«Machines de propagande» : Facebook et Twitter censurent un article sur Joe Biden et son fils
Un article du New York Post, basé sur des emails présumés du fils du candidat démocrate américain, Hunter Biden, s’est vu restreint sur les deux plateformes, inquiètes de la provenance des informations. Le quotidien, lui, s’inquiète de cette censure.
Facebook et Twitter ont partiellement censuré ce 14 octobre un article du New York Post basé sur des emails présumés de Hunter Biden, fils du candidat démocrate américain, au sujet de ses affaires en Ukraine. L’accès à l’article depuis Twitter ainsi que son partage a tout simplement été bloqué, alors que Facebook a pudiquement fait savoir, comme le rapporte l’AFP, qu’il avait «limité la diffusion» du contenu afin de procéder à un fact-checking. Ce 15 octobre au matin, l’article était néanmoins accessible et pouvait également être partagé sur Facebook depuis la France.
Les révélations faites dans l’article s’avéraient potentiellement compromettantes pour Joe Biden, à quelques encablures de la présidentielle américaines. Le candidat démocrate fait l’objet d’accusations pour avoir prétendument aidé à mettre un coup d’arrêt à une enquête pour corruption impliquant son fils en Ukraine. Plus précisément, lorsqu’il était en poste, l’ancien vice-président de Barack Obama est accusé d’avoir conditionné une aide financière à l’Ukraine au renvoi du procureur ukrainien Viktor Chokine qui enquêtait sur le groupe gazier ukrainien Burisma, qui compte dans son conseil de surveillance Hunter Biden. Mais, alors que Joe Biden a toujours nié avoir évoqué les activités étrangères de son fils lorsqu’il était pouvoir, les emails présumés révélés par le New York Post, dont RT France n’est pas en mesure de vérifier l’authenticité, montreraient qu’il aurait été présenté par son fils à un représentant de Burisma.
Facebook et Twitter : des «machines de propagande» ?
Officiellement, les plateformes ont assuré avoir agi par inquiétude quant à la provenance des informations. Mais le quotidien à tendance conservatrice, très populaire aux Etats-Unis, ne l’entend pas de cette oreille. Dans un éditorial au vitriol baptisé Facebook censure le Post pour aider la campagne de 2020 de Joe Biden, il tonne : «Censurer d’abord, poser les questions ensuite : c’est une attitude scandaleuse pour l’une des plateformes les plus puissantes aux Etats-Unis.»
«Facebook et Twitter ne sont pas des réseaux sociaux. Ce sont des machines de propagande», accuse encore le New York Post, alors que le géant américain a récemment donné un tour de vis à sa modération en bloquant les partisans de la mouvance pro-Trump QAnon ou en censurant les propos révisionnistes, qui ne sont pourtant pas punis par la loi aux Etats-Unis.
Un employé de Facebook très démocrate
Tout est parti d’un tweet, le matin du 14 octobre, d’Andy Stone, directeur de communication de la politique de Facebook… et qui ne fait pas mystère, dans sa biographie sur Twitter, de ses allégeances démocrates. «Cet histoire est éligible au fact-checking par les partenaires tiers de Facebook […] En attendant, nous réduisons sa distribution sur notre plateforme», affirmait-il au sujet de l’article du New York Post.
While I will intentionally not link to the New York Post, I want be clear that this story is eligible to be fact checked by Facebook’s third-party fact checking partners. In the meantime, we are reducing its distribution on our platform.
— Andy Stone (@andymstone) October 14, 2020
Dans la foulée, ce sont les utilisateurs de Twitter qui se voyaient empêchés de partager l’article, que ce soit par tweet ou par message privé. Un simple clic sur la publication renvoyait en outre, toujours ce 15 octobre, vers une page d’erreur, spécifiant : «Le lien auquel vous essayez d’accéder a été identifié par Twitter ou nos partenaires comme étant potentiellement indésirable ou non sécurisé, conformément à la Politique en matière d’URL de Twitter.»
Trump épingle Biden
Si son entourage a fait savoir qu’aucune rencontre avec le représentant de Burisma, Vadym Pozharskyi, n’apparaissait sur «ses plannings officiels», Joe Biden est lui-même pour l’heure resté silencieux sur cet incident. Ce 15 octobre au matin, il préférait tweeter, entre deux messages à caractère plus politique… sur la «journée nationale du dessert».
Donald Trump, lui, ne s’est pas privé de réagir, alors que la campagne bat son plein aux Etats-Unis. Au même moment où son adversaire se mettait en scène autour d’une sucrerie, le président sortant publiait et épinglait une vidéo sur le réseau social, reprenant les informations du Post, et qualifiant de «dégueulasse» la décision de Twitter et Facebook.
Twitter plaide un manque de pédagogie
Le co-fondateur de Twitter, Jack Dorsey, s’est exprimé par la suite, jugeant «inacceptable» d’avoir bloqué ce contenu sans fournir à l’internaute de «contexte sur pourquoi nous le bloquons». Il a par ailleurs souligné une mauvaise communication de la part du réseau social… avant de renvoyer vers une justification du blocage du contenu.
Dans une série de messages, Twitter a ainsi expliqué que l’article sanctionné contenait des détails personnels obtenus sans permission, ce qui constituait une violation de sa politique en matière d’«informations privées» et de «distribution de contenu piraté».
Le New York Post, de son côté, fait valoir qu’il a bien spécifié la source de ses informations, comme le veut la déontologie journalistique : à savoir des emails retrouvés sur un ordinateur portable récupéré dans un magasin de réparation informatique dans le Delaware, depuis lors saisi par le FBI. L’ordinateur contenait par ailleurs un grand nombre d’éléments personnels sur Hunter Biden.
Déplorant que les deux réseaux sociaux aient voulu empêcher leurs utilisateurs de tirer leurs propres conclusions à la lecture de l’article, le quotidien new-yorkais souligne encore, dans son éditorial : «[Twitter et Facebook] n’ont rien fait pour restreindre l’accès à la récente histoire du New York Times sur les impôts du président Trump.» Basé là aussi sur des documents obtenus par le Times, cet article accusait le président américain de n’avoir payé que 750 dollars d’impôts fédéraux en 2016 et 2017. Une information qualifiée de «fake news» par ce dernier, mais qui n’avait pas fait l’objet de mesure de restriction particulière en matière de partage et de diffusion. Comme quoi la notion de «fake news», selon qui l’utilise, est toute relative…
Louis Maréchal