Le tribunal administratif refuse de prendre en compte le rapport sur les ventes d’armes au Yémen
Saisi par une ONG sur les ventes d’armes à la coalition arabo-saoudienne pour frapper le Yémen, le tribunal administratif de Paris a rejeté le rapport de la direction du renseignement militaire qui met en cause l’Etat français, révélé par Disclose.
«Cachez ce dossier que je ne saurai voir» : voici en substance la décision du tribunal administratif de Paris qui refuse de prendre en compte le rapport sur les ventes d’armes au Yémen, rendu public en avril dernier par les journalistes de l’ONG Disclose.
Appelé à statuer sur une suspension des exportations, le tribunal avait été saisi par l’association Action sécurité éthique républicaines (ASER) veillant aux droits de l’homme dans le domaine des transferts d’armement. L’audience est prévue le 11 juin.
L’ONG avait versé au dossier le rapport de la direction du renseignement militaire (DRM) qui a fait trembler l’Etat français, visible en ligne, accessible à tous. Il répertorie sans ambiguïté le nom des armes vendues, de nombreuses s’avérant létales, information qu’avaient niée jusqu’ici deux ministres français.
Averti, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), qui assiste les décisions prises par l’exécutif en matière de défense et de sécurité nationale, a estimé que ce document était classifié, et ne pouvait donc pas être examiné dans le cadre de la procédure.
Un rapport retiré de la procédure et détruit
Le tribunal administratif lui a donné raison et a répondu à l’association ASER dans un courrier du 27 mai. Selon le quotidien Libération qui y a eu accès, il est écrit que «ce document, présenté sous l’intitulé « Note de la direction du renseignement militaire (DRM) en date d’octobre 2018 » est retiré du dossier […] pour être détruit». Libération note que le courrier comporte des mises en garde sur les sanctions encourues en cas de violation du secret de la défense nationale, et de dévoilement d’informations protégées par des personnes habilités, qui peuvent valoir jusqu’à sept ans de prison.
Matteo Bonaglia, l’avocat d’ASER, s’est étonné de cette mention, et s’est plaint que le président du tribunal se soit «fait le relais du gouvernement au sein de sa juridiction» et que «le SGDSN se soit «concentr[é] sur cette pièce car elle contredit ses arguments».
Les déclarations sur l’armement faites par le gouvernement contredites par le rapport
L’exécutif, à de nombreuses reprises, a affirmé que seules des armes non offensives étaient exportées pour être utilisées par la coalition arabo-saoudienne. La ministre des Armées Florence Parly avait ainsi déclaré le 20 janvier: «Je n’ai pas connaissance du fait que des armes [françaises] soient utilisées directement dans ce conflit.» Jean-Yves le Drian avait abondé en son sens au mois de février, affirmant : «Nous ne fournissons rien à l’armée de l’air saoudienne.» Des affirmations réfutées par les enquêteurs de Disclose qui révélaient le 15 avril que la coalition menée par l’Arabie saoudite aurait fait usage d’armement français pour faire feu au Yémen, «y compris sur des zones civiles».