Législatives : ce réseau d’apparatchiks macronistes qui s’apprête à fondre sur l’Assemblée

Une petite troupe de professionnels de la politique s’apprête à intégrer l’Assemblée, pour y représenter Emmanuel Macron. Proches les uns des autres, ils présentent tous le même profil : ce sont des hommes, jeunes et issus du Parti socialiste.

Le renouvellement, oui, mais pas pour tous. Parmi la grande cohorte de nouveaux députés de La République en marche (LREM) qui investiront l’Assemblée nationale lundi prochain, tous ne seront pas dépaysés. Il y aura quelques députés sortants, mais aussi… un petit groupe de permanents politiques, assistants parlementaires ou collaborateurs d’élus de carrière, qui ont réussi à prendre la vague En Marche malgré le changement des profils promis par Emmanuel Macron. Avec leur bagage d’apparatchik, ils ne seront pas les plus représentatifs de la société au sein de la Chambre voulue par le chef de l’Etat. Pour autant, leur connaissance des rouages de l’Assemblée pourrait leur permettre d’acquérir rapidement une grande influence au sein du groupe parlementaire.

Le lundi 19 juin au matin, parions que ces professionnels de la politique sauront se reconnaître. Non pas qu’il existe un signe extérieur d’apparatchisme, mais il se trouve que ces futurs députés se ressemblent tous étrangement. Ce sont des hommes, issus du Parti socialiste. La majorité a tout juste dépassé la trentaine et se présente en Ile-de-France. Surtout, leur arrivée conjointe à l’Assemblée n’est probablement pas le fait du hasard : dans leur parcours professionnel, ils se sont quasiment tous croisés, jusqu’à former un réseau en forme de toile d’araignée, qui pourrait vite constituer un groupe à l’intérieur même du groupe LREM. Tel un BDE de grande école… mais au Parlement !

Benjamin Griveaux, le leader naturel

Avec sa surface médiatique grandissante, Benjamin Griveaux, 39 ans, devrait faire office de chef de file naturel de la troupe. Même s’il rappelle fréquemment qu’il travaillait dans le privé avant de rejoindre En Marche, le porte-parole du mouvement – et candidat arrivé largement en tête à Paris (43,63% des voix) – a consacré une bonne partie de sa vie professionnelle à la politique. Après ses études à Sciences Po et HEC, il s’est investi dans ‘ »A gauche en Europe », le think tank de Dominique Strauss-Kahn, pendant presque cinq ans. En 2008, il est élu au conseil général de Saône-et-Loire et en devient le vice-président chargé des Finances. Après l’élection de François Hollande, il est nommé conseiller auprès de Marisol Touraine, au ministère des Affaires sociales.

Son expérience du privé ? Des cours donnés dans une école de management, la fondation de deux cabinets de conseil et deux ans en tant que directeur de la communication et des relations institutionnelles d’Unibail-Rodamco. Son expertise politique et son bagou devraient lui permettre d’accéder à un poste clé après les législatives. On évoque son nom pour la présidence d’En Marche ou celle du groupe LREM à l’Assemblée.

Au ministère des Affaires sociales, Benjamin Griveaux a croisé Gabriel Attal, l’un des plus jeunes du groupe. Âgé de 28 ans, ce candidat arrivé largement en tête dans sa circonscription des Hauts-de-Seine (44,04% des voix) n’avait pas occupé un seul véritable job avant de devenir membre d’un cabinet ministériel, à en croire son compte LinkedIn. Diplômé de Sciences Po en 2012, il a immédiatement été embauché comme conseiller de Marisol Touraine. En 2014, il a aussi été élu conseiller municipal PS de Vanves (Hauts-de-Seine). Depuis mars 2017, il revendique un job d' »autoentrepreneur »… qu’il devrait rapidement délaisser pour l’Assemblée.

Jean-Paul Huchon, mentor de futurs députés En Marche

Ces deux retrouveront en Aurélien Taché (36,72% au premier tour dans le Val-d’Oise) une tête connue, croisée ces dernières années au Parti socialiste, puis dans les couloirs des ministères. A 33 ans, ce dernier n’a travaillé qu’un an hors de la politique. Cet ex-président de l’Unef Limoges a en revanche
cumulé les postes de conseiller d’élus de gauche : entre 2010 et 2016, il a été successivement chargé de mission du groupe PS au Conseil régional du Limousin, collaborateur de Jean-Paul Huchon, président du Conseil régional d’Ile-de-France et enfin conseiller des ministres du Logement Sylvia Pinel puis Emmanuelle Cosse. Le tout en prenant certaines responsabilités au PS, comme le secrétariat fédéral-adjoint à l’Europe, au sein de la Fédération de Paris.

Au Conseil régional d’Ile-de-France, ce dernier a croisé Guillaume Chiche, qui devrait emporter l’élection législative dans les Deux-Sèvres (40,59% des voix au premier tour). A l’époque, il occupait le poste de conseiller de la vice-présidente Isabelle This Saint-Jean, avant de devenir collaborateur de Jean-Paul Huchon, après le départ de son camarade. A 31 ans, ce diplômé en droit public a passé trois ans de sa vie professionnelle auprès d’élus, et trois autres en tant que salarié de la LMDE, la mutuelle étudiante souvent décrite comme une succursale du PS. Depuis janvier 2016, il était toutefois parti dans le privé, en tant que directeur des relations institutionnelles de la Sogaris, une entreprise de logistique.

Guillaume Chiche est quant à lui un vieille connaissance de Stéphane Séjourné depuis la faculté de Poitiers : ils ont milité ensemble à l’Unef locale, à la fin des années 2000, avant de se retrouver au Conseil régional d’Ile-de-France, entre 2013 et 2014. Agé de 32 ans, ce dernier se joindra probablement régulièrement à cette escouade, bien qu’il ne soit pas candidat aux législatives. Pas grave, puisqu’il officie en tant que conseiller politique du président de la République. Stéphane Séjourné a en revanche été une des chevilles ouvrières de la commission d’investiture d’En Marche pour les législatives. Au moment de l’examen du dossier de Guillaume Chiche, un tel lien n’a sans doute pas été un désavantage.

Les collaborateurs de l’ère Hollande bien représentés

Stéphane Séjourné a auparavant travaillé pour le chef de l’Etat au ministère de l’Economie… comme François Cormier-Bouligeon, 45 ans, candidat aux législatives et professionnel de la politique depuis 1998. Arrivé largement en tête dans le Cher (36,3% au premier tour), il a travaillé pendant 10 ans avec l’ex-député PS Gaëtan Gorce à l’Assemblée, avant de devenir directeur de cabinet du maire de Cosnes-sur-Loire entre 2008 et 2014, puis chef de cabinet-adjoint d’Emmanuel Macron et enfin conseiller de Patrick Kanner au ministère de la Ville.

Autre bonne connaissance de ces jeunes gens : Guillaume Gouffier-Cha, probable futur député du Val-de-Marne (40,25% au premier tour). A 31 ans, cet ex-militant PS a travaillé trois ans dans le privé avant d’enchaîner sur cinq années en tant qu’assistant parlementaire. Pendant quatre ans, il assiste Jean-Jacques Bridey, député ultra macroniste du Val-de-Marne, avant de devenir conseiller chargé des élus auprès du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.

A l’Assemblée, Guillaume Gouffier-Cha participait aux mêmes réunions stratégiques que Jean-Michel Mis, collaborateur de Jean-Louis Gagnaire, autre député proche d’Emmanuel Macron. Âgé de 49 ans, celui-là peut revendiquer un an de travail pour le groupe Allianz mais surtout… 18 ans de salariat politique pour des élus PS, entre le Parlement européen, la ville de Saint-Etienne, la région Rhône-Alpes et une dizaine d’années à l’Assemblée, aux côtés de Jean-Louis Gagnaire. Ce dernier a pris sa retraite cette année… en lui transmettant sa circonscription de la Loire. Avec 38,75% des voix au premier tour, Jean-Michel Mis devrait l’emporter sans souci.

Ex-éminence grise du groupe PS

Tous ont déjà eu affaire à Antoine Pavamani. A 37 ans, celui qui pourrait battre Nicolas Dupont-Aignan dans son fief de l’Essonne (il a réuni 35,76% des voix au premier tour), n’a jamais travaillé qu’en politique. Il a été un proche collaborateur de Manuel Valls à Evry dans les années 2000, avant de se brouiller avec lui. En 2012, il devient le chef de cabinet de Bruno Le Roux à l’Assemblée nationale, où il s’avère omniprésent. Il est nommé conseiller de Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement, en 2016. Dans les premières semaines, sa connaissance fine de l’Assemblée pourrait être précieuse au groupe LREM.

Tout ce beau monde devrait prendre quelques cafés stratégiques avec Cédric O, conseiller conjoint au Président de la République et au Premier ministre, mais aussi vieux complice de Benjamin Griveaux depuis l’époque Strauss-Kahn. L’homme au nom à une lettre connaît bien ces futurs députés, pour les avoir sélectionnés quand il siégeait à la commission d’investiture d’En Marche. Au QG du parti start-up, celui qui est trésorier d’En Marche échangeait alors fréquemment avec Pierre Person, chargé de la structuration des Jeunes avec Macron. Ce dernier a été président de l’Unef à Poitiers… où il a croisé Stéphane Séjourné et Guillaume Chiche. Nanti de pas moins de 39,42% des voix dans sa circonscription de Paris, cet ex-militant PS âgé de 28 ans devrait lui aussi rejoindre l’Assemblée… et la petite bande.

Marie Guévenoux (35,1% dans l’Essonne) possède un parcours similaire à ceux de ses collègues. A 40 ans, elle est collaboratrice de politiques depuis… quinze années. Seulement, son CV s’est rempli du côté de l’UMP puis des Républicains, et non du PS. La laisseront-ils intégrer la troupe ?

Eux aussi sont des proches

D’autre probables futurs députés sont des connaissances directes de cette bande… de laquelle ils pourraient se rapprocher à l’Assemblée :

– Stanislas Guérini (45,05% à Paris) : salarié d’En Marche et référent du mouvement à Paris, il connaît Cédric O depuis HEC en 2002. Il l’a retrouvé, en compagnie de Benjamin Griveaux, au sein de groupes de travail pro-DSK, en 2006.

– Sacha Houlié (41,75% dans la Vienne) : Il a fondé les Jeunes avec Macron, en compagnie de Pierre Person, croisé auparavant à l’Unef de Poitiers, en compagnie de Stéphane Séjourné et Guillaume Chiche

– Delphine O, suppléante de Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’Etat au numérique (38,08% à Paris) : elle est la sœur de Cédric O

Correction concernant Benjamin GriveauxLe 17.06.2017 à 12h51

Benjamin Griveaux précise à Marianne n’avoir jamais été salarié d »A gauche en Europe », le think tank strauss-kahnien qu’il a animé de février 2003 à novembre 2007. Il explique avoir travaillé en parallèle, en donnant notamment des cours de culture générale à l’Inseec, une école de management lyonnaise, et en fondant un cabinet de conseil.

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Portrait-robot : on a épluché les profils de la « France LinkedIn » promue par Macron aux législatives

Avec Emmanuel Macron, le renouvellement social attendra… Aux élections législatives, En Marche a surtout investi des cadres sup’ et des entrepreneurs. Des « winners » de la vie professionnelle pour remplacer les pros de la politique, en somme.

Exit les professionnels de la politique, bienvenue… aux cadors de la vie professionnelle. Après moult rebondissements, une crise de François Bayrou et quelques sérieux ratés, la République en Marche (REM) a finalement publié ce mercredi 17 mai sa liste définitive des candidats aux élections législatives. Le listing de 521 noms, épluché par Marianne, répond incontestablement à la promesse de changement martelée par le nouveau chef de l’Etat. Celui qui clamait que « la politique ne doit plus être un métier« , en octobre dernier à Strasbourg, pourra constater, satisfait, que 57% de ses représentants aux prochaines élections n’ont jamais détenu de mandat électoral. Pour beaucoup, comme le pilote de ligne Julien Lemaitte dans le Nord, la rhumatologue Stéphanie Rist dans le Loiret ou l’ingénieure nucléaire Claire Pitollat dans les Bouches-du-Rhône, il s’agit même du premier engagement militant. La parité est aussi parfaitement respectée : 261 hommes et 260 femmes. Quant aux collaborateurs politiques, les fameux « apparatchiks » pourfendus par le chef de l’Etat, ils ne sont plus que onze. Une paille. Pour autant, il n’est pas évident que ce casting corresponde à un véritable renouvellement.

90% de CSP+ et de chefs d’entreprise

En effet, si les noms changent, l’endogamie sociale demeure. On dénombre bien un chômeur, en la personne de Jean-Pierre Morali, investi dans les Ardennes, trois infirmières, un assistant juridique, un fonctionnaire au service de l’état-civil, un gardien de la paix ou un sapeur-pompier parmi les représentants d’Emmanuel Macron dans les territoires, mais cela paraît bien peu face aux 67 cadres supérieurs cooptés par Richard Ferrand et les siens.

Parmi les 298 candidats sélectionnés par la REM qui appartiennent à la société civile, 75% représentent les couches intellectuelles supérieures, les fameux CSP+. Quand on ajoute les chefs d’entreprise, on atteint même 90% des investis de Macron, quand les deux catégories ne représentent respectivement que 9,5% et 3,5% des actifs français, selon l’Insee. C’est encore davantage que dans l’Assemblée nationale sortante, qui comptait 68,5% de cadres supérieurs et 6,2% d’entrepreneurs (selon leur profession d’origine).

Regarder trop longtemps les CV des impétrants laisse même la drôle d’impression d’avoir consulté le tableau d’honneur d’une jeune multinationale en pleine expansion. Dans la « dream team » macroniste, on retrouve pas moins de 67 cadres d’entreprise, comme Amélie de Montchalin, responsable de la prospective chez Axa, dans l’Essonne, ou Philippe Latombe, responsable du contentieux au Crédit Agricole Vendée. 43 d’entre eux sont entrepreneurs, tel David Simmonet, PDG du groupe chimique Axyntis, dans le Loiret ou Adrien Taquet, fondateur de l’agence publicitaire Jésus et Gabriel, dans les Hauts-de-Seine.

Par ailleurs, si on compte, sans surprise, un nombre respectable d’avocats, de médecins et de hauts-fonctionnaires, trois professions, symboles du monde ouvert porté par Emmanuel Macron, émergent : les lobbyistes (17), comme Guillaume Chiche, directeur des relations institutionnelles de Sogaris, le géant francilien de la logistique, candidat dans les Deux-Sèvres, les consultants (16), comme Véronique Riotton, « coach de dirigeants », présente en Haute-Savoie, et les communicants (12), telle Marie-Agnès Staricky, chargée de communication pour la Fédération française des Assurances, candidate dans les Hautes-Pyrénées.

90% des REM inscrits sur LinkedIn

Dans cette France LinkedIn, du nom du réseau social professionnel prisé par plus de 90% (!) des candidats En Marche estampillés société civile, la maîtrise du vocabulaire anglo-saxon, ou plutôt du franglais standardisé du monde de l’entreprise, est de rigueur. Frédérique Lardet (Savoie) occupait jusqu’à très récemment le poste de vice présidente « food et beverage » dans le groupe Accor, quand Gaëlle Marseau, candidate dans le Val-de-Marne, officie en tant que « revenue manager » dans le groupe Ibis. Quant à Didier Baichère (Yvelines), ne l’appelez pas DRH : il est VP human resources chez Akka Technologies. Et puisqu’être un simple coach en entreprise est devenu un peu banal, certains vont encore plus loin dans la “disruption” : Jean-François Cesarini (Vaucluse) est ainsi “coach de dirigeants, managers et chefs de projet ». Un beau CV pour devenir député d’une République de winners.

Source : https://www.marianne.net/politique/portrait-robot-epluche-les-profils-de-la-france-linkedin-promue-par-macron-aux

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