Le Département d’État des USA se vante de son action destructrice au Venezuela, puis supprime sa « confession »
Par Anya Parampil
Paru sur The Grayzone sous le titre US State Department publishes, then deletes sadistic Venezuela hit list boasting of economic ruin
Le 24 avril dernier, six jours avant que le « président intérimaire » vénézuélien autoproclamé Juan Guaido ne tente de renverser le gouvernement démocratiquement élu du Venezuela aux côtés d’une poignée de transfuges militaires, le Département d’État américain avait publié une fiche d’information dans laquelle il se targuait du rôle central de Washington dans la tentative de coup d’État. Après avoir pris conscience de son erreur parce qu’elle l’incriminait, le Département d’État a rapidement pris des mesures pour supprimer cette page.
Grayzone a obtenu une copie complète du rapport supprimé. La page en question envoie aux oubliettes toute revendication d’indépendance de Guaido par rapport à Washington, pour commencer parce que le Département d’État, utilise la phrase « il a annoncé sa présidence intérimaire… en janvier » en exergue d’une section consacrée à un résumé des « résultats-clés » des efforts américains à l’encontre du Venezuela.
La Secrétaire d’État américaine adjointe pour les affaires de l’hémisphère occidental, Kimberly Breier, a récemment twitté pour affirmer que « depuis qu’il est président par intérim, Juan Guaido a apporté des résultats concrets au peuple du Venezuela ». Son tweet était accompagné d’une infographie détaillant les réalisations présumées de l’administration putschiste sur la base de données compilées par la défunte Assemblée nationale, le seul organe directeur réellement contrôlé par Guaido.
Mais la fiche d’information sur le Venezuela que le Département d’État avait publiée, puis supprimée quelques jours plus tôt racontait une histoire tout à fait différente.
Lisez la fiche d’information en entier ici [PDF] et à la fin de cet article.
La liste des victimes économiques du Département d’État
Intitulé « Actions des États-Unis sur le Venezuela », le document se vante de la politique américaine, qui a effectivement empêché le gouvernement vénézuélien de participer au marché international et mené au gel de ses avoirs à l’étranger. C’est comme une célébration sadique des représailles de Washington contre l’ensemble de la population vénézuélienne, le genre de punition collective qui est illégale selon l’article 33 de la Convention de Genève.
Dans la fiche d’information supprimée, le Département d’État se réjouit de sa politique, qui a empêché le gouvernement Maduro de « compter sur le système financier américain » pour faire des affaires, notant que parmi les « principaux résultats » des actions américaines, on note que « environ 3,2 milliards de dollars du Venezuela à l’étranger sont gelés ». Il ajoute que « la production pétrolière du Venezuela est tombée à 736 000 barils par jour en mars… réduisant considérablement » les recettes du gouvernement.
« Si j’étais le Département d’État, je ne me vanterais pas d’avoir réduit la production de pétrole à 763 000 barils par jour – ce qui représente une baisse de 36 %, rien qu’au cours des deux mois de février et mars de cette année », a déclaré Mark Weisbrot, codirecteur du Center for Economic and Policy Research [CEPR, un think tank démocrate, NdT], à Grayzone. « Cela signifie encore plus de morts prématurées que les dizaines de milliers de victimes qui ont résulté des sanctions de l’année dernière. »
Weisbrot a récemment cosigné un rapport selon lequel 40 000 Vénézuéliens sont morts entre 2017 et 2018 des suites directes des sanctions américaines. Le Département d’État s’est félicité d’avoir annoncé qu’il était prêt à « fournir 20 millions de dollars supplémentaires d’aide humanitaire initiale » au Venezuela, mais le rapport du CEPR a conclu que les sanctions prises par l’administration Trump en août 2017 avaient entraîné « une perte de 6 milliards de dollars en revenus pétroliers pour la seule année suivante ».
Alors que le Département d’État a applaudi l’opposition pour avoir « fourni des soins médicaux et d’hygiène à plus de 6 000 Vénézuéliens », ces chiffres sont minimes par rapport aux 300 000 personnes que le CEPR « estime être à risque en raison du manque d’accès aux médicaments ou aux traitements… [notamment] 80 000 personnes vivant avec le HIV qui ne reçoivent pas de traitement antirétroviral depuis 2017, 16 000 personnes ayant besoin de dialyses, 16 000 atteintes de cancers et 4 millions de diabète ou d’hypertension ».
En d’autres termes, la prétendue « aide à la réponse à la crise au Venezuela » dont se vante le Département d’État n’est même pas un mini-pansement sur la blessure béante que les mesures coercitives unilatérales des États-Unis ont infligée au pays.
Selon Weisbrot, la « politique » et les « résultats » promus par le Département d’État dans le document supprimé ne conduiront qu’à « de nouvelles réductions des importations de médicaments, d’aliments, d’équipements médicaux et matériels nécessaires à l’entretien des infrastructures d’eau, de santé et d’assainissement ».
Après avoir refusé au gouvernement vénézuélien la capacité de subvenir aux besoins de sa population, les États-Unis ont essentiellement promis des milliers d’autres décès.
Le Département d’État n’a pas répondu à Grayzone, qui lui demandait de commenter la fiche d’information supprimée.
« Une liste de confessions »
Dans un récent entretien avec The Grayzone, l’ambassadeur du Venezuela auprès des Nations unies, Samuel Moncada, a qualifié la fiche d’information supprimée du Département d’État de « liste de confessions ».
« Imaginez si un autre pays disait la même chose… il est fier de dire, « nous détruisons l’économie de notre voisin ; nous sommes fiers d’avoir détruit le système politique de notre voisin ; nous sommes fiers qu’ils souffrent. Ils disent, nous sommes en guerre contre le Venezuela », a souligné M. Moncada.
L’ambassadeur a poursuivi en accusant les États-Unis de faire du harcèlement plutôt que de la diplomatie internationale.
La propre fiche d’information du Département d’État semble étayer cette accusation, car elle affirme que « les pressions diplomatiques ont entraîné une diminution des marchés de l’or vénézuélien ». Le document met également en lumière les actions des États-Unis, qui auraient conduit « plus de 1 000 membres de l’armée [à reconnaître] Juan Guaido comme président par intérim » et à se rendre en Colombie, ainsi qu’à faire échouer « une estimation de 25 transporteurs de pétrole brut avec 12 millions de barils » au large des côtes du Venezuela.
Ils [disent] qu’il s’agit de leurs réalisations « clés », a commenté Moncada. « Ils disent qu’ils causent des problèmes dans nos forces armées et qu’ils préparent un coup d’état militaire, ce qu’ils n’ont pas réussi jusqu’à présent, mais qu’ils sont en train d’y travailler. »
« Si quelqu’un d’autre disait cela », conclut l’ambassadeur, « et que vous portiez ces aveux devant un tribunal, il irait en prison ».
La fiche d’information du Département d’État décrit même les récentes décisions de l’Organisation des États américains, du Groupe de Lima, de la Banque interaméricaine de développement et de l’Union européenne de reconnaître ou de soutenir l’administration parallèle du Guaido comme une réalisation américaine, soulignant l’influence démesurée de Washington dans chacune de ces entités censément internationales. La mention de l’UE et du Groupe de Lima est particulièrement remarquable, étant donné que les États-Unis ne sont membres d’aucune des deux organisations.
« Ils sont si loin de tous les paramètres normaux de décence, de moralité, de légalité, de raison, qu’ils sont vraiment dangereux », a dit Moncada au sujet de l’administration Trump. « Ils représentent une menace réelle pour la paix internationale et pour mon peuple. »
La liste des actions du Département d’État américain au Venezuela supprimée, postée par Max Blumenthal sur Scribd (en anglais).
Traduction Entelekheia
Illustration Clker Free Vector Images/Pixabay