Le marché boursier est (au sens propre) une pyramide de Ponzi

Par Lee Camp
Paru sur Truthdig sous le titre Wall Street Is the Definition of a Ponzi Scheme (Literally)


Peut-être que cela me donne l’air un peu nigaud, mais je ne m’intéresse pas beaucoup à la Bourse. Je sais que selon nombre de gens, ce serait le système nerveux central de notre économie. Je sais que sa valeur est estimée à environ 30 billions de dollars. Et je sais que lorsqu’elle s’effondre, la vie de millions de gens est détruite, ruinée et bouleversée. Je sais que lorsque cela se produit, les puissants millionnaires (et milliardaires) qui ont causé cette destruction prennent généralement leurs cliques et leurs claques, leur argent et leurs chiens de luxe et s’enfuient. (Parfois, notre gouvernement doit intervenir pour s’assurer que les élites empochent bien tout leur argent et n’ont pas à endosser leur part de responsabilité pour le désastre qu’elles ont causé pour les classes inférieures).

Mais dans ma vie quotidienne, je ne m’intéresse pas beaucoup à la Bourse. Alors peut-être que je ne devrais pas m’inquiéter du fait que tout ça soit une gigantesque escroquerie. Mais si, je m’en inquiète. Et vous devriez aussi.

Dans quelques minutes, vous comprendrez que notre marché boursier est une pyramide de Ponzi. (Et malheureusement, peu importe que vous en soyez heureux, triste ou les deux à la fois. Cela n’en sera pas moins vrai.)

Quand vous vous voyez acheter des actions d’une entreprise, qu’est-ce que vous imaginez ? Vous imaginez probablement une entreprise comme PepsiCo, et vous êtes un investisseur dans cette entreprise. Vous en possédez une toute petite partie, et grâce à cela, vous obtenez une toute petite partie des profits, ce que l’on appelle des « dividendes ». Eh bien, ce n’est pas ce qu’est une action. C’est ce qu’étaient les actions, certes, mais c’était à l’époque où même des gens qui n’étaient pas magiciens portaient des chapeaux hauts-de-forme et où, si une dame montrait ses genoux en public, elle était considérée comme une traînée tout juste bonne à mourir dans la solitude.

Aujourd’hui, à notre époque moderne, vous ne percevez presque jamais les bénéfices de l’entreprise. Les dividendes sont rarement versés et ne représentent généralement pas grand-chose. De plus, l’entreprise n’est pas obligée de vous verser quoi que ce soit pour vos actions.

Ne me croyez pas sur parole. Voici ce qu’en dit quelqu’un de plus intelligent que moi, Tan Liu, dans un extrait trouvable sur Google de son livre « The Ponzi Factor ».

Une action de Google peut se négocier autour de 900 $, mais Google déclare explicitement par écrit que la valeur nominale de ses actions n’est que de 0,001 dollar. Google affirme également qu’il ne verse aucun dividende à ses investisseurs et que ses actionnaires de classe C n’ont aucun droit de vote. Ainsi, si vous possédez une action de GOOG, vous ne recevrez pas d’argent de Google, vous ne serez pas autorisé à voter sur les questions d’entreprise, et Google n’est pas obligé de vous payer plus de 0,001 dollar pour cette part que vous avez achetée pour 900 $.

Ce qui amène à se demander : « Qu’est-ce que vous possédez ? » La réponse, si déchirante soit-elle, est : rien. Vous ne possédez rien. Vous possédez un bout de papier hygiénique pour lequel vous devrez convaincre quelqu’un d’autre de vous payer.

Ensuite, si vous vous sentez d’humeur impertinente, vous pourriez poser cette question : « D’où viennent les bénéfices ? Si j’achète du Google à 20 $ et que je le revends 220 $, d’où viennent ces 200 $ ? » La réponse est qu’ils viennent d’autres investisseurs prêts à acheter les actions. Comme le dit Tan Liu,

Il s’agit en fait d’une situation à somme négative parce que la société dont les actions s’échangent n’est pas impliquée dans la transaction. Les investisseurs se cannibalisent les uns les autres pour réaliser des profits, et des frais s’appliquent à chaque transaction.

L’argent que vous gagnez sur la plupart des actions, si vous gagnez de l’argent, vient d’autres investisseurs qui injectent de l’argent frais. Et s’il n’y a pas de nouveaux investisseurs prêts à acheter vos actions, alors vous êtes gros-jean comme devant, avec les doigts dans le cul (ce qui, au passage, est une expression étrange pour signifier qu’une personne ne fait rien ; en fait, on dirait bien qu’elle vit un moment très intense).

Donc, pour résumer, c’est un système dans lequel quand vous achetez quelque chose, la seule façon de gagner de l’argent est de convaincre quelqu’un d’autre de vous la racheter. Si personne ne le fait, alors vous perdez tout. Ça vous dit quelque chose ? Je sais. C’est la définition du dictionnaire d’une pyramide de Ponzi.

Encore une fois, ne me croyez pas sur parole. La Securities and Exchange Commission des USA (SEC) définit une pyramide de Ponzi comme « une fraude en matière d’investissement qui implique le paiement de prétendus rendements à des investisseurs existants à partir de fonds apportés par de nouveaux investisseurs ».

La bourse est une pyramide de Ponzi. Une pyramide de Ponzi la Bourse est.

Certains diront qu’un système de Ponzi implique généralement de mentir à l’investisseur. Mais Wall Street fait ça tout le temps aussi. La plupart des investisseurs ne comprennent pas qu’ils ne possèdent littéralement rien. Ils ne savent pas qu’ils ne font que jouer. Et ils ne savent pas que leurs profits dépendent de tous ceux qui croient encore que la Bourse est réelle.

Cela signifie que la seule façon de récupérer votre argent ou de faire des profits est de trouver une autre personne prête à acheter. Ne vous méprenez pas sur ce que je vous dis. Votre argument est peut-être : « Ici, c’est l’Amérique — il y a toujours un autre crétin ! De par une longue tradition sanctifiée par le temps, ce pays veille à ne jamais manquer de crétins ! Nous en sommes même infestés ! » [Et ailleurs aussi, par exemple en Europe. Ça fait même plus longtemps, NdT]

C’est juste, mais je ne pense pas que qui que ce soit mette fièrement en avant cet aspect du marché boursier. En fait, je respecterais ce système si, au fronton de la Bourse, on lisait quelque chose comme : « Mettez votre argent dans le marché boursier ! La seule façon de gagner plus d’argent est de trouver un neuneu pour vous racheter les actions que vous venez d’acheter. Mais le monde regorge de neuneus ! Ce filon est entièrement alimenté par des débiles. Vous n’avez donc pas à vous inquiéter. »

Si on disait ça sur le fronton de la Bourse, j’investirais.

Mais le fait que notre marché boursier soit un château de cartes construit sur des idioties empilées sur des toiles d’araignées et périlleusement suspendues à l’Hindenburg, est en fait très important Pensez donc :

En septembre 2017, le NASDAQ et la Bourse de New York avaient une valeur combinée de plus de 30 billions de dollars. … [Cela] signifie que les investisseurs croient avoir droit à 30 billions de dollars en argent réel. Mais il n’y a que 1,6 billions de dollars de liquidités en circulation dans l’économie américaine, et 3,8 billions de dollars dans l’ensemble du système économique américain.

Seulement 3,8 billions de dollars en argent réel, ce qui signifie que le marché boursier est construit, grosso modo, sur rien (un peu comme Jared Kushner). Et si même une petite fraction des investisseurs voulaient percevoir leur argent en liquide en même temps, il s’effondrerait.

Entendons-nous bien : je n’ai rien contre le jeu. Si vous voulez jouer dans un casino, alors jouez à fond. Passez-y toute la nuit, jusqu’à mettre vos derniers 2 dollars dans une machine à sous dans l’espoir de vous refaire. Allez-y. Mais les casinos sont francs avec vous. Ils vous disent que c’est du jeu de hasard. La façade d’un casino ne dit pas « Investissez votre pension dans la Roulette. Avez-vous un enfant atteint d’une maladie dégénérative ? Mettez toutes vos économies sur le 32-Rouge pour lui assurer une pension quand vous ne serez plus là. »

Les casinos ne disent pas ça. La Bourse, oui.

Certaines personnes pourraient avancer que si c’était vraiment juste du jeu de hasard comme dans un casino, la Bourse devrait être imprévisible. Pourtant, les professionnels de la finance prétendent savoir analyser et prédire le marché. Vous mettez donc votre argent entre leurs mains (graissées), et ils vous aideront à faire fructifier votre fortune. Eh bien, de multiples tests ont été effectués pour savoir si les professionnels savent réellement prédire le marché. Liu mentionne un concours qui avait été couvert par Forbes :

[Le concours] se déroulait entre des étudiants amateurs, des professionnels de la finance et un chat nommé Orlando, qui faisait tous ses investissements en lançant une souris en jouet sur une grille électronique. Orlando, le chat, a gagné la compétition.

Je répète : un chat a été plus capable de prédire le marché boursier que les experts réunis par le concours. Et pourtant, des billions de dollars en pensions et économies de toute une vie sont dévolus à des achats d’actions par des gens qui espèrent que la personne à qui ils ont confié leur argent est plus futée qu’un chat.

Pourtant, ce n’est pas le cas. Ils n’en savent pas plus que ce putain de chat.

A quelle autre profession cela s’applique-t-il aussi ? Des professeurs de mathématiques jusqu’aux employés de maison en passant par les joueurs de tennis, si tous les membres d’une profession étaient plus nuls qu’un chat, la profession disparaîtrait dans l’heure. (Et il se trouverait toujours quelqu’un pour dire : « D’ailleurs, les petits chats joueurs de tennis attirent de toutes façons beaucoup plus de public ».

Mais les conseillers financiers ne risquent rien, car la bourse est une combine à la Ponzi. C’est un racket, une arnaque, une escroquerie, une duperie, une fraude, de la filouterie, une calzone tordue ! (la dernière est de moi).

Et pourtant, dans de nombreuses villes des USA, le jeu est illégal. Ils envoient la police armée pour arrêter des parties de poker. Vous devez obtenir un permis pour organiser une tombola de quartier. Mais quand un sociopathe de Chicago parie toute votre pension et perd, il n’y a pas d’équipe d’intervention de gendarmerie, pas d’arrestation. Parce que c’est une arnaque de Ponzi légale.

D’ailleurs, exposer ces faits n’est pas permis sur nos médias grand public ou nos sites Web financiers. Le marché boursier tout-puissant ne permet pas que le moindre doute s’installe. Tan Liu a essayé d’exposer ces faits sur des blogs et ses forums populaires de finance, et ils sont souvent soit supprimés, soit complètement bannis. Il a été banni de Quora et de Wikipédia. Ils agissent exactement comme s’il était allé sur des sites Web scientologues pour y écrire : « Vous savez, Tom Cruise n’est pas un messie extra-terrestre. C’est juste une andouille de petite taille ! »

Il est impossible d’exagérer l’impact de cette arnaque sur notre monde et nos vies. Par exemple, lorsque l’on a appris que la Corée du Nord avait négocié une paix avec la Corée du Sud, les actions des principaux fournisseurs d’armes se sont effondrées. Des milliards de dollars ont été « perdus ». Cela exerce une forte pression sur les puissants pour empêcher que la paix s’instaure. Et ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres de la gravité de cette combine de Ponzi.

Certaines mesures pourraient être prises pour que le marché boursier soit moins prédateur. On pourrait arrêter de parler des actions comme si c’était de l’argent. Il faudrait arrêter de dire que l’on a 1000 dollars en action d’Apple et dire plutôt qu’on possède « 1000 turlututus en actions d’Apple ». Si on arrive à les vendre, alors seulement on a 1000 dollars.

La deuxième étape consiste à réaliser que l’économie de marché en général est conçue pour exploiter des milliards d’individus pour qu’un petit nombre deviennent grotesquement riches. Elle ne se soucie pas de la santé ou de la durabilité de notre société ; de fait, elle facilite le siphonnage de toutes les richesses et ressources par des sociopathes. Il suffit de demander à Jeff Bezos — il vaut maintenant 150 milliards de turlututus en actions d’Amazon pendant que ses ouvriers ont besoin d’aides alimentaires pour joindre les deux bouts.

Lee Camp est un satiriste politique, écrivain, acteur et activiste américain. Il anime l’émission satirique hebdomadaire Redacted Tonight sur RT America. Il a écrit pour The Onion et le Huffington Post. Cet article est fondé sur un sketch écrit et interprété par Lee Camp pour Redacted Tonight.

Traduction Entelekheia
Photo : Hôtel Louxor, Las Vegas

Note de la traduction : Pour le plaisir des anglophones, l’épisode de Redacted Tonight en question.

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