Le raisonnement selon lequel le confinement général strict et indifférencié influe directement sur le « R0 » de propagation épidémique est faux. Une mesure de confinement général strict et indifférencié n’impacte pas directement le R0 mais l’un de ses paramètres : le taux de contact.
  5. La question du port du masque généralisé se traite de la même manière.
  6. Les modélisations mathématiques et statistiques ont été basées sur des « hypothèses » non scientifiques et un dévoiement des modèles :
    • Utilisation de R(0) comme un paramètre alors qu’il est un indicateur,
    • Appréciation à l’estime d’un niveau de « discipline » de la population,
    • Choix arbitraire de l’impact sur R(t),
    • Un modèle « tordu » dans lequel on modifie R(t) à un instant t par une « Non Pharmaceutical Intervention »,
    • Une prévision des hospitalisations non démontrée,
    • Du back testing mais pas de modélisation prédictive.

La course à une communication scientifique en temps réel, avec des équipes de plus en plus nombreuses, hiérarchisées, outillées et internationalisées devient homogène dans sa production. Focalisées sur les mêmes sujets avec les mêmes approches et les mêmes sponsors, les scientifiques peuvent reproduire à l’infini les mêmes biais. Ces publications sont relayées par des médias qui ne jouent pas leur rôle de mettre en perspective des points de vue différents, influençant l’opinion publique, enfermant les décideurs dans des voies sans issues.

A l’évidence, des NPI strictes et indifférenciés n’ont, au mieux, aucun effet direct, au pire, un effet contraire à celui recherché, sans parler des dommages collatéraux. Peut-on prendre ce risque ? Des politiques de santé publique aussi fruste sont-elles dignes de l’Europe, de la modernité, de la démocratie ? A l’évidence, ce sont des NPI fines, ciblées, personnalisées, étudiées, et évaluées, qui sont efficaces. Certes, cela demande un peu plus de travail, de patience et d’étude.

Nous devons ici rendre un hommage appuyé à la Suède. Sans ce choix courageux d’une autre voie, plus conforme aux droits humains et à la prudence scientifique devant des prévisions plus incertaines que l’épidémie elle-même, jamais nous n’aurions pu avoir de comparaison en temps réel et se faire une idée juste. Il faudra garder longtemps à l’esprit ce qui était dit partout dans le monde au sujet de ce choix suédois dans ce printemps 2020.

Les auteurs :

 

Gilles PECH de LACLAUSE,

Master en Administration Publique, Saint-Cyrien,

A dirigé son cabinet de conseil et d’ingénierie pendant 10 ans où il a coordonné les travaux d’équipes d’ingénieurs dans les domaines de la modélisation financière ou les études de radiocommunications.

Intervenant auprès de business schools (ESSEC, HEC, NEOMA, etc.) Il conseille entreprises et collectivités en gestion de crise, leadership, constitution et formation d’équipe.

https://www.linkedin.com/in/gillespech/

 

Arnaud DELENDA

Docteur en Mathématiques appliquées à l’informatique (Ecole Polytechnique et Université Rennes 1), Master Dauphine-Ecole Polytechnique en 2000, a enseigné l’économétrie en master à l’Université Paris II, en licence à l’Université Paris Dauphine. Expert en modélisation mathématique, optimisation et théorie de jeux. https://www.academia.edu/1278713/Reserve_price_in_progressive_second_price_auctions

Dans le secteur privé, il a été ingénieur recherche & développement chez France Telecom, Manager pour Simon Kucher & Partners et Accenture. Aujourd’hui, conseille les entreprises de tailles intermédiaires, startup, et les grands groupes.

https://www.linkedin.com/in/delenda/

 

Lana AUGUSTINCIC

Docteur en médecine de l’université de Zagreb en 2006, Master en épidémiologie de l’université d’Ottawa en 2012, Lana est régulièrement consultée par les institutionnels comme l’OMS, les forces armées canadiennes, ou la Fondation Cochrane.

https://www.linkedin.com/in/augustincicpoleclana/

 

 

 

 

 

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Bibliographie

 

[1]       Nowcasting and forecasting the potential domestic and international spread of the 2019-nCoV outbreak originating in Wuhan, China: a modelling study Joseph T Wu, Kathy Leung, Gabriel M Leung. The Lancet, 29 février 2020.

[2]       Report 9: Impact of non-pharmaceutical interventions (NPIs) to reduce COVID-19 mortality and healthcare demand Neil M Ferguson, Daniel Laydon, Gemma Nedjati-Gilani, Natsuko Imai, Imperial College COVID-19 Response Team DOI: https://doi.org/10.25561/77482

[3]       Expected impact of lockdown in Île-de-France and possible exit strategies Laura Di Domenico1, Giulia Pullano1,2, Chiara E. Sabbatini1, Pierre-Yves Boëlle1, Vittoria Colizza1,* 12/04/2020

[4]       « Modéliser la propagation d’une épidémie » Hugo Falconet et Antoine Jego sous la direction d’Amandine Veber et Vincent Calvez, Juin 2015

[5]       G. Sallet INRIA & IRD EPICASA, 09 avril 2010

[6]       L. Pellis, F. Balle and P. Trapman, Reproduction numbers for epidemic models with households and other structures., Mathematical Biosciences, 13 (2012)

[7]       M. C. de Jong, O. Diekmann, and H. Heesterbeek, The legacy of Kermack and McKendrick., in Epidemic models. Their structure and relation to data, D. Mollison, ed., Cambridge University Press, 1995.

[8]       O. Diekmann, J. A. P. Heesterbeek, and J. A. J. Metz, On the definition and the computation of the basic reproduction ratio R0 in models for infectious diseases in heterogeneous populations, J. Math. Biol., 28 (1990).

[10]     The estimation of the basic reproduction number for infectious diseases, Statist. Meth. Med. Res., (1993).

[11]     W. Kermack and A. McKendrick, A contribution to the mathematical theory of epidemics, Proc. R. Soc., A115 (1927).

[12]     W. O. Kermack and A. G. McKendrick, Contributions to the mathematical theory of epidemics–i. 1927., Bull Math Biol, 53 (1991).

[13]     J. A. P. Heesterbeek, A brief history of R0 and a recipe for its calculation, Acta Biotheorica, 50 (2002).

[14]     P. van den Driessche and J. Watmough, reproduction numbers and sub-threshold endemic equilibria for compartmental models of disease transmission, Math. Biosci., 180 (2002).

[15]     HenrikSalje, CécileTranKiem, NoémieLefrancq, NoémieCourtejoie, PaoloBosetti,etal.. Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France. 2020. pasteur-02548181

[16]     J. Wang, K. Tang, K. Feng, W. Lv, High Temperature and High Humidity Reduce the Transmission of COVID-19. SSRN Electronic Journal, , doi:10.2139/ssrn.3551767.

[17]     N. M. Linton, T. Kobayashi, Y. Yang, K. Hayashi, A. R. Akhmetzhanov, S.-M. Jung, B. Yuan, R. Kinoshita, H. Nishiura, Incubation Period and Other Epidemiological Characteristics of 2019 Novel Coronavirus Infections with Right Truncation: A Statistical Analysis of Publicly Available Case Data. Journal of Clinical Medicine. 9 (2020).

[18]     L. Tindale, M. Coombe, J. E. Stockdale, E. Garlock, W. Y. V. Lau, M. Saraswat, Y.-H. B. Lee, L. Zhang, D. Chen, J. Wallinga, C. Colijn, Transmission interval estimates suggest pre-symptomatic spread of COVID-19. Epidemiology (2020), doi:10.1101/2020.03.03.20029983.

[19]     C. I. Jarvis, K. Van Zandvoort, A. Gimma, K. Prem, CMMID COVID-19 working group, P. Klepac, G. J. Rubin, W. J. Edmunds, Quantifying the impact of physical distance measures on the transmission of COVID-19 in the UK. Epidemiology (2020), , doi:10.1101/2020.03.31.20049023.

[20]     Science. 2020 Mar 25 : eabb4218. Published online 2020 Mar 25. doi: 10.1126/science.abb4218 PMCID: PMC7146642 PMID: 32213647 The effect of human mobility and control measures on the COVID-19 epidemic in China

[21]     Schabas R. SARS: prudence, not panic. CMAJ. 2003;168(11):1432‐1434.

[22]     Schabas R. Severe acute respiratory syndrome: Did quarantine help?. Can J Infect Dis Med Microbiol. 2004;15(4):204. doi:10.1155/2004/521892

[23]     Intervention strategies against COVID-19 and their estimated impact on Swedish healthcare capacity Jasmine M Gardner, Lander Willem, Wouter van der Wijngaart, Shina Caroline Lynn Kamerlin, Nele Brusselaers, Peter Kasson medRxiv 2020.04.11.20062133; doi: https://doi.org/10.1101/2020.04.11.20062133

[24]     Full lockdown policies in Western Europe countries have no evident impacts on the COVID-19 epidemic. Thomas A. J. Meunier medRxiv 2020.04.24.20078717; doi: https://doi.org/10.1101/2020.04.24.20078717

[25]     Physical interventions to interrupt or reduce the spread of respiratory viruses. Part 1 – Face masks, eye protection and person distancing: systematic review and meta-analysis Tom Jefferson, Mark Jones, Lubna A Al Ansari, Ghada Bawazeer, Elaine Beller, Justin Clark, John Conly, Chris Del Mar, Elisabeth Dooley, Eliana Ferroni, Paul Glasziou, Tammy Hoffman, Sarah Thorning, Mieke Van Driel medRxiv 2020.03.30.20047217; doi: https://doi.org/10.1101/2020.03.30.20047217

[26] The infection fatality rate of COVID-19 inferred from seroprevalence data John Ioannidis medRxiv 2020.05.13.20101253; doi: https://doi.org/10.1101/2020.05.13.20101253

 

 

Remerciements

Nous adressons nos remerciements particuliers à tous nos interlocuteurs, par ordre chronologique :

Paul Franks, Lund University

Guillaume Zagury, OASIS Hospital

Pierre Sonigo, Sebia

Jean-Dominique Michel, Anthropologue, Genève

David Ternant, Tours University Hospital

Gilles Mirambeau, Sorbonne University

Patrick Zylbermann, EHESP

Vincent Laborderie, UCL Louvain University

Jocelyn Raude, Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique

Jean François Toussaint, Assistance Publique Hôpitaux de Paris, IRSEM

Eric Le Bourg, Toulouse University

Quentin de Larochelambert, Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance

André Garenne, Bordeaux University

Eran Bendavid, Stanford University

Jay Bhattacharya, Stanford University

Antoine Flahaut, Genève University

Mari Takashima, Griffith University

Diego Mpia Elenge, GSK

Wendy Xu, Tianjin Center for Disease Control

Cheng Luan, Lund University

Teija Korhonen, European Center for Disease Control

Jean-Pierre NORDMANN, Consultant

Henrik Kâllberg, Karolinska Institut

Omid Beiki, Karolinska Institut

Alizé Mercier, CIRAD

Rocco Santoro, Daccude

Source : Le confinement est inefficace et même contreproductif ! – Anthropo-logiques

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