Les intellectuels, le peuple et les réseaux sociaux, par Jean-Claude Michéa

Le problème c’est que cet univers scintillant des nouveaux réseaux sociaux est tout sauf politiquement neutre. D’une part, en effet, parce qu’il matérialise, dans sa structure même, tous les effets de la vision “siliconienne” du monde : « Au lieu de construire des murs – se vantait par exemple Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook – nous pouvons aider les gens à construire des ponts. Au lieu de diviser les gens, nous pouvons les rassembler. Et nous le construisons une connexion à la fois, une innovation à la fois, jour après jour. » Discours de propagande parfaitement rôdé, mais qui confirme amplement, une fois décodée la novlangue “citoyenne” (et notamment la fameuse opposition libérale des “ponts” et des “murs”) que ces nouveaux “réseaux sociaux” ont bien été conçus et mis au point par le capitalisme cool de la Silicon Valley dans le seul but – selon la formule de Guy Debord – de « réunir le séparé en tant que séparé« (ce que Sherry Turkle décrit pour sa part comme le fait d’être « seuls ensemble » et Jean-Pierre Lebrun comme celui de « vivre ensemble sans autrui ». À ce titre, ils présupposent donc un monde dans lequel cette connexion perpétuelle de tous avec tous trouve, en réalité, son principe ultime dans le déclin préalable, et toujours plus poussé, de tous les liens sociaux primaires […].

via Les intellectuels, le peuple et les réseaux sociaux, par Jean-Claude Michéa – Le Comptoir

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