Loi asile et immigration : médias et associations pro-migrants ont le même discours

C’est un jeu de rôle où les intervenants connaissent leur script par cœur. Chacun – État, associations, partis politiques – joue une partition quasi connue à l’avance. Les médias ne sont pas reste : à l’occasion du débat sur la Loi asile-immigration, nombreux sont ceux qui relaient sans recul cet exercice codifié, au bénéfice d’une gauche libérale libertaire qui s’arroge le monopole de la vertu.

Le scénario est commun à beaucoup de réformes : le gouvernement laisse « fuiter » les grandes lignes du projet de Loi prévu. Les réactions dans la « société civile » permettent d’en juger la popularité. Un rapport vient ensuite donner une vision « équilibrée » de ce qui doit être entrepris. Puis le projet de Loi est débattu au Parlement.

Dans ce jeu de rôle, et à l’occasion de la présentation de la Loi sur l’asile et l’immigration, l’immense majorité des médias ne relaie qu’un seul point de vue : celui des associations favorables à une large ouverture des frontières. Illustration :

Dévoilement du projet

Le 11 janvier 2018, Le Monde dévoile la trame de la loi asile-immigration qui doit être présentée ce jour-là par le Premier Ministre au monde associatif.

Comme nous le relations dans un article publié en janvier, le ban et l’arrière ban des associations pro- migrants se sont déjà mobilisés avant d’être reçues par le Premier Ministre. États généraux, tribunes, déclarations, manifestations bénéficient d’une large couverture médiatique.

Avant même qu’il ne soit rendu public, Le Figaro annonce le 19 février que le Premier Ministre se fera remettre à l’occasion d’un déplacement à Lyon un rapport d’un député En marche contenant des mesures destinées à favoriser l’intégration des étrangers arrivés en France.

Alors que ce rapport était censé apaiser le monde médiatico-associatif, la contestation non seulement ne retombe pas mais est ravivée par la présentation le 21 février en Conseil de Ministres et à la presse du projet de Loi sur l’asile.

Tirs à boulets rouges

Les réactions ne se font pas attendre. La quasi-totalité des médias reprend à l’unisson les arguments des associations pro-migrants :

Ouest-France relaie « les cinq mesures qui fâchent »…les associations pro migrants. Des éléments de langage partagés par les chaines d’actualité BFMTV et LCI. Europe 1 liste « les points qui font débat »… pour les associations pro-migrants et les partis de gauche. France Info donne la parole à une représentante de la CIMADE (association d’aide aux étrangers), pour qui « c’est un texte grave et dangereux ». RTL interviewe le passeur de migrants Cédric Herrou : « L’extrême droite est au pouvoir ». Le Monde offre une tribune à des universitaires pour qui c’est « un projet ni humain ni efficace ». Le 22 février, un éditorial du quotidien du soir titre sur « un projet de loi déséquilibré ». Pour Libération, c’est « un projet qui déboute ». France Inter s’interroge gravement : « la France est-elle encore une terre d’accueil ? », etc…

Le Point fait partie des rares médias avec notamment Le Figaro et Atlantico à ne pas donner que les points de vue des associations pro-migrants à ce sujet.

Les récits de vie : entre héroïsation et édification des consciences

Dans la période, les récits de vie de migrants se multiplient dans les médias. Si la dimension humaine de ce sujet est importante, on peut néanmoins se demander dans quelle mesure ils ne participent pas à l’instrumentalisation des émotions et à l’édification des consciences. Ils s’inscrivent en tous cas dans le droit fil des recommandations de l’Union européenne aux médias que l’OJIM a présentées en 2017, afin de mieux faire accepter et percevoir l’immigration. En résumé, faire appel à l’empathie plutôt qu’à une contextualisation plus large.

Le 20 février, à l’occasion de la présentation du projet de Loi sur l’asile au conseil des ministres, RTL présente à 7h l’itinéraire de clandestins qui passent la frontière franco italienne par le col de l’échelle dans les Alpes. France Inter relate le récit de l’exil d’un couple de migrants qui veut passer en France dont la femme est enceinte. Le Populaire évoque l’itinéraire d’une famille de 9 syriens. La Voix du Nord présente le 25 février « l’histoire bouleversante de Tarek, réfugié syrien ». Le quotidien Ouest France pour qui « expulser n’est pas solution », multiplie les récits de vie des migrants, comme celui de Blaise, un congolais.

Pendant ce temps, Le Figaro consacre le 8 janvier un dossier sur les chiffres des demandes d’asile en 2017 qui «  confirment une hausse historique du flux de migrants réclamant le statut de réfugié ». On y apprend que le principal pays de provenance des demandeurs d’asile est…l’Albanie. « Des ressortissants de ce que le droit d’asile appelle ” un pays sûr” », comme le signale LCI…..

Les arguments que vous ne trouverez pas dans les médias mainstream

Dans la mémoire courte du journalisme dominant, il semble difficile d’élargir la contextualisation des articles à autre chose qu’aux réactions immédiates des associations pro-migrants.

Pourtant, en 2015, à l’occasion d’un autre projet de Loi sur l’asile, la Cour des comptes pointait dans un rapport un certain nombre de dérives, divulguées par Le Figaro. Morceaux choisis :

« L’engorgement des hébergements pour les demandeurs d’asile se répercute sur l’hébergement d’urgence de droit commun. Le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français notifiées aux personnes déboutées du droit d’asile, est de 6,8 %. Un fort enjeu budgétaire s’attache à la réduction des délais d’examen des demandes d’asile. La diminution des délais permettrait de dissuader certaines demandes d’asile. Le programme (du budget de l’Etat pour l’asile) a bénéficié d’un traitement exceptionnel sur cette période, le faisant échapper aux contraintes de la politique de maîtrise générale de la dépense publique ».

Dans un décryptage du projet de loi, la démographe Michèle Tribalat affirme au Figaro que « rien, dans le projet, n’indique une volonté de limiter l’immigration étrangère en France. La Loi prévoit d’ « étendre le regroupement familial auprès des réfugiés mineurs. Elle crédibilise le projet de familles qui envoient leur grand garçon, en éclaireur, essayer de trouver un avenir meilleur en Europe ».

Un haut fonctionnaire évoque dans une tribune publié par le Figaro le 22 janvier 2018 une « fermeté en trompe l’œil ». Il énumère une longue liste de mesures du projet de Loi favorables aux demandeurs d’asile : « Facilitation de la délivrance, aux membres de la famille d’un réfugié mineur, d’une carte de séjour valable 10 ans. Pour les réfugiés mineurs, extension du bénéfice de la réunification familiale non seulement aux ascendants directs au premier degré, mais aussi aux frères et sœurs. Dispositions protectrices sur le droit au séjour des victimes de violences conjugales. Introduction d’une règle prévoyant que tout demandeur d’asile est informé qu’il peut solliciter un titre de séjour sur un autre fondement pendant l’instruction de sa demande. Possibilité d’accorder l’aide au retour volontaire à un étranger placé en rétention », etc…

L’auteur de la tribune signale au sujet de tous ces éléments factuels « que les associations de défense (des migrants) se gardent bien de (les) évoquer » On serait tenté d’ajouter que la grande majorité des médias les occulte également… La mémoire courte et une absence de contextualisation aboutissent ainsi à une présentation médiatique tronquée du débat en cours. Qui a dit que l’Empire du Bien avait perdu son hégémonie morale ?

via Loi asile et immigration : médias et associations pro-migrants ont le même discours | Ojim.fr


Rétention, délais, recours… Ce que contient le projet de loi « asile et immigration » du gouvernement

Source : L’Obs

L’objectif du projet de loi est de réduire à six mois les délais d’instruction de la demande d’asile.

 

« C’est un projet de loi totalement équilibré », jure depuis des semaines le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Le Conseil des ministres se penchera mercredi sur le projet de loi sur l’asile et l’immigration, un texte très critiqué par les associations d’aide aux migrants et qui pourrait mettre à rude épreuve la majorité où certains contestent la logique « répressive » du texte.

Deux jours avant la présentation du texte, le gouvernement a d’abord tenu à en souligner le volet intégration en dévoilant dès ce lundi les conclusions d’un rapport sur le sujet commandé au député Aurélien Taché.

L’objectif du « projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif » est de réduire à six mois les délais d’instruction de la demande d’asile (contre 11 mois environ actuellement), et de faciliter, dans un second temps, la reconduite à la frontière pour les déboutés. Le projet lance également des pistes pour mieux intégrer les personnes admises sur le territoire.

« C’est un projet de loi totalement équilibré. Il reprend deux grands principes : la France doit accueillir les réfugiés, mais elle ne peut accueillir tous les migrants économiques », expliquait, dès le mois de janvier Gérard Collomb, pour qui « le problème principal tient à notre législation, qui par rapport aux législations européennes est beaucoup plus favorable ».

Doublement de la durée maximale de rétention, diminution des délais et des possibilités de recours… « L’Obs » fait le point sur ce que contient le projet de loi.

Doublement de la durée maximale de rétention

Mesure-phare du texte pour faciliter les expulsions : le doublement de la durée maximale de rétention à 90 jours (avec prolongation possible de 15 jours – trois fois de suite maximum, soit 135 jours -, si l’étranger fait obstacle à son éloignement) est vigoureusement dénoncé par les associations.

« On sait depuis des années que la durée de rétention influe très peu sur les mesures exécutées », assure David Rohi de la Cimade, association d’aide aux étrangers, qui demande le retrait du texte.Cette mesure emblématique s’accompagne d’une myriade d’autres mesures renforçant également le caractère répressif de l’Etat :

  • augmentation de 16 à 24 heures de la durée de la retenue administrative pour vérifier le droit au séjour, et renforcement des pouvoirs d’investigation, notamment sur les prises d’empreintes ;
  • renforcement du régime de l’assignation à résidence avec des plages horaires de quatre heures ;
  • délit de franchissement non-autorisé des frontières extérieures à l’espace Schengen, puni d’un an d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende si la personne ne passe pas par un point contrôlé ;
  • possibilité d’accorder l’aide au retour volontaire à un étranger placé en rétention ;
  • rétention possible d’un demandeur d’asile, s’il présente une menace grave pour l’ordre public ;
  • extension de la vidéo-audience pour le juge des libertés et le tribunal administratif

Des recours plus compliqués

Au-delà, les associations d’aide aux migrants critiquent également toutes les mesures qui, au nom de la réduction des délais d’instruction, restreignent les possibilités de recours.

« Ces mesures concourent en réalité à dissuader les demandes considérées a priori comme dilatoires », estime le Gisti (« Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s »).Le projet prévoit notamment :

  • une réduction de 120 à 90 jours du délai pour déposer une demande d’asile après l’entrée en France : au-delà, le dossier sera traité, mais pourra l’être « en procédure accélérée »
  • la notification de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) « par tout moyen » (notamment électronique) et pas seulement par courrier
  • la réduction d’un mois à 15 jours du délai de recours à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) et développement des audiences par vidéo (à distance)
  • l’éloignement (l’expulsion…) facilité pour certaines catégories de déboutés (ressortissants de pays d’origine sûre, réexamens…) puisque la décision prend effet avant que la CNDA ait tranché, sauf si le demandeur saisit le tribunal administratif
  • le demandeur débouté ne pourra plus solliciter un autre titre de séjour à la fin de la procédure d’asile « sauf circonstances nouvelles »
  • orientation des demandeurs d’asile région par région pour équilibrer leur répartition sur le territoire. S’ils n’y restent pas, ils perdent le droit à l’hébergement et à l’allocation.

Mais, dans le même temps, le projet prévoit aussi :

  • un échange d’information entre l’hébergement d’urgence et l’Ofii (Office français d’immigration et d’intégration) pour les demandeurs d’asile et les réfugiés
  • un titre de séjour de quatre ans, au lieu d’un an, pour les réfugiés « subsidiaires » (une extension du statut de réfugié) et apatrides
  • le renforcement de la protection des jeunes filles exposées à un risque d’excision
  • et pour les mineurs, l’extension de la réunification familiale aux frères et soeurs

Un volet intégration pour un projet « humaniste »

Pour « équilibrer » son projet, le gouvernement a prévu un volet « intégration », contenant déjà quelques dispositions :

  • extension du « passeport talent » à de nouvelles catégories
  • installation facilitée des étudiants chercheurs
  • dispositions protectrices sur le droit au séjour des victimes de violences conjugales

Des dispositions qui devraient être enrichies lors du débat parlementaire, grâce au rapport sur l’intégration commandé au député Aurélien Taché, qui plaide notamment pour plus d’heures de français et d’accompagnement vers l’emploi et le logement.

Sur l’intégration, un sujet « sensible, voire miné », le député LREM Aurélien Taché est parti d’un « constat unanime » : « l’insertion linguistique, économique et sociale des personnes que nous accueillons est insuffisante ».

Son rapport énumère donc 72 propositions « pour une politique ambitieuse d’intégration des étrangers arrivant en France », en privilégiant une approche « volontairement pragmatique », afin de « transformer en parcours d’intégration ce qui peut aujourd’hui parfois s’apparenter à un parcours du combattant ».

Le gouvernement « reprendra les grands axes des propositions », a d’ores et déjà assuré Edouard Philippe, reconnaissant que « notre pays n’est pas toujours à la hauteur de cette tradition » d’accueil.

R.F. (avec AFP)

Source : L’Obs

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