Les œillères coupables de l’OMS et l’opportunisme malsain des autres
Le faux paradoxe existentiel du Dr Anthony FAUCI, médecin en chef des Etats-Unis « en tant que scientifique, en tant que pur scientifique, nous ne pouvions pas faire la déclaration ; Oui, cela fonctionne », mais en tant que médecin « bien sûr, je vais prescrire l’hydroxychloroquine aux patients atteints de coronavirus ».
Le Dr Fauci, contre l’usage de l’hydroxychloroquine et en faveur du remdesivir au début de la pandémie se dédouane finalement en assumant le devoir du médecin, pendant que les décideurs français continuent de perdre la France sur un chemin nauséabond et sans issue.
Ce 16 septembre 2020 aura été marqué par une double première. La Haute Autorité de Santé (HAS) a donné un avis définitif sujet à complément d’information sur le remdesivir (Veklury), le recommandant pour certains types de patients, mais pas pour tous. Selon le document, cela s’appliquerait à 30% des malades de la Covid-19. Mais la grande première, c’est que le laboratoire Gilead, fabricant du controversé remdesivir, a de son côté retiré sa demande de remboursement dès le 31 août. Il aura fallu attendre 16 jours pour apprendre l’information. Serait-ce une marque de science de la Haute Autorité de Santé qui n’a donné un avis que partiel ou la énième étape dans la stratégie sans faille de Gilead pour pousser une dernière fois, et de toutes ses forces, cette molécule aux effets secondaires critiques et aux bénéfices thérapeutiques incertains.
Est-ce une défaite partielle pour Gilead ou une simple étape supplémentaire d’une stratégie ? Certains faits n’auront pas échappé aux observateurs avertis, et les questions ne se posent même plus la présence de conflits d’intérêts, tel un puzzle, les pièces semblent se mettre en place.
Un historique récent
- Lorsque Gilead annonce en mars que le remdesivir aurait un effet bénéfique sur la Covid-19, tout le monde s’attend à un effet sur la mortalité. En fait, étant donné l’absence de bénéfice sur la mortalité, la mesure de l’effet thérapeutique a été portée sur le nombre de jours d’hospitalisation, ce qui a été présenté comme une lueur d’espoir par certains. Le Pr Lina, lors de son audition au Sénat ce 15 septembre, a même déclaré « c’est le seul produit ayant un effet certes indicatif, mais nous l’avons inclus dans Discovery pour éviter une perte de chance ». D’autres médecins auront noté les effets secondaires importants sur les reins des patients.
- Le 5 juin, l’étude britannique Recovery annonce que l’hydroxychloroquine n’a aucun effet sur la Covid-19 avec un dosage qui ne respecte pas les préconisations de l’IHU de Marseille. Ce dosage sera même qualifié de « surdosage et criminel » par certains médecins.
- Le 8 juin, la même étude annonce presque en fanfare une découverte : la dexaméthasone, un puissant corticoïde, aurait un effet bénéfique contre la Covid-19 sur les patients sévères en réanimation.
- Malgré des études de toxicité incomplètes, l’EMA approuve le remdesivir comme thérapie contre la Covid-19.
- Ce 16 septembre, nous apprenons que la HAS n’a pas accordé un avis favorable au remdesivir sur tous les cas.
Ces pièces nous permettent d’y voir plus clair. Dans la première partie nous cherchons « à quel jeu ont joué les Anglo-saxons ? » et dans un second volet le lien qu’il existe avec l’hydroxychloroquine.
La position de l’OMS et des gouvernements
Dans toutes les solutions possibles par rapport à la Covid-19, l’OMS et les gouvernements ont surtout fait « des virages à 180 degrés » dans leurs prises de décisions, le plus souvent de manière précipitée ou, pire, en se basant sur des études qui ont dû être rétractées. Jusque-là, rien de totalement surprenant dans une épidémie aux contours incertains, puisque affirmée être une nouvelle maladie inconnue aux connaissances manquantes.
Les positions ont varié sur l’hydroxychloroquine, sur le remdesivir et encore aujourd’hui sur les vaccins : accorde-t-on une dérogation d’utilisation avant la fin complète des essais du vaccin anti-Covid-19 ou pas ?
A chaque fois, au-delà de l’apparent manque de rationalité des décisions étatiques et de l’OMS, on retrouve quand même toujours beaucoup d’influence politique, de liens de communion de pensées qui se traduisent souvent par des conflits d’intérêt, d’anciens conflits personnels, mais aussi pas mal d’hypocrisie de ces mêmes acteurs qui refusent d’assumer leur position initiale. Comme par exemple le ministre de la Santé français qui déclare en mars que les masques sont inutiles pour qu’ils soient finalement essentiels en septembre. Que dire des prises de positions du sénateur Jomier qui se prévaut de parler de science « la science a parlé » lors de son désaccord avec le Pr Raoult lorsque celui-ci était auditionné par le Sénat. Le rôle d’un sénateur est d’écouter pour comprendre et non de débattre sur un terrain où il est visiblement inculte. Est-on passé à une dimension jamais vue auparavant dans l’histoire de l’humanité où la politique s’immisce officiellement et sans complexe dans la science ? Ou encore le visible inconfort du Pr Lina pour justifier de l’intérêt thérapeutique du remdesivir devant la même Commission sénatoriale ou les positions tellement changeantes du Pr Delfraissy, le Président du Conseil scientifique, qu’il serait fastidieux de les énumérer ici (mais cela vaudrait peut-être un article en soi).
Curieusement, au motif que le virus du SarsCov2 était nouveau, tous ces acteurs, pour de bonnes ou de moins bonnes raisons, ont systématiquement choisi l’option fallacieuse « on ne sait rien, mais on dirige tout », ce qui pour les médecins et patients correspondaient dans la vraie vie à « on ne soigne pas ».
La caricature médicale a été poussée à l’extrême en France avec la consigne « restez chez vous, prenez du doliprane et appelez le 15 quand c’est trop tard » et, du côté de l’OMS, la liste « exhaustivement ridicule » des médicaments possibles publiée en mars.
Quels médicaments retrouve-t-on dans cette liste ?
Tout d’abord, plus de 50 médicaments qui se sont perdus dans l’oubli depuis, mais surtout 15 interférons sous une forme ou une autre, combinés ou pas à d’autres molécules : ce qu’un professeur nous explique être le « dada de l’INSERM ».
Viennent ensuite 2 versions de ritonavir-lopinavir, jetées depuis aux oubliettes.
Et bien sûr, la chloroquine-hydroxychloroquine et le remdesivir. Ces acteurs-là ont animé la série de l’été, opposant les scientifiques du monde entier dans des querelles d’églises dignes d’une autre époque. La terre est-elle plate ou pas ? Ce qu’il y a de plus marquant est la violence des propos des médecins fervents opposants à l’hydroxychloroquine à l’encontre du Pr Raoult, ainsi que la position des médias qui n’ont pas relayé toute l’information, pourtant très tôt disponible, au public. Le CSA pourra peut-être se pencher sur le sujet en se posant la question du temps d’antenne accordé à certaines études par rapport à d’autres, certaines favorables à l’hydroxychloroquine, d’autres non.
La chanson française de la science a perdu sa grande voix avec l’étude Discovery (étude phare française), dont on attend des résultats depuis le 4 mai selon le Président de la république, et qui est toujours silencieuse. Pendant ce temps, l’étude britannique Recovery sert de faire valoir à toutes les instances médicales françaises, sans que personne, en dehors de FranceSoir, n’ait contre-vérifié sa validité.
Comme nous avons déjà pu l’écrire, la vérité scientifique moderne est autant sous influence anglo-saxonne que notre musique.
De quelles informations disposions-nous alors sur l’hydroxychloroquine et le remdesivir ?
Il est intéressant à ce stade de relever les informations de l’OMS sur ces 2 produits au mois de mars 2020. Visiblement, tous deux présentaient des résultats positifs in vitro. Mais une grande différence existait néanmoins déjà entre les 2 produits.
L’hydroxychloroquine a traité avec succès la malaria, le lupus et a été testée avec succès contre le VIH, l’hépatite C, le virus Zika, etc. Soit 4 des 5 grandes maladies virales des 20 dernières années.
Conformément à la Ligne directrice de l’OMS et du CDC, la chloroquine et surtout l’hydroxychloroquine plus récemment sont utilisées pour le traitement du paludisme, appliquées au traitement de la polyarthrite rhumatoïde et du lupus érythémateux systémique depuis plus de 70 ans.
L’utilisation de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine (CQ/HCQ) comme traitement anti-VIH a fait l’objet de nombreuses études. Il a été bien établi que la chloroquine et l’hydroxychloroquine peuvent inhiber la réplication du VIH in vitro à des concentrations élevées. La chloroquine et l’hydroxychloroquine se sont également avérées posséder des effets antiviraux contre le virus Zika, les virus grippaux, le virus de l’hépatite C et d’autres. Des essais pilotes à petite échelle ont indiqué que la chloroquine pourrait même améliorer les symptômes des patients atteints d’hépatite C chronique.
A contrario, le remdesivir avait lui été un échec total sur la seule maladie pour lequel il avait été testé, Ebola.
A l’évidence, à ce jour, « l’accomplissement de l’OMS et de toutes les études de non-médecins » après 6 mois de pandémie se résume pour les patients à absolument aucun bénéfice.
En conséquence, les arguments de sélection des traitements utilisés par l’étude Discovery qui étaient « le remdesivir a montré une efficacité ; nous n’avons pas de données positives sur l’hydroxychloroquine » est une « honte » éthique et une faute médicale volontaire car ayant probablement engendré un surnombre de décès par absence de soins. Que ces « équipes » qui ont cherché pendant 30 ans, sans succès, les vaccins contre le HIV, le virus Zika, la malaria, Ebola et les hépatites tentent de compenser leur frustration par une « haine » contre l’hydroxychloroquine et s’abaissent à « promouvoir » un produit qui a échoué contre le virus pour lequel il a été conçu (Ebola) n’est pas glorieux. Si la recherche française, en situation de crise, se résume à rejouer le match PSG-OM, ce n’est pas plus à son honneur.
Que viennent donc faire les corticoïdes et corticostéroïdes dans le feuilleton macabre de HCQ versus remdesivir ?
Les corticostéroïdes s’invitent en guest-star le 8 juin suite à la soi-disant découverte de Recovery. Dans les faits, on utilise les corticostéroïdes depuis plus de 50 ans, principalement pour les « chocs septiques », en détaillant les cytokines ciblées.
Dès 1998, l’usage et l’action de la dexaméthasone contre les cytokines étaient connus, relayés par plusieurs publications, telle que « L’inhibition significative par la dexaméthasone sur la sécrétion de monokines, avec aucune différence entre les sexes ». Cette étude montre que l’inhibition de la sécrétion de cytokine par la dexaméthasone est plus marquée sur les cytokines de type Th1 que sur les cytokines de type Th2. En 2005, une autre étude confirme l’effet inhibiteur des glucocorticoïdes sur les cytokines inflammatoires. Des études plus récentes ont aussi démontré des résultats (2009). Mais ceci semble avoir été systématiquement passé sous silence.
De plus, la dexaméthasone est largement utilisée comme anti-cytokines dans d’autres pathologies : les rhumatologues tels que le Pr. Cron traitent le syndrome de tempête de cytokines (communément appelé syndrome d’activation de macrophage) chez les patients atteints de lupus et de polyarthrite rhumatoïde en utilisant le méthylprednisolone. « En dehors de la Covid-19, les oncologues utilisent souvent la dexaméthasone pour traiter la lymphohistiocytose hémophagocytique, un syndrome de tempête de cytokines observé chez les patients atteints de cancers du sang tels que les leucémies et les lymphomes. Les glucocorticoïdes, tels que la dexaméthasone et la méthylprednisolone, sont tous deux « utilisés pour calmer la tempête de cytokine », explique M. Cron. « Ils ont des effets très étendus sur le système immunitaire », y compris la diminution de la production de protéines pro-inflammatoires et « la diminution de la fonction de plusieurs types de cellules immunitaires ».
Aussi est -il « évident » que cette action des corticoïdes s’applique très probablement parfaitement aux cytokines liées à la Covid-19. Il n’y aurait donc là absolument « rien de neuf sous le soleil de Marseille ou de Paris ». Plusieurs médecins experts en maladies infectieuses commentaient d’ailleurs le 17 juin sur France Inter :
Karine Lacombe (Hôpital Saint-Antoine): Oui. « En France, on a très rapidement donné très tôt les corticoïdes chez des patients qui avaient le Covid-19 parce que ça diminuait l’inflammation au niveau des poumons », « On sait que c’est un traitement qui marche, on l’a utilisé à grande échelle. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’ils [les anglais] ont sans traitement 40% de mortalité, chez nous seulement 13%. »
Jean Daniel Lelièvre (Hôpital Henri Mondor) : « C’est un médicament très ancien, c’est de la cortisone que beaucoup de patients connaissent ». « On avait déjà des effets rétrospectifs parce que dans d’autres cas de détresse respiratoire aiguë, on sait que ce médicament peut avoir une efficacité. »
De son côté Stéphane Gaudry précise que ce traitement est fréquemment utilisé dans les maladies inflammatoires : « Dans certaines méningites notamment, il est recommandé d’utiliser la dexaméthasone pour réduire les séquelles neurologiques dues à la maladie. »
Aussi peut-on s’étonner que l’OMS (avec prudence ou incompétence) et la France aient argumenté début 2020 contre l’usage des corticoïdes et de l’hydroxychloroquine dans le traitement de la Covid-19.
Qu’un virus soit nouveau, ce n’est pas une première. Qu’un choc septique en phase finale puisse survenir, c’est une éventualité. Alors !
Quels sont les réels effets des corticoïdes sur la Covid-19 ?
On a pu consulter début septembre un communiqué « très ambigu » de l’OMS sur l’usage des corticostéroïdes. D’un côté, l’Organisation Mondiale de la Santé recommandait de ne pas utiliser les corticoïdes pour les phases « légères et modérées », et de l’autre on se retrouve dans une situation où il n’y a pas de consensus sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine.
Sur les 7 études inclues dans la méta-analyse sur des patients critiques, on s’aperçoit que déjà 3 donnent un résultat défavorable aux stéroïdes sur les patients en réanimation (IMV : Ventilation mécanique invasive). En additionnant les résultats des 3 études DEXA, Covid-Steroid, Steroid-SARi, on peut conclure erronément que le résultat n’est pas favorable pour les stéroïdes sur des études conduites sur un trop petit nombre de patients dans des conditions cliniques inconnues, on a 11 décès sur 32 patients, et avec 16 décès sur 27 patients. Sur les quatre études restantes, l’OMS remarque que REMAP-CAP a été arrêtée avant la fin de l’essai et ne montre de toute façon pas de différences significative. CODEX donne des résultats non significatifs. In fine, sur deux études favorables, le poids de l’étude Recovery est au moins 10 fois supérieur à celui de CAPE COVID.
L’OMS se retrouve donc à devoir « recommander » les corticoïdes sur le seul résultat de RECOVERY.
Le manque de résultats des études pourrait-il cacher un autre problème ?
Ces études, toutes été réalisées à l’hôpital dans le cadre du traitement de patients particulièrement fragiles, cachent mal le problème de l’absence d’essais en prophylaxie faute de tests, l’impossibilité de prouver l’efficacité par étude contre placebo (95% des gens guérissant seuls, il est impossible de prouver un résultat sur les 5% restants), le refus de prendre des décisions sur la base de retours d’expérience de terrain (Chine, Italie, etc.) et, disons-le ouvertement, l’existence de conflits d’intérêts.
Cependant, comme pour les études sur l’hydroxychloroquine, le débat sur l’usage des corticoïdes aujourd’hui pour les patients sous ventilation invasive dissimule peut-être encore une autre réalité.
Lors de la première vague de l’épidémie, avec la saturation des réanimations et la pression sur les soignants, les patients avec beaucoup de comorbidités sous réanimation invasive connurent un taux de mortalité « très élevé ». (Note 1). Ceci est encore plus flagrant chez les patients de plus de 70 ans, ainsi que chez ceux souffrant de diabètes et d’hypertension.
De plus, et ceci est connu depuis plusieurs années, l’intubation ne doit être pratiquée qu’en cas pratiquement désespéré et le contrôle du timing se fait à la journée près, c’est sinon un risque de mortalité supplémentaire.
Dit autrement, sur la population cible (plus de 70 ans avec des comorbidités), un taux trop élevé de patients en réanimation invasive est apparenté à un signe d’absence de toute prophylaxie et thérapie en amont.
Plusieurs études US ont en effet montré que le taux de mortalité en réanimation variait de 8% à 82% selon les hôpitaux, et les chiffres varient de 12% à 43% en France. Il est difficile d’expliquer cette différence en avançant juste que « les patients n’étaient pas tout à fait les mêmes ». Il s’agit essentiellement de différence de pratique clinique (Note 1).
Beaucoup de pays ont d’autre part manqué de respirateurs. La France a dû commander des respirateurs qui auront été reçus soit trop tard ou qui n’étaient pas adaptés.
Recovery sert donc à signer la fin de partie pour l’hydroxychloroquine et à prouver l’efficacité des corticoïdes.
Que valent vraiment l’étude et le rapport Recovery ?
Le 8 juin 2020, Recovery annonçait donc un résultat très positif de la dexaméthasone contre la Covid-19 sur les personnes en réanimation avec ventilation « invasive » (IMV). Le taux de mortalité était de 29% pour les patients sous traitement, contre 41% pour le groupe placebo.
Recovery n’a pas la primauté de l’usage des corticostéroïdes contre la Covid-19 ni sur une étude randomisée.
- Recovery fait référence à 3 articles publiés en chinois. Un lien permet d’accéder à un article américain de 2 pages du 11 février qui reconnait que l’usage des corticostéroïdes sur la Covid-19 est très pointu dans l’expérience chinoise et qu’il faut en conséquence un « essai randomisé ».
En février, les Chinois utilisent pragmatiquement les antiviraux et les corticoïdes dans des études non randomisées incluant des patients qui ne sont pas en soins intensifs. Cela ne fait pas sourciller le Conseil scientifique ou les leaders d’opinion qui vont, eux, favoriser la règle d’or des essais randomisés. (note 2) - Recovery n’a pas la primauté d’une étude randomisée sur l’effet de la dexaméthasone sur les SDRA (Syndrome de Détresse Respiratoire Aigüe). Dès février 2020, des résultats positifs étaient disponibles et publiés par le Lancet. En Espagne, un essai contrôlé randomisé multicentrique a été mené sur 277 patients atteints de SDRA modérés à sévères ayant reçu de la dexaméthasone intraveineuse (IV) pendant leur séjour à l’hôpital ou un placebo. Le groupe traité a nécessité une durée sous ventilateur inférieure de 4,8 jours en moyenne par rapport au groupe contrôle. La mortalité toutes causes confondues à 60 jours était aussi significativement plus faible à 21 % dans le groupe traité, contre 36 % dans le groupe contrôle.
Il serait donc difficile de dire aux patients que l’OMS n’a pas recommandé les corticostéroïdes en mars 220 pour la Covid-19. Personne ne croirait que la Covid-19 n’est pas une SDRA, mais une nouvelle maladie alors que partout on parle du besoin de ventilation chez les patients les plus gravement atteints.
Le « calcul du rapport de risque » (HR) a aussi attiré notre attention. Le HR calcule le risque relatif entre un groupe de patients traités et un groupe non traité sur une période donnée.
- Ce HR est censé être calculé après ajustement pour toutes les covariables confondantes identifiées ou connues a priori.
- Or si les covariables paraissent effectivement s’équilibrer entre les 2 groupes (traités ou non), elles ne le sont pas du tout sur le groupe IMV (Ventilation Mécanique Invasive) pour les facteurs « maladie cardiaque, pulmonaire, diabète, insuffisance rénale, âge, genre homme, nombre de jours médians depuis l’apparition des symptômes ». (Note 3).
- De plus, la conclusion sur les patients en ventilation mécanique au début de l’étude ne se retrouve pas dans l’analyse des scores de risques (Baseline score) (figure 4). En effet, le score à l’inclusion est une mesure de risque du patient incluant divers facteurs et le HR de 0.9 n’est pas significatif. Les patients en IMV à l’inclusion étaient plus jeunes (58,8 ans) que les autres groupes « sans oxygène » (71,1 ans) et « oxygène seulement » (67,2 ans).
Ce qui veut dire que l’effet annoncé n’est peut-être pas aussi important que cela. Qu’il existe finalement une différence entre les 2 groupes, c’est possible, que le risque relatif du groupe IMV soit celui rapporté dans Recovery semble peu probable.
Une question centrale revient : pourquoi n’a-t-on pas utilisé les données antérieures tant sur l’hydroxychloroquine que sur les traitements anti-cytokines (dexaméthasone en tête) qui étaient disponibles en mars 2020 ? Pourquoi l’OMS, l’Inserm, l’Union européenne qui avaient les informations, n’en ont au moins pas tenu compte, au moins pour les cas graves. Serait-ce pour favoriser le remdesivir ?
Au-delà de la saturation du système hospitalier, malgré l’engagement énorme de tous les soignants, le taux de décès élevé en réanimation avec ventilation invasive sur la première vague semble avant tout dû au manque de lucidité face à l’urgence (temps de recherche, analyse de la littérature) des décideurs des « Comités », « des sociétés savantes » et des « politiques ».
La primauté Recovery et OMS : refaire la même erreur que pour l’hydroxychloroquine
De la même manière que l’hydroxychloroquine avait montré des résultats très positifs sur la malaria, le lupus, etc. mais aussi sur le VIH, le virus Zirka, et l’hépatite C, les corticoïdes sont utilisés depuis des décennies, et ils ont en particulier été utilisés dans les cas de SARS à Hong-Kong en 2006. Cette étude conclut à une mortalité de 17% pour le groupe corticoïdes contre 28,3% pour le groupe témoin. C’est-à-dire exactement la même différence de mortalité que Recovery en 2020 (29% groupe dexaméthasone contre 41% groupe témoin). Quant aux poids des critères de comorbidité (âge et autres maladies), ils rejoignent ceux de la Covid-19.
Le SARS et la Covid-19 ont beaucoup de points communs. De plus, le Dr Fauci, qui avait reconnu l’efficacité de l’hydroxychloroquine contre le SARS, ne veut vraisemblablement pas voir l’histoire se répéter.
Cependant le point clé est dans la confirmation que l’usage des corticoïdes doit se faire dans un timing extrêmement serré : « Nous soutenons donc que la faible mortalité et la morbidité dans le groupe MP peut avoir résulté d’un contrôle efficace de la maladie grave par des doses élevées et appropriées de corticostéroïdes avec une activité anti-inflammatoire élevée donnée à un moment stratégique selon le protocole pour coïncider avec la période d’activité immunopathologique élevée liée au SRAS. Cette stratégie permettrait de réduire en douceur les doses de corticostéroïdes pour éviter le rebond de la maladie ainsi que le risque d’infections secondaires au cours de la phase suivante de l’immunoparèse. Nous spéculons, par conséquent, que le corticostéroïde administré à des doses proportionnelles à la sévérité de la maladie peut être propice à contrôler efficacement les dommages pulmonaires immunopathologiques ».
Autrement formulé, le dosage et le timing de l’usage des corticoïdes est au jour prêt, patient par patient. Ceci est d’autant plus vrai avec un corticoïde aussi puissant que la dexaméthasone.
Curieusement, l’OMS dans les références de soutien de ses recommandations ne selectionnera que trois références : deux sur l’influenza et une sur le MERS, mais aucune sur le SARS. Rappelons que le Dr FAUCI avait déclaré que « l’hydroxychloroquine est le meilleur produit contre le SARS ». Le SARS avait une forte corrélation charge virale – mortalité visible dans le graphique ci-dessous, ce qui est un point fort du traitement par hydroxychloroquine. Alors que c’est contesté pour la Covid-19. Comment se fait-il alors que e Dr Fauci était contre l’usage de l’HCQ au début de la pandémie ?
Cependant en mars 2020, l’OMS déconseille les corticostéroïdes, principalement sur la base d’une méta-analyse qui sera reprise par plusieurs pays (Suisse, France).
De leur côté, les Chinois présentent en août 2020 un résultat beaucoup plus nuancé qui tient compte de la complexité médicale. Dans l’utilisation de corticostéroïdes chez les patients critiques et non critiques, les patients atteints d’affections sévères étaient plus susceptibles de nécessiter un traitement par corticostéroïdes. L’usage des corticoïdes intervient « plus fortement » pour les cas les plus sévères et donc la mortalité finale est « biaisée ». De plus, l’analyse révèle que les patients recevant une corticothérapie étaient plus susceptibles de développer une infection bactérienne due à une immunosuppression.
Le plus gros effet secondaire, pour la population à risque en grosse déficience immunitaire, est alors le risque d’infection bactérienne. Le risque n’est pas le corticoïde par lui-même. L’ATU (Autorisation temporaire d’urgence) en deviendrait presque obligatoire durant cette phase.
L’article conclut que les patients atteints de maladies graves étaient plus susceptibles de nécessiter des corticostéroïdes. Ils doivent être utilisés avec prudence dans le traitement des patients atteints de la Covid-19. Ils ne sont pas recommandés pour les patients souffrant d’affections légères, et des corticostéroïdes modérés peuvent être utilisés chez les patients atteints d’affections sévères pour supprimer la réponse immunitaire et réduire les symptômes.
En langage diplomatique, même en phase sévère, l’usage des corticostéroïdes se pratique sur une situation clinique particulière et avec un timing très étroit. Exprimé de façon « plus directe », les Chinois ne croient pas que l’essai Revovery sur la dexaméthasone, en période de saturation des ressources et selon un protocole totalement généralisé et de cette taille, ait pu donner une telle différence d’efficacité sans un « biais important » sur le groupe IMV (ventilation invasive mécanique).
A quelle étape faut-il donc administrer les corticostéroïdes et pourquoi ?
Commençons par dresser l’état des connaissances.
Une des premières études importantes menée sur les corticoïdes date de 2015. Elle concluait : « Globalement, la méta-analyse a montré que les corticostéroïdes n’ont pas réduit la mortalité par rapport au placebo ; les analyses de sous-groupes ont montré que les corticostéroïdes réduisaient la mortalité dans les essais portant sur des patients atteints d’une pneumonie plus sévère (risque relatif [RR] 0,39, IC à 95 % de 0,20 à 0,77) mais pas dans les essais de patients atteints de pneumonie moins grave (RR 1,00, IC 0,79 à 1,26) (P = 0,010 pour l’interaction). Les corticostéroïdes ont réduit le risque de ventilation mécanique et d’ARDS, mais pas d’admission aux soins intensifs (tableau). Les corticostéroïdes ont réduit la durée de l’hospitalisation (différence moyenne 1,00 d, IC 0,21 à 1,79 dans 3 essais [n = 1288] à faible risque de biais) et le temps à la stabilité clinique (différence moyenne 1,22 d, IC 0,35 à 2,08). Les corticostéroïdes augmentent le risque d’hyperglycémie mais pas d’hémorragie gastro-intestinale, de complications neuropsychiatriques graves ou de réhospitalisation. »
5 ans avant la Covid-19, on croit lire les résultats de Recovery.
« Il n’y a pas de différence sur l’ensemble des groupes (toutes sévérités) mais avec une subtilité qui d’ailleurs rejoint un problème récent : il faut éviter les intubations invasives qui ont montré un taux de mortalité très élevé ».
L’usage des corticoïdes est, dans cette étude, reporté autant pour éviter aux patients en réanimation d’avoir une SDRA ou de passer en « ventilation mécanique ». Sur les patients qui passent quand même en intubation, on peut mesure donc en fait l’action des corticoïdes dans la phase qui précède la réanimation.
Or en 2020, l’étude Recovery explique que la mortalité concerne directement des patients au stade de l’intubation. Il apparait difficile de défendre l’idée que la dexaméthasone n’offre pas vraiment d’avantage aux patients sous oxygénation non invasive et un avantage aussi significatif sur les patients sous ventilation mécanique invasive.
Les patients intubés seraient-ils dans le cas des alpinistes en très haute altitude qui présentent une baisse de 2 à 3% de la pression artérielle. Qui pourrait croire cela ?
Cela apparait confirmé en 2016 : « Les méta-analyses sur l’utilisation de la corticothérapie dans le SDRA ont abouti à des conclusions incohérentes. C’est principalement parce que le SDRA est une maladie hétérogène avec diverses étiologies et expériences cliniques. Les corticostéroïdes continuent d’être l’un des traitements pharmacologiques du SDRA les plus étudiés. Une publication récente a montré que la corticothérapie à court terme et à faible dose peut avoir un impact sur la survie dans une SDRA lié à l’aspiration. Il est plausible que le moment (prophylactique ou après l’agression initiale), la dose et la durée du traitement, ainsi que l’étiologie de la lésion pulmonaire, soient tous des facteurs importants pour déterminer la réponse des patients à l’administration de corticostéroïdes systémiques. Les futurs essais cliniques doivent tenir compte de toutes ces questions. »
Une deuxième méta-analyse en 2018 montre quand et sur quels résultats les corticostéroïdes sont efficaces. Elle établit avec précision les actions sur lesquelles les corticoïdes agissent, allant jusqu’à expliquer pourquoi les études peuvent être négatives ou conflictuelles ainsi que les résultats qu’il faut précisément regarder (Note 4)
Ce n’est donc qu’en 2018 que, pour les patients en ventilation invasive, la vraie efficacité « à fenêtre très étroite » des corticostéroïdes est comprise et recommandée.
Ce qui était pourtant connu depuis 2006 en Asie et depuis 2011 en Europe.
En 2020, plusieurs études ont même été lancées pour étudier l’efficacité des corticostéroïdes en prophylaxie. Si la dexaméthasone est utilisée en antiviral, les effets sont effectivement nuls, voire négatifs.
En mars 2020, les Suisse notent : « Une très récente étude in vitro a toutefois étudié l’effet de différents composés (donc plusieurs corticostéroïdes) sur des cultures de cellules infectées par le SARS-CoV-2. Quatre stéroïdes ont entrainé un taux de survie cellulaire supérieur à 95 %. La cortisone et la prednisolone, la dexaméthasone, et la fluticasone, n’ont pas supprimé la croissance virale ».
Evidemment, début 2020, ce sont alors les pays les plus touchés qui sur le terrain utilisent les corticostéroïdes et bien sûr la variable clé reste la ventilation mécanique (MV). En Espagne, par exemple, la justification du traitement prolongé par corticostéroïdes dans le syndrome de détresse respiratoire aiguë causé par la Covid-19 fait l’objet d’une étude.
Une étude chinoise confirme en 2020 « quand et pourquoi » les corticostéroïdes peuvent agir sur la Covid-19.
« La période d’incubation de la Covid-19 chez quelques patients est susceptible d’être supérieure à 14 jours. Les lymphocytes, en particulier les lymphocytes T, chez les patients sévères et critiques ont montré une diminution spectaculaire. L’application de corticostéroïdes à plus faible dose (≤ 2 mg / kg jour) pourrait inhiber la production d’IL-6 (un représentant des cytokines) aussi efficacement qu’une dose plus élevée. Une utilisation appropriée des corticostéroïdes chez les patients de type général n’a pas retardé la clairance virale. Pour les patients atteints de SDRA modéré à sévère, l’utilisation rapide de la ventilation mécanique et de la CRRT garantit un meilleur pronostic. »
En revenant à la situation en France, en avril 2020, l’APHP envisageait l’option suivante :
« La principale manifestation de la Covid-19 est l’insuffisance respiratoire hypoxémique aiguë (AHRF). Chez les patients atteints d’AHRF, le besoin de ventilation mécanique invasive est associé à une mortalité élevée. Deux hypothèses seront testées dans cette étude.
- La première hypothèse est l’avantage de la thérapie corticostéroïde sur l’infection grave de la Covid-19 pour les patients admis en soins intensifs en termes de survie.
- La deuxième hypothèse est que, dans le sous-ensemble de patients n’étant pas sous ventilation mécanique à l’admission, soit la pression positive continue des voies respiratoires (CPAP) ou l’oxygène nasal à débit élevé (HFNO) permet de réduire le taux d’intubation en toute sécurité pendant l’insuffisance respiratoire hypoxémique aiguë liée à la Covid-19 ».
En étant lucide, au pic de la mi-avril, les AP-HP avaient déjà constaté que le taux de mortalité en réanimation avec ventilation intrusive était synonyme de décès.
De plus, à cette même époque, le problème des cytokines est relativement bien connu. Il est donc logique que les AP-HP se posent la question suivante : comment lutter en phase de réanimation contre la tempête de cytokines. Deux produits sont connus : le tocilizumab, homologué pour cet usage par la FDA en 2018, ainsi que les corticostéroïdes.
L’AP-HP fera une annonce anticipée « désastreuse » sur le tocilizumab. Cependant, on attend toujours le résultat de l’essai AP-HP, décrit ci-dessus, sur la dexaméthasone.
La politique thérapeutique des Français est toujours entre les mains des anglo-saxons. Donc pas de souveraineté nationale en termes de traitement malgré les déclarations initiales et les millions d’euros investis.
Suite demain dans le second volet.
Note 1 : Deux études
https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.08.13.20174524v1.full.pdf
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7155908/
Note 2 : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7042881/ (table 4)
Note 4 https://jintensivecare.biomedcentral.com/articles/10.1186/s40560-018-0321-9
Auteur(s): Le Collectif Citoyen pour FranceSoir